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 saison 3Saison 5

Supernatural

Saison 4

1. La Main de Dieu (Lazarus Rising)

2. Anges et Démons (Are You There, God? It's Me, Dean Winchester)

3. Au commencement (In The Beginning)

4. Métamorphose (Metamorphosis)

5. Film d’épouvante (Monster Movie)

6. Le Mal des fantômes (Yellow Fever)

7. La Légende d’Halloween (Its the Great Pumpkin, Sam Winchester)

8. Le Puits aux souhaits (Wishful Thinking)

9. Souvenirs de l’au-delà (I Know What You Did Last Summer)

10. Disgrâce (Heaven and Hell)

11. Entre les murs (Family Remains)

12. Comme par magie (Criss Angel Is A Douchebag)

13. L’Esprit vengeur (After School Special)

14. Le Venin de la sirène (Sex and Violence)

15. De l’autre côté (Death Takes a Holiday)

16. Le Premier Sceau (On the Head of a Pin)

17. Nés pour chasser (It's a Terrible Life)

18. Le Prophète (The Monster at the End of This Book)

19. Trois Frères (Jump the Shark)

20. Le Pénitent (The Rapture)

21. Le Diable au corps (When the Levee Breaks)

22. Le Réveil de Lucifer (Lucifer Rising)

 


1. LA MAIN DE DIEU
(LAZARUS RISING)

Scénario : Eric Kripke

Réalisation : Kim Manners

- Dean. Your chest was ribbons. Your insides were slop. And you've been buried four months. Even if you could slip outta Hell and back into your meatsuit...

- I know. I should look like a Thriller video reject.

Résumé :

Quatre mois après son horrible trépas et sa chute en Enfer (cf. épisode précédent), Dean Winchester se réveille, vivant, et le corps intact dans sa tombe. Après s’être dégagé, il retrouve la trace de Bobby et Sam (alors prenant du bon temps avec une jolie fille) et enquêtent sur l’identité de l’entité ayant réussi à accomplir un tel prodige. Ils vont aller de surprises en surprises…

Où vous n’aurez plus envie d’appeler votre cher(e) et tendre « mon ange ».

La critique de Clément Diaz : 

L’ouverture de cette quatrième saison se tenait face à un défi : comment légitimer la résurrection de Dean ? Eric Kripke y parvient haut-la-main avec une enquête palpitante parsemée de révélations tonitruantes développant deux arcs de la saison promettant énormément ; mais le récit sait ne pas sacrifier le relationnel, plus que jamais le cœur de cette série. Si le retour gagnant d’un réjouissant personnage à la personnalité encore mystérieuse nous ravit, c’est bien entendu pour la spectaculaire entrée en scène de Castiel, porté par un magnétique Misha Collins déjà en pleine possession de ce rôle fascinant que l’épisode frappe d’entrée un coup massif.

Les sept premières minutes de l’épisode recèlent la substantifique mœlle du talent monstrueux de Kim Manners. Sans presque aucun dialogue, il nous fait partager l’état de choc, l’incompréhension, la faiblesse, de Dean lors de sa résurrection, d’une manière certes proche de la fameuse scène du cercueil de Kill Bill 2 mais aussi du début de la saison 6 de Buffy. Si l’on peut préférer le contenu plus horrifique des modèles, la caméra de Manners, très lente, presque fixe nous fait plonger dans un temps presque arrêté, inquiétant. Par suite, les scénaristes montrent qu’ils n’ont rien perdu de leur virtuosité en rendant les scènes de retrouvailles aussi comiques (Bobby et Sam tentant chacun de tuer Dean) qu’émouvantes (la réalisation de l’incroyable vérité). Le numéro d’adresse de Kripke est de concilier un tempo beaucoup plus retenu que l’habitude de la série pour nous faire rentrer dans la tête de nos personnages ici beaucoup plus sonnés qu’à l’ordinaire, et une succession démente de scènes-chocs, chacune imprimant une force horrifique ou menaçante.

À ce titre, la double crémation oculaire se montre particulièrement atroce, tandis que ces moments où la terre tremble témoignent du savoir-faire de l’équipe technique de la série, toujours prompte à nous en mettre plein la vue avec très peu de moyens. Voir les démons infernaux être autant terrorisés par le new boss in town en dit long sur l’impact de l’inconnu, tandis que le twist de l’identité de la jolie fille est également un joli coup d’audace. Lorsqu’on connaît la suite, on ne peut que sourire quand Genevieve Cortese (aujourd’hui Mme Padalecki) fait son entrée en tant qu’amante du personnage de Jared Padalecki ! Mais indépendamment de l’anecdote, c’est de voir cette sorte de coach préserver un mystère bien à elle qui fascine, l’on se doute bien qu’il y a anguille sous roche.

La grande révélation finale était attendue au tournant ; l’on ne peut que se rendre à l’évidence : après nous avoir mis au bord de la crise de nerfs, Kripke parvient à trouver une solution aussi démesurée qu’élégante, tout en plaçant immédiatement la barre très haut pour ce que le personnage doit apporter à la série. Kripke se montre d‘une exigence assez audacieuse, mais Castiel va bien se révéler comme un atout brillantissime de la série. Et cela commence dès son entrée aussi impériale qu’inquiétante, d’une intensité survoltée grâce aux angles de mises en scène parfaits de Manners : travelling vertical nous le faisant découvrir, légère contre-plongée inclinée alors qu’il dévisage Dean, plan américain pour l’effet spécial des ailes… mais aussi grâce à l’électricité statique déployée par un Misha Collins extrêmement intériorisé, mais à la présence physique éblouissante. Après la tragédie intimiste d’In my time of dying et la décharge d’adrénaline de The Magnificent Seven, la série continue d’affirmer son brio pour les season premiere ! Une saison qui démarre déjà au sommet, et dont on trépigne d’impatience à l’idée de voir la suite !

La critique d'Estuaire44 : 

Lazarus Rising ne se contente pas de représenter un parfait lancement de saison, mais va instaurer un véritable reboot de l'univers de la série. Kripke s'extirpe de la classique dichotomie d'un pilote (scénario du jour Vs.mise en place du décor) en biffant purement et simplement la première option. Un choix audacieux (l’épisode se limite au retrouvailles puis à un enquête express) mais lui permettant de contenir une quantité astronomique d'informations, tout en modulant à loisir son timing. Après le terriblement suggestif gros plan sur l'oeil de Dean contemplant l'Enfer, sans doute l’une des images la plus anxiogène de la série, l'épisode peut ainsi nous offrir toute la magnifique séquence quasi muette du retour de Dean, impeccablement mise en scène par Kim Manners et interprétée avec intensité par Jensen Ackles.

 Comme Dean reprend vie dans son cercueil, sans personne pour l'aider à en sortir, les amateurs de Buffy remarqueront au passage qu'un Angel of the Lord ne s'en sort guère mieux qu'une apprentie sorcière. On aime beaucoup le réalisme montrant le Héros américain pillant sans aucun état d'âme un magasin, le Tao de la survie reste bien la Bible des Chasseurs. On apprécie par ailleurs  l’émotion des diverses retrouvailles, avec, comme souvent dans Supernatural, l'humour surgissant envers et contre tout (l'Impala profanée, l'eau bénite).

Le récit a la cruelle intelligence d'instiller dès ce moment le poison du mensonge entre les, deux frères, d'ailleurs bientôt nantis de coachs pour le moins antagonistes. La dérive de Sam est déjà parfaitement explicite, avec une Ruby II pour laquelle, pour diverses raisons, on éprouve déjà un gros coup de cœur (et puis, avec le recul, cette entrée en scène de Geneviève Cortese est évidemment très amusante). La quintessence, le centre de gravité de l'épisode demeure cependant l'avènement de Castiel, annoncé avec éclat par des scènes à la fois terrifiantes et originales dans la série (dont la crémation des yeux, moins stylisée que pour le Métatron des X-Files, nous sommes bien dans Supernatural). La rencontre avec Dean, s’avère spectaculaire et impeccablement dialoguée.

Chapeau bas devant la prestation du formidable Misha Collins, à qui il suffit d'apparaître pour doter instantanément Castiel de mystère, immanence et charisme. Quelle entrée ! Et encore, l'humour est encore absent mais il reste intéressant de redécouvrir Castiel avant qu'il ne devienne « Cas », l'ami des  Bros, pour les bons et les mauvais jours. Il indique déjà la vraie nature des Anges dans Supernatural. Non des angelots avec Lyre dorée et auréole, mais plutôt des tueurs ailés surpuissants, avec, tout là-haut, un Père si longtemps énigmatique et distant, voire absent, bien davantage qu’aimant et compatissant. Le décor est idéalement planté pour cette saison 4. Castiel va déployer ses ailes et hisser Supernatural jusqu'à de nouveaux sommets.

Anecdotes :

  • On apprend que Bobby a pour second prénom Steven.

  • Le tigre peint sur le mur de la chambre de Sam est la m^me que celle présente sur le van d’Andy dans l’épisode Simon Said (2.05).

  • Sur le journal que lit Dan dans la station-service, on voit que nous sommes le 18 septembre 2008, soit la date de diffusion de l’épisode.

  • Pour la première fois la fameuse séquence du The road so far ouvre la saison, jusque là elle ne figurait que lors du dernier épisode d’une période.

  • Genevieve Cortese reprend ici le rôle de Ruby, jusque-là tenu par Katie Cassidy. La majorité de ses scènes se déroulera en duo avec Jared Paladecki, avec qui l’amour va naître. Le couple s’est marié le 24 septembre 2010 et a eu deux enfants depuis. Genevieve Cortese est également connue pour sa participation aux séries Wildfire (2005-2008) et FlashForward (2009-2010).

  • Misha Collins devient ici l’Ange Castiel. Cas répond toujours à l’appel alors que nous approchons du terme de la saison 11, après avoir connu moultes et moultes aventures et mésaventures. Immensément populaire auprès des fans le considérant depuis longtemps comme le quasi troisième héros de la série, Cas va faire l’objet de toute une vague fanfictions autour de la nature exacte de la relation le liant à Dean (le Destiel). Dans le commentaire de l’épisode Au commencement (4-03), Eric Kripke déclare que le costume de Castiel emprunte à celui de John Constantine dans les comics Hell Blazer, dont il est grand fan ; mais il évoque aussi le fameux imper élimé de l'inspecteur Columbo.

  • Très actif sur Twitter et durant les conventions,  Misha Collins a pleinement participé au lien très fort existant entre la série et son public. Après de brillantes études en sciences sociales, il a intégré l’équipe de la Maison Blanche chargée de gérer son personnel, sous l’administration Clinton. Se consacrant ensuite à l’écriture de poésies et à sa carrière de comédien, Misha Collins a notamment participé à Charmed, 24h Chrono, Urgences, Nip/Tuck, Ringer

  • Quand Misha Collins auditionna, il s’imaginait que c’était pour un rôle de démon, car les Anges n’étaient pas encore apparus dans la série. Leur entrée en scène va conduire la série à connaître un fil rouge biblique, ce qui n’était pas le cas lors des trois premières saisons.

  • Selon la tradition ésotérique, Castiel est l’Ange du Jeudi. Supernatural était alors diffusé le jeudi soir.

  • L’Amulette de Dean  lui est rendue, après que Sam l’ait portée durant l’intersaison.

  • Le titre de l’épisode fait référence à Lazare de Béthanie, ressuscité par Jésus-Christ (Évangile selon Jean, chapitre 11).

  • Dean prend comme pseudonyme Wedge Antilles quand il cherche à repérer le téléphone de Sam, il s’agit d’un clin d’œil à l’un des membres de l’Alliance rebelle dans Star Wars.

  • Durant la séquence The Road So Far, on entend You Shook Me All Night Long d’AC/DC. Quand Dean arrive à la station service, on entend In the Shadow of the Valley, par Lost Weekend Western Swing Band Quand Dean et Bobby trouvent Sam, on entend Fight Son des The Republic Tigers. Quand Dean évacue l’iPod de Sam de l’Impala, celui-ci diffuse Vision de Jason Manns. Quand Sam revient du dîner, on entend I'm So Blue, de Katie Thompson et Martyn Laight.

  • À la station service, Dean s’empare d’un exemplaire de Busty Asian Beauties. Sa passion pour ce magazine et son site internet est une plaisanterie récurrente de la série depuis l’épisode Tall Tales (2.15).

  • Changements dans l’équipe : Sera Gamble, productrice et scénariste, est promue superviseur de la production. Le scénariste Jeremy Carver, qui travaillait à la supervision des scénarios, en devient le superviseur principal, son ancien poste étant assuré par une nouvelle recrue, la scénariste Julie Siege, en collaboration avec la scénariste Cathryn Humphris. John Shiban quitte définitivement la série.

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2. ANGES ET DÉMONS
(ARE YOU THERE, GOD? IT'S ME, DEAN WINCHESTER)

Scénario : Sera Gamble, d’après une histoire de Sera Gamble & Lou Bollo

Réalisation : Phil Sgriccia

- You built a panic room ?

- I had a week end off.

Résumé :

Plusieurs chasseurs ont été retrouvés assassinés, les tripes arrachées. Sam, Dean, et Bobby comprennent que les responsables sont les fantômes des victimes que les chasseurs n’ont pas réussi à sauver et qui se vengent ainsi. Bientôt, pas moins de cinq fantômes se mettent à les harceler. Toujours incrédule à l’existence des Anges (sans parler de Dieu), Dean va apprendre pourtant de Castiel le but ultime de Lilith…

Mieux que la rave party, la ghost party : apportez vos tripes, on vous en débarrasse au vestiaire.

La critique de Clément Diaz : 

L’épisode me paraît souffrir de deux faiblesses d’écriture : l’épisode commence par le marronnier de la litanie de meurtres que notre trio n’arrive pas à empêcher (un cliché bien connu des amateurs des Avengers), puis enchaîne sur la réitération incessante d’une seule idée, celle des fantômes apparaissant toutes les minutes pour tourmenter nos héros ; leur numéro finit par lasser très vite alors qu’il est répété ad nauseam. Cependant, on apprécie le triple call-back de ces anciens personnages de la série revenus ici faire un petit coucou, la découverte de la cave de Bobby (parano un jour, parano toujours), tandis que la Mythologie de cette saison continue de se développer grâce au toujours rigolard Castiel.

Malgré de joyeux moments gore réalisés sans doute par des maquilleurs ayant sniffé de l’héro et fait bamboula toute la nuit précédente, on éprouve une certaine peine à s’immerger dans une histoire où notre trio ne fait que courir d’un cadavre à l’autre. Une fois ce trop long temps d’exposition achevé, le duo Gamble-Bollo parvient à électriser l’ensemble grâce au triple retour d’Henriksen, de Ronald (le geek malchanceux de Le polymorphe, saison 2), et de cette bonne vieille Meg. Si Ronald et les deux petites filles (oui, les gars, on a compris que vous connaissiez Shining par cœur) ne font que de la figuration et qu’Henriksen se contente de quelques phrases fourre-tout, les auteurs parviennent heureusement à rentabiliser l’atout Meg par un détour malin : ce n’est plus la démone auquel on a affaire, mais à la jeune femme dont elle avait pris le corps, et qui vit son destin scellé quand Dean balança son corps par la fenêtre dans Daeva (saison 1).

Ce faisant, l’épisode ouvre une fenêtre sombre sur la nécessité pour nos frères de verrouiller leurs cœurs, pour ne pas se préoccuper du trépas des humains dont ils tuent les démons ayant pris possession d’eux, faute de quoi, la culpabilité les briserait irréversiblement. Dans le rôle de cette jeune femme morte par la maladresse de nos frères et hurlant vengeance, Nicki Aycox change brillamment de registre (et d’apparence !) et apporte intensément lors de ses duels. Le raccordement inattendu à la Mythologie par Bobby puis Castiel élève encore les débats quant aux enjeux de la saison. La bataille finale, quoique correctement filmée par l’expérimenté Phil Sgriccia, ne fait toutefois que jouer sur l’apparition/disparition des spectres et à des fusils mécaniquement déchargés, bridant grandement l’adrénaline souhaitée. Cependant, voir Sam de plus en plus sec et saignant nous montre également qu’il va falloir le surveiller lui aussi, on sent que mine de rien, les ténèbres commencent à le gagner, rendant la présence de Ruby d’une anxieuse ambiguïté.

L’épisode trouve sa valeur grâce au Dean show : le voir piquer une crise quand cet athée convaincu se trouve face à la possibilité de l’existence de Dieu nous vaut une scène de déni vraiment hilarante, qui touche au gag gratiné quand il apprend le lendemain l’existence de Lucifer (ça fait beaucoup à digérer là !). Bien entendu, la réapparition de Castiel lors de la longue coda entraîne une petite explication bien saignante. Cette vision des anges comme des soldats exterminateurs qui ont laissé amour divin et compassion au vestiaire pour désentripailler les démons est certes très bizarre, mais cela donne un décalage assez amusant entre le comportement attendu et celui réel du personnage. D’autant que bon, le livre de l’Apocalypse nous décrit bien une guerre entre démons et anges, alors on comprend que ces derniers tirent un peu la gueule. Castiel dégage cependant une véritable inquiétude, relativisant grandement le combat de nos frérots, simple petit détail d’une guerre beaucoup plus importante se préparant, et franchement angoissant quand il menace Dean de le renvoyer à la poêle à frire là tout en bas. Castiel semble tout aussi impitoyable et sans pitié que ceux qu’il combat (les temps de guerre…). Avec une Ruby plus fragile, « gentille », l’inversion de Kripke voyant les démons plus sympathiques - du moins en apparence - que les anges ne manque décidément pas d’air ! Le grand roulement de tambours sur la menace Lucifer achève cet épisode sur une note de suspense fort bienvenue. Les enjeux de la saison sont maintenant posés !

La critique d'Estuaire44 : 

Are You There, God? It's Me, Dean Winchester déçoit par la faiblesse de son histoire du jour. Dean paniqué à l'idée d'être l'Elu et la St Barthélémy sanguinaire des Chasseurs sont certes des concepts prometteurs, d’autant que leur parano solitaire les transforme logiquement en cibles solitaires. Hélas le coup des fantômes revendicatifs attaquant les prétendus responsables de leur mort devient très vite ultra répétitif, tant le même circuit se réitère encore et encore. D’ailleurs les auteurs vont désespérément tenter de pimenter la sauce avec divers artifices plus ou moins convaincants, comme des réapparitions plus rapides qu’à l’ordinaire, ou surtout l’emploi de personnages rn call-back. Mais ce procédé aussi devient répétitif itou, puisque seulement 4 personnages tournent en boucle encore et encore, et pas forcément les plus captivants des trois premières saisons, hormis Meg.

La plus intéressante (et mieux interprétée) des visiteurs en fait cependant trop dans le mélo avec cette histoire de petite sœur. On lui doit pourtant la plus forte scène de la séquence, avec la révélation du visage sombre de Sam. Ca fait froid dans le dos, Ruby a bien bossé, la gueuse. Bobby trouve la clé de l’énigme, avec une vitesse et une aisance vraiment trop ahurissantes pour ne pas devenir artificielles, Giles est dans les cordes. Hormis la découverte du nouveau décor récurrent qu’est la géniale cave-bunker du dit Bobby (promise à de nombreuses merguez parties), on se dit que tout cela va être un coup pour rien. Mais c’est alors que survient la grandiose scène de conclusion, confirmant que a) Misha Collins est le casting du siècle, b) ces rencontres Dean/Castiel vont devenir l’un des atouts majeurs de la saison, c) c’est parti pour l’Apocalypse, comme à Sunnydale, mais là celle du Livre de la Révélation selon St Jean. L’épisode confère son fil directeur à la saison, avec Lilith ayant entrepris de faire tomber les Sceaux afin de libérer la bête, Lucifer en personne. L’intervention de l’Ange du Rire Franc et Joyeux demeure toutefois trop tardive pour compenser les faiblesses du récit.

Anecdotes :

  • L’épisode est co-écrit par Lou Bollo, le principal directeur des cascades de la série. Bollo co-écrira un autre épisode de la saison, Le puits aux souhaits, et apparaîtra dans son propre rôle dans le totalement barré Arrêt sur image (saison 6).

  • Nicki Aycox (Meg 1) apparaît ici pour la dernière fois.

  • If you're gonna shoot, shoot. Don't talk déclare Bobby à Dean après vaporisé Donald. Il s’agit d’une reprise d’une des célèbres répliques du film Le Bon, la Brute et le Truand.

  • Le titre original est une reprise de celui du best-seller de Judy Blume Are You There, God ? It's Me, Margaret (1970). Le roman raconte l’histoire d’une jeune fille dont les parents sont de deux religions différentes, juive et chrétienne. Margaret se demande pour quelle religion elle va opter, au moment où elle devient femme.

  • I thought Angels were supposed to be guardians : fluffy wings, halos. You know, Michael Landon.Not dicks déclare Dean à Castiel. Il s’agit d’une référence à la série Les routes du Paradis (1984-1989), où Landon interprétait un Ange parti à la rencontre des Humains.

  • Le poster présent dans la cave de Bobby représente l’actrice Bo Derek, dans le film Elle de Blake Edwards (1970).

  • Durant la séquence récapitulative, on entend Lonely Is the Night, de Billy Squier.

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3. AU COMMENCEMENT
(IN THE BEGINNING)

Scénario : Jeremy Carver

Réalisation : Steve Boyum

Sammy, wherever you are, Mom is a babe!… I'm going to hell. Again.

Résumé :

Castiel entraîne Dean en 1973 où il rencontre ses parents, alors tout jeunes, ainsi que la famille de Mary. Il réalise qu’il va participer aux événements qui ont déclenché la malédiction des Winchester lancée par Azazel. Il va alors mettre tout en œuvre pour changer le cours du temps. Mais était-ce bien le but de Castiel ?…

Définition d’ « Ange du Seigneur » : Seigneur du Temps sans TARDIS. Ouais, on comprend pourquoi le Castiel il a toujours une tronche d’enterrement.

