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Beau-PèreNotre histoire

Saga Bertrand Blier

La femme de mon pote (1983)


LA FEMME DE MON POTE

classe 4

Résumé :

Micky, disc-jockey à Courchevel, tombe amoureux de Viviane, la nouvelle petite amie de Pascal, son meilleur copain, un marchand de vêtements de sports d'hiver. Viviane est une aventurière volage qui ne tarde pas à faire des propositions explicites à Micky. Tiraillé entre son attirance pour la belle et vénéneuse Viviane et son amitié pour Pascal, Micky pourra-t-il résister à la tentation ?

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Critique :

Cette incursion dans le domaine du huis-clos est une splendide réussite, un des meilleurs films de Bertrand Blier, que je considère comme un petit chef-d’œuvre. Certes, ce n'est pas un huis-clos parfait. L'action se déroule intégralement à la station de Courchevel, mais pas en totalité dans le chalet de Pascal. Certaines scènes ont lieu chez Micky ou en boîte de nuit. Néanmoins, on peut tout de même considérer qu'il s'agit bel et bien d'un huis-clos car la structure narrative, basée presque exclusivement sur les trois personnages principaux, en possède toutes les caractéristiques.

Le danger avec ce style, c'est l'enlisement, le risque de tourner en rond et que l'ennui s'installe. Bertrand Blier a su éviter cet écueil de façon magistrale. Au contraire, l'histoire est captivante de la première à la dernière seconde.

S'appuyant sur l'interprétation absolument sensationnelle du trio d'acteurs principaux, Blier rend son œuvre passionnante grâce à une étude fouillée des caractères de ses personnages et de l'évolution de leurs rapports.

Comme toujours avec ses plus grandes réussites, le scénario est parfaitement linéaire, clair, limpide, il se déroule comme une évidence tel du papier à musique. Le génie de la simplicité, couplé avec des dialogues comme d'habitude ciselés et incisifs.

Pascal (Thierry Lhermitte) a tout pour être heureux : un chalet, un superbe magasin de vêtements à Courchevel, de l'argent et un physique de séducteur. Il a toutes les femmes qu'il désire mais n'arrive pas à les conserver. Un soir, il rencontre Viviane, une jeune aventurière de passage à Courchevel. Viviane va et vient à travers la France au gré de ses rencontres. Sans être une prostituée, elle vit essentiellement des largesses de ses amants, mais n'est pas attachée aux biens matériels. Tout ce qu'elle possède est dans sa voiture, comme elle le dit elle-même.

Pascal a peur qu'elle s'en aille et demande à son ami Micky de lui tenir compagnie pendant qu'il s'occupe de son magasin. Justement, Micky est libre en journée puisqu'il est disc-jockey. Il n'a pas un physique de jeune premier avec ses kilos en trop, pas d'argent non plus et pas de femme. Difficile de trouver amis plus dissemblables que Pascal et Micky. Ce qui devait arriver arrive : l'amitié de Pascal commence à peser trop lourd pour Micky...

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Viviane ne se préoccupe guère du physique de ces messieurs. Du moment qu'elle écarte les cuisses et qu'elle est logée et nourrie sans travailler, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. En plus de son physique avantageux, bien mis en valeur par ses jupes sexy, c'est sans doute son côté vénéneux qui attire Micky. Pour un homme normalement constitué, qu'y a-t-il de plus désirable qu'une belle garce ? De toute façon, Micky s'éprend de toutes les femmes qui défilent chez Pascal, et Viviane ne va pas faire exception.

Coluche est épatant dans ce rôle taillé sur mesure. Il faut le voir dans une des meilleures scènes du film : seul et accoudé à un comptoir, une bière devant lui, lunettes noires et chapeau vissé sur la tête, il réfléchit à haute voix sur les avantages et les inconvénients d'une aventure éventuelle avec Viviane. Il finit par se juger dégonflé et de ce fait condamné à rester toute sa vie un type bien !

Mais la tentation est trop forte. Notre Micky amoureux se retrouve au lit avec l'allumeuse, avant d'être rongé par le remords. Il sombre dans la dépression et est accueilli au chalet de Pascal, qui semble ne rien comprendre, ne pas se douter le moins du monde de ce qui se prépare.

Voir Thierry Lhermitte à Courchevel en patron de magasin de vêtements, voilà qui rappelle les bons souvenirs du Splendid et des Bronzés font du ski. Justement, Lhermitte est tout aussi excellent dans ce rôle d'ahuri pas trop intelligent que dans celui de Popeye. Même Viviane, qui est loin d'être une lumière, fait remarquer à Pascal sa bêtise, après une de ses réflexions inconscientes.

