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Indomptable AngéliqueAngélique du pire au meilleur

Saga Angélique

Angélique et le Sultan (1968)


ANGÉLIQUE ET LE SULTAN

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Résumé :

Le navire du Rescator rattrape celui de D’Escrainville, à qui Joffrey fait subir une mort cruelle. Mais le flibustier a eu le temps de vendre Angélique, désormais détenue dans le harem du Sultan de Mikenez. Joffrey va devenir esclave en Alger pour pouvoir la rejoindre. Malgré les efforts de l’eunuque Osman Ferradji, Angélique refuse obstinément de se donner au Sultan, quitte à subir le fouet. Elle doit également faire face à des tentatives de meurtre ourdies par la favorite du monarque. Angélique parvient à s'enfuir en compagnie de Colin Paturel et du Comte de Vanville, mais la petite troupe est rattrapée. Colin est tué et Angélique perd connaissance. Heureusement Joffrey l'a entre-temps troquée contre ce qu'il présente comme le secret de la pierre philosophale et Angélique se réveille à bord du vaisseau de son mari, enfin retrouvé.

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Critique :

Angélique et le Sultan ne fait malheureusement que prolonger les défauts aperçus lors de l’opus précédent. On mettra certes à son crédit de belles vues de la Tunisie, de plus agrémentées par la découverte de divers sites architecturaux de ce magnifique pays. Mais, quoi que cet aspect soit davantage développé que lors d’Indomptable Angélique, il n’apporte plus guère d’effet de surprise, la nouveauté de l’orientalisme succédant à la peinture du grand siècle s’étant désormais émoussée.

 De plus, si l’élément naval nous fournit encore une bataille en début de film, celle-ci résulte encore plus vite expédiée que précédemment. On lui doit cependant la scène demeurant à nos yeux la plus marquante du film : la mort cruelle de D’Escrainville, lié à la tombe flottante qu’est devenu son navire, grâce à une nouvelle étonnante composition de Roger Pigaut.

Malheureusement, pour le reste il reste bien peu à sa mettre sous la dent. L’intrigue principale débute par un énième enlèvement et embarquement forcé d’Angélique, péripétie que l’on nous avait déjà servie à satiété précédemment. Elle débouche sur un interminable surplace, son unique moteur se résumant au refus réitéré d’Angélique de céder au Sultan. Tout ceci n’est que prétexte à accumuler les scènes graveleuses ou brutales, toujours exhibitionnistes (combat de femmes, chaines, fouet, marquage au fer rouge…).

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La Marquise se voit continuellement réduite à l’impuissance, se contentant de subir les diverses stations de son calvaire, toujours plus loin dans la dégradation. Quel contraste avec Angélique et le Roy, où la Marquise des Anges se voyait pareillement confrontée au désir d’un monarque tout puissant, mais où sa liberté préservée lui permettait d’en jouer avec panache et esprit. Ce côté moderne d’Angélique composa le sel de ses aventures, faisant frissonner le public de la France du Général. Y avoir renoncé à ce point constitue un contresens absolu. Par ailleurs on ne croit pas un seul instant à cette histoire d’un Joffrey devenant esclave pour mieux approcher le Sultan et qui demeure de toute façon  périphérique.

Tous ces éléments se voient narrés avec une telle lourdeur, malgré la musique toujours superbe de Magne, que l’on se dit que le navire du Rescator n’aborde non pas le littoral du Maroc, mais bien davantage les rutilants et miroitants rivages du Nanarland. Les dialogues sont à l’avenant, la motivation de Pascal Jardin ayant clairement fondu au soleil, tandis que Benard Borderie semble avoir épuisé son énergie créatrice, alignant des plans guère imaginatifs. Tout ceci respire l’épuisement et la fin d’un cycle. Aussi héroïque qu’Angélique, Michèle Mercier ne mégote pas son énergie afin de dynamiser l’ensemble du film, mais en pure perte. 