La critique de Clément Diaz : 

Le grand flash-back dans la vie des héros est aujourd’hui un passage obligé pour les séries télévisées. Cependant, Supernatural y imprime une brillante originalité, semblant démarrer comme un remake fun de Retour vers le futur avant de bifurquer vers des eaux plus ambitieuses. En effet, nous ne pouvons croire un instant que Dean parviendra à modifier le passé, car cela annulerait les trois premières saisons comme nous les connaissons (même la spécialiste en contorsions scénaristiques qu’est Dallas a limité les frais à une saison). Jeremy Carver, déjà auteur du génial Mystery spot, confirme son aisance dans le thème du voyage temporel et va substituer au « est-ce que ? » le « comment ? » et construire un suspense avant tout émotionnel, centré sur un Dean déchirant dans sa poursuite désespérée à empêcher l’inéluctable. La superbe écriture de Mary et Samuel Winchester, mais aussi d’un Azazel plus pourriture que jamais, légitime cette orientation alors même que l’action est menée sans temps mort. In the beginning est bien un modèle d’efficacité narrative à l’américaine, sachant émouvoir par des personnages sans cesse plongés dans une action trépidante.

Au lieu de la virtuose superposition comédie/drame de Mystery Spot, Carver opte pour une non moins virtuose progression dramatique, démarrant dans la comédie, puis passant par le suspense, puis l’horreur, pour aboutir à la terreur pure, portée à un degré tellement élevé que la coda en gardera des marques. De fait, le trompe l’œil initial voyant Dean et John faire connaissance reste humoristique, et c’est alors qu’en un seul plan, tout bascule avec l’attaque de Mary, éjectant de facto John à l’arrière-plan. Dès lors, l’épisode captive le fan par une chaîne de rebondissements explosifs, avec la véritable situation de Mary (magnifiquement incarnée par la sublime Amy Gumenick, à la ressemblance idoine avec Samantha Smith), superbement émouvante dès lors qu’elle fait le vœu d’un avenir loin des souffrances des chasseurs, condamné hélas à ne jamais se réaliser, puis l’irruption d’Azazel, toujours roi des marchés de dupes, ainsi que l’énorme twist du dernier acte, et le pacte final, tout en insérant des scènes d’action propres à exciter les nerfs. Les X-Philes s’étaient déjà régalés de l’apparition de l’Homme à la Cigarette (L’Épouvantail, 1-11), autant dire que la venue de Mitch Pileggi ne pouvait que susciter une standing ovation. Bourru mais généreux, et jouant de son impressionnante présence physique, Pileggi n’est pas qu’un guest appelé spécialement pour créer l’événement, mais aussi un casting affûté pour jouer ce patriarche sombre, impitoyable, mais inarrêtable, finalement assez voisin de Skinner, d’autant que par sa manie de ne pas respecter ses ordres tout en suivant le même objectif, Dean prend des allures de Mulder ! La partition demandée à Pileggi a beau être extrêmement étendue, l’acteur la transcende par sa fascinante puissance de jeu.

Si la vivacité courageuse de Mary illumine l’épisode d’une lumière claire, la lumière sombre est apportée en grandes pompes par ce damné félon d’Azazel, qui ajoute au démoniaque une certaine lubricité poisseuse. Ses marchés pervers broient des vies humaines avec une mortelle efficacité. À ce titre, le coup de poignard et l’horrible serment final se montrent d’un sadisme raffiné, tandis que ses assassinats glacials nous rappellent combien ces yeux jaunes s’illuminant soudainement ont su nous effrayer. Après 12 saisons, Azazel, le premier Big Bad de la série, demeure toujours une des plus intenses créations de Supernatural. Même mort, il continue d’éprouver nos frères au-delà du supportable. Bien sûr, on peut penser que Castiel aurait pu s’y prendre plus simplement, mais vu son caractère, il est patent qu’il privilégiera plutôt les méthodes hardcore pour former son padawan ! Avec cinq minutes seulement à l’écran, Misha Collins rayonne d’intensité à chaque apparition, et l’on comprend sans peine que ce personnage au départ simple ajout d’une saison, ait rapidement été promu au rang de personnage majeur de la série. Le cliffhanger, pour aussi simple qu’il soit, n’en est pas moins à sensation !

La critique d'Estuaire44 : 

In the Beginning débute par le départ en catimini de Sam d'un de ces motels estampillés SPN, pour une nuit de turpitudes diverses et variées avec la Ruby. La scène, entièrement muette, s'avère remarquable par le malaise qu'elle suscite déjà. Il y a quelque chose de pourri au royaume des Winchester. Et d'un coup d'un seul Castiel apparaît et propulse Dean dans le tout premier de ces similis crossovers entre Supernatural et Retour vers le Futur, qui verront les Bros voyager de manière très similaire à Doc et Marty. Les auteurs ont d'ailleurs l'élégance d'insérer un clin d'oeil sympathique à la mythique DeLorean, c'est judicieux. Le grand mérite de l'épisode consiste à ne pas se contenter de surfer sur une idée originale et rigolote mais de s'en servir pour passer progressivement de la comédie réussie (les 70's joyeusement caricaturaux, l'arrivée de l'Impala) à une réécriture magistrale et terriblement assombrie de la mythologie même de Supernatural : la malédiction familiale des Winchester. Pour cela le récit use de plusieurs idées fulgurantes, comme un John totalement en dehors de la Chasse et une Mary au contraire immergée dans cet univers, une fabuleuse inversion de perspective, que la parfaite interprétation rend poignante (lumineuse Amy Gumenick).

On adore, par ce que sonne tellement juste, que Dean ne s'arrête aux diverses conséquences d'une modification des évènements, la famille avant tout c'est tellement lui. Évidemment cela échoue (même le Docteur a dû en payer le prix lors de Waters of Mars), malgré la ludique réapparition du Colt, car Azazel s'avère un adversaire toujours aussi jouissif, digne du formidable Big Bad qu'il aura été deux saisons durant. Et là un casting idéal achève de rendre l'épisode enthousiasmant, avec un immense Mitch Pileggi, aussi parfait dans le rôle de Samuel que de celui d'Azazel, champagne ! La conclusion apparaît aussi inexorable que tragique, un travail particulièrement abouti. Lors de cette relecture de l’univers Supernatural on voit bien quel point cette série parvient à optimiser absolument tous les outils à s disposition, y compris sa propre mythologie. Castiel est lui aussi excellent en Homme Mystère, tout au long du récit. Si impénétrables sont les Voies du Seigneur, tortueuses sont celles de l'Ange et cela sert idéalement l’intrigue (Misha Collins toujours aussi magnétique). Toutefois il sait être explicite à l’occasion : quand il indique à Dean que s'il ne stoppe pas Sam, c'est lui qui le fera, on comprend qu'il faut y aller, là, tout de suite maintenant. On se projette dans l’épisode suivant à l’unisson de Dean.

Anecdotes :

  • D’après le journal, Dean rencontre John le 30 avril 1973. La une fait référence à la démission de John Ehrlichman et Bob Haldeman, proches conseillers du Président Nixon, dans le cadre de l'affaire du Watergate. Nixon lui-même sera contraint à la démission le 09 août 1974.

  • Quand Dean discute avec John à la cafétéria, on entend Ramblin' Man, de The Allman Brothers Band. Quand John et Mary sont au restaurant, on entend Go for Your Self, de Kenny Smith and the Loveliters  Quand John raccompagne Mary chez elle on entend One More Day, également de Kenny Smith and the Loveliters. Quand Dean dit au-revoir à Mary on entend Music, d'Henry Turner's Crystal Band.
  • John évoque l'USS Enterprise car effectivement le téléphone portable de Dean ressemble beaucoup  ceux utilisés par Kirk et son équipage dans Star Trek.

  • John est surpris d’apprendre que Cher et Sonny ont rompu.  En 1973, ils forment encore un couple uni et très populaire. Cette année-là, leur émission de variétés The Sony and Cher Comedy Hour remporte un Emmy Award.

  • Dean prend Van Halen comme nom d’emprunt. Il ne prend guère de risques, Van Halen a certes été fondé en 1972, mais ne sortira  son premier album qu’en 1978.

  • Le prix de vente de l'Impala, indiqué sur son pare-brise, s'élève à 2 204 $, ce qui en 2016 correspond à un prix de 11 965 $.

  • Publié en 2010, le roman Supernatural: Heart of the Dragon montre Castiel envoyer Sam et Dean en 1969 afin de porter assistance à la famille Campbell, dont la vie de Chasseurs nous est dévoilée.

  • La voiture « empruntée » par Dean afin de suivre John est une Ford Pinto. Or cette voiture ne sera commercialisée qu’en 1980, alors que l’action se déroule en 1973.

  • Amy Gumenik (Mary jeune) est apparue dans plusieurs séries télévisées mais se consacre avant tout  au théâtre et à la danse. Elle interprète actuellement la super vilaine Cupid dans la série Arrow.

  • Mystérieusement ressuscité, Samuel Campbell, toujours interprété par Mitch Pileggi, deviendra l’un des personnages réguliers de la saison 6.

  • L’origine des prénoms de nos héros est explicitée : les parents de Mary (donc les grands-parents maternels de Sam et Dean) s’appelaient Samuel et Deana. Deana est aussi le prénom de la femme de Kripke ; selon ses dires, elle s’impatientait de ne pas avoir de personnage à son nom dans la série après trois ans d’existence, alors qu’il avait nommé des personnages d’après déjà tout son entourage !

  • Lorsqu’il voit Castiel après qu’il l’ait fait voyager dans le passé, Dean lui dit Angels get their hands on somme DeLoreans ! Il s’agit bien sûr d’une référence à la voiture mythique servant de machine à voyager dans le temps de Marty McFly et Doc Brown dans la trilogie Retour vers le futur réalisée par Robert Zemeckis. L’épisode en partage plusieurs points communs : scène dans le café, rencontre avec les parents, fils charmé par sa mère jeune femme, tentative de changer le cours du temps, docteur dénommé Brown…clins d’œil qui sont l’œuvre de Carver.

  • Dean se déguise en prêtre, il avait déjà eu recours à ce déguisement (avec Sam) dans Télékinésie (1-14).

  • Commentaire d’épisode :

                Eric Kripke indique apprécier Jeremy Carver pour sa maîtrise des dialogues, qu’il juge supérieure aux siens et à ceux de Robert Singer dans ce domaine.

                Dans la première version de son scénario, Jeremy Carver avait imaginé que tous les clients du café seraient en tenues bariolées (et configurations capillaires à l’avenant) typiques des années 70, et en train de faire la fiesta. Dean devait se distinguer en faisant du skate-board sur la BO de Saturday night fever. À la vue de ce franc délire, Kripke somma promptement Carver de renoncer à cette idée pour cause de contraintes financières et de temps du département costumes ! Carver put toutefois garder le serveur givré. Pour les mêmes raisons financières et de temps, Carver dut supprimer une scène d’action de Mary et quelques répliques spirituelles de sa part.

                L’histoire de cet épisode avait déjà été élaborée en saison 3, et devait y être incluse. La grève des scénaristes de 2007 en empêcha alors la production. En cette même saison, l’équipe bloquait quant à apporter une justification crédible permettant le voyage temporel ; l’arrivée de Castiel fournit à Kripke un excellent alibi.    Originellement, John devait être au centre de l’histoire avant que Mary ne prenne finalement plus d’importance, jusqu’à le laisser en périphérie. Quant au twist voyant Mary être un chasseur et non John, il était présent à l’esprit du créateur dès le pilote.

                Jeremy Carver écrivit l’épisode la semaine précédant l’accouchement de sa femme de leur petite fille, ce qui le mit dans un état particulier. Il dut cependant demander un congé parental ensuite, et ce furent Eric Kripke et Ben Edlund qui réécrivirent un nombre considérable de fois le monologue d’Azazel face à Dean, car constituant l’origine de la malédiction des Winchester, tout en devant demeurer parfaitement crédible en regard de tout ce que la série avait alors raconté. Carver dut également jouer sur du velours à propos de Castiel car le tournage du premier épisode n’ayant pas encore commencé, il n’avait aucune idée de son apparence ni de sa personnalité.

                Kripke dit avoir eu du mal à faire comprendre à Jensen Ackles la boucle temporelle fermée de l’achat de l’Impala :  aucun des deux événements 1. John achète sous les conseils de Dean la Chevrolet en 1973, 2. Dean remonte le temps en 2007, ne se déroule avant ou après l’autre : c’est un cercle temporel sans antériorité ni postériorité. Le thème de la boucle temporelle sans avant ni après fut notamment exploité dans le célèbre La Jetée de Chris Marker (1962) et son faux remake L’armée des douze singes réalisé par Terry Gilliam.

                La scène de combat entre Mary et Dean fut tournée sans doublures : Jensen Ackles était maintenant plus assuré pour les scènes de combat tandis qu’Amy Gumenick a une formation de danseuse de ballet qui la rendait efficace pour les chorégraphies de combat, un atout qu’exploita le réalisateur Steve Boyum, lui-même ancien danseur.

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4. MÉTAMORPHOSE
(METAMORPHOSIS)

Scénario : Cathryn Humphris

Réalisation : Kim Manners

It's already gone too far, Sam. If I didn't know you, I would want to hunt you.

Résumé :

Une crise éclate entre Dean et Sam : l’utilisation de ses pouvoirs de ténèbres et sa fréquentation de Ruby entraînent Sam sur une pente dangereuse, ce que Dean ne supporte pas. Ils doivent toutefois mettre de côté leur conflit pour surveiller Jack Montgomery, un Rugaru, c’est-à-dire un monstre ayant tout de l’humain mais qui n’a pas conscience d’en être un. Or, Jack a environ trente ans, âge où le Rugaru qu’il est commence à ressentir une faim dévorante et inassouvie : qu’il dévore un morceau de chair humaine, et il se transformera à jamais en monstre anthropophage. Dean et Travis, un chasseur qu’ils connaissent bien, veulent le tuer par prévention, car aucun Rugaru n’a pu résister à cette envie, mais Sam souhaite le convaincre à résister à ses pulsions pour éviter d’en venir à cette extrémité…

Bouffons-nous les uns les autres.

La critique de Clément Diaz : 

 

À ses débuts, Supernatural offrait souvent des versions d’épisodes d’X-Files encore trop inféodées à leurs modèles, avant de trouver finalement son identité propre. Malheureusement, Metamorphosis constitue un éloquent retour arrière car constituant un succédané sans imagination d’Appétit monstre, un épisode malin d’X-Files - la chair crue remplaçant les cerveaux - mais sans l’éclat de la narration enlevée de Vince Gilligan. Cathryn Humphris offre cependant suffisamment de scènes-choc pour permettre à maestro Kim Manners (tiens, aussi le réalisateur d’Appétit monstre), de composer un digne chant du cygne par une surenchère gore juteuse, tandis que la platitude générale de l’intrigue est relevée par l’émotion du personnage de Jack et de troublantes questions éthiques.

Même si l’on ne compare pas cet épisode avec son modèle, le premier loner (bon, semi-loner) de la saison n’est guère convaincant, la faute à un cruel manque d’action : aucun cadavre avant une demi-heure, allers-retours sans résultat de Montgomery répétant sans cesse le même numéro « Me want food, me want food » (c’était la minute 30 Rock fan), nos bros ne faisant rien sinon l’espionner longuement ou parler tranquillement avec Travis. Alors que Montgomery pourrait devenir incontrôlable à tout moment, le personnage de Travis est trop peu creusé pour qu’il importe dans l’histoire (son trépas ne fait ni chaud ni froid), évacuation de l’épouse qui fait que l’épisode oublie de boucler une de ses intrigues (alors qu’un débat éthique sur quant à supprimer sa progéniture aurait pu tonifier l’ensemble), crescendo trop indolent - le passage avec le dragueur lourd n’apporte rien... le calvaire de Montgomery eût pu davantage toucher si l’épisode avait été filmé de son point de vue, ce qui aurait été certes pompé sur Appétit monstre, mais aurait au moins assuré une immersion plus prégnante.

Même le duel final manque de suspense (on se doute que Dean ne va pas finir en matière fécale d’un cannibale) et se voit résumé à une petite flambée, très loin du feu de joie attendu. Heureusement, grâce à la lumière bleu glacée de Serge Ladouceur et l’épatante réalisation de Manners, une atmosphère sinistre parvient à passer, notamment lors des sommets gore de l’épisode, avec gros sillons épais de sang, cadavres à demi-dévorés, et maquillage horrifique de Jack, tout barbouillé du sang de sa victime, accentués par le jeu brillamment névrotique de Dameon Clarke.

Les tourbillonnements éthiques de l’épisode en font sa valeur. Ainsi, Sam dévale tranquillement sa pente de ténèbres, pensant (sans doute à tort) qu’il peut garder le contrôle. Ruby, en étant toujours plus proche de Sam, ne fait que grandir l’inquiétude, elle n’a rien à gagner de son alliance avec ses héros, et l’on attend un coup fourré qui ne saurait manquer de surgir. Dans une position très ange exterminateur (au sens figuré, voir Castiel pour le sens propre), Sam tente d’utiliser des outils démoniaques pour le Bien, exhumant un vieux dilemme que l’on retrouve d’ailleurs avec la dernière saison d’Angel, le vampire tentant d’utiliser à des succès très irréguliers la machinerie diabolique de Wolfram & Hart pour le Bien. L’inquiétude de Dean est saisissante, et leurs disputes successives expriment bien tout le poison de cette situation, mais aussi leur angoisse commune : les quatre mois d’enfer solitaire pour Sam, la peur de perdre son frère pour Dean. Les auteurs semblent avoir levé le pied sur les happy ends, car on a du mal à être convaincu du serment de Sam qui promis juré n’utilisera plus ses pouvoirs.

On est également remué par la question de tuer « préventivement » un homme dont il est certain qu’il ne pourra résister à ses pulsions, dans une optique très Minority Report. Si la morale est sauve (Montgomery meurt après son assassinat), l’on voit qu’il n’y avait aucun bon choix : par sa ferveur à vouloir tout arranger, Sam met en danger des innocents, tandis que Travis et Dean souhaitaient tuer un homme encore innocent à ce moment-là. Travis irait même jusqu’à tuer un fœtus héritier de cette malédiction ; décidément la vie de chasseur demande beaucoup de délestage en matière d’humanisme. Ce dilemme irrésolu hante encore le spectateur après le générique de fin, permettant à cet épisode de rester quand même mémorable.

La critique d'Estuaire44 : 

 

Metamorphosis a l'excellente idée de placer assez tôt dans la saison l'inévitable crise de la révélation du lien Ruby/Sam et du développement du pouvoir de celui-ci. Cela permet d'éviter de figer la situation, tout en libérant la place pour la thématique du retour du Cornu. Tout le passage sonne juste, comme si souvent au sein de la fratrie, mais se voit surtout rondement mené, ce qui autorise le développement efficace d'une intrigue autonome, une bonne surprise. Le drame est noué, se montrant prometteur pour le reste de la saison. On apprécie l’intensité apportée par les acteurs, mais aussi que Ruby joue d’autres armes que martiales, cela renouvelle le personnage (ou son Incarnation, comme on le dirait à la BBC). Le vieux complice de John s'insère également à point nommé, permettant de bien visualiser l'abîme séparant le jeune homme du précédent At the beginning, du prédateur impitoyable que deviendra John Winchester, le grand Chasseur de démons. Le saut d’un épisode à l’autre s’avère réellement glaçant.

L'histoire du Rugaru, sans se départir d'un certain classicisme, parvient à susciter plusieurs effets réussis, notamment par un parallèle finement élaboré avec la situation de Sam, mais aussi de l'écho que cette situation éveille chez Dean, nettement plus sensibilisé que lors de Heart (2.17), face à la louve garou. La mise en scène se révèle aussi intense que sinistre, tout en s'ornementant d’un arsenal Gore massif, y compris à l'échelle de Supernatural. Âmes sensibles, s'abstenir : le grand Kim Manners est à la manœuvre pour son ultime mise en scène. Excellente interprétation, avec un intéressant guesting de Joanna Kelly, juste avant qu'elle ne devienne la covedette de Warehouse 13 et parfaitement convaincante sur un registre très différent de cette production guillerette et légère.

Anecdotes :

  • Pour la première fois, Dean surnomme Castiel « Cas ».

  • En saison 5, l’épisode Abandon All Hope se déroulera également à Carthage (Missouri).

  • This doesn't get you off the hook, you know. No, no. Think diamonds. Think Kobe size déclare l’épouse de Jack quand celui-ci veut s’excuser. Elle fait référence au basketteur Kobe Bryant, qui offrit à sa femme un diamant estimé à 4 millions de dollars, en 2003.

  • Quand Jack est au bar, on entend Phillip's Theme, de Hound Dog Taylor and the HouseRockers
  • Lors d’un plan rapproché, sans doute une archive, l’Impala arbore sa plaque originale, KAZ 2Y5. Dans le reste de l’épisode, on en reste à sa plaque actuelle CNK 80Q3.

  • Kim Manners, réalisateur et producteur ayant immensément apporté à la série (de même qu’au X-Files), signe ici sa 17e et ultime mise en scène. Il décède quatre mois après la diffusion de l’épisode, le 25 janvier 2009, après avoir perdu sa bataille contre le cancer du poumon.

  • Le Rugaru (ou Rougarou) est une figure proche du Loup-garou appartenant au folklore francophone du Québec. La transformation est nocturne, sans lien avec la pleine lune.

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5. FILM D’ÉPOUVANTE
(MONSTER MOVIE)

Scénario : Ben Edlund

Réalisation : Robert Singer

- So, you guys are like Mulder and Scully or something, and the X-Files are real?

- No, "The X-Files" is a TV show. This is real.

