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Saga Clint Eastwood

Sudden Impact : le retour de l'inspecteur Harry (1983)


SUDDEN IMPACT : LE RETOUR DE L'INSPECTEUR HARRY
(SUDDEN IMPACT)

classe 4

Résumé :

Tandis qu’une artiste peintre victime de viol exerce une vengeance impitoyable sur ses agresseurs dix ans après les faits dans une petite ville de Californie, l’inspecteur Callahan, suspendu de ses fonctions à San Francisco par ses supérieurs, est envoyé dans la localité pour mener l’enquête. 

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Critique :

Et dire que le retour de l’inspecteur Harry à l’écran est dû à un sondage ! Alors que Warner Bros s’apprêtait à sortir Jamais plus jamais, qui marquait la résurrection de Sean Connery dans le rôle de James Bond, le studio demanda aux cinéphiles de nommer un personnage mythique qu’ils aimeraient voir réapparaitre. Eastwood et Dirty Harry furent tellement plébiscités que Warner se tourna vers l’acteur pour le solliciter à reprendre son célèbre Magnum.

Ce quatrième volet est le seul film de la saga réalisé par Eastwood lui-même et le moins qu’on puisse dire est qu’il frappe fort. Sudden Impact est en effet le plus noir et violent de la série et, sans être dans le même registre que Dirty Harry et Magnum Force, le film redonne au personnage d’Harry Callahan du punch et de la vitalité, qui lui faisaient un peu défaut lors du troisième opus, The Enforcer.

Les aficionados de l’acteur – mais aussi le cinéphile lambda - connaissent la phrase culte « Go ahead, make my day », qui est devenue synonyme de Callahan et qui fait partie de la culture américaine. La répartie était tellement populaire qu’elle fut reprise et immortalisée par le Président américain de l’époque, Ronald Reagan, lorsqu’il menaça d'utiliser son veto présidentiel pour empêcher la majorité démocrate au Congrès de voter une loi augmentant les impôts en 1985. En 2005, cette phrase fut classée sixième des répliques les plus mémorables de l’histoire du cinéma par l’American Film Institute. Sudden Impact est truffé de bons mots, mais «Go ahead, make my day »  a évidemment éclipsé les autres. Ainsi, dans cette même scène de la cafétéria et du café trop sucré, Callahan a quelques instants plus tôt stipulé aux truands qu’on n’allait pas les laisser partir, le ‘on’ étant pour « Smith and Wesson... and me. » Il y a aussi les longues tirades au voyou dans l’ascenseur (voir les informations complémentaires) et à son collègue, qui se conclut par un sarcastique : « Nobody, I mean NOBODY puts ketchup on a hot dog. ». Sans oublier le « Only with humans » qui ne passerait sûrement plus de nos jours et sur lequel on reviendra.

Le spectateur ne met pas beaucoup de temps à comprendre l’intrigue grâce à quelques flashbacks judicieux. Un tueur vicieux sévit à San Francisco et la police découvre que la dernière victime a séjourné à San Paulo, une petite ville côtière. Lorsque Callahan bouscule la presse et le maire dans son style habituel, il est expédié, comme mesure de discipline, à San Paulo afin de démêler l’affaire…avec ordre de ne pas se presser pour revenir ! Harry loin de Frisco, c’est l’originalité de l’histoire ! Sur place, il rencontre Lester Jannings (Pat Hingle), le chef de la police, pas très coopératif, et Jennifer Spencer (Sondra Locke), une artiste peintre énigmatique. Les crimes continuent avec le même modus operandi – une balle dans les valseuses et une autre dans la tête -, et Callahan découvre qu’il y a un lien avec la localité et que Jannings a un lourd secret vieux de dix ans sur la conscience. Armé de son nouveau joujou, Harry part en campagne contre les dégénérés ; un Magnum semi-automatique décrit par l’inspecteur en ces termes : « If properly used, it can remove the fingerprints. » [Correctement utilisé, il peut faire disparaître les empreintes.] 

