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Buffet froidLa femme de mon pote

Saga Bertrand Blier

Beau-père (1981)


BEAU-PÈRE

classe 4

Résumé :

Après la mort accidentelle de sa mère, Marion, une adolescente de quatorze ans, va vivre chez son père, un riche tenancier de boîte de nuit. Mais la jeune fille aurait préféré demeurer avec son beau-père Rémi, un dépressif alternant chômage et petits boulots. Marion ne tarde pas à revenir chez Rémi et son père, mis devant le fait accompli, finit par céder. C'est alors que Marion annonce à son beau-père qu'elle est amoureuse de lui...

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Critique :

Dans la lignée de Préparez vos mouchoirs, Bertrand Blier aborde un nouveau sujet au parfum de dynamite. Cette fois-ci, c'est une jeune fille de quatorze ans qui tombe amoureuse de son beau-père., avec qui elle vit depuis la mort de sa mère. Après un long jeu du chat et de la souris, dû à l'embarras et aux scrupules de Rémi, qui pense sans arrêt à sa défunte compagne, la souris Rémi finit par céder aux avances du chat Marion.

Bien entendu, les détracteurs habituels de Blier n'ont vu dans cette histoire que de « l'inceste ». Objectivement, ceci est faux. En effet, il n'y a aucun lien de parenté, autre que par alliance, entre Marion et Rémi, donc pas d'inceste. Et le sujet a été traité avec suffisamment de précautions, de délicatesse pour ne pas être choquant.

Il est vrai que la plupart de ceux qui ont crié au scandale n'ont probablement pas vu le film, rebutés d'office par la perspective d'assister à une aventure sexuelle entre un homme et sa belle-fille, qui plus est âgée de quatorze ans, âge estimé trop jeune pour se livrer à des jeux amoureux. Ils n’ont donc pas pu juger de la manière dont l'histoire se déroule.

Pas de sexe scabreux ici, pas de beau-père prédateur qui reluque sa belle-fille avec envie, le regard brillant de luxure. Au contraire, il s'agit d'un des rares films de Bertrand Blier sans aucune simulation d'actes sexuels. Ce n'est sûrement pas un hasard si c'était la même chose dans Préparez vos mouchoirs. Si on pouvait montrer sans complexe des scènes osées lorsqu'il s'agissait de Jean-Claude et Raoul avec leur shampouineuse des Valseuses, ou de Marielle et Rochefort aux prises avec une multitude de femmes en chaleur dans Calmos, la prudence était préférable dans des films traitant d'amour entre des personnes de grande différence d'âge. Insister sur les aspects sensuels et amoureux était de toute évidence la bonne méthode.

On assiste donc à une histoire d'attirance, puis d'amour que les convenances de la société empêchent, a priori, de concrétiser. Deux êtres irrésistiblement attirés l'un par l'autre, mais qui devront patienter et vivre de multiples péripéties avant qu'enfin, Rémi finisse par répondre aux avances de la jeune fille.

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Ariel Besse, pour son premier rôle au cinéma à l'âge de quinze ans, est excellente dans le rôle de Marion. Une vraie révélation, et on ne peut que regretter qu'elle n'ait pas fait carrière sur le grand écran, préférant le monde plus confidentiel du théâtre. Sa beauté naturelle, son caractère ingénu, la perfection de son jeu face à un Patrick Dewaere toujours au top, sont pour beaucoup dans la réussite du film.

La composition de Maurice Ronet constitue une fameuse surprise. On s'attendait à le voir développer un rôle de « fort », dont il a l'habitude, et donc à ce qu'il écrase le traditionnel « faible » Patrick Dewaere. Le scénario semble s'orienter sur cette voie, avant de prendre la direction inverse, jusqu'à ce que Ronet devienne presque une mauviette dans le personnage du père de Marion.