Résumé :

Sam et Dean arrivent à Canonburg, en Pennsylvanie : un témoin prétend avoir vu Dracula en personne assassiner une jeune femme. D’autres meurtres sont commis par un loup-garou qui n’en a pas les caractéristiques et une momie se réveillant d’un cercueil bidon ; notre duo, assisté d’une accorte serveuse, enquête sur cette affaire totalement barrée…

Ça a le QI d’une quiche, ça bouffe des pizzas, et ça se dit Fils de la Nuit…

La critique de Clément Diaz : 

En 1986, Clair de Lune lançait un énorme pavé esthétique avec The dream sequence always rings twice, épisode reprenant dans un mimétisme complet les codes d’un genre : le film noir des années 40, noir et blanc inclus. Exemple suivi par de nombreuses séries dont X-Files, qui signa un énorme chef-d’œuvre avec Post-modern Prometheus, épisode noir et blanc reprenant les codes des comics anciens et des films sur Frankenstein. Supernatural, habituée à faire des versions personnelles des modèles X-Filesiens, prend un risque redoutable en créant sa version de ce magnifique joyau télévisuel, mais le pari résulte gagné tant la beauté de la mise en scène de Robert Singer impressionne de bout en bout.

Surtout, l’épisode évite la comparaison avec la tragi-comédie émotionnelle des X-Files en choisissant purement et simplement de faire une parodie des films d’horreur de la Hammer, gonflant à l’hélium les clichés du genre jusqu’à les faire exploser de burlesque, faisant se télescoper dans un décalage à pleurer de rire une histoire de style ancien avec une forme très contemporaine, tout en alignant des saynètes de pur non-sense. L’épisode apparaît tout aussi proche du classieux épisode de bichromie d’X-Files que de Bad Blood, autre classique de la série de Chris Carter lançant des missiles d’acide sur les histoires de vampire (et incluant également un livreur de pizza). Ben Edlund, un des scénaristes les plus allumés de série télé, et auteur attitré des épisodes loufoques de Supernatural, parvient encore à battre ses records comiques dans cette totalement jetée histoire.

Bichromie, générique dans le style de l’âge d’or de la Hammer, musique symphonique avec orgue spectaculaire… bienvenue dans un film d’horreur semblant classique, mais dès le premier gag de la pancarte, l’on comprend rapidement que l’on va avoir affaire à l’un de ces épisodes décalés si goûteux de la série. Sans égaler tout à fait la maestria de Carter, Singer maîtrise les jeux d’ombres, les angles biscornus, le hors-champ, l’utilisation ad hoc d’une musique orchestrale grandiloquente, magnifie un impressionnant manoir avec salle de tortures… mais surtout, il peut compter sur Edlund qui en plus d’enchaîner les dialogues brillants (dont une énorme vanne sur X-Files), s’empare du bréviaire de la Hammer et en aligne absolument tous les clichés, mais avec des verres grossissants dévastateurs : des apparitions théâtrales des différents monstres à la blonde capiteuse (pulpeuse et sympathique Melinda Sward dont on apprécie la grande participation à l’action), tout y passe, au karcher.

Chaque scène attendue se voit caricaturée avec un humour absurde à la Monty Python : enquête joyeusement débile par les natures différentes du monstre (et ses fournisseurs), irruption de la terrifiante Toccata en ré mineur pour orgue de Bach pour une péripétie bien ridicule, eau de rose parodique avec Dean racontant la douloureuse histoire de sa vie (j’en avais les larmes aux yeux… de rire bien sûr), sans oublier la classique facilité scénaristique voyant le méchant être interrompu au moment d’exécuter le héros (Singer dilatant bien la scène pour nous achever) et remettant aux calendes grecques son exécution.

Mais la source quasi infinie de comique demeure bien le méchant de l’histoire lui-même. Outre que son identité fait l’objet d’un excellent twist central, ce Dracula de pacotille maquillé et habillé avec un mauvais goût certain est un démiurge mégalo 100% pur sang, aux répliques assassines, et aussi sanguinaire que pathétique qu’hilarant. Le cliché absolu du trauma d’enfance - pompé senza vergogna sur le Fantôme de l’opéra -  se voit ainsi passé à la centrifugeuse tandis que l’on demeure longtemps sur les sommets d’imbécillité atteints par le personnage par ses obsessions totalement délirantes, ou par des scènes véritablement sous coke comme celle du livreur de pizza, un des plus grands moments de n’importe quoi de la série ! Même sa mort est une énorme blague. Todd Stashwick carbure à l’acide à chaque scène, et devient un challenger de valeur pour être le roi de Cabotinageland.

Mais ce Dracula frappé n’est pas seulement loufoque, mais aussi le porte-parole d’Edlund sur la magie du Septième Art, tellement plus grand et passionnant que la vie. Edlund avait déjà exprimé sa foi en l’industrie du cinéma dans Hollywood Babylon, ici, c’est envers l’art lui-même. « Dracula » n’est pas satisfait de sa vie de paria, alors il transcende sa malédiction en modelant la Vie selon les codes du cinéma, comme Z.Z. von Schnerk magnifie la vie (et la mort) d’Emma Peel dans le Caméra Meurtre des Avengers pour trouver un sens à sa vie. Il se rêve en héros de film pour compenser son rejet de la société, comme Andrew voyait Sunnydale comme une scène géante pour oublier son passé d’assassin dans Buffy. Il donne ainsi une émotion derrière les tempêtes de rire qu’il déchaîne à chaque minute. Caractéristiquement, l’épisode est bien plus fou que l’ordinaire des Winchester, qui ici jouent pleinement le jeu, avec une prime pour un Dean en roue libre totale dans une ville où filles torrides et bière coulent à flots (la scène du « repucelage » est à se plier en seize !). Un épisode follement jubilatoire ! Et un des plus grands chefs-d’œuvre de la série.

La critique d'Estuaire44 : 

Après tout un arc narratif majeur, sombre et éprouvant, Supernatural a l'excellente idée d'octroyer une pause au spectateur, avec cet épisode décalé suprêment réjouissant qu'est Monster Movie. L'idée de convertir la série au format des classiques des films d'horreurs s'avère finement jouée, particulièrement grâce au sein apporté à la production (noir et blanc, angles de caméra, décors et maquillages très à la manière de, générique original, musique génialement grandiloquente, etc.). Outre la mise en scène, le mimétisme s’étend également à la narration, avec un rythme relativement lent correspondant très exactement à celui de ces films, considérablement plus déclamatoires que ceux qui existent aujourd’hui. Jensen Ackles, particulièrement à l’honneur ici, a également tout d’un jeune premier de RKO Pictures ! Le recours à l'Oktober Fest apporte un farfelu supplémentaire bienvenu, tandis que l'on admire ce qui demeurera sans doute le meilleur calembour de la série (Pennsylvanie/Transylvanie).

Le meilleur de l’humour réside dans la prestation hallucinante et hallucinée de XXX, l'acteur incarnat le méchant du jour, qui met un talent fou à jouer les ringards absolus, c'est franchement irrésistible. A cet égard, on se dit qu’une belle carrière l’attend chez Z.Z. von Schnerk, tant les amateurs des Avengers songeront à la grande réussite de caméra meurtres tout au long de cet autre grand épisode dédié au cinéma et à sa magie. L’humour iconoclaste, parfois aux lisières de l’absurde, de Ben Edlund débouche en effet sur un sublime hommage au pouvoir d’évocation du Septième Art, avec ce portrait aussi original qu’en définitive émouvant de ce monstre cherchant à se sublimer à travers ses archétypes. Les autres seconds rôles (la radieuse Jamie, Ed l’Immense). S’il demeure l’un des meilleurs épisodes décalés de Supernatural, on pourrait regretter une moindre virtuosité narrative et visuelle que lors du fabuleux Prométhée post moderne des X-Files, son évident modèle. Mais, outre que la barre se voit ainsi posée singulièrement haut, la formidable référence faite à la série de Chris Carter achève d’emporte l’adhésion.

Anecdotes :

  • Todd Stashwick (Dracula) est un artiste particulièrement éclectique. Avant de réussir une belle carrière à la télévision, il s’était fait connaître au théâtre et dans l’improvisation. Il est également un auteur de Comics et de jeux vidéo. Contrairement à ce que l’épisode pourrait faire croire, il est un végétarien convaincu. Il indique également être un véritable Geek amateur de Fantastique et de Science-fiction.

  • Il s’agit de l’unique épisode en noir et blanc de la série, tourné en hommage aux films d’épouvante gothiques du Hollywood de jadis. Le générique en reprend également les codes.

  • Les monstres sont issus de ces films, la Momie apparaissant pour la première fois dans la série.

  • Les noms de personnages comportent plusieurs clins d’œil aux protagonistes de ces films, ou aux romans les ayant inspirés.

  • Les Winchester se présentent comme étant les Agents Angus et Young. Angus Young est le guitariste d’AC/DC, groupe régulièrement présent dans la bande son de la série.

  • Le Goethe Theatre est une référence à Johann Wolfgang von Goethe, créateur de Faust (1808).

  • On entend plusieurs airs de polka à l’Oktoberfest : Bratwurst Polka, de Lars Kurz, Hofkirchner Polka, de Mühlviertler Musikanten & Werner Brüggemann et Alpine Polka, de Gerhard Narholz.

  • Le morceau joué à l’orgue par Ed est la Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565, de Jean-Sébastien Bach (1703). Il s’agit d’une des œuvres pour orgue le plus réputées au monde. Sa complexité fait qu’elle sert souvent à tester l’ensemble des mécanismes de ces instruments.

  • It was beauty killed the beast déclare le pseudo Vampire blessé à mort. Il s’agit de la fameuse ultime réplique de King Kong (1933).

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6. LE MAL DES FANTÔMES
(YELLOW FEVER)

Scénario : Andrew Dabb & Daniel Loflin

Réalisation : Phil Sgriccia

- We just wanna see the results of Frank's autopsy.

- What autopsy?

- The one you're gonna do.

Résumé :

Trois hommes en parfaite santé physique ont été retrouvés morts, d’une crise cardiaque inexplicable. Il semble que les victimes aient souffert de crises de peur de plus en plus intenses jusqu’à en mourir. La situation se complique quand Dean commence à en souffrir les premiers effets. Dean réduit à la quasi-impuissance, Sam a moins de 48 heures avant que le cœur de son frère lâche…

Nom : Dean Winchester. Profession : chasseur de monstres, occasionnellement scream queen.

La critique de Clément Diaz : 

La peur, domaine-roi des séries fantastiques, demeure un des plus fascinants sujets humains. C’est donc avec ambition que deux nouveaux scénaristes, Daniel Loflin et Andrew Dabb, auteur appelé à prendre une place considérable dans la série, donnent naissance à leur premier opus au sein de la série. Cependant, les peurs de Dean vont s’exprimer surtout visuellement, un parti pris logique pour l’horreur typique de la série, mais incomparablement moins riche que les peurs les plus effrayantes : celles se nichant au plus profond de nous, et qui n’est que la portion congrue de cet épisode. De fait, l’épisode, malgré de bons effets et un excellent Jensen Ackles, mise plutôt sur un humour sur la corde raide et ne se montre pas aussi effrayant que pouvait l’être Nocturne de la série Alias, chef-d’œuvre de terreur pure et qui, lui, misait à fond sur les peurs intimes de l’héroïne. Yellow fever (encore un titre sensationnel !) est malgré tout efficace tout en dramatisant en passant les enjeux de la saison.

L’épisode démarre très fort sur Dean paniqué à la vue d’un… Yorkshire avec un ruban rose, aussitôt suivi par une scène d’autopsie d’un humour gore que n’aurait pas désavoué X-Files ! Par suite, l’épisode va traiter les peurs de Dean sous un double angle : le suspense par le compte à rebours létal, et l’humour par les réactions de panique d’un des héros les plus durs à cuire des séries TV. De fait, l’un empêche le développement complet de l’autre, mais ce périlleux équilibre reste plutôt bien assuré grâce au talent protéiforme d’Ackles et la mise en scène justement diverse de Phil Sgriccia.

Cependant, l’on avoue qu’on rigole plus qu’on ne tremble dans les trente premières minutes, Jensen Ackles étant visiblement ravi de jouer complètement hors du personnage en le montrant froussard, parano maladif, allant jusqu’à se biturer pour se donner du cœur au ventre ; à la clé plusieurs scènes vraiment hilarantes comme la scène chez l’amateur de serpents, Dean roulant très lentement ou demandant une chambre au premier étage par peur des hauteurs… le festival semble sans fin ; en point d’orgue, sa fuite précipitée dès qu’il voit l’esprit et son mémorable cri lors de l’ouverture du casier, deux pépites de rigolade d’or pur. Mais l’humour fait que le suspense a du mal à s’inviter. De plus, Sam semble se montrer bien peu concerné par l’affaire, alors qu’il était autrement plus expansif en saison précédente, ce qui nuit quelque peu à l’émotion. Il faut vraiment attendre le dernier acte quand deux yeux jaunes apparaissent pour que l’horreur commence à reprendre le dessus.

On retiendra le moment le plus fort de l’épisode qui est finalement la scène d’horreur la moins visuelle et la plus psychologique : le grand coup de gueule de Dean sur sa condition de chasseur, balançant toute sa haine de son « métier » et toute l’absurdité de cette activité, « anormale » par rapport à l’existence du commun des mortels, tellement moins dangereuse et rassurante, avec son frère comme unique compagnie, ce qui même avec le plus grand amour fraternel au monde, donne de sporadiques conflits parfois violents et épuisants. Le côté industrieux de leur entreprise apparaît comme particulièrement éprouvant, et humanise grandement le personnage. Le duo Loflin-Dabb a manifestement tout compris d’entrée à la série. Dès lors, les mâchoires de la peur semblent engloutir Dean définitivement tandis que le twist final se montre particulièrement anxiogène. Sierra McCormick confirme que bien qu’enfant à l’époque, elle savait se montrer aussi terrifiante que tout acteur confirmé : son harcèlement écrasant contre un Dean dans les affres de l’agonie met les nerfs à vif, tandis que le mano a mano final se montre haletant à souhait avec une idée bien tordue et pas franchement éthique de Sam qui laissera même troublé Bobby (ah, Jim, Jim, mais qu’est-ce qu’on ferait sans toi ?).

Supernatural continue de creuser son chemin de noirceur avec des codas désormais de moins en moins riantes : Dean a beau être sorti du cauchemar, le frisson glacial de fin (une idée en or) ne donnera aucun réconfort au spectateur. Aussi, on ne boudera pas la surprise inattendue du « bonus » de l’épisode : un show de Jensen Ackles sur Eye of the Tiger à se rouler par terre et appelé à devenir culte parmi les fans ! Ce cassage spécial de 4e mur n’avait plus eu d’équivalent depuis le final de la saison 4 de Clair de Lune, qui se terminait aussi sur un bonus : Herbert Viola chantant une version délirante de Wooly Bully. Tiens, mais ça tombe bien, Curtis Armstrong, son interprète, fera plus tard son entrée dans la série dans le rôle du Métatron. À croire que c’était prédestiné...

La critique d'Estuaire44 : 

Yellow Fever reprend avec succès l’excellente idée déjà développée dans Bad Day at Black Rock : réaliser non pas un épisode décalé, mais bien un récit suivant l’ordonnancement classique, tout en en rendant l’élément fantasmatique suffisamment farfelu pour que l’on se situe à la lisière. L’imagination transgressive s’appuie ainsi sur des ressorts narratifs éprouvés, forçant à l’efficacité. On pourra certes regretter une plus grande mono définition de l’humour que lors du précédent opus, où la malchance extrême de Sam autorisant des figures virtuoses à la Destination Finale, Ben Edlund reste difficilement égalable sur ce registre. Ici l’unique ressort comique (ou quasi) repose sur la réaction sur paniquée de Dean face aux évènements. Le risque réside dans la répétitivité, mais l’épisode contourne ce péril grâce à d’excellentes idées, dont le joyeux parallèle entre Hellhound et petit chien mignon, ou encore une Lilith très en forme, bien qu’onirique.

Mais l’atout de l’épisode demeure l’étonnant numéro de Jensen Ackles, absolument hilarant de bout en bout, un vrai stand up (génialement prolongé par la désarmais mythique interprétation de Eye of the Tiger). C’est désormais officel : jensen aura vraitout fait pour cette série. La complicité avec Jared joue aussi pleinement, on pourra difficilement affirmer après cet épisode qu’il s(agit d’acteurs fades. On aime aussi quand, régulièrement, Supernatural nous entraîne dans des endroits originaux et consubstantiellement américains, c’est ici le cas avec cette impressionnante scierie. Tout comme Monster Movie souffrait d’une comparaison avec Prométhée post-moderne, le fabuleux X-Cops montre davantage d’audace et de finesse scénaristiques sur un sujet quasi similaire à celui de Yellow Fever, mais qu’importe, l’exercice de style demeure hautement réussi et parfaitement réjouissant.

Anecdotes :

  • L’épisode marque l’entrée d’Andrew Dabb dans l’équipe de scénaristes de la série. Après avoir écrit 32 épisodes et occupé diverses fonctions (producteur, supervision des scénarios), il devient – à l’exception du créateur Eric Kripke en saison 6 – le premier auteur non showrunner à écrire un final de saison (Alpha and Omega, 11-23), avant d'être nommé lui-même showrunner de Supernatural à l’issue de la saison 11, aux côtés de Robert Singer.

  • Improvisée par Jensen Ackles en cours de tournage, la séquence Eye of the Tiger (de Survivor) fut finalement conservée par Kripke, après avoir fait rire toute l’équipe de production.

  • Bobby parle couramment le japonais. Sa réponse à Sam signifie « depuis avant ta naissance ».

  • Sam et Dean se font passer pour les Agents Tyler et Perry. Steven Tyler (chanteur) et Joe Perry (guitariste) sont des membres fondateurs du groupe Aerosmith, en 1970.

  • Dean dit écouter en boucle les cinq mêmes albums dans sa voiture.

  • On apprend que Sam a de fréquentes flatulences quand il mange (voilà, c’est Sam).

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7. LA LÉGENDE D’HALLOWEEN
(ITS THE GREAT PUMPKIN, SAM WINCHESTER)

Scénario : Julie Siege

Réalisation : Charles Beeson

Zombie-ghost orgy, huh? Well, that's it. I'm torching everybody !

Résumé :

Deux jours avant Halloween : un homme meurt après avoir avalé 4 lames de rasoir ayant mystérieusement apparu dans des bonbons. Veille d’Halloween : une adolescente meurt immergée dans de l’eau ayant subitement bouilli. Dans les deux cas, un sac de malédiction a été retrouvé ; pourtant aucune des deux victimes n’avait d’ennemi. Lors de leur enquête, Sam et Dean reçoivent la visite de Castiel et d’Uriel, un autre ange : quelqu’un va essayer le soir d’Halloween d’invoquer un des plus puissants démons de l’enfer ainsi que toute une armée derrière lui, et ils ont reçu des ordres divins pour le moins… expéditifs.

Pour votre Ange personnel, nous avons le modèle tire-la-gueule, et le modèle tire-vraiment-la-gueule.

La critique de Clément Diaz : 

La scénariste Julie Siege, qui ne restera que deux saisons, compose le premier de ses moult chefs-d’œuvre avec le détour obligé des séries fantastiques : Halloween. On admire toujours cette bonne vieille recette, celle du Red Museum des X-Files, consistant à nous dire, eh les gars, c’est qu’un loner, reposez-vous, ah non en fait, on va virer dans la grosse Mythologie à mi-parcours, haha, elle est bonne ma blague (léger désaccord des Weuh). L’épisode parvient en effet à rassembler en 42 minutes une captivante enquête sachant plaquer ses twists fracassants à tempo, tout un discours sur la justice et le libre-arbitre par rapport à la religion développé avec une grande réussite philosophique et émotionnelle, une nouvelle poussée en avant de la Mythologie de la série qui approfondit les portraits des Anges (décidément peu festifs en temps de guerre), tout en dramatisant encore davantage les relations entre deux frères, avec enfin un focus sur Sam après toute une période consacrée essentiellement à Dean. Une telle concentration propulse un scénario gonflé aux amphets, magistralement servi par Charles Beeson, décidément un des meilleurs réalisateurs de la série. Cet éblouissant début de saison nous confirme qu’après trois bonnes saisons en crescendo, la saison 4 joue en virtuose sur tous les claviers de la Mythologie et de ses codes visuels et narratifs.

Avec une ironie mordante, Siege s’amuse à reprendre toutes les attractions d’Halloween pour les tourner en catastrophe : les bonbons cachant des rasoirs (une légende urbaine américaine régulièrement ressortie), le bassin de pommes cramant le visage d’une pauvre adolescente (la contreplongée de Beeson est désarmante d’effroi), la fiesta dans le cimetière qui devient cimetière pour ceux qui font la fiesta, voire même sous un angle mineur les conséquences de ne pas donner aux enfants les friandises demandées sous peine de retour de flamme hilarant (pour le public, pas pour Dean, hein). L’excellente Ashley Benson se montre joliment perverse dans un rôle à double face, bien plus attrayant que l’aseptisée Hanna Marin de Pretty little liars. Mais l’enquête rebondit soudainement quand les Anges s’en mêlent. Si Castiel n’est pas assez sympa pour vous, vous risquez de recevoir une sévère douche froide avec son pote Uriel, adepte des méthodes radicales, et pas franchement fan des bros. Cela dit, on adore voir les frères ne pas se laisser démonter par leurs supérieurs (Dean insinuant qu’Uriel « en a une petite » est sans prix), quels dialogues ! Il est surtout bouleversant de voir Sam et Dean s’opposer franchement à eux pour défendre la vie des humains face à une « justice divine » certes logique quantitativement, mais injustifiable moralement. Il ne s’agit pas là d’une attaque antichrétienne comme on a pu le penser (On connaît depuis Faith le respect de Supernatural envers les religions), mais d’une gonflée désacralisation des Anges, vus avant tout comme des guerriers devant user de méthodes extrêmes pour contrer les plans du Diable (ce qui quand on lit l’Apocalypse de Saint Jean, n’est pas si absurde que ça).