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Le film se divise en deux parties bien distinctes : le quotidien de Callahan à Frisco puis son enquête dans une petite ville portuaire du nord de la Californie, où le policier délaisse ses costumes pour une tenue plus décontractée. Harry en flic de la grande ville catapulté dans un petit village est la surprise du film ; un endroit, où la loi règne différemment, où tout le monde se connait et les étrangers ne sont pas spécialement les bienvenus. Par cet aspect, Sudden Impact rejoint L’homme des hautes plaines en dépeignant une petite communauté à l’apparence paisible mais pourrie jusqu’à la moelle et tenue par un secret inavouable. Le parallèle est également marqué lors de l’apparition westernienne de Callahan dans l’obscurité au final, tel un vengeur surgi de nulle part. Une image culte sur une musique diabolique de Schifrin. Comme L’homme des hautes plaines ou Josey Wales, Sudden Impact est une affaire de vengeance, celle d'une jeune femme victime avec sa sœur d'un viol collectif d'une cruauté bestiale, et dans le final, Callahan prend le relais de Spencer en appliquant la loi du talion. L'histoire tient bien la route, les personnages, quoiqu'un peu caricaturaux, fonctionnent correctement et le film apparaît aujourd'hui comme l'épisode le plus sombre, le plus froid et le plus psychologique de la série. Néanmoins, on a quelques moments d’humour comme Callahan affublé d’un affreux chien pisseur et péteur, "Meathead", et l’inspecteur qui poursuit un truand au volant d’un bus d’une maison de retraite. Peut-être des signes annonciateurs du pathétique dernier opus.  

On retrouve, comme lors des trois opus précédents, des petites vignettes sans connexion avec la trame principale mais fort distrayantes. Callahan est ainsi aux prises avec une bande de truands qui n’ont pas apprécié d’être chahutés par l’inspecteur. Ils vont tenter de l’enflammer et ils finiront au fond de la baie. Il y a aussi le vieux mafieux qui clamse d’un arrêt cardiaque, le nez dans son assiette, après qu’Harry soit venu lui dire ses quatre vérités et le bluffer pendant un diner de famille. Une vendetta est à l’ordre du jour et les macchabées s’amoncellent et c’est la raison pour laquelle les supérieurs de Callahan sont ravis de l’éloigner de San Francisco.

L’interprétation est particulièrement convaincante et Sondra Locke produit de loin sa meilleure prestation dans un film avec Eastwood. Il était temps car le rôle de Jennifer Spencer est la sixième et dernière coopération avec l’acteur. Elle interprète parfaitement cette jeune femme meurtrie et assoiffée d’une vengeance aveugle mais calculée qu’elle dédie à sa sœur internée dans un état végétatif depuis les évènements tragiques. Paradoxalement, Locke joue les Bronson justiciers en jupon avec conviction laissant transparaitre la détermination mais aussi la vulnérabilité de son personnage. Vu ses prestations antérieures, on est ravi qu’elle ne ruine pas l’ensemble de l’histoire !

Les autres personnages sont également à la hauteur. Mick, joué par Paul Drake, est un psychopathe qui rappelle Scorpio et, malgré un temps assez limité à l’écran, il établit une présence déconcertante et troublante parfaitement crédible. On a en fait hâte que Callahan s’occupe de lui…. Il y a ensuite sa frangine, la répugnante et abjecte Ray Parkins, instigatrice du double viol, dans un rôle qui a dû marquer l’actrice Audrie J. Neenan, que je n’ai jamais vue ailleurs. Elle incarne la raclure de caniveau qui donne envie de vomir aussi bien dans ses actes que ses paroles. Harry a tout de suite cerné la personne à la première rencontre au bar, lorsqu’elle essaie de l’amadouer. La réponse du policier définit Ray Parkins : « Only with humans » (dans la VF : « Jamais avec les animaux »). Que cela soit par son langage ordurier ou par ses actions déplacées – saoule, elle tente une relation avec son frère -, elle mérite amplement les deux pruneaux que lui loge Jennifer Spencer. C’est aussi à cet odieux personnage qu’on doit une réplique des plus distinguées que je ne traduis pas de peur que Steed 3003 sorte le ciseau : « Why don't you suck my ass with a straw! »