A vrai dire, on se demande s'il est réellement bête ou s'il fait semblant, histoire de se livrer à une sorte de jeu sadique avec son ami. Mais il est réellement naïf, jusqu'au jour où il découvre la vérité et va alors se montrer féroce envers Micky, le revolver qu'il lui offre à son retour de Paris étant lourd de signification. Heureusement, ce temps ne durera pas, et l'amitié reprendra vite le dessus.

On assiste à de superbes numéros de Coluche en dépressif casse-pieds. Excédé, Pascal suggère qu'il lui faudrait une gentille petite femme, le meilleur des remèdes. Et comme de juste, lorsque Pascal part une semaine pour Paris et que Micky et Viviane s'en donnent à cœur joie, le dépressif Micky se retrouve vite guéri...

Viviane affirme à Micky qu'elle le préfère à Pascal. Problème : comment annoncer la chose à son ami ? Micky n'ose pas, mais comme Pascal a tout découvert, les relations deviennent tendues, d'autant plus qu'un quatrième larron vient jouer les intrus.

Coluche et Lhermitte sont formidables, mais Isabelle Huppert ne l'est pas moins. Quelle merveille ! Elle symbolise la femme facile, l'infidèle, la garce parfaite, jusque dans la gestuelle, avec sa façon nonchalante de se mouvoir, de marcher en traînant les pieds lorsqu'elle passe sans complexe d'un amant à l'autre. En somme, l'amante sans complexe ni pudeur.

La Femme de mon Pote est non seulement une comédie très drôle, notamment de par le jeu comique d'un Coluche en grande forme malgré ses problèmes personnels de l'époque, mais aussi une histoire fine et tendre, avec trois personnages particulièrement attachants dans leurs genres différents.

OK, Viviane est une traînée, une pas-grand-chose, mais elle sait aussi donner de l'affection. C'est une garce, mais gentille, voilà l'expression adéquate, une gentille garce. Quant à ses deux amants, ils dévoilent facilement leurs doutes et leurs faiblesses, qui les rendent tellement humains. Aucun des deux n'est prêt à renoncer à Viviane, mais ils tiennent coûte que coûte à préserver leur amitié, d'où une partie difficile à jouer.

Une question peut se poser : qu'aurait donné le film s'il avait été interprété par les acteurs envisagés à l'origine ? Si Coluche était prévu pour le rôle de Micky, qui lui va comme un gant, c'est Patrick Dewaere qui devait incarner Pascal et Miou-Miou jouer Viviane.

Les performances du trio final sont tellement époustouflantes qu'il est difficile de concevoir un meilleur résultat avec d'autres comédiens. Isabelle Huppert et Miou-Miou sont deux excellentes actrices, et Huppert se montre aussi convaincante en garce absolue que Miou-Miou le sera dans Tenue de Soirée.

Patrick Dewaere dans le rôle de Pascal, voilà qui me laisse circonspect. Malgré des faiblesses évidentes, Pascal est tout de même le dominant dans son amitié avec Micky. Or, Dewaere était plus un interprète de personnages dominés, à la limite on l'aurait plus vu dans le personnage tourmenté de Micky. Cependant, on sait aussi qu'il était capable de tout jouer.

Un mot sur les rôles secondaires, peu nombreux du fait de la structure en huis-clos. On peut mentionner le toujours impeccable François Perrot en médecin et Farid Chopel en loubard, rien que d'habituel pour ces deux comédiens.

La bande musicale ne manque pas d'attraits avec les chansons de J.J. Cale, qui tranchent par rapport aux musiques habituelles des films de Blier, axées sur le classique et le jazz. On a quand même droit à un peu de Mozart. Mozart et J.J. Cale, un cocktail singulier mais savoureux.

La conclusion scelle la perfection du film. Parfois une faiblesse chez Bertrand Blier, ici elle s'avère magnifique et émouvante, avec les regrets exprimés par Pascal et Micky après le départ de Viviane. Nos deux amis ignorent que leur bien-aimée est revenue et écoute leur conversation à leur insu, émue jusqu'aux larmes lorsqu'elle découvre l'étendue de leur amour pour elle.

Anecdotes :

  • Le scénario était inspiré par la vie réelle puisqu'à l'époque Coluche vivait avec l'ancienne amie de Patrick Dewaere. Après la mort de ce dernier, le comique a longuement hésité avant de maintenir sa participation, mais Paul Lederman, son impresario, tenait absolument à ce qu'il tourne avec Bertrand Blier. Quant à Miou-Miou, ancienne compagne de Dewaere, elle a préféré annuler, craignant que le tournage ne lui rappelle trop de souvenirs douloureux.

  • Les décors enneigés de la station de Courchevel créent une atmosphère particulière, un parfum de Noël et de fêtes bien agréable.

  • Avec près d'un million et demi de spectateurs, La Femme de mon Pote constitue la meilleure performance de Bertrand Blier au box-office depuis Les Valseuses, et reste à ce jour son quatrième meilleur score.

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