Si Uriel est ok avec ça, Castiel exprime des doutes abyssaux pour quelqu’un de son rang, partagé entre devoir envers son patron et le respect pour les hommes. À ce titre, la magnifique coda le voyant avouer un vrai amour pour les créatures forgées par Dieu que sont les hommes, et soulagé de la décision de Dean, adoucit cette amertume. Ce n’est pas le moindre exploit de Kripke de développer une vision particulièrement vitriolée des Anges et de Dieu, mue par les obligations dramatiques de la série et non par antithéisme. Le résultat est une grandiose extension du domaine de la lutte : la menace Lucifer ne cesse d’augmenter tandis que Lilith travaille en sous-main, obligeant tous les protagonistes principaux à être au plus près de la bataille. Uriel promet de jolies complications à l’avenir.

L’intrigue du jour n’est qu’une simple course-poursuite, mais quelle poursuite ! Émaillée de scènes-chocs comme celle frissonnante du masque, ou de l’invocation de Samhain recelant deux twists consécutifs à effet maximal, l’immersion dans l’action est totale, culminant avec une double bataille entre Dean d’un côté et Sam de l’autre. Le difficile exorcisme de Sam, qui à cette occasion semble basculer un cran de plus dans les ténèbres, est bien près de tout faire disjoncter tant la tension est à son comble. Incarné avec conviction par Don McManus, Samhein se montre un adversaire de taille, nos deux héros ne parvenant à triompher qu’après avoir été jusqu’au bout de leurs forces. Plusieurs voyants rouges viennent de s’allumer, et il semble bien que la saison se dirige à pas de géants vers une flamboyante apocalypse. Un épisode non seulement riche en lui-même mais qui promet de même beaucoup par la suite.

La critique d'Estuaire44 : 

La première réflexion que suscite le particulièrement riche Its the Great Pumpkin, Sam Winchester est « Bon Dieu, mais c’est bien sûr, il n’y avait encore pas eu d’épisode Halloween dans Supernatural ». Cela ne nous avait pas frappé, sans doute par ce que la série elle-même est un Halloween permanent, virtuose et sur vitaminé. Tout l’aspect Halloween est divertissant en diable, entre humour sarcastique et morts atroces bien jouasses, avec le recours bien trouvé à la sorcellerie telle qu’entrevue la saison passée (très bon le gros plan vu de l’intérieur de la bouche et les masques immondes !). Hélas, Ashley Benson, la jeune actrice interprétant la sorcière, minaude sans manifester une réelle présence. On se dit alors que l’on est parti pour un bon épisode à la manière de la saison 1, un Search and Kill des familles, agrémenté par le côté celtique et ce lycée où rode le mal (souvenirs, souvenirs), quand explose la méga bombe avec l’arrivée surprise de Castiel et du souriant Uriel (spécialiste es « purifications » de masse). Le duo est tellement Good Cop/Bad Cop qu’il en devient franchement amusant.

On adore la scène où celui qui n’est pas encore Cas se décide finalement à serrer la main de Sam le Corrompu. Beaucoup de choses se débloquent à ce moment-là, comme une grande porte qui s’ouvre. Castiel confirme à quel point il électrise un scénario classique de Supernatural, tandis que le méga plan des deux Shérifs célestes et la saine réaction des Winchester introduit déjà la thématique du libre arbitre, appelé à devenir si important dans la série. Tout le final face à Samain entremêle joyeusement humour gore (Dean énorme face aux zombies) et pur Effroi (Sam laissant s’exprimer the Démon en lui), un grand moment. On retiendra cependant les deux ultimes confrontations angéliques, très différentes, comme parfaites développements de l’action principale. Cet épisode particulièrement dense demeurera celui où Castiel débute son cheminement personnel, une évolution malaisée mais captivante, que la série va entreprendre de nous raconter.

Anecdotes :

  • Lors du jeu de pommes dans le bassin d’eau, on entend Just as Through withYou de Nine Days. Durant la fête au cimetière on entend Bomb, de Triple 7.

  • Dean se présente comme étant l’Agent Seger. Seger et un important chanteur et guitariste de Rock, ses chansons ont été à plusieurs fois reprises en France par Johnny Hallyday. Les deux frères se présentent ensuite comme les Agents Geddy et Lee, les noms du chanteur et du bassiste du groupe Rush.

  • Sam déclare For us, everyday is Halloween. Il s’agit d’un clin d’œil au tube du même titre du groupe de métal industriel Ministry (1984). la chanson est très populaire chez les Gothiques américains.
  • Le titre est une référence à celui d’un des albums des Peanuts : It's the Great Pumpkin, Charlie Brown.

  • La gravure censée représenter Samain est en fait l’ouvre de Gustave Doré et illustre La Divine Comédie de Dante, sans aucun lien avec la mythologie celtique.

  • Samain est en fait le nom de l’antique fête celtique célébrant le passage de la saison lumineuse à la sombre, mais aussi du monde des vivants à celui des morts. Elle est effectivement l’ancêtre de l’actuelle Halloween.

  • Tracy est interprétée par Ashley Benson, qui allait bientôt se faire connaître pour le rôle d’Hannah Martin dans la série Pretty Little Liars (2010-2017).

  • Les différentes traditions ésotériques décrivent Uriel comme un Ange situé très haut dans la hiérarchie angélique, parfois même comme un quatrième Archange aux côtés de Michaël, Raphaël et Gabriel (Lucifer n’est plus compté parmi eux).

  • La mort de la jeune fille déguisée en infirmière est un clin d’œil au film Halloween II (1981). A l’hôpital, Michael y tue pareillement une infirmière en la noyant dans un jacuzzi dont l’eau bouillante lui brûle aussi le visage.

  • Lorsque Sam fait une réflexion sur la nourriture, Dean l’appelle sarcastiquement « Betty Crocker », le nom d’un personnage publicitaire de la société agroalimentaire General Mills existant depuis les années 1920. Dean évoque également Babe Ruth (1895-1948), considéré comme le plus grand joueur de baseball de tous les temps aux USA, connu pour son impressionnante force de frappe. 3e meilleur record du nombre de coups de circuit (714), il a établi 194 nouveaux records, dont 53 n’ont pas encore été battus.

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8. LE PUITS AUX SOUHAITS
(WISHFUL THINKING)

Scénario : Ben Edlund, d’après une histoire de Ben Edlund & Lou Bollo

Réalisation : Robert Singer

- Aren't you the guys from the Health Department?

- Yeah. And florists on the side.

- Plus FBI. And on Thursdays, we're teddy bear doctors.

Résumé :

Une jeune femme surprise sous sa douche par un fantôme timide, des immenses traces de pas attribués à Bigfoot, la créature légendaire, une fiancée collante jusqu’à l’asphyxie, un petit garçon effrayant tous ses camarades… Cet inventaire à la Prévert constitue l’enquête du jour pour nos Winchester, qui se demandent bien dans quel délire ils ont mis les pieds…

Je souhaite que Supernatural dure au moins 12 saisons… Yeeeeeeah, ça a marché !

La critique de Clément Diaz :


Ben Edlund au scénar dit logiquement gros épisode barré. Effectivement, le scénariste nous régale d’un épisode gentiment fêlé, à l’allure très nonchalante, faisant l’effet d’une légère ivresse, celle qu’on a après avoir bu une coupe de champagne de trop. Cette bulle de légèreté fait du bien dans une saison marquée par une bataille à distance contre Lucifer en personne, d’autant qu’elle ne se montre pas gratuite : le sujet et les péripéties s’inscrivent dans un ton très moral éminemment Twilight Zone sur l’inépuisable thème de la lampe magique (on pense beaucoup à The man in the bottle dont l’humour est très similaire). S’il ne montre pas l’intelligence caustique du Je Souhaite des X-Files, peut-être l’avatar le plus réussi de ce thème, l’épisode sait ne pas être artificiel et ironise sur la recherche de la facilité et l’impatience humaines, ici responsables de vœux certes exaucés mais se retournant contre les demandeurs.

À un tempo tranquillement retenu mais jamais longuet, l’épisode mise sur une atmosphère fêlée plutôt que sur le gag frénétique caractérisant les épisodes comiques de Supernatural. On lâche quelques fous rires tout en ayant toujours le sourire aux lèvres, avec quelques scènes totalement frappadingues comme l’ours en peluche - présageant l’hilarant Ted de Seth MacFarlane - qui entre deux vulgarités nous régale de la tentative de suicide la plus WTF des séries fantastiques (même le Spike de Buffy est battu), le Casper plus bête que méchant, le Benoît Brisefer local, et en point d’orgue une mort très à la Beep-Beep et Coyote ! On aime beaucoup le cas principal, un remake de l’excellent The Chaser de La Quatrième Dimension, avec un homme peu gâté physiquement obtenant les faveurs d’une jolie femme attachante… trop attachante (la sublime Anita Brown cabotine délicieusement), scènes de couple grinçantes et enlevées au menu ! Là aussi, le « profiteur » est décrit plus comme désespéré que manipulateur, souhaitant abandonner cette mascarade, mais trop lâche pour y arriver. Heureusement, il y a nos Weuh…

Le crescendo inquiétant des vœux permet la dramatisation toujours nécessaire dans un épisode comique. Moral mais pas moraliste, on apprécie qu’Edlund adopte un regard tendre envers ceux s’approchant du puits de souhaits de l’épisode, dans l’acception inverse des démons des carrefours (l’épisode est un des très rares de la série où personne ne meurt à la fin). Les « victimes » sont tous des personnes souffrant d’une vie difficile (rejet de la gent féminine, solitude d’une petite fille, harcèlement) et souhaitent donc une « compensation immédiate » via des souhaits automatiques. Dans la grande tradition de La Quatrième Dimension, les souhaits se retournent contre ceux qui les ont émis, avec une ironie acide, Edlund et Bollo n’excusant pas pour autant ce choix de céder à la tentation et exaltant une idée très américaine de se construire soi-même en prenant le temps qu’il faut. Vouloir défier les lois de l’univers, même dans le Fantastique, demeure dangereux. De même, ils pointent le travers humain à prendre des mesures excessives pour conserver un bonheur illusoire, jusqu’à l’injustifiable (le vœu d’assassinat).

Malgré leurs défauts, Dean et Sam se montrent plus sages, le second ne tentant pas sa chance, et le premier se contentant d’un délicieux sandwich (pêché de gourmandise qu’il paie rapidement…). L’épisode marque également l’évolution de Sam, désormais immergé à plein dans une vie qu’il a accepté et où il ne désire plus retourner en arrière, même si on lui en offrait la possibilité. Or, Dean, après What is and what should ever be, et plus récemment In the beginning, troquerait volontiers son présent « héroïque » contre un présent « normal ». La différence entre les deux frères est sans cesse accentuée, pour le meilleur mais beaucoup pour le pire, leurs points de vue différents sur la Vie ayant débouché jadis sur de terribles conflits, et qui ne s’arrêteront sans doute pas. Dean refusant de parler de son séjour infernal à Sam creuse une nouvelle fêlure entre eux deux, alors même que ces souvenirs le hanteront pour toujours. Une coda dramatique terminant justement cet épisode foufou.

La critique d'Estuaire44 : 

Scénario finalement très à la Twilight Zone pour Wishful Thinking, avec cette fontaine aux souhaits fournissant miracle sur miracle. L’anthologie de Rod Serling recèle plusieurs histoires au tour du thème du cadeau apparemment enchanté, mais en fait piégé, avec une conclusion se teintant de morale. On retrouve ici le même dispositif, avec des idées d’intérêt divers. Le billet gagnant à la loterie ou la flèche de cupidon ne sortent guère de l’ordinaire. Mais le récit bénéficie néanmoins de plusieurs excellentes idées, comme le Big Foot (excellentes vannes) ou, l’éclair de cartoon à la Tex Avery, ou, surtout, le passage totalement délirant du Teddy Bear animé par une adorable petite fille et se révélant totalement suicidaire et nihiliste. Cultissime.

Le traitement global de l’histoire demeure tout de même assez léger, évacuant trop vite l’aspect de formidable arme potentielle que représente la source pour les Bros (je souhaite que Lilith meure). De plus, l'histoire des souvenirs torturés de Dean tombe ici quelque peu à contre temps. La rupture de ton semble trop marquée avec le corpus central du réccit, et commuer un épisode décalé en un mythologique reste plus acrobatique qu’à partir d’un loner standard. Le talent comique des deux comédiens principaux, toujours aussi complices, assure néanmoins le spectacle tout au long du récit. Amusant guesting de Ted Raimi, le Joxer de Xéna, parfaitement à son affaire ici.

Anecdotes :

  • Ted Raimi (Wesley) est frère du producteur et réalisateur Sam Raimi. Il participe souvent aux productions de son frère, interprétant notamment Joxer dans les aventures de Xéna, Hoffman dans la trilogie Spider-Man, et plusieurs petits rôles dans celle d’Evil Dead

  • With great power comes great responsibility déclare Dean au petit garçon. Il s’agit d’une reprise d’une célèbre réplique de la trilogie Spider-man, dans laquelle joue Ted Raimi et qui est réalisée par son frère.

  • Sam étant ressuscité, il s’agit du premier épisode de la série où, en définitive, personne ne meurt.

  • Sam prétend écrire un livre intitulé Supernatural, un clin d’œil à la série elle-même. L'épisode The Monster at the end of this book (4-18) nous apprendra qu'il existe déjà en réalité une série de romans Supernatural.

  • Kneel before Todd !, s’exclame le jeune Todd. Il s’agit d’un clin d’œil à Kneel before Zod !, la phrase rituelle de Général Zod, cet ennemi de Superman venu lui aussi de Krypton.

  • Or it's a Bigfoot. You know, and he's some kind of alcoholic-porno addict. Kind of like a deep-woods Duchovny déclare Dean, un clin d’œil aux démêles alors connus par David Duchovny. En août 2008, l’acteur avait annoncé subir une cure de désintoxication pour addiction sexuelle.

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9. SOUVENIRS DE L’AU-DELÀ
(I KNOW WHAT YOU DID LAST SUMMER)

Scénario : Sera Gamble

Réalisation : Charles Beeson

Who do I have to kill to get some French fries around here?

Résumé :

Anna Milton, une jeune journaliste, est internée dans un hôpital psychiatrique car elle est capable depuis peu d’entendre les Anges parler, en particulier de l’apocalypse se préparant. Parvenant à échapper à un démon, Anna s’enfuit et se cache, m    ais finit par rencontrer Sam et Dean, sur les lieux grâce à Ruby. Alors que le trio doit protéger Anna des démons qui tireraient d’elle des informations capitales sur la stratégie des Anges, Sam révèle à Dean pourquoi il a pleine confiance en Ruby…

Où Sam enlève le haut… bon, ben, 4 étoiles donc.

La critique de Clément Diaz : 

L’épisode paraît avant tout fonctionnel, car recourant au procédé éculé du flash-back pour nous délivrer d’importantes révélations, ici sur la relation si particulière unissant Sam et son coach, tandis que l’affaire du jour, resserrée, ne connaît qu’un développement minimal. Sera Gamble, la meilleure auteure de l’ère Kripke (avec ce dernier, Ben Edlund, et Julie Siege), se tire de cette double faiblesse en poussant au maximum son don naturel pour le suspense intense, qui irrigue deux intrigues très distinctes de forme, mais au ton pareillement enténébré, et émaillées chacune de scènes-chocs telles que Supernatural sait s’y bien en faire. Ruby bondit au premier plan, confirmant sa solide valeur ajoutée au show tandis que la saison bénéficie du savant dosage du crescendo élaboré par Kripke : les démons opposés à nos deux frères deviennent de plus en plus puissants, et les Anges de moins en moins… angéliques.

Le récit fortement sombre de Sam a l’intelligence de ne pas que dérouler une péripétie passée, ou expliquer ses attitudes instables depuis le début de la saison : il s’agit véritablement d’une exploration quasi entomologique du personnage, à deux doigts de sombrer dans la folie alors qu’il évolue au sein de ténèbres dans lesquels il est plongé depuis la mort de Dean et échoue encore actuellement à s’extirper. Son nihilisme absolu transparaît lors de l’éprouvante discussion à couteaux tirés (sens propre comme figuré) avec le démon des carrefours ou sa résignation lorsqu’il croit voir sa dernière heure arriver, comme s’il souhaitait en finir avec une vie qu’il ne supporte plus. Jared Padalecki impressionne dans la rage doloriste tantôt exacerbée tantôt retenue de son personnage, se montrant effrayant mais aussi tragique dans son incapacité à accepter la mort de son frère.

La mise en place de la relation de confiance avec Ruby s’effectue avec force rebondissements pour qu’on y croit, Ruby devant montrer plusieurs fois patte blanche pour prouver sa bonne foi (l’éthique est sauve quant à l’utilisation du nouveau vaisseau de chair), et y parvenant. Comme Dean, nous sommes acculés à l’évidence, Ruby semble bien du côté de nos héros. Mais si Sam retrouve le goût du combat grâce à elle, il reste très enténébré même depuis la résurrection de Dean, alors que Ruby excite son côté sombre pour le rendre plus fort, soit une intention louable sur le fond, mais contestable sur la forme. Rien ne paraît sain dans le lien Sam-Ruby, un couple Bonnie & Clyde du côté du « Bien » mais ne vivant que dans une détermination colérique, quasi hystérique. Leur scène sexuelle, inhabituellement torride, marque la force de leur lien, mais aussi interroge sur les intentions de la démone : passion ou manipulation ? Genevieve Cortese exprime toute la violence, la sensualité, et l’ambiguïté latente de Ruby avec une puissance indéniable.

Gamble compense l’intrigue minimale du jour en faisant entrer en scène deux très forts personnages : le terrible Alastair, qui dispose des deux frérots avec une aisance horrifiante, et cette auditrice involontaire des paroles des soldats du Très-Haut. Piégée dans une situation inextricable, faiblement protégée par des Winchester plus en difficulté que jamais, mais acceptant pleinement l’horrible vérité, Anna est une excellente idée de scénariste non seulement en montant encore les enjeux de la saison, car puissante arme potentielle pour les démons, mais aussi pour elle-même, pour l’émotion de son personnage entre les griffes d’un destin inhumain, et dont le cliffhanger semble tuer tout espoir pour elle de s’en sortir. Belle interprétation de Julie McNiven. Cette saison 4, plus feuilletonnante que les trois premières, roule à tombeau ouvert, rendant le spectateur délicieusement tachycharde.

La critique d'Estuaire44 : 

I Know What You Did Last Summer achève de confirmer que le Démon de la Vanne s'est emparé des auteurs des titres de Supernatural. Il introduit également le formidable personnage d’Anna, l’un des grands coups d’éclat de cette saison. La rousse Anna est déjà parfaitement incarnée par la délicieusement évanescente Julie McNiven (difficile de ne pas tomber amoureux, tant elle apparaît elle-même angélique). On parlera toutefois d’elle lors du prochain opus ; ici ,le présent se consacrant de fait essentiellement à la découverte des six mois mystères entre Sam et Ruby, enfin, mystères, on avait bien compris que ça fricotait, hein. Le récit prend certes la forme d’un flash-back parfaitement minuté, agrémenté par les savoureuses interruptions de Dean. Le puzzle se met impeccablement en place mais on retient surtout l’excellente prestation de la brune Geneviève Cortese, qui apporte une sensibilité et une fragilité bienvenue à Ruby. La dimension religieuse de Lucifer en Dieu des démons est également indiquée, cela pose encore plus le personnage, si besoin en était.

J’ai bien aimé que Ruby perde le duel au couteau face au gorille de Lilith, on ne saurait mieux expliciter qu’elle emploie désormais d’autres armes. Les auteurs ont la bonne d’idée d’insérer l’idée du vaisseau inanimé, qui vaut ce qu’elle vaut mais évite de rendre la situation insupportable moralement. Une histoire sombre et captivante où Ruby avance à l’évidence masquée, mais sans que l’on devine où le bat blesse. Quelques à-côtés viennent encore agrémenter le spectacle, l’excellent guesting de Mark Rolston en Alastair, le bras droit de Lilith appelé à être incarné par d’excellents acteurs, la perte du Couteau, le parallèle assez jouissif établi dans l’introduction entre Anna et Sarah Connor (Terminator 2) et bien entendu le cliffhanger pas piqué des vers, avec les deux Pistoleros en grande forme, A suivre, après ce nouvel épisode remarquablement dense.

Anecdotes :

  • Julie McNiven (Anna Milton) est notamment connue pour le rôle de Ginn dan Stargate Universe et de Hildy dans Mad Men. Elle mène également une carrière de chanteuse.

  • Le nom de Milton fait référence à John Milton, auteur du poème épique Le Paradis perdu (1667). Le texte narre la chute de Lucifer, puis ses manigances menant à l’exil d’Adam et Eve hors du Jardin d’Éden.

  • Le titre original reprend celui d’un Slasher movie à succès (1997) avec notamment Sarah Michelle Gellar et Jennifer Love Hewitt à l’affiche.

  • Dean surnomme Anna « Girl Interrupted », il s’agit du titre d’un film de 1999 (Une vie volée) mettant en scène une jeune femme hospitalisée dans une institution psychiatrique, après une tentative de suicide. Misha Collins y tient l’un de ses tous premiers rôles.

  • La radio angélique, comme la surnomme Dean, apparaît ici pour la première fois. Ce concert d’échanges d’informations entre les Anges va être référencé plusieurs fois au cours de la série. Elle jouera notamment un grand rôle lors de la confrontation entre Métatron et Castiel, en saison 9.