Pat Hingle, qui avait déjà joué dans deux films avec Eastwood - Pendez-les haut et court (1968) et L'épreuve de force (1977) -, Bradford Dillman et Albert Popwell, habitué des Harry, complètent les rôles principaux. La musique jazzy de Lalo Schifrin et la photographie luxueuse de Bruce Surtees, particulièrement dans la nuit de la fête foraine déserte, bonifient le film, car tous les éclairages deviennent le prolongement des morceaux musicaux.

Clint Eastwood fait progresser son personnage, qui pense même à démissionner de la police afin de faire évoluer la loi à sa guise, comme il le confie à Horace King. Une réminiscence du final de Dirty Harry dans lequel il lance son insigne, mais il préfère finalement rester dans les forces de l’ordre, ce qui lui permet de faire justice comme il l’entend. Ainsi, lorsque le capitaine Briggs lui reproche sa conduite envers le mafieux, Callahan rétorque que celui-ci s’en serait sorti d’une façon ou d’une autre et que son action a économisé un peu d’argent aux contribuables. Le final est également éloquent car en laissant Jennifer Spencer libre, l’inspecteur estime que justice a été rendue. Le film prend clairement le parti de la jeune femme, le message étant que ses crimes sont justifiés. Par contre, le fait que Jennifer succombe à Callahan est à mon avis du superflu…Briggs se trompe en pensant que les idées du policier ne correspondent plus au monde d’aujourd’hui – « You're a dinosaur, Callahan. Your ideas don't fit today » – car elles sont au contraire toujours plébiscitées trente ans plus tard par un grand nombre de gens désespérés par l’impuissance de la justice à éradiquer la criminalité.

Alors qu’il se démarquait ostensiblement des vigilantes dans Magnum Force, Eastwood prend le contre-pied des critiques en faisant flirter son personnage avec l’autodéfense. Lors de la promotion du film, l’acteur-réalisateur, peut-être déjà en campagne pour la mairie de Carmel, déclara : « Je pense que le public est intéressé par la justice, et c'est ce que Harry représente. Il est unique parce qu'il se tient aux mêmes principes depuis le début, quand ce n’était pas très à la mode ... Les gens sont agacés sur les droits des criminels qui prennent le pas sur ceux des victimes. Ils deviennent plus intransigeants avec les procédures judiciaires et les retards juridiques ». Une déclaration qui n’a pas pris une ride plus de trente ans plus tard…

Sudden Impact enregistra le plus gros succès de la série des Dirty Harry et il a été estimé que l’acteur empocha trente millions de dollars de gain pour ce film. Les critiques furent dans l’ensemble positives et beaucoup soulignèrent le côté féministe à travers les explorations des conséquences physiques et psychologiques du viol. Dans cette quatrième aventure de l’inspecteur, l’acteur/réalisateur a préféré mettre en scène une histoire sordide plus proche du quotidien, ce qui en décuple la violence et met le spectateur mal à l’aise. L’intrigue n’est pas axée sur le suspense, car on connaît rapidement qui est l’assassin, mais sur un message que le réalisateur veut faire passer. Jugé par certains bien-pensants comme un film de justicier réactionnaire, Eastwood, au contraire, dresse dans Sudden Impact un plaidoyer sans équivoque sur le laxisme de la justice et de l’administration gangrénées par la corruption et l’inefficacité. 

Anecdotes :

  • Le film sortit le 9 décembre 1983 (la veille à New York) et le 22 août 1984 en France, où il fut interdit aux moins de douze ans.