On croyait avoir affaire à un patron de boîte de nuit cassant et sûr de lui, et on découvre un alcoolique faible et désemparé, incapable de réagir lorsqu'il soupçonne la vérité. La scène, sans doute la plus intéressante en dehors des duos Dewaere-Besse, se déroule lorsqu'il se rend dans la nouvelle maison délabrée de Rémi, espérant y trouver sa fille à son retour de Courchevel. Les deux amants font de telles têtes de coupables à ce moment-là qu'il finit par avoir des doutes, mais accepte sans sourciller les dénégations outragées de Rémi.

Les rôles secondaires, pour la plupart consistants, sont dominés par la prestation particulièrement réussie de Maurice Risch en contrebassiste ami de Rémi. Nicole Garcia ne joue qu'une seule scène puisque son personnage, la mère de Marion, disparaît aussitôt. Est-ce fait exprès, mais elle n'est pas spécialement présentée sous un jour sympathique...

Du côté de la mise en scène, il apparaît dès le début du film une évolution notable du style de Bertrand Blier, évolution annonciatrice de la seconde partie de sa carrière. Les personnages racontent eux-mêmes leur histoire, dans le cadre où ils la vivent ou l'ont vécue. Dewaere à son piano, Maurice Risch et son épouse à leur domicile où ils hébergent Dewaere.

Cette innovation ne m'emballe pas, et je serai heureux lorsque Blier l'abandonnera, mais provisoirement, comme par hasard dans les meilleurs de ses films qui suivront.

Autre relative déception, la partie finale avec l'aventure entre Patrick Dewaere et Nathalie Baye, à un moment où le film, un peu trop long, s'enlise dans les temps morts. J'avoue que je n'ai jamais beaucoup apprécié Nathalie Baye, et j'ai du mal à concevoir que Rémi puisse préférer cette Charlotte, pianiste plutôt bourgeoise, à la divine Marion, si jeune, si fraîche et si spontanée.

Toujours est-il que Rémi finit avec Charlotte, dans une sorte d'écho, de liaison entre la première scène du film, où il est en couple avec Martine, la mère de Marion, et la scène finale où il s'installe chez sa nouvelle conquête. Et entre-temps, l'essentiel de l'histoire, la genèse et la concrétisation de l'aventure avec Marion.

En guise de dernières images avant le générique de fin, quelques gros plans ostensibles sur la petite fille de Charlotte, qui a déjà l'air d'être jalouse de sa mère. Sans doute un petit clin d’œil, le présage d'une future histoire d'amour entre Rémi et une autre belle-fille...

Si les quelques temps morts et certains détails de mise en scène contestables constituent autant de bémols empêchant Beau-Père d'atteindre le niveau stratosphérique des « grands » films de Bertrand Blier, cette œuvre demeure solide grâce à de puissants fondamentaux C'est bel et bien la trouble relation entre Marion et Rémi, la façon dont elle naît puis évolue, qui sont les incontestables points forts de cette attendrissante histoire.

Anecdotes :

  • Dans le registre des actrices adolescentes, Ariel Besse est vite apparue comme une rivale potentielle pour Sophie Marceau, à qui on avait proposé le rôle de Marion et qui l'avait refusé, le jugeant trop difficile à tenir. Dommage qu'Ariel n'ait pas persisté dans le cinéma car je la préférais nettement à Sophie, du point de vue artistique et plus encore sur le plan physique.

  • Maurice Risch ne fait que de la simulation à la contrebasse. En réalité, c'est Stéphane Grappelli qui joue.

  • En début de film, Rémi lit Le Lotus Bleu, une aventure de Tintin et Milou.

  • On voit nettement que Patrick Dewaere et Maurice Ronet sont doublés dans la bagarre qui les oppose.

  • Le tournage s'est déroulé dans les Hauts-de-Seine, à Sèvres, Saint-Cloud et Ville-d'Avray.

  • La Boston Society of Films Critics Awards a attribué le prix du meilleur film étranger à Beau-Père en 1982. Après Préparez vos mouchoirs, c'est la seconde fois que Blier est récompensé par l'intelligentsia américaine pour un film à thème sulfureux.

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