  • Robert Singer rappelle que la scène de sexe entre Sam et Ruby fut tournée avant que Jared Padalecki et Genevieve Cortese ne se fréquentassent officiellement. Toutefois, l’équipe ne cacha pas son étonnement devant la « ferveur » des comédiens à tourner la scène, ce qui amena certains à penser que la scène eût pu servir de catharsis pour leur relation !

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10. DISGRÂCE
(HEAVEN AND HELL)

 

Scénario : Eric Kripke, d’après une histoire de Trevor Sands

Réalisation : J. Miller Tobin

- Why would you want to be one of us? A bunch of miserable bastards; I mean, eating, crapping, confused, afraid.

- I don't know, there’s loyalty, forgiveness, love.

- Pain.

- Chocolate cake.

- Guilt.

- Sex.

- Yeah, you got me there.

Résumé :

Grâce à ses pouvoirs, Anna parvient à faire fuir Castiel et Uriel. Une séance d’hypnose chez Pamela Barnes (cf. La main de Dieu) révèle une stupéfiante vérité : elle est un ancien ange qui, en désaccord avec Dieu, a décidé de devenir humain. Coincée entre Castiel et Uriel qui ont reçu les ordres de la tuer, et Alastair qui cherche à l’amener en Enfer pour la forcer à lui transmettre toutes les conversations des Anges, aucune issue semble s’ouvrir pour Anna. Les Winchester et Ruby pourront-ils à la fois affronter les guerriers célestes et infernaux ?…

Ne dites jamais à Dean que les anges n’ont pas de sexe, ça le ferait marrer…

La critique de Clément Diaz : 

 

Un de mes épisodes favoris de toute la série.

Après avoir amassé une formidable tension, la saison 4 la libère dans cet épisode de mid-season. Dans un hallucinant tournoiement de confrontations spectaculaires, de dialogues ambitieux, de rebondissements à réveiller les morts, et de révélations tonitruantes, l’épisode vole très haut sur les cimes du thriller, tout en carburant au moteur de l’émotion, mettant en scène une première bataille directe entre le Ciel et l’Enfer, à laquelle succède une des plus déchirantes codas de la série.

L’histoire parfaitement architecturée de Trevor Sands (unique contribution à la série) happe le spectateur dès l’introduction, qui frappe en fanfare avec la première déroute des anges, résolvant brillamment le cliffhanger précédent. Si nous apprécions le bref retour de Pamela (toujours aussi entreprenante, Sam le confirme), le rebondissement spectaculaire d’Anna va entraîner une accélération vertigineuse de l’intrigue, menée entre autres par une Ruby plus terriblement ambiguë que jamais, domaine dans lequel Genevieve Cortese est pleinement à l’aise, tout en apportant un assouplissement plus chaleureux de son personnage ténébreux. Le sublime dialogue entre Anna et Dean fait ouvertement référence aux Ailes du désir de Wim Wenders, avec cet ange rejoignant les humains pour vivre comme eux, emportée non par amour sentimental comme l’ange Damiel, mais bien l’amour divin. Eric Kripke n’a jamais été si personnel que lors de cet échange où s’entremêlent la défense passionnée du libre-arbitre et l’exaltation de nos imperfections comme sources de bonheurs terrestres, tellement plus valorisants qu’une épuisante perfection, insatisfaisante à l’homme, et subie par des anges las.

On peut y lire une critique du perfectionnisme sociétal et personnel. La description des anges comme des soldats obéissants et frustrés, sans le libre-arbitre accordé aux hommes, surprend, mais cette idée permet de donner un intérêt dramatique aux anges et de fêler l’armure de Castiel, en proie à des doutes abyssaux qui éclateront tôt ou tard (quel éclat sombre et triste dans les yeux de Misha Collins !). Anna flamboie d’émotion, que ce soit lors de sa scène d’amour avec Dean (oui, dans Supernatural, on peut tout faire, copuler avec des anges aussi) et dans son bouleversant pardon. Julie McNiven rayonne de compassion, rendant crédible et émouvant un personnage improbable. La veillée d’armes fourmille d’un suspense omniprésent où, à chaque seconde, on sent que tout, mais tout peut basculer, mais on ne sait jamais à quel moment.

La double attaque simultanée d’Uriel et Alastair est un des plus grands sommets d’intensité atteints par Supernatural (Dean a bien du mérite). On reste pantois devant le plan tout simplement suicidaire de Sam, grandiose idée où il va parvenir à mettre les deux parties en présence pour s’entretuer. L’odieux chantage subi par Dean et la terrible torture de Ruby mènent à ce climatique final où le Ciel et l’Enfer bataillent pour la première fois, avec des fulgurances épiques filmées avec précision par le vétéran J. Miller Tobin, qui s’approche presque du niveau de Kim Manners (qui devait clairement le réaliser). Le triomphe céleste arraché de justesse, loin de soulager, ne résout rien. Dans cet épisode auquel on reprochera seulement l’absence de Bobby dans un moment si important et la facilité de la grâce d’Anna portée par Uriel, la coda finale élève définitivement l’épisode au panthéon des plus grands épisodes de télévision, avec le monologue à fleur de peau de Dean, révélation d’un tragique aussi tonitruant que sans espoir. Jensen Ackles se donne comme jamais dans cette scène magistrale, et l’on ressent pleinement l’émotion de l’acteur au moment de cette prise de parole. Frénétique, ambitieux, enchaînant les rebondissements assassins comme les émotions les plus violentes, Heaven and Hell clôt cette première moitié de saison 4 de la meilleure des façons, tout en offrant à la série un de ses plus grands chefs-d’œuvre.

La critique d'Estuaire44 : 

 

Heaven and Hell demeure certainement l'un des opus les plus ambitieux de Supernatural. Se structurant en double épisode avec I Know What You Did Last Summer, il introduit une magistrale symétrie entre les confessions des deux frères, et leur pareille recherche d'un répit passager à leurs souffrances, ou non, auprès de partenaire se refusant à juger. Plus concise, celle de Dean apparaît également davantage bouleversante que celle de Sam, par l'impact de ce qu'elle révèle mais aussi grâce à un étonnante composition de Jensen Ackles, décidément convaincant sur bien des registres différents. Un moment particulièrement fort et âpre. Heaven and Hell permet également de mesurer la féconde complexité désormais atteinte par l'univers de Supernatural, avec un de parties adverses et ramifiées s'opposant au cours d'un récit dense mais toujours clair et dynamique. Du bel ouvrage, la saison 1 et ses simples monstres de la semaine apparaissent bien loin. Uriel et Alastair confirment la solidité de leur caractérisation. Après avoir été précédemment centrale, Ruby demeure logiquement en retrait (quand elle ne subit pas la torture).

Outre Dean, l'épisode demeure cependant dominé par Ana et Castiel. La diaphane et éthérée Julie McNiven exprime merveilleusement le côté décalé d'Anna, à mi-chemin entre deux mondes et n'appartenant réellement à aucun. Le côté road movie initiatique du récit est passionnant. Cette évocation de la Grâce et de la Chute s'élève au-dessus du fracas des combats, couronnée par la vison majestueuse de l'Arbre. Sublime et étonnamment solennel. On apprécie aussi de découvrir le regard que porte Castiel sur les événements et l'écho que cela éveille dans ess propres sentiments (somptueux Misha Collins). Comme quoi tout est possible dans Supernatural, y compris le raffinement psychologique. Sans oublier bien entendu l'action, Castiel reste d'ailleurs une sacrée Killing Machine, tout en évitant le piège de l'invincibilité. Anna, crucial catalyseur pour Dean, demeurera une superbe rencontre.

Anecdotes :

  • Le titre de travail de l’épisode était Hell’s Angels, il dut être modifié suite à une réclamation de l’association Hell's Angels Motorcycle Corporation, dépositaire de la marque.

  • Heaven and Hell est le titre d'un célèbre album (1980) du groupe de Heavy Metal Black Sabbath. Il marque le passage de témoin d'Ozzy Osbourne à Ronnie James Dio, au chant.

  • So what, you're just gonna take some divine bong hit and suddenly you're Roma Downey ? demande Dean à Anna. Roma Downey est l'une des deux interprètes principales de la série Les Anges du bonheur (1994-2003) racontant comment deux Anges vont incognito porter assistance aux humains.

  • Le sortilège permettant de bannir un Ange temporairement fait ici son apparition. Il sera régulièrement employé tout au long de la série.

  • Quand Dean et Anna font l’amour, on entend Ready for Love, de Bad Company.

  • Jared Paladecki remémore le tournage de la confession de Dean comme l’un des plus émotionnellement forts de la série, toute l’équipe étant bouleversée.

  • Évoqués par Ana, les quatre anges ayant contemplé la face de Dieu sont en fait les Archanges : Mickaël, Raphaël, Gabriel et Lucifer. Tous quatre vont intervenir ultérieurement dans la série.

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11. ENTRE LES MURS
(FAMILY REMAINS)

Scénario : Jeremy Carver

Réalisation : Philip Sgriccia

- There was blood everywhere.

- And Mr. Gibson, where was he?

- Everywhere.

Résumé :

Bill Gibson, un vieil homme, est retrouvé sauvagement assassiné dans sa maison à la campagne. Les Winchester pensent qu’un fantôme vengeur occupe les lieux mais ne peuvent empêcher la famille Carter de s’installer dans la nouvelle maison qu’ils ont achetée juste après la mort de Gibson. Toutefois, le fantôme n’agit pas comme l’ordinaire des fantômes, notamment en dérobant toutes les armes de Sam et Dean, maintenant démunis pour protéger les Carter contre son ire…

Supernatural ne fait pas de discrimination envers les enfants : ce sont tous des monstres.

La critique de Clément Diaz : 

  

Malgré les deux twists de son histoire, il faut avouer que Family Remains ne se distingue pas vraiment des autres histoires d’esprit vengeur (un loner sur trois dans la série), de plus pas sans quelques trous scénaristiques assez gênants. Carver s’est appuyé un peu trop sur son idée de base, qui ne modifie en rien le schéma de l’histoire-type de vengeance d’outre-tombe et la prévisibilité de ses péripéties. Heureusement, il n’en est pas moins un efficace conteur, et le suspense de l’intrigue se montre relevé par son respect global de la triple unité de lieu, d’action, et de temps. L’atout de l’épisode est toutefois bien sa force visuelle, où les décorateurs de la série se montrent au sommet de leur art pour imaginer cette maison confortable en apparence, horrifiante dès qu’on perce les murs, et la fantastique réalisation de Philip Sgriccia, ruisselante d’idées anxiogènes.

L’épisode ressemble beaucoup à un assemblage d’histoires précédentes : la famille piégée dans la maison rappelle Home et Salvation, le huis clos rappelle Asylum et Ghostfacers, l’enfant « dégénérée » fait penser à The Benders, le mode opératoire du fantôme est calqué sur No exit… ceci dit, le suspense n’a aucun mal à monter avec le comportement sans cesse inattendu de l’opposant, effrayant tour à tour les Carter et les Weuh par des manifestations théâtrales : étranges jeux avec les enfants, messages sur les murs mais sans une goutte de sang, scène du cercle de sel, filmée avec un sens consommé de l’horreur et de la surprise, cambriolage de l’Impala (entraînant une logique crise de nerfs de Dean)… mais n’édulcorant en rien ses pulsions sanguinaires. Les auteurs ont le bon sens de ne pas étirer trop longtemps le mystère, et de fait, font tout entier confiance à l’équipe technique pour transcender l’ultra classicisme de leur histoire (mis à part le twist final). Supernatural étant autant une série de réalisateurs que de scénaristes, l’épisode maintient sans problème sa qualité au moment de l’exploration éprouvante du repaire de Lizzie, véritable cauchemar glaçant où l’angoisse monte à chaque instant. L’épisode doit beaucoup à son interprète, Mandy Playdon, qui dans un rôle muet, déchaîne la terreur comme jamais (mention à la scène du rat), une performance donnant pleine mesure de son talent de comédienne de théâtre, au-delà de son maquillage halluciné. Par contre, on regrette certaines incohérences : une analphabète parvenant à écrire des messages, une force exceptionnelle pour une enfant, les effets spéciaux de l’introduction, ses allers-retours très rapides parfois peu explicables si ce n’est par un pouvoir de téléportation dont elle est manifestement dépourvue…

À l’exception de l’oncle transparent, la famille Carter se voit joliment décrite, caution émotion convaincante de cet épisode. Le grand talent d’Helen Slater trouve à s’exprimer dans cette mère tantôt passive, tantôt déterminée à sauver la chair de sa chair. Elle aurait quand même pu se faciliter la tâche en absorbant les radiations du soleil comme tout bon kryptonien qui se respecte… La remarquable évolution du père, d’incrédule terrorisé à nettoyeur déterminé, se suit avec intérêt, grâce au très bon David Newsom. Si encore une fois Sam est en retrait, il est touchant de voir Dean, impuissant à pardonner ses activités démoniaques passées, ne prendre aucun repos pour ne pas y penser. Shakespearien au possible, Dean est un personnage d’une grandeur et d’une détermination ténébreuses, parfois à lui tout seul locomotive de toute la série. L’on apprécie que l’épisode se conclut sans les trompettes de la franche victoire, l’opposition ne faisait après tout que « protéger » son domaine comme un animal apeuré et violent à la fois, avant tout malade et névrosé : sa fin sonne certes celle des meurtres, mais au niveau éthique, les bros n’ont pas de quoi être fiers, même si l’on aurait difficilement pu trouver une autre solution. La conclusion fait toutefois doublon avec la coda de l’épisode précédent, même si plus resserrée, et bénéficiant toujours d’un grand Jensen Ackles.

La critique d'Estuaire44 : 

  

Après une cavalcade mythologique, Family Remains permet de rythmer la saison grâce à un pur loner idéalement placé, mais le spectateur ne va pas souffler pour autant. Certes non. Cet épisode dégage une véritable épouvante, ayant l'excellente idée d'entremêler le meilleurs de deux traditions, les histoires de revenants et celles de dégénérés genre Bender. La mise en scène s'entend à dégager un véritable effroi, par des plans hautement suggestifs et un emploi savamment anxiogène d'un décor claustrophobique comme jamais. Bienvenue dans la crypte.

L'histoire de ces deux gamins s'avère également choquante au possible, comme un pur cauchemar en contraste avec la famille du dessus. Celle-ci se montre vraiment attachante, les auteurs ayant le sadisme d'en développer la rencontre bien davantage qu'à l'ordinaire, histoire d'accroître l'impact émotionnel d'une perte éventuelle. L'épisode reste un vrai one shot, quasiment déconnecté du corpus de Supernatural, hormis quelques vannes sur l'Impala ou autres discussions secondaires entre frères. Excellent guesting en optique inversée d'Helen Slater, la Supergirl du cinéma (un très bon souvenir des 80’s, quoi que l’on en dise), toujours aussi lumineuse, mais avec du métier en plus.

Anecdotes :

  • Helen Slater (Susan Carter) est notamment connue pour avoir débuté au cinéma dans le rôle de Supergirl, lors du film de 1984. Elle interprète également Lara Lor-Van, mère biologique de Superman, dans Smallville et Eliza Danvers, mère adoptive de Kara Zor-El dans l’actuelle série Supergirl.

  • Située à Surrey, en Colombie britannique, la maison est la même que celle ayant servi de décor à l’épisode Home des X-Files. La famille Carter est également un clin d’œil à Chris Carter, créateur de cette série. Mrs. Curry est jouée par Karin Konoval, qui interprétait la mère incestueuse des Peacock.

  • Ripped from an Austrian headline déclare Dean, faisant référence à l’affaire Josef Fritzl. En 2008, on découvre que cet Autrichien à tenue enfermée sa fille dans la cave familiale, durant 24 ans.

  • Après The Benders (1.15), l’épisode met une nouvelle fois en scène de simples humains comme adversaires des Winchester, une situation demeurant rarissime par la suite.

  • Les Winchester prennent comme pseudonymes Stanwyk et Babar, une référence au film Fletch (1985).

  • Le film regardé à la télévision par Bill est La Charge sur la rivière rouge (1953), western connu pour avoir été réalisé en 3D. L’un de ses personnages donne son nom au Wilhelm scream, effet sonore popularisé par les films Star Wars et Indiana Jones, devenu un rituel geek.

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12. COMME PAR MAGIE
(CRISS ANGEL IS A DOUCHEBAG)

Scénario : Julie Siege

Réalisation : Robert Singer

Oh, come on Jay, his misdirect is shaking his ass like an Eighth Avenue hooker.

Résumé :

Trois vieux prestidigitateurs, Jay, Vernon, et Charlie, se souviennent avec nostalgie de leur gloire passée. Vance, un jeune magicien insupportable, se moque de Jay. Comme un baroud d’honneur, Jay décide de faire un numéro à très haut risque où il peut se faire transpercer de plusieurs épées. Il réussit son tour, mais c’est alors que Vance tombe mort : ses blessures correspondant aux épées ! Sam et Dean soupçonnent Jay de s’être ainsi vengé de son humiliation. Mais dans le monde de la magie, les apparences sont souvent trompeuses…

Les magiciens de Supernatural sont des vrais mecs : ils sortent pas des lapins de leur chapeau, ils sortent des cadavres.

La critique de Clément Diaz : 

Excellente idée de confronter dans le monde de Supernatural la magie « réelle » inhérente au show à la magie « artificielle » des prestidigitateurs. Cette sombre histoire de complot faustien privilégie cependant l’émotion à l’action, avec un touchant portrait du trio d’anciennes gloires, et plus particulièrement de Jay, ici au centre de l’épisode. Siege développe une cruelle histoire sur la tyrannie du temps, source d’oubli et d’abandon, sur le passage de témoin pas toujours apaisé entre les deux générations, sur le coût de l’amitié… la scénariste maîtrise à la perfection les différents leviers de l’émotion, quitte à se contenter d’une intrigue assez schématique. Fait rare, notre duo reste en arrière-plan et n’abattra pas le monstre final, un événement curieux mais qui se justifie pleinement ici.

L’épisode jette un regard acrimonieux sur ce milieu. Il met en scène tant de jeunes loups méprisants envers leurs aînés, que ces derniers se contentant d’encaisser les coups et de marmonner dans leur barbe « décadence ». L’auteure exagère sans doute le milieu en dépeignant les nouveaux magiciens comme des métalleux anars et les anciens comme des frustrés ronchons, mais a le mérite de souligner que dans chaque milieu artistique, le passage d’une génération à une autre ne se fait pas toujours de la plus harmonieuse des façons.

La surenchère du spectaculaire, rendant désuet le charme délicieux des tours d’antan, est finement dénoncée, tandis que l’oubli attendant presque chaque artiste au soir de sa vie, est souligné avec une tristesse naturaliste. Supernatural prend ici la vision inverse des X-Files dont l’épisode sur les prestidigitateurs (Maleeni le prodigieux) se montrait plus lumineux, confirmant que le show apparaît bien comme un miroir enténébré de sa prestigieuse aînée. Le trio de prestidigitateurs a également le mérite de faire la leçon à nos bros peut-être trop sûrs d’eux, dont Dean en particulier lors de sa rencontre mémorable avec le « Chef », mais aussi en se débarrassant d’eux grâce à leur vivacité d’esprit et leurs « trucs » : cela fait du bien de voir notre duo redescendre sur Terre parfois ! Les scènes de meurtres sont mis en scène avec la qualité horrifiante habituelle de la série (mention à la pendaison), tandis que l’épisode ne résiste pas à nous montrer quelques tours amusants.

C’est un épisode d’acteurs. Kripke fait appel à trois brillants comédiens ayant désormais la plus grande partie de leur carrière derrière eux, et l’on sent une émotion sincère dans l’appropriation de leurs personnages, qui tracent un parallèle avec eux. Si Vernon est d’un souriant détachement (amusant Richard Libertini) et Charlie (excellentissime John Rubinstein, dans un rôle in fine proche du Linwood Murrow d’Angel) partagé entre révolte et résignation, Jay s’enfonce dans une amertume corrosive le menant à un point de non-retour personnel. L’étincelant Barry Botswick joue merveilleusement ce personnage désormais sans avenir, cherchant vainement un retour de gloire, quitte à en mourir, et n’ayant que son amitié avec Vernon (dangereusement psycho vers la fin) et Charlie pour tenir.

On sait depuis Six feet Under que Michael Weston est un casting de rêve pour jouer un pur psychopathe, il le confirme ici : sa démence froide soutient un final au rasoir où les chimères de la jeunesse éternelle frappent avec leur plus cruelle férocité. La série n’hésite pas à nous mettre mal à l’aise car Jay va payer très cher le prix de son intégrité, et nos frères ne peuvent rien contre sa juste colère dans la coda où il a vraiment tout perdu. Alors que Sam s’apprête à descendre encore plus bas l’escalier de ténèbres, guidé par une Ruby à la fois alliée et danger potentiel, l’épisode a le mérite de maintenir l’atmosphère de plus en plus sombre de la Mythologie au sein de ses loners, et de montrer que loin d’être une simple série fantastico-gore, Supernatural ne le cède en rien sur l’émotion.

La critique d'Estuaire44 : 

Criss Angel Is A Douchebag a l’immense mérite de nous immerger dans un univers fascinant et toujours propice pour l’étrange, celui de la prestidigitation. Le ressenti que l’on conservera de l’épisode va partiellement dépendre de l’intérêt que l’on porte à cette fascinante et si exigeante discipline. Sans tout à fait parvenir à égaler la virtuosité virevoltante de The Amazing Maleeni (qui a de plus la fabuleuse idée de recruter de vrais magiciens) dans The X-Files, La mise en scène reconstitue admirablement cette atmosphère si particulière, Les amateurs de DC Comics songeront sans doute à Zatanna Zatara, pour ce mélange de magie cl de prestidigitation. Au long d’une habile intrigue bâtie judicieusement autour du thème de la mystification, on découvre également trois magiciens vieillis mas pas abattus, impeccablement interprétés par des guests grand train. On se régale de leurs dialogues et de leurs facéties. Mention particulière à John Rubinstein, incidemment un ancien d’Angel (Attorneys at Law).