  • Sudden Impact fut tourné exclusivement en Californie durant le printemps et l’été 83 : San Francisco, Santa Cruz (qui représente San Paulo) et Monterey. La fameuse scène ‘Make my day’ fut tournée au restaurant Burger Island de San Francisco qui est devenu un McDonald’s. La scène dans laquelle Callahan poursuit le voleur dans le bus de retraités fut tournée autour du Pacific Garden Mall à Santa Cruz. Cette zone a été lourdement frappée lors du tremblement de terre d’octobre 1989. La plupart des bâtiments vus dans cette scène ont dû être rasés, en raison des dégâts subis.   

  • A l’origine, le script avait été écrit pour Sondra Locke et l’histoire n’impliquait pas le célèbre policier. Elle le montra à Eastwood pour savoir ce qu'il en pensait et ce dernier le trouva parfait pour un Inspecteur Harry. Après quelques retouches, il promit à sa compagne le premier rôle féminin. Dean Riesner fut engagé pour réécrire le scénario, mais il fut finalement remercié et remplacé par un inconnu, Joseph Stinson. Il coûta moins cher à Eastwood et Fritz Manes, le producteur, tripla le salaire de Locke.

  • Albert Popwell a joué dans quatre des cinq Dirty Harry. Il interprète ici Horace King, un ami de Callahan. Il est le pilleur de banque de L’inspecteur Harry, à qui le policier demande : « Do you feel lucky? », le maquereau sadique dans Magnum Force et  Mustapha, le leader des militants noirs, dans L’inspecteur ne renonce jamais.

  • Bradford Dillman est le capitaine McKay dans L’inspecteur ne renonce jamais. Il est ici le capitaine Briggs, ce qui amène une certaine confusion, car un dénommé lieutenant Briggs, joué par Hal Holbrook, est l’instigateur des escadrons de la mort dans Magnum Force.

  • Le carrousel de Santa Cruz, où se déroulent plusieurs scènes du film, dont les flashbacks et le final, fut classé monument historique national en 1987.

  • Lorsque Clint Eastwood fit sa campagne pour devenir maire de Carmel en 1986, il utilisa le slogan : "Go Ahead - Make Me Mayor".

  • Dans son enquête de septembre 2014 concernant les films de cinéma les plus regardés par les Français entre 1989 et 2014 lors de leur diffusion à la télévision française, Médiamétrie indique que le film avait été vu par 13,22 millions de téléspectateurs le 22 septembre 1991 ; il arrivait donc en 20e position de la liste (source : wikipedia).

  • En sept ans, de 1976 à 1983, de Josey Wales à Sudden Impact, Sondra Locke tourna dans six films avec Clint Eastwood. L’actrice n’avait rien tourné de notable avant de connaitre Eastwood et elle ne tournera plus rien de transcendant après la rupture avec l’acteur.

  • La longue réplique de Callahan au truand dans l’ascenseur: « Listen, punk. To me you're nothin' but dogshit, you understand? And a lot of things can happen to dogshit. It can be scraped up with a shovel off the ground. It can dry up and blow away in the wind. Or it can be stepped on and squashed. So take my advice and be careful where the dog shits ya!”[«Ecoute, pouilleux. Pour moi, tu es rien qu’une merde de chien qui s'étale sur un trottoir. Et tu sais ce qu'on fait d'une merde de ce genre ? On peut l'enlever soigneusement avec une pelle, on peut laisser la pluie et le vent la balayer ou bien, on peut l'écraser. Alors, si tu veux un bon conseil d'ami, choisis bien l'endroit où on te chiera !]

  • À la suite du décès de Jerry Fielding (qui avait composé la musique du troisième volet) en 1980, la production renouvelle sa collaboration avec Lalo Schifrin pour composer la musique du film. La chanson This Side of Forever est interprétée par Roberta Flack, sur une musique de Lalo Schifrin et des paroles de Dewayne Blackwell. La chanson n'est pas présente sur les bandes originales commercialisées (source : wikipedia).

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