Le côté nanardesque du film se voit parachevé par les seconds rôles, en premier lieu l’ineffable eunuque interprété par un Jean-Claude Pascal maquillé à la truelle et totalement hors sol, dont la composition relève davantage des cabarets parisiens. Grâce à l’indéniable présence d’Aly Ben Ayed, le Sultan s’en sort mieux, mais le personnage charrie malheureusement les mêmes clichés que jadis l’émissaire du Shah de Perse, encore davantage étalés. L’apparition d’un sympathique Jacques Santi jailli des Chevaliers du Ciel alors en pleine diffusion ajoute à l’ensemble la touche amusante qui va bien. Par contre on regrettera la mise à mort inutile de Colin, absente du roman et insérée ici afin de susciter un effet facile.

Soyons clairs : nous aimons les Nanars. Leur folie chamarrée et leur premier degré absolu nous divertissent souvent franchement, à l’inverse des pâles et ternes navets. Mais en conclusion d’une saga de cinq opus, dont les trois premiers furent remarquables, nous étions en droit d’espérer un film de la même eau. Il y a un temps pour tout. Le plus triste demeure la réunion finalement très expéditive de Joffrey et Angélique. Les films les auront fait se retrouver bien plus rapidement que les romans, mais pour ensuite les maintenir séparés jusqu’au bout, un procédé aussi frustrant que trop prolongé. 

Anecdotes :

  • En France, le film enregistra 1 780 555 entrées, ce qui le place à la vingt-deuxième place du box-office 1968. Le trio de tête se compose cette année-là du Livre de la Jungle (14 695 741 entrées), du Gendarme se marie (6 828 626) et de Le Bon, la Brute et le Truand (6 319 405).

  • Le film demeure un triple production internationale, française, italienne et allemande. Colin Paturel est ici incarné par un acteur allemand Helmuth Schneider. Il est doublé par Mac Cassot, grand spécialiste de l’exercice, qui assura notamment la voix de Dumbledore dans les Harry Potter et celle de Bilbo le Hobbit dans les adaptations de Tolkien réalisées par Peter Jackson.

  • Indomptable Angélique et Angélique et le Sultan furent tournés simultanément, afin d’alléger les coûts de production. L’action est donc également filmée à Sidi Bou Saïd, en Tunisie. Cette station balnéaire située entre Carthage et la Baie de Tunis, aux nombreuses demeures luxueuses de style arabo-musulman, fut très prisée dès le XIXe siècle. De nombreuses personnalités s’y rendirent sous l’influence du Baron d’Erlanger, grand orientaliste qui y construisit un palais, devenu celui du

  • D’autres sites tunisiens sont visibles, tel le ribat de Monastir (le palais du Sultan) ou l'amphithéâtre romain d'El Jem, où Colin fait face au tigre.

  • Incarné par Aly Ben Ayed, importante figure du théâtre tunisien, Moulay Ismaïl ben Chérif fut le sultan alaouite du Maroc, de 1672 à 1727. Il est le fils du fondateur de cette dynastie existant encore aujourd’hui. Son long règne fut une période d’apogée pour la puissance marocaine, connaissant de nombreux succès militaires sur les ottomans installés à Alger et sur les Européens, même s’il échoue à reprendre Ceuta aux Espagnols. Souvent comparé à louis XIV, il fit de Meknès sa capitale (ici désignée comme « Mikenez ») et y fit lui aussi bâtir un immense et luxueux palais, le Dâr-al-Makhzen.

  • L’érosion au box-office aidant, ainsi s’achèvent les aventures cinématographiques de la Marquise des Anges. Un temps envisagé, un sixième opus, Angélique la Rebelle (qui aurait correspondu au roman Angélique se révolte), est abandonné.

  • Dans les romans, Angélique parvient en France via l’enclave espagnole de Ceuta. Elle y fera face, dans des circonstances particulièrement tragiques, aux dragonnades menées contre les Protestants, l’une des grandes ombres du règne du Roi-Soleil. Après avoir gagné Bordeaux en compagnie d’autres révoltés, elle embarque à destination du Nouveau Monde, à bord du vaisseau du Rescator, en qui elle reconnaît enfin Joffrey de Peyrac. Réunis, Joffrey et Angélique connaîtront encore de nombreuses aventures et mésaventures au Canada français, avant de se voir réhabilités par Louis XIV.

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