Excellente idée d’avoir choisi son fils pour incarner le personnage rajeuni, la ressemblance s’avère stupéfiante. A travers l’opposition à l’illusion moderne (notamment les shows souvent tapageurs de Las Vegas) le scénario développe également une morale amère autour du vieillissement et du déclassement que celui-ci entraîne, renvoyant un habile effet miroir aux Winchester. Même les héros vieillissent sous le harnais et finissant par rester sur le bord de la route, (quand ils ont de la chance), c’est assez glaçant. Geneviève Cortese nous offre une nouvelle scène irrésistible, sa Ruby manipulant toujours aussi magistralement un Sammy tragiquement malléable. L’actrice excelle dans le Dark Side, on en redemande. On n’oubliera pas l’aventure absolument énorme de Dean dans la boite queer/cuir, même Cas n’a pas osé se montrer.

Anecdotes :

  • John Rubinstein et son fils Michael Weston (crédité sous son nom de naissance : Michael Rubinstein) jouent Charlie âgé et jeune.

  • Dean se fait passer pour l’Agent Ulrich : Lars Ulrich est le batteur du groupe Metallica.

  • I hope I die before I get old déclare Dean, il s’agit d’une citation du tube My Generation, des The Who (1965).

  • Les prénoms des prestidigitateurs vétérans rendent hommage à trois grandes figures de cette profession : Charlie Miller, Dai Vernon et Ricky Jay. Ce dernier avait interprété le protagoniste de l'épisode Maleeni le Prodigieux des X-Files (7.08).

  • Le titre original fait référence à Criss Angel, un illusionniste gothique connu pour ses performances sur scène à Las Vegas. Il inspire le personnage de Jeb Dexter.

  • Quand Jeb Dexter est tué, on entend I Am the Douchebag de Christopher Lennertz et Steve Frangadakis. Quand Dean et Sam rencontrent Jay, on entend She Makes Me Fall Down, de Buva.

  • L'épique et mémorable rencontre entre Dean et The Chief reprend une fameuse scène du film Police Academy (1984).

  • L'Impala n'apparaît pas en cours d'épisode.

  • L'affiche du jeune Charlie montrée par Dan s'inspire directement d'une réelle, concernant Howard Thurston, dit The Great Magician ou The King of Cards, le plus célèbre prestidigitateur américain du début du 20ème siècle (1869-1936).

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13. L’ESPRIT VENGEUR
(AFTER SCHOOL SPECIAL)

Scénario : Andrew Dabb & Daniel Loflin

Réalisation : Adam Kane

That ghost is dead : I'm gonna rip its lungs out! ...Well, you know what I mean.

Résumé :

À la Truman High School, une adolescente assassine en la noyant une camarade de classe qui l’avait traitée de laide et de moche. Sam et Dean reviennent donc dans cette école où ils ont été scolarisés deux mois il y a plus de dix ans ; ils soupçonnent en effet que l’assassin a été possédée par le fantôme vengeur d’un élève que Sam a bien connu… Pendant leur enquête, des souvenirs des semaines passées entre les murs de l’école leur reviennent.

Sam & Dean contre l’esprit vengeur (comment ça, encore ?).

La critique de Clément Diaz : 

After School Special est globalement un échec. Les auteurs ont voulu écrire une intrigue reliée à des flash-backs forcément révélateurs sur nos héros ; malheureusement, les flash-backs sur la jeunesse des Winchester ne nous apprennent rien de plus que ce que la série nous a déjà raconté, ce que le duo Dabb-Loflin tente de compenser par la caricature, surtout du côté de Dean. L’enquête rachitique ne vaut pas mieux. L’épisode convainc par sa description documentaire au vitriol du milieu scolaire, américain de surcroît, pré-jungle et microcosme cruel de la société.

L’investigation des frères est réduite à peu de choses, et quelques cache-misères ne font pas illusion, même si on apprécie Dean en professeur de sport à la rigueur militaire et en tenue… inhabituelle, ou encore l’agression sur Sam, bénéficiant d’un effet spécial assez spectaculaire. La poésie lyrique des agressions (ah, ces mixers…) est également un bel atout, bien qu’on tique avec cet énième histoire d’esprit vengeur (les X-Files montraient quand même plus de variété), à la personnalité grossière, uniquement présent pour présenter des flash-backs sur les Weuh vu qu’il n’existe pas par lui-même. L’enquête demeure longiligne et sa résolution conventionnelle se fait sans tambours ni trompettes.

C’est dans son approche des lycées américains que l’épisode se doit d’être vu. L’on pense beaucoup au percutant Mean Girls et sa description de la faune adolescente vue comme une communauté agressive et sans pitié, mais qui serait ici étendu aux mecs, sans perdre beaucoup du venin qu’avait su instiller Tina Fey. Ici, aucune rédemption ne se pointe à l’horizon entre haine de la différence, harcèlement des plus faibles (jusqu’au suicide), nouvelle génération déculturée, obsession de la violence, et inversion parfois rapide des rôles entre bourreau et victime, dont la possession par le fantôme ne fait finalement qu’accentuer les traits. On frémit en pensant que ce panorama s’étend avec peu de problèmes dans les autres pays. À l’arrière-plan, les adultes ont une marge de manœuvre quasi absente, il est donc touchant de voir le professeur de Sam se démener pour tenter de « sauver » une âme en l’incitant à suivre sa voie, ce que Sam fera, avant d’être privé au dernier moment de la vie « normale » qu’il rêvait. Un rêve brisé qui touche.

La scène finale, pudique, se montre très émouvante, le silence final de Sam en disant plus long que tous les discours. La culpabilité de Sam d’être assassin par procuration est aussi subtilement capturée, l’épisode exprimant amèrement les regrets du passé et une recherche de rédemption souvent incertaine. Quant aux jeunes acteurs, on retrouve avec plaisir le très doué Colin Ford en jeune Sam, déjà une tête pensante mais qui sait faire parler les poings dès lors qu’on lui bave sur les rouleaux. Brock Kelly et sa ressemblance étonnante avec Jensen Ackles joue excellemment un Dean malheureusement trop caricatural, mais dont on apprécie que sa virilité dont il tire gloire ne s’exprime que dans la violence ou la sexualité, ce qui lui vaut une percutante explication de texte finale. Dans son ego désespéré, il choisira de ne pas l’entendre. Pauvre Dean : vouloir à tout prix être un héros au sens romantique du terme alors que la vision de l’héroïsme que donne finalement Supernatural est bien plus proche de celle désenchantée et sacrificielle des séries de Joss Whedon, dont l’influence thématique paraît ici très prégnante.

La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode flash back After school special détonne singulièrement. Centré quasi exclusivement sur le seul Sam, il se prive en grande partie de l’irremplaçable dynamique existant entre les deux frères Winchester. La remplace tout un fatras de clichés sirupeux et faciles propres aux productions à destination des ados, vu et revus au sein de tant de collèges et lycées du petit écran (y compris la figure du professeur mentor, chez Buffy il se fait bouffer d’entrée par la mante religieuse, et ce n’est pas plus mal).

On peine vraiment à y retrouver le ton Supernatural, et l’inanité de la chose fait que l’on s’ennuie rapidement, malgré une interprétation correcte. Les épisodes flashback n’ont d’intérêt réel que s’ils apportent un éclairage sur la situation encours ou interagissent avec elles, ce n’est ici que fort marginalement le cas. On s’intéresse au parcours antérieur de Sam, d’où une certaine déconnexion. L’épisode ne constitue même pas une curiosité, se bornant à du remplissage dépourvu d’imagination.

Anecdotes :

  • Le jeune Sam raconte dans sa rédaction comment sa famille a tué un loup-garou, il s’agit de la même histoire que Dean racontait à Gordon dans l’épisode Bloodlust (2.03).

  • Dean se fait passer pour le coach Roth, David Lee Roth est le chanteur du groupe Van Halen.

  • Les costumières de la série ont pris un malin plaisir à rendre le short rouge de Jensen Ackles le plus moulant possible et cette tenue est restée très populaire chez le public féminin de la série.

  • Yeah whatever. Go have your Robin Williams 'O Captain! My Captain! moment déclare Dean à Sam. Il fait référence au film Le cercle des poètes disparus (1989).
  • La brève fiancée du jeune Dean est interprétée par Candice King, l’interprète de Caroline Forbes dans Vampire Diaries depuis septembre 2009. Les deux séries sont très dissemblables, mais ont le même diffuseur, CW.

  • Quand l’Impala se gare devant le collège Truman High et que l’on bascule dans le passé, on entend Long, Long Way from Home, de Foreigner.

  • L’épisode rend hommage à deux membres de l’équipe technique récemment disparus : Christopher F. Lima (électricité) et Tim Loock (édition Internet).

  • Colin Ford joue ici Sam à quatorze ans, il l'interprétait à neuf ans dans l'épisode A Very Supernatural Christmas (3.08). Il va en tout interpréter le jeune Sam dans six épisodes de la série.

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14. LE VENIN DE LA SIRÈNE
(SEX AND VIOLENCE)

Scénario : Cathryn Humphris

Réalisation : Charles Beeson

- Just take him to the strip club, keep an eye out for the siren. Come on, Dean. Just, just focus on the naked girls. You'll forget he's even there.

- I'm not doing this for you, I'm doing it for the girls.

Résumé :

En deux mois, 3 hommes heureux en ménage ont tué leur femme dans la même ville. Leur point commun : ils fréquentaient tous des strip-teaseuses. Bobby prévient Sam et Dean qu’ils ont sans doute affaire à une sirène polymorphe capable de rendre les hommes fous par son charme. Cependant, leur enquête est perturbée par deux incidents imprévus : Sam trouve une suspecte à son goût, et un agent du FBI a été envoyé enquêter lui aussi sur cette affaire…

Imaginez Liaison Fatale avec plus de gros sang qui tâche… ben voilà.

La critique de Clément Diaz : 

Le succès de cette saison 4 tient beaucoup à ses audaces, ses histoires sur la forme ou sur le fond marquantes : parodie luxueuse de films d’horreur (Monster movie), débat sur le libre-arbitre humain (It’s the great pumpkin, Sam Winchester), rapport des hommes et des anges à Dieu (Heaven and Hell)… mais Sex and violence revient se caler sur des rails éprouvés, sans prise de risque, délivrant tranquillement une intrigue mécanique, tandis que le problème de fond de l’épisode : le déballage de printemps entre les Weuh n’apporte rien de plus que ce que les auteurs ont déjà explorés (notamment en saison 2). Mais même en mode automatique, Supernatural parvient à divertir quelque peu au cours d’une histoire aux twists scientifiquement dosés.

La chasse à la sirène ne se montre pas des plus exaltantes, rigoureusement privée d’action, et délayée en bavardages incessants et banals (les discussions avec la doctoresse et l’agent sont longuettes). Si la série a souvent été accusée de sexisme - il serait plus juste de dire qu’elle n’est simplement pas féministe, mais l’accusation de misogynie semble à mon humble avis excessive - ce n’est certes pas avec cet épisode qu’elle arrange son cas car le premier de ses deux sujets (si on exclut le quelque-chose-de-pourri-au-royaume-des-Winchester, une fois par épisode depuis le pilote), qui n’est autre que la corruption de l’âme des hommes par les charmes fémininsIt is the woman's part; be it lying, note it/The woman's; flattering, hers; deceiving, hers/For even to vice, they are not constant, but are changing still... comme dirait le Barde. Il aurait été enchanté que le changement se fasse aussi au sens propre, surtout que la sensualité torride de Moneca Delain imprime violemment la rétine, mais on a quand même l’impression que les jolies filles sont surtout là pour pallier à la déficience du scénario.

La charmante doctoresse est si transparente qu’elle ne dégage aucune émotion, malgré une Maite Schwartz nous faisant un mémorable numéro de séduction mais dont l’attirance pour Sam semble bien précipitée (aux dernières nouvelles, il n’est pas possédé par l’esprit de 007), rien à voir avec la louve-garou. On notera cependant que Cara reste vivante après une relation sexuelle avec Sam, faisant d’elle la deuxième femme à échapper au « Peen of Death ». Le copinage de l’agent du FBI avec Dean ne dégage rien de plus qu’une virile amitié, mais inoffensive et sans originalité (Gordon avait plus de gueule).

L’épisode trouve une certaine grâce par le savoir-faire aiguisé de Charles Beeson, décidément le digne héritier de Kim Manners : il rend l’ambiance étouffante et aguicheuse des strip-club sans trop insister sur la chair vulgairement dévoilée aux mâles en folie, maîtrise le tempo juste pour chaque scène, lui permettant d’en tirer tout le suspense possible (fixité dérangeante de la caméra lors de la séduction de Cara ou de la machination de Belle, frénésie mais toujours claire lors du combat des chefs…). Cathryn Humphris parvient également à trouver de réjouissantes idées comme l’hilarante intervention de Bobby matant le fâcheux de service avec entrain - le gag des téléphones est à mourir de rire, mais aussi révélateur de l’organisation stricte de la team Dean-Sam-Bobby. On apprécie le twist final ainsi que la bataille entre les deux héros qui se frappent à la gueule au sens propre comme au figuré, mais aussi à quel point Bobby est indispensable au show, comme il le montre au cours de son intervention décisive.

Le monstre du jour souffrant du même complexe que le Fantôme de l’opéra, permet de se rendre compte de sa fielleuse perversité, que sa frustration rongée par l’égoïsme a donné naissance, dommage qu’il n’acquiert cette aura qu’en fin de parcours. On a beau être habitués maintenant, mais on reste toujours fan de ces codas sans soleil, où Sam et Dean s’assurent qu’ils vont oublier ce qui s’est passé tout en ne prenant pas la peine de sauver les apparences. À l’exception des parenthèses burlesques des épisodes décalés, on sent bien qu’on suit une progression de plus en plus désespérée dans cette saison, quel suspense !

La critique d'Estuaire44 : 

Sex and Violence, titre pour le moins explicite pour une relecture du mythe de la sirène, se révélant un tantinet décevant par manque d’originalité. Concrètement on se limite en effet à retrouver pour l’essentiel la figure traditionnelle de l’incube. De plus si l’affaire paraît comme toujours rondement menée, on regrette que certaines convergences entre la suspecte et le monstre ne soient pas réellement explicitées. Le véritable sujet du récit demeure néanmoins le délitement continu et désormais terriblement manifeste du lien unissant les deux frères, soit le moteur ultime de la série. Malgré les différents efforts menés les mensonges (surtout du côté de Sam, il est vrai) continuent à saper cette relation, laissant déjà pressentir un désastre en fin de saison. On est sur le fil de rasoir, le malaise apparaissant d’autant plus aigu et superbement narré que le temps des colères, éventuellement salvatrices, est passé. On se situe désormais dans une espèce de marasme froid et empoissonné, sans porte de sortie en vue tant l’emprise de Ruby sur Sam résulte prégnante.

C’est dramatiquement très fort, d’autant que les résonnances avec l’intrigue du jour sont finement agencées. Les stripteaseuses typiquement US sont joyeusement pittoresques, on remarque qu’elles portent toutes des noms reliées à Disney, ce qui est raccord avec la sirène ! On apprécie que la sirène ne soit pas Cara, ce qui aurait été très cliché, mais aussi que Sam puisse se lier à une femme sans que celle-ci ne meure (il est aussi Veuve noire que la Sam de Stargate SG-1). L’épisode bénéfice également du retour de Bobby, bien trop rare depuis quelques temps. Son intervention est aussi royale qu’à l’accoutumée et on découvre avec plaisir ses diverses astucieuses combines pour aider les Chasseurs en backstage, une excellente idée qui sera développée dans l’épatant Week end at Bobby’s. Le travail de production résulte une nouvelle fois irréprochable, l’épisode constitue un sommet en matière d’étranges chambres de motel, véritable série dans la série.

Anecdotes :

  • Les Winchester se font passer pour les Agents Stiles et Murdock. Il s’agit des noms des héros de la série, également itinérante, Route 66 (1960-1964).

  • Les prénoms féminins utilisés par la Sirène proviennent tous des personnages de Disney : Jasmine d'Aladdin (1992), Aurore de La belle au bois dormant (1959), Ariel de La petite sirène (1989) et Belle de La Belle et la Bête (1991). Etrangement, personne ne s'en rend compte.

  • La première chanson entendue au club de Strip-tease est Thunder Kiss '65, de White Zombie, la deuxième est Steal the World, de Brian Tichy.

  • Quand Dean et Nick regardent le Dr. Roberts, on entend Come on Shake, de Classic.

  • Le club de Strip-tease se nomme The Honey Wagon, soit la désignation traditionnelle des toilettes utilisées durant les tournages.

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15. DE L’AUTRE CÔTÉ
(DEATH TAKES A HOLIDAY)

Scénario : Jeremy Carver

Réalisation : Steve Boyum

- Alastair ! I thought you got deep fried, extra-crispy.

- Nah. Just the pediatrician I was riding. His wife's still looking for him. It's hilarious. Anyway, no time to chat : you got a hot date with death.

Résumé :

À Greybull, un homme reçoit une balle en plein cœur, mais il se relève sans aucune trace de blessure : depuis dix jours, il est impossible aux habitants de la ville de mourir. Sam et Dean comprennent que les démons de Lilith ont kidnappé le faucheur local pour briser un autre sceau. Ils n’ont pas le choix que d’entreprendre une projection astrale pour le retrouver, mais ce faisant, ils deviennent très vulnérables face au démon…

Valar morghulis… zut, mauvaise série.

La critique de Clément Diaz : 

Death takes a holiday se cantonne à une nouvelle chasse au démon, tandis que le lien s’effritant entre les deux frères tourne à vide à force de répétition continuelle des mêmes thèmes (mensonges et pouvoirs de Sam, Ruby, humeur sombre de Dean). L’épisode est toutefois relevé par tout un discours sur l’appréhension de la mort par l’homme et l’originalité du voyage astral, en effet l’idée la plus kamikaze des frères depuis longtemps. Cela permet de donner une impression de nouveauté à cette aventure, d’autant que l’opposition, deux très appréciés come-back, et le twist final donnent une agréable saveur ajoutée.

Dans l’épisode One Night at Mercy de La Treizième Dimension, un docteur convainquait une Mort dépressive de ne plus prendre d’âmes au kilomètre et de laisser les humains vivre, ce qui résultait en un dawa d’enfer. Sur un sujet similaire, Carver éprouve toutefois de la difficulté à assurer un rythme soutenu à l’histoire tout en développant un discours sur l’approche de la mort éprouvée par les hommes qui ne fait que diluer un rythme déjà lent. Plus que l’enquête des Winchester, seulement correcte, c’est la sombre pertinence de ce discours qui fait le prix de cet épisode.

Le retour de la haute en couleur Pamela est accueilli avec liesse, d’autant qu’elle ne se prive pas de leur dire ses quatre vérités aux bros quant à leur idée tordue. À défaut d’une véritable personnalité, Alastair est un plaisant pain in the ass, démon qui surgit hors de la nuit, courant vers la baston au galop, et dont la mégalomanie assure un vrai show, merci à Christopher Heyerdahl de ne se réfréner en aucun cas dans ce registre, il fait vraiment peur. Sam se mue toujours plus en machine de guerre, la Ruby magic school produit apparemment des résultats… spectaculaires ! Mais chaque utilisation de ce pouvoir contribue à renforcer les ombres de Sam, accumulant sans cesse les mensonges à son frère qui commence à légèrement s’énerver de le perdre peu à peu. La photographie bleutée du voyage astral imaginée par Serge Ladouceur se montre étrange et fascinante, on a l’impression de pénétrer dans une nouvelle dimension, une dimension faite non seulement de paysages de sons, mais surtout d’esprits. L’élégante simplicité des effets spéciaux et la réalisation tantôt intime tantôt fastueuse de Steve Boyum (mémorable sanctuaire) créent avec peu de moyens un monde parallèle très convaincant.

On regrette cependant le tempo très retenu de l’épisode et l’évacuation précipitée d’Alastair, même si cela permet un joli twist final avec une nouvelle apparition d’un Castiel toujours le cœur en fête. Il faudra qu’on nous explique comment Misha Collins parvient autant à tirer le maximum d’effet à chacune de ses apparitions, un magnétisme rare. La fin de Pamela, partant le cœur chargé de rancune et de haine, est une bouleversante et terrible coda, sèche dans son ton très abrupt. Décidément, Castiel aura causé bien des dégâts…

Le retour de l’aussi magnifique que mystérieuse Tessa (fascinante Lindsey McKeon, à la beauté irréelle et funèbre) et l’interaction avec l’enfant entre deux mondes - superbe Alexander Gould dans un rôle particulièrement exigeant - sont les sources les plus riches de l’épisode. Prend forme tout un discours sur la peur de la mort et les dérivatifs utilisés par les hommes pour la tenir en distance (espérance d’une résurrection, d’un monde meilleur…). Comme dans In my time of dying, Tessa incarne une mort consolatrice et compatissante, mais ferme dans ses intentions - le gros mensonge de Sam est une phase particulièrement dure de l’épisode - Il est touchant de voir Dean, athée en crise de « foi », s’illusionner sur une éventuelle seconde chance religieuse avant que Tessa remette les pendules à l’heure, tout comme Sam s’illusionner sur ses intentions pures à utiliser un pouvoir de ténèbres, mais recevant cette fois l’explication de texte de Pamela. Sans en avoir l’air, l’épisode déchire encore plus les faibles espoirs des deux frères quant à leur rédemption et leur avenir.

Alors que Dean croit en l’égalité des êtres, Sam croit que leur nature de héros fait qu’ils sont « autorisés » à violer les lois naturelles, comme leurs résurrections, point confirmé par Castiel. Il est étonnant de voir que des deux frères, le plus propret et mignon devient le moins moral, le plus ambigu, rendant la frénésie débaucharde et suicidaire de Dean paradoxalement moins dangereuse que cette dérive spirituelle. L’émotion n’est pas absente avec une exploitation inversée de l’idée de Bedtime stories où cette fois, c’est le mort qui, en s’accrochant aux vivants, ne s’autorise pas à partir, tout en blessant aussi l’être aimé qui reste. La délivrance de la mère éplorée conjointe à la merveilleuse tirade de Tessa est un vibrant appel à ne pas laisser ses sentiments, si nobles peuvent-ils être, jouer avec les lois de la vie et de la mort (leçon que n’ont pas retenu les esprits vengeurs). Le départ de Cole, dans une grande douceur, adoucit la dureté de la mort de Pamela, puissante fin à un épisode plus intéressant sur le fond que sur la forme.

La critique d'Estuaire44 : 

Death Takes an Holiday séduit par le côté original de son sujet, avoisinant joyeusement le spiritisme des Victoriens. Les auteurs et la mise en scène utilisent habilement les différentes potentialités offertes par la transformation des Winchester en fantômes : ambiance spectrale, bizarrerie des situations, humour d'excellents dialogues ultra référencés (avec l'inévitable Ghost, mais aussi Star Wars et tutti quanti), clin d'oïl jouissif voyant les Winchester se faire à leur tour désintégrer au sel, soit un retournement joyeusement sadique d'une leurs armes principales... Si la gamine demeure bien trop lisse, on adore retrouver Tessa, un personnage toujours aussi attachant, humain et compatissant, interprété de nouveau avec beaucoup de sensibilité par Lindsey McKeon.

Décidément une belle rencontre pour Dean, Il y aurait d'ailleurs tout un chapitre à écrire sur les nombreuses femmes croisant sa vie, alors que derrière, les bravades, il y laisse toujours une part de lui-même. Sam se cantonne aux louves garous et aux roulures démoniaques, c'est un style. Grand coup de cœur pour la nouvelle incarnation d'Alastair, puisqu'il s'agit du formidable Christopher Heyerdhal, bien connu des amateurs de Sanctuary. Son Alastair revêt d'ailleurs d'excellentes intonations genre Druitt des mauvais jours. Fin de partie réussie pour Pam, l'un de ces personnages secondaires relevés mais météoriques constituant l'une des griffes de Supernatural. Le nombre de personnages féminins à y périr vire assez au record, et ce n'est pas hélas pas fini.

Anecdotes :

  • A la fin de l’épisode, une annonce dédie l’ensemble de la saison à Kim Manners. Ce producteur et réalisateur ayant beaucoup contribué au succès de la série est décédé le 25 janvier 2009, d’un cancer du poumon.

  • Quand Sam lui propose de l’aspirine, Dean lui répond No thanks, House une référence à la série Dr. House (2004-2012).

  • Last I checked, Huggy Bear ain't available déclare Dean, un clin d’oeil à Huggy les bons tuyaux, l’informateur des héros de la série Starsky et Hutch (1975-1979).

  • Au début de l’épisode quand les deux hommes quittent le bar, on entend Perfect Situation for a Fool, de George Highfill et Jai Josefs.

  • Le titre original reprend celui d’un film de 1934 voyant la Mort devenir un être humain avant de tomber amoureux.

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16. LE PREMIER SCEAU
(ON THE HEAD OF A PIN)

Scénario : Ben Edlund

Réalisation : Mike Rohl

You ask me to open that door and walk through it... You will not like what walks back out.

Résumé :

Sept anges ont été assassinés. Castiel et Uriel ayant échoué à faire avouer Alastair l’identité du meurtrier, ils forcent Dean, son « meilleur étudiant » en Enfer, à le torturer à leur place. Alors que Dean le torture avec raffinement, il apprend une nouvelle qui l’anéantit. Castiel, dévoré par le doute, est tenté de suivre la voie d’Anna et de désobéir à Dieu, et découvre une atroce vérité. Sam franchit un énorme pas en direction des ténèbres pour aider Dean sur le point de craquer…

Boucherie Winchester : ouverte 24 heures sur 24. Demandez Dean.

La critique de Clément Diaz : 

C’est un dantesque orage de noirceur sauvage qui s’abat sur cet épisode infernal. Au fil de révélations semant un désastre sans nom, la violence ne cesse d’enfler, de tortures en trahisons en passant par de l’hémoglobine servi à volonté et des dialogues comme autant de coups de couteau. Mythologie, scénario, réalisation, et interprétation s’harmonisent pour nous livrer un des épisodes les plus éprouvants de la série entière, jusqu’à briser net le trio Sam-Dean-Castiel, désormais totalement perdus. Dirigé par l’écriture assassine de Ben Edlund, l’épisode compte parmi les plus grands opus du show, versant noir, très noir.

Ben Edlund au scénario : ah, on va rigoler alors !… Ben non. Si l’auteur en avait marre d’être l’amuseur de service, il pouvait difficilement exprimer mieux sa réprobation qu’avec cet épisode qui ne fait rien moins que pousser Sam, Dean, et Castiel au fond d’abîmes différents, mais tous aussi profonds les uns que les autres. Alors qu’on sentait que Sam du côté obscur de la force, des deux pieds, il plongeait, voilà que Kripke se décide qu’il est temps d’accélérer les choses. Si l’on était ému que Dean sacrifiât son salut éternel pour sauver son frère, c’est un pur déchirement de voir Sam se métamorphoser de plus en plus en agent des ténèbres pour lui rendre la pareille. Notre héros peut bien arguer qu’il a de bonnes intentions, mais il se laisse corrompre par les illusions fatales d’une Ruby terriblement manipulatrice (ce sourire torve quand Sam suce son sang…) et aux intentions toujours aussi floues, même si le jeu vénéneux de Genevieve Cortese est une porte ouverte à un désastre imminent pour les Winchester.

Ange exterminateur glissant sur une pente ombrée, Sam ne se rend pas compte de sa métamorphose, et l’on craint à juste titre une catastrophe irréversible que même les Anges ne pourront arrêter. Rarement équarrissage de démon aura autant fait frémir… On ne peut qu’être secoué devant les ordres d’Uriel, attirant l’horreur de Dean quant à la perspective de redevenir, même pour un moment, l’un des meilleurs bourreaux de l’Enfer. Craintes confirmées, tant le raffinement de Dean à torturer Alastair est à donner la nausée : ne laissant aucune perfidie du démon le toucher, Dean verrouille tout sentiment pour devenir aussi horrible que lui. Si Jensen Ackles casse la baraque en bloc de haine monolithique (l’expression « regard de tueur » n’est pas un cliché pour lui), l’acteur a reconnu loyalement qu’il se faisait voler la vedette par son partenaire. Effectivement, on reste soufflé par les déflagrations sarcastiques et cruelles d’Alastair, incarné avec une puissance tellurique par un Christopher Heyerdahl lançant missile après missile, jusqu’à foudroyer Dean lors de la spectaculaire révélation du premier sceau, entraînant ipso facto sa destruction morale et un choc profond pour le spectateur.

L’onde de choc frappe également Castiel : tourmenté par une affection envers son protégé qui lui est interdite, il est impuissant à contrevenir à un ordre qui peut briser ce dernier et assiste impuissant à la confrontation. L’intervention de l’ange révolté, Anna (Julie McNiven toujours entre glace et feu), va brouiller davantage encore ce doute le rongeant comme jamais, Castiel étant sur le point de défier Dieu comme Lucifer le fit avant lui : comme Anna naguère, il met en question le jugement du Tout-Puissant. Qui pourrait le reprocher en voyant tout ce qu’il a dû commettre en cette saison ? Uriel demeure tel qu’en lui-même, sociopathe et condescendant (Robert Wisdom est sinistre à souhait). L’explosif twist final a l’inconvénient de déplacer le centre de gravité de l’épisode de Dean à Castiel, soit une perte d’unité, mais met au jour les effets désastreux de la jalousie, ainsi qu’un intéressant point de vue : Dieu aimerait davantage les humains que les anges, ces derniers voyant leur puissance sapée par leur servilité alors que les humains disposent du libre-arbitre. Elle tend aussi à montrer un Lucifer ayant agi sous une doctrine toute prométhéenne, cherchant lui aussi un libre arbitre qui lui fut refusé, mais qui se mua en un orgueil démesuré et mégalomane, d’où une rébellion entraînant pour toujours désolation et fêlure dans les royaumes terrestres et supra-terrestres.

Les actions des anges s’appliquent d’ailleurs avant tout aux humains, faisant de la garde rapprochée de Dieu une situation moins… angélique qu’on pouvait le croire. Cet épisode explique finalement une saison jusqu’alors marquée par un point de vue féroce sur le Divin. Castiel, moins cruel que son déchu confrère, est aussi tenté par cette voie, d’où un dilemme pesant que Misha Collins sait reporter à merveille. La crise de désespoir de Dean couronne cette bombe de noirceur, laissant les frères et leur ange gardien à la ramasse, l’un pour cause d’avilissement moral consenti, les deux autres broyés par l’ampleur de la tâche qui les attend. Six épisodes avant la fin, et on a le sentiment que nos héros en morceaux ne vont qu’être pulvérisés encore et encore, alors que le Prince des Ténèbres prépare son évasion. Un épisode tranchant comme un diamant noir.

La critique d'Estuaire44 : 


Plus noir que la nuit la plus noire, on trouve On the Head of a Pin, qui va inexorablement, implacablement, méticuleusement s’attacher à détruire Dean Winchester, par l’abîme moral dans lequel le précipite la longue et éprouvante scène de torture d’Alastair (Christopher Hayerdhal une nouvelle fois génial). Le choc de l’Œdipe avec John écrase la performance de sa résistance en Enfer, soit son ultime alibi, par le gouffre désormais béant ouvert entre lui et un Sam définitivement tombé du côté obscur. Que ce dernier triomphe in fine d’Alastair n’y change symboliquement rien. Sam buvant le sang de Ruby apparaît comme une image particulièrement forte, et inversée de celle de Buffy apportant le sien à Angel, la damnation se substituant à la chance de rédemption, la sujétion à l’amour.

On sent que la véritable apocalypse de l’univers de Supernatural réside dans cette scission, bien davantage que dans la survenue de Lucifer. Peu d’espoir également chez les Anges, avec la révélation de leur pourrissement via Uriel, l’épisode apporte un précieux éclairage sur cette faction de l’univers de la série (comme on dirait dans un Jeu de Rôles). Tout de même, demeure Anna, magnifique. Il est judicieux que ce soit elle qui sauve la situation son esprit libre lui autorisant davantage de latitude qu’à un castiel encore enrégimenté, pour qui la vérité est simplement inconcevable. Davantage qu’à l’accoutumée, on savoure es échanges entre Castiel et Dean, plus précieux que jamais. Que cet opus abyssal précède de peu un franc délire comme The Monster at the End of This Book témoigne des grands écarts que Supernatural peut accomplir avec succès.

Anecdotes :

  • Le titre original est une référence à l’expression d’origine médiévale « Combien d'Anges peuvent-ils danser sur une tête d'épingle ?", symbolisant les débats théologiques abscons, ou menés pour le simple plaisir de la rhétorique.

  • L’épisode voit survenir pour la première fois la mort d’un Ange. Par la suite, le glaive angélique va devenir une arme de choix contre Anges et démons.

  • Christopher Heyerdahl (Alastair) est le neveu du navigateur et archéologue Thor Heyerdahl. Il participe à de nombreuses séries télévisées, incarnant souvent des personnages inquiétants. Il tient des rôles réguliers dans Stargate Atlantis,Sanctuary ou encore  Hell on Heels.

  • Avant que Dean ne commence à le torturer, Alastair chante Cheek to Cheek, d'Irving Berlin. John Coffrey la chante également dans le film La Ligne verte (1999), avant d'être exécuté.

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17. NÉS POUR CHASSER
(IT'S A TERRIBLE LIFE)

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Résumé :

Cela fait trois semaines que Sam Wesson est employé au service technique de l’entreprise Sandover Bridge & Iron Inc. Mais il a la désagréable sensation de ne pas être à sa place. La nuit, il rêve qu’il chasse des monstres en compagnie de son supérieur, Dean Smith, nommé directeur des ventes et Marketing en même temps qu’il est entré dans l’entreprise. Lorsque deux des employés se « suicident » dans des circonstances bizarres et que Mr. Smith est témoin d’une apparition spectrale, les deux hommes, qui ne se connaissent pas, décident cependant de s’allier pour comprendre ce qui se passe…

Comment motiver vos clients :

1. Rendez-les amnésiques.

2. Envoyez-leur un esprit sanguinaire.

3. Laissez-les se démerder.

4. N’intervenez pas même s’ils se font tuer.

5. S’ils gagnent, ne les réconfortez surtout pas, cassez-les bien.

Efficace hein ?

La critique de Clément Diaz : 

Comment succéder à un chef-d’œuvre comme On the head of a pin ? La meilleure solution consisterait à en prendre son parti et écrire un épisode solide à défaut d’être aussi transcendant. Les auteurs vont toutefois être ambitieux et y succéder un épisode quasi décalé avec le thème bien connu de la réalité parallèle, peut-être dans l’espoir de garder une intensité différente mais de même force. Malheureusement, Sera Gamble ne parvient pas à dépasser une fausse bonne idée de départ (Sam et Dean parfaits étrangers, associés contre le crime) et s’enlise dans une chasse au fantôme sans surprise rappelant les loners souvent schématiques de la première saison, tout en restant trop sage sur les difficultés de cohabitation entre les deux frères amnésiques, qui en définitive forment une alliance sans grandes aspérités. Quelques scènes faisant leur effet, un discret sous-texte sur la pression pesant sur les employés d’entreprise, et un final malin parviennent à soutenir un script assez terne.

Cette version pâle de What is and what should never be ne convainc pas par son écriture singulièrement lourde. Cela est particulièrement visible pour Sam, délivrant une version du quidam pressentant un glissement de réalité avec répliques clichés à la pelle et comportement à l’avenant. Quant à Dean, il n’est guère mieux loti car passé le choc du clip initial le voyant en jeune cadre dynamique, il n’est guère approfondi et reste à la remorque de Sam. De fait, il n’y a aucun changement de comportement entre les Sam et Dean connus et ceux présentés ici, et plus grave encore, leur relation, malgré leur amnésie, restant finalement similaire à l’ordinaire du show. Plus porteur aurait été une vadrouille chargée d’oppositions, mais l’on retombe vite dans la complicité fraternelle, cela sape du même coup tout l’effet de la réalité parallèle. Les indices progressifs laissés aux héros (et au spectateur) sur la fausse réalité n’ont aucune originalité (les réflexes de chasseur retrouvés à la Jason Bourne…), même si on apprécie le clin d’œil à Ellen, Jo, Bobby, et la Madison de Heart (saison 2). Quant au fantôme du jour, il se contente d’envoyer des mandales et de tendre un doigt menaçant à ses victimes, on pouvait espérer mieux.

Quelques friandises surchargent au milieu de cette soupe peu engageante, très bien filmée par James Conway, avec notamment cette photographie plus lumineuse caractéristique des mondes parallèles de la série. Il est joyeusement vachard de la part de Miss Gamble de donner un apprentissage accéléré de chasseur de fantômes à nos héros grâce… aux Ghostfacers !! Soit les experts les plus débiles en la matière des séries TV, l’occasion de quelques passages hilarants où le duo se montre dans toute sa splendeur tout en se payant la tête de nos Weuh ! Le duo A.J.Buckley-Travis Wester est inépuisable, et on discerne une pointe de maturité lorsqu’ils confessent (du bout du bout des lèvres) qu’ils ont tout appris des W2. La boucle est bouclée, et mine de rien, ils se montrent utiles pour la première vraie fois de leur vie. Les scènes de mort rivalisent d’explosions d’hémoglobine bien goûtues, dont une pompée (mais avec suspense et talent) sur une des plus mémorables intros de Six feet under (Untitled, saison 4), série remarquable entre autres par ses introductions létales et inventives !

Dean en col blanc se shootant aux détoxifiants vaut aussi le coup d’œil ! On apprécie aussi l’attaque contre la déshumanisation inhérente au capitalisme, le fantôme transformant les employés en chair à canon prêts à se tuer pour la plus bénigne erreur : le burn-out, certes, mais aussi cet enfer modernisé qu’est la course au succès social, épuisante, sans repos ni but, qui n’est pas sans évoquer le puissant A stop at Willoughby de la Twilight Zone, via notamment le marché final. Si le twist final n’a rien d’imprévisible, le mémorable dialogue qui s’ensuit se montre dense et percutant, notamment grâce à l’impeccable composition de Kurt Fuller, où Dean, acculé à l’évidence, comprend qu’il est incapable de faire autre chose que chasseur. Le poids d’une destinée imposée pèse sur Dean, mais qui maintenant peut repartir à l’attaque après cette thérapie de choc. Courage, les gars !

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La critique d'Estuaire44 : 


Episode très à contretemps que It’s a terrible life (clin d’œil amusant à Capra) On perçoit bien ce que les auteurs ont voulu accomplir. D’une part instaurer une situation étrange et décalée, mais de fait on comprend très vite de quoi il en retourne et le récit embraye finalement sur une chasse au fantôme assez classique. Par ailleurs le but réel reste de souligner que le lien entre les frères est profond, subsistant à travers la crise actuelle. Mais cela on l’avait compris, le souligner aussi pesamment paraît maladroit. Ce qui nous intéresse dans cet ultime tronçon de la saison c’est bien le déroulement inexorable de la crise actuelle et les conséquences qu’elle va connaître in fine, pas que l’on nous raconte que tout cela compte pour du beurre.

Si le fond semble contre-productif, la forme demeure hyper efficace, avec une chasse réussie et de nombreux petits indices disséminés de ci de là à propos du monde réel, qu’il est ludique de repérer (le coup du dessin se retrouve dans Dr Who, lors de l’épisode équivalent Human Nature). Le summum demeure l’excellent gag des Facers apprenant les bases du métier aux Winchester. Le sommet de leur carrière, gloire à eux. L’épisode a aussi le mérite d’installer le réjouissant personnage de cette bonne pourriture de Zacharie, interprétée avec une formidable présence par Kurt Fuller.

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Anecdotes :

  • Dean et Sam se nomment respectivement Smith et Wesson, soit le nom d’un important fabricant d’armes, tout comme Winchester.

  • Les noms des membres de leurs famille sont autant de références à des personnages de leur véritable univers : Bob, Ellen, Jo et Madison, fiancée de Sam (la louve-garou dont il était tombé amoureux).

  • Ian et Paul, les prénoms des deux victimes, sont des clins d’œil aux vedettes de Vampire Diaries, Ian Somerhalder et Paul Wesley. La série vient alors d’être lancée sur CW, le même diffuseur que Supernatural.

  • Le titre original est un jeu de mots sur celui de It's a Wonderful Life, le grand classique de 1943.

  • Durant la séquence montrant le réveil de Dean, on entend A Well-Respected Man, parThe Kinks. On y entend brièvement à la radio Hollow, de Brian Tichy.

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18. LE PROPHÈTE
(THE MONSTER AT THE END OF THIS BOOK)

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Scénario : Julie Siege, d’après une histoire de Julie Siege & Nancy Weiner

Réalisation : Mike Rohl

One day, these books – they'll be known as the Winchester gospel.

Supernatural. It was a series. Didn't sell a lot of copies, though. Kind of had more of an underground cult following.

It's always nice to hear from fans. But for your own good, I strongly suggest you get a life.

Oh, my god! That was one of my favorite ones, because Dean was so... strong... and sad and brave. And Sam... I mean, the best parts are when they'd cry. You know, like in – In "Heart," when Sam had to kill Madison, the first woman since Jessica he really loved. And in "Home," when Dean had to call John and ask him for help. Gosh... if only real men were so open and in touch with their feelings.

Everything is in here, I mean everything, from the racist truck to me having sex. I'm full frontal in here, dude.

Résumé :

Coup de tonnerre ! Sam et Dean apprennent que la majorité de leurs aventures ont été écrites sous forme d’une collection de romans, baptisée Supernatural !! Leur stupéfaction s’accroît quand ils réalisent que l’auteur Carver Edlund, de son vrai nom Chuck Shurley - un loser pathétique - prédit en fait leurs péripéties à l’avance ! Malgré tous leurs efforts pour aller à l’encontre des prédictions de Chuck, Sam et Dean ne peuvent empêcher ces dernières de se réaliser. Or, Chuck a prédit que Sam aurait un moment très intime avec Lilith…

Livre de Chuck, chapitre 1 verset 1 : Au commencement étaient deux gros bras qui en bavaient grave. Puis, Supernatural est arrivé. Depuis ce jour… ils en chient encore plus.

La critique de Clément Diaz : 

Méta-épisode décalé de la plus belle eau, The Monster at the end of this book confirme que Supernatural est tout simplement l’une des meilleures séries en matière d’idées sous fumette ! Fortement inspiré du déjanté A world of his own de La Quatrième Dimension, cet épisode narre une hilarante collusion entre créateur et créations, née d’une idée désopilante de Nancy Weiner (assistante des scénaristes) : et si les scénaristes de la série se mettaient en scène via un personnage qui se présenterait comme le créateur des aventures de Sam & Dean ? Au fil de révélations s’aventurant toujours plus loin dans le délire, mais brillamment maîtrisées, la très douée Julie Siege fait avancer la Mythologie par des dialogues sous acide et des situations rocambolesques naissant de cette très particulière collusion entre réel et imaginaire. Cela n’empêche aucunement le développement d’une véritable intrigue au suspense aigu, faisant de cet épisode un des plus denses de la série, et un nouveau sommet pour cette saison 4 roulant à tombeau ouvert.

Les deux premiers actes sont lancés à bride desserrée tandis que Supernatural se livre à sa propre autocritique : succès certain mais très confidentiel, descriptions grinçantes des héros, Sam en particulier (la scène du lavomatique est tout un poème), fans en folie fantasmant sur le « Wincest » au grand dégoût des héros, ou plus modérément exprimant leur amour de la série, particulièrement ses moments émotionnels (hilarant personnage de Sera Siege atomisant sans s’en rendre compte ses personnages chéris). L’arrivée en fanfare du prolifique mais déguenillé Chuck Shirley, avatar des scénaristes et du créateur Eric Kripke, précipite l’ensemble dans une joyeuse folie lorsque nos frères se font reconnaître de lui (une des rencontres les plus allumées de la série !).

Par-là, les auteurs s’auto-flagellent avec un pur entrain : sadisme de leurs histoires, héros très (trop ?) martyrisés, histoires parfois mal écrites… mais aussi leur propension assumée à l’ego, que ce soit dans le pseudonyme de l’auteur (Carver Edlund) ou de la fan (Sera Siege) mais surtout lors de la mise en abyme ultime où Shirley se rêve en créateur rencontrant ses créatures et en prophète tout-puissant, avec immédiate réalisation dans la réalité ! Les scénaristes de la série s’amusent comme des gosses, et leur joie est si communicative que le spectateur ne peut que la partager, se tapant le derrière par terre tout le long de cette fantaisie lysergique. L’énorme twist central sur l’identité de Shirley, permettant un numéro bidonnant de Castiel alignant les phrases les plus solennellement vaticinantes avec son monolithisme habituel, achève d’envoyer l’histoire dans la stratosphère, tout en sauvegardant le libre-arbitre de nos frères… ou presque.

Car l’humour du récit provient aussi de leurs efforts à échapper aux prophéties (c’est le cas de le dire !) de Chuck, mais voyant à chaque fois un facétieux destin se charger de les remettre sur le droit chemin dès lors qu’ils essayent de s’en écarter (mention au cheeseburger et aux pansements de petite fille). L’épisode se paye même le luxe de rendre hommage aux X-Files, son influence tutélaire, avec un caméo de Megan Leitch, interprète des différents avatars de Samantha Mulder adulte, que c’est mignon ! En écrivain inspiré mais à la ramasse, Rob Benedict surjoue sans frein ; sans doute une des plus remarquables prestations d’une guest star dans la série. Le versant thriller n’est pas oublié avec la venue de Lilith provoquant une autre crise - tiens, encore ? - entre les Winchester, Dean préférant la prudence, et Sam croyant encore en son libre-arbitre et cherchant le combat, avec une alliance de courage et de témérité.

La confrontation avec Lilith, cette fois sous les traits d’une aussi séduisante qu’empoisonnante Katherine Boecher, prend la forme d’un tango mortel avec Sam, conclu par la contre-attaque ingénieuse de Dean (avec un Castiel décidément plus soucieux de Dean qu’il veut le laisser croire). La coda avec Zachariah, avec un Kurt Fuller doucereusement matois mais bien cynique, met bien en avant le dilemme de l’écrivain, qui même au bout du rouleau, même dépassé par ses propres histoires, personnages, ou drames personnels, doit toujours écrire et écrire, car tel est son but. En sous-main, on peut voir dans cet épisode une application de la théorie de Mondrian voyant en l’Artiste moins un créateur qu’un canal, l’intermédiaire entre une inspiration divine, et sa réalisation dans le monde terrestre, ce qui n’est ni plus ni moins le cas de Chuck. Un méta-épisode fun, malin, et abouti, un sommet de la série.

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La critique d'Estuaire44 : 


The monster at the end of this book sacrifie avec réussite au genre particulièrement risqué du méta épisode, parvenant à trouver le parfait minutage d’auto parodie et den private jokes dédiées aux fans que nécessite cet exercice de style. Cette géniale idée du Prophète Chuck (épatant Rob Benedict), écrivant L’Evangile des Winchester sous forme de romans de garen nous vaut ainsi une réjouissante première partie, tandis que crépitent les vannes et que les Winchester se prennent l’effet miroir en pleine figure. Un joyeux prologue pour le formidable The Real Ghostbusters, qui ira encore plus loin dans ce domaine. Tout l’audacieux parallèle avec les prophètes bibliques apporte une dimension supplémentaire à l’humour, d’autant que Castiel en rajoute à plaisir.

Comme souvent dans Supernatural, une première partie humoristique bascule dans l’horreur, ici avec le retour gagnant de Lilith, qui s’apprête à ne faire qu’une bouchée d’un Sam toujours aussi présomptueux. Bien loin de constituer un simple canular, l’opus se révèle très finement écrit, intégrant un sujet totalement décalé à la trame de la saison, tout en jonglant avec naturel entre des scènes hilarantes et d’autres absolument dramatiques. Le gambit de Castiel se montre inventif en diable, illustrant le talent de l’Ange pour la ruse mais scellant également l’amitié avec Dean. Episode aux nombreuses facettes, The monster at the end of this book restera en définitive celui où Cas entre de plein pied dans le clan des Bros, même s’il partage encore cette affection avec son allégeance céleste. Joli guesting de Keegan Connor Tracy en éditrice groupie et de Katherine Boecher, parfaite en Lilith devenue adulte (voire très adulte). On ressent une légère frustration de ne pas voir l’Archange, mais on sera bientôt largement servi sur ce point !

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Anecdotes :

  • Venu du stand-up, Rob Benedict (Chuck) mène une double carrière d’acteur et de guitariste, comptant six albums à son actif. Il est également connu pour ses rôles récurrents dans les séries Threshold et Felicity. En octobre 2013, il fut victime d’un accident vasculaire cérébral lors d’une convention Supernatural à Toronto. Il dut sa survie à Richard Speight, Jr., ami de longue date et interprète du Trickster, qui l’emmena à toute vitesse à l’hôpital. Depuis, les deux hommes soutiennent les associations de victimes d’attaques cérébrales.

  • En 2015, les deux hommes produisent Kings of Con, une web série humoristique sur le monde des conventions de fans, où ils intègrent notamment leurs expériences sur Supernatural.

  • Les titres des romans écrits par Chuck correspondent à ceux d’épisodes.

  • Chuck s’excuse auprès des deux frères de la mauvaise écriture du roman consacré aux insectes et de celui avec le bateau fantôme. Bugs et le pourtant excellent  Red Sky At Morning ont été des épisodes décriés par les fans, mais aussi par Kripke lui-même.

  • Carver Edlund, le nom de plume de Chuck, est une combinaison de ceux de Jeremy Carver and Ben Edlund, producteurs et scénaristes de la série, et qui en deviendront ultérieurement les showrunners.

  • Le nom de l'éditrice Sera Siege est une combinaison de ceux des scénaristes Julie Siege et Sera Gamble, cette dernière deviendra également plus tard la showrunner de la série.

  • Sam et Dean mangent au Kripke's Hollow Diner, un clin d'oeil au créateur de la série.

  • Quand Sam et Dean discutent avec Lilith, on entend Leave All This Behind, de Sonny Ellis

  • Le titre original de l’épisode reprend celui d’u roman de Sesame Street, voyant Glover tenter à plusieurs reprises de convaincre le lecteur de cesser sa lecture, car il sait qu’un monstre attend à la fin du livre. Mais en définitive le monstre n’est autre que lui-même.

  • A la boutique de Comics, Dam et Dean se font passer pour les Agents DeYoung et Shaw. Dennis DeYoung et Tommy Shaw sont des membres du groupe rock Styx.

  • Chez Chuck, on reconnaît des couvertures du Comics Origins (paru chez DC), retraçant la jeunesse de Sam et Dean aux côtés de John.

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19. TROIS FRÈRES
(JUMP THE SHARK)

Supernatural 4 19 1

É

Scénario : Andrew Dabb & Daniel Loflin

Réalisation : Phil Sgriccia

- Dad didn't have a choice with us, okay? But with Adam, he did. Adam doesn't have to be cursed.

- He's a Winchester. He's already cursed.

Résumé :

Dean reçoit un appel sur le portable de son père, il émane d’un certain Adam Milligan, qui prétend être le fils de John Winchester !! Une rencontre et quelques enquêtes convainquent les incrédules frérots qu’ils ont bel et bien un demi-frère, issu d’une brève liaison que leur père eut avec une femme harcelée par des monstres. Or, la raison de l’appel d’Adam est que ces mêmes monstres ont réattaqué, kidnappant plusieurs personnes…

Et l’Oscar du pire père de la télévision revient pour la quatrième année consécutive à John Winchester !

La critique de Clément Diaz : 

Parmi les nouveaux auteurs, il faut avouer que le duo Andrew Dabb-Daniel Loflin éprouve du mal à intégrer les codes de la série, se contentant de prendre une idée originale et… ne pas en tirer grand-chose. Si Yellow Fever divertissait surtout grâce à la performance de Jensen Ackles, After School Spécial montrait déjà les limites de leur écriture, et ce n’est pas Jump the Shark qui va davantage nous convaincre. Si les saisons suivantes montreront un plus grand dynamisme de leurs histoires, une certaine dose d’indulgence est requise pour apprécier le rebondissement très soap opera du troisième frère. Une fois avalée cette grosse pilule, l’on arrive à s’intéresser aux états d’âme des trois Winchester, bien que l’on appréciera surtout un final très rouge sang.

Dean nous fait certes bien rire durant tout le premier acte où il tente vainement de prouver qu’Adam n’est pas celui qu’il prétend être (mémorables tests au restaurant, très à la Bobby), mais toute la prise de contact entre les trois frères se montre assez laborieuse. Par son « innocence », Adam offre un contrepoint étonnant à la famille Winchester, tous plus ou moins des têtes brûlées et ténébreuses, mais le contraste est si tranché qu’il flirte souvent avec la fadeur, l’interprétation effacée de Jake Abel abonde d’ailleurs en ce sens. Les monstres ne se montrent pas avant l’affrontement final, privant l’enquête d’une énergie pourtant nécessaire. De fait l’épisode ressemble à un très long prélude à l’explication finale, certes réussie, mais qui ne valait pas une attente amorphe aussi étendue. Le cœur de l’épisode, la famille Winchester elle-même, irrigue quelques couches émotionnelles pendant ce surplace, notamment avec la volonté de Dean d’épargner une vie de souffrances à son frangin « pur », se heurtant en cela à un Sam décidément bien changé depuis le pilote, et appliquant désormais plus doctement l’héritage paternel pourri dont Dean mit tant de temps à s’en débarrasser. Il est difficile de prendre parti, chacun des deux frères aînés ayant d’excellentes raisons, le spectateur choisira de trancher selon son idéalisme ou son réalisme, ou préférera s’abstenir dans une incisive ambivalence (là aussi on se situe dans les raisonnements de Joss Whedon). Pointe à l’avant-plan un regard décidément bien pessimiste sur la dynastie Winchester, incapable de dévier de ses sombres (et parfois mortels) destins, même quand il s’agit de l’agneau innocent : l’émotion des scénaristes quant au fatum de leurs héros n’est pas absente, derrière l’apparent sadisme dont-ils font preuve pour les démolir consciencieusement à longueur d’arcs apocalyptiques tous plus catastrophiques les uns les autres.

Le twist final, peut-être pas tout à fait imprévisible, ne se montre pas moins coupant. Dedee Pfeiffer (sœur de Michelle) assure un excellent numéro dans l’abominable vengeance de son personnage, tandis que l’exploration désespérée de Dean emmuré vivant se montre anxiogène et morbide à souhait. Mais à ce titre, c’est bien pour le calvaire de Sam, écorché vif avec force flots de sang que l’on a le cœur au bord des lèvres, où Phil Sgriccia fait exploser l’intensité qui couvait jusque-là. C’est vraiment in extremis que Dean le sauve, tandis que l’amateur d’X-Files ne pourra songer de penser au bien nommé Sanguinarium pour son gore amené en scène de la même façon. Un épisode simplement correct, à la base trop outré pour convaincre sans effort.

Supernatural 4 19 2

La critique d'Estuaire44 : 


Jump the Shark reste évidemment un titre à part pour les fans des Bandits Solitaires, mais l’épisode va plutôt ennuyer qu’autre chose. Faire apparaître ex nihilo ce troisième frère suscite du mélo gratuit et facile, tout en égratignant inutilement la statue de John. Il ne faudrait pas que Supernatural tourne à la saga familiale faisandée, voire à la Telenovela. Les scènes proposées apparaissent de facto assez dépourvues d’intensité, d’autant que l’interprétation de Jake Abel se situe clairement en deçà du niveau coutumier de la série. Cela lui vaudra d’ailleurs de gâcher partiellement la future confrontation apocalyptique. La révélation d’Adam ne se justifiera réellement qu’en saison 5, ici on se situe dans un travail de préparation dépourvu de dimension, purement fonctionnel. . Les Goules se montrent par contre amusantes, mais entrent trop tardivement en scène. Un épisode très dispensable, même s’il évoque (une nouvelle fois) habilement le fossé béant existant désormais entre Sam et Dean.

Supernatural 4 19 3

Anecdotes :

  • Le titre original reprend une expression devenue commune pour désigner le moment où l’intérêt d’une série télévisée se met à décroître. Cette expression fait elle-même référence à une cascade accomplie par Fonzie dans la série Les jours heureux. Y faisant allusion, une affiche du Fonzarelli Water-Skiing Championship est aperçue lorsque Dean et Sam entrent dans le restaurant.

  • Quand Sam et Dean rencontrent Adam au restaurant, on entend Reaching Higher, de Nathan Williams. Quand Dean est au bar, on entend A Little Bitty Tear, de Burl Ives.

  • Dean se fait passer pour l’Agent Nugent. Ted Nugent est un important guitariste de Rock, le pseudonyme avait déjà été utilisé lors du pilote de la série.

  • Dans la chambre de Sam et Dean, on aperçoit une brochure publicitaire comportant une photographie d’un jeune Kim Manners alors moustachu.

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20. LE PÉNITENT
(THE RAPTURE)

Supernatural 4 20 1

Scénario : Jeremy Carver

Réalisation : Charles Beeson

You used to be strong enough to kill Alistair. Now you can't even kill, uh, stunt-demon number 3?

Résumé :

Sam et Dean découvrent Castiel inanimé : il a été en effet rappelé au Ciel, laissant son vaisseau de chair, Jimmy Novak, désemparé ! Sonnés par la perte de leur allié, Sam et Dean veulent protéger Novak des démons qui souhaitent le capturer pour avoir accès à des informations cachées dans sa mémoire. Profitant de la faiblesse de Sam, en manque de sang de démon dont il est devenu dépendant, Novak s’échappe pour retrouver sa famille qu’il a abandonnée sans avoir eu le temps de lui dire au revoir il y a un an, mais les démons sont à ses trousses…

Quand les Anges merdent, ils vont au Ciel. Logique…

La critique de Clément Diaz : 

À travers ce magnifique épisode, Supernatural explore avec une émotion renouvelée le déchirement se produisant lorsqu’un être humain décide d’embrasser un destin héroïque, et sacrifiant « pour le plus grand bien » son bonheur personnel. A contrario de Sam et Dean, Jimmy est un homme ayant vécu longtemps une vie enviable, avant que ses convictions religieuses brisent son bonheur terrestre. Ce dilemme douloureux hante tout cet épisode qui n’oublie pas d’être captivant, aux multiples coups de théâtre, tandis que Sam s’approche de plus en plus du point zéro de son irrémédiable chute ténébreuse. Misha Collins réussit son dernier test en montrant qu’il peut tenir tout un épisode alors que Jared et Jensen sont en périphérie.

Supernatural n’a pas vraiment la main heureuse dans ses flashbacks, les plongées dans le passé des deux frères sont restées très anodines (mis à part le très spécial In the beginning), et l’on pouvait redouter a fortiori un résultat encore pire pour Novak qui n’a jamais été approfondi. Mais c’est oublier le talent de Jeremy Carver, qui se joue du problème en axant son intrigue sur le fascinant mystère de la foi religieuse, qui a tant réussi à la série (Faith, Houses of the Holy), faisant du même coup ressortir son miroir inversé, la dérive spirituelle, celle de Sam, avec plus d’éclat. Cette foi religieuse épanouit Novak, et tant qu’il peut la partager avec la chaleur familiale, il trouve un équilibre. C’est quand sa ferveur, celle qui n’appartient qu’aux hommes et aux femmes appelées à changer le monde en profondeur, déborde, qu’une fêlure se produit, avec un déchirement entre le désir de rester avec ceux qu’on aime, et le fait d’être immergé tout entier dans une tâche immense. La résonance avec le destin « sacrificiel » de Sam et Dean, comme Jump the Shark l’avait rappelé, est évidente, mais se ressent plus fortement encore par la présence de la famille, passant ici par pertes et profits, et par une mission finalement plus éprouvante encore, car il s’agit de renoncer à vivre sa propre vie pour permettre à un ange d’aider plus efficacement à la lutte contre le mal.

Les scènes déchirantes mais sans pathos aucun entre Novak et sa famille saisissent vraiment, tandis que se manifeste un autre problème bien connu des grands héros : la tentation d’abandonner. Car Novak n’en peut plus de voir son corps martyrisé, de délaisser sa famille, il est comme encombré de sa foi qui le dépasse, et c’est cela qui explique son attitude fuyante aux deux frères qui s’ils gardent la tête froide, ne peuvent tout à fait le comprendre, car ils ont depuis longtemps abandonné tout espoir d’une vie normale, pas Novak. Ses décisions seront jugées selon les croyances religieuses ou « prométhéennes » du spectateur, mais quoiqu’il en soit, il est difficile de ne pas être ému lors du choix final de Novak, qui mêle in extremis son amour familial bien qu’ici sacrifié, et sa foi, pour une ultime séparation à en avoir le cœur serré. Castiel quant à lui paye son affection pour son protégé avec un sévère avertissement, d’où une coda en rage rentrée.

La lenteur presque contemplative de l’intrigue réserve ainsi des effets saisissants lors des attaques des démons perturbant soudainement ce calme malaisé, mais aussi lors des accès de folie de Sam, en amorce de descente alors qu’il se drogue depuis si longtemps au sang de Ruby. Il est sinistre de voir Dean ne plus arriver à réagir devant l’autodestruction de son frère, tant il est blasé, alors même qu’une vision saisissante nous montre Sam s’assimilant à un vampire démoniaque. Le grinçant cliffhanger (Bobby le renard) ouvre la voie à un avant-dernier épisode où l’on pressent que cela va chauffer, et au fer rouge minimum.

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La critique d'Estuaire44 : 


The Rapture a l’excellente idée de s’intéresser au Vaisseau de l’ami Castiel, ce qui permet non seulement de mieux comprendre le parcours de l’Ange mais aussi de nous valoir un récit riche en émotions, mais exempt de tout mélo. Les rapports complexes unissant Cas à son hôte sont passionnant à suivre et parfaitement exposés grâce à l’astuce diabolique du scénario. Sans avoir l’air d’y toucher, le récit établit un parallèle assez époustouflant entre les arrivées d’Azazel les Yeux Jaunes et de Castiel au sein d’une paisible famille et des conséquences que cela induit. Cas y met certes davantage les formes, mais l’élément humain apparaît bien secondaire. Cet aspect sombre de l’Ange (que les dramatiques évènements rendent tout de même supportable) bondit de nouveau en avant quand Castiel retombe dans ses ornières, tant sont lourdes les chaînes qu’il doit porter de par sa nature même. C’est habile et finalement assez logique, il aurait été décevant que la convergence de Castiel vers les Winchester soit un chemin semé de roses.

 En plus cela instille un élément dramatique supplémentaire pour le final de saison la fragile et récente alliance étant remise en cause. On regrettera cependant qu’Anna en paie le prix, il s’avère contre-productif de sacrifier aussi vite un aussi formidable personnage. On apprécie également la parfaite maîtrise de la mise en scène, notamment la photographie et l’aspect onirique de la formidable scène du lac (où l’on ne serait pas surpris de voir Scully flottant sur sa barque). La jeune interprète de la petite fille se montre épatante, mais l’on retiendra avant tout l’incomparable stand up de Misha Collins que constitue en définitive The Rapture. L’acteur se montre époustouflant de conviction dans chacune de ses incarnations successives, un véritable exploit. Les J2 excellent tout au long de Supernatural, mais la prestation de Collins demeure l’une des plus impressionnantes que j’ai découvert sur le petit écran lors de la période fin 2000/début 2010, avec David Tennant dans Doctor Who et Terry O’Quinn/Michael Emerson dans Lost. Sam tombe en morceaux, décidément tout se présente idéalement pour le grand final.

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Anecdotes :

  • Le titre original fait référence au récit chrétien du Jugement dernier, quand les Justes seront conduits au Paradis par le Christ.

  • What the hell happened back there ? It looked like an angel Battle royale déclare Sam. :Battle Royale est un film japonais de 2000 montrant des lycéens devant se livrer une lutte à mort dans le cadre d’une tété réalité.

  • Amelia Novak est ici interprétée par Wynn Everett. Celle-ci est notamment connue pour le rôle de Tamara Hart dans The Newsroom et celui de la diabolique Whitney Frost, adversaire de l’Agent Carter en saison 2 de cette série Marvel.

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21. LE DIABLE AU CORPS
(WHEN THE LEVEE BREAKS)

Supernatural 4 21 1

Scénario : Sera Gamble

Réalisation : Robert Singer

Now, correct me if I'm wrong, but you willingly signed up to be the angels' bitch?… I'm sorry ; you prefer "sucker"?

Résumé :

Emprisonné dans la cave de Bobby, Sam, en manque de sang de démon, subit de terribles hallucinations. Alors que les sceaux retenant Lucifer se brisent les uns après les autres, Dean, déterminé à laisser son frère hors de la bataille finale - faute de quoi, il serait probable qu’il doive le tuer - fait un pacte avec Castiel. Mais Sam finit par s’échapper et rejoint Ruby…

Chez les Winchester, qui aime bien châtie bien : on démolit la face de l’autre parce qu’on l’aime.

La critique de Clément Diaz : 

Grand prologue au final de saison, When the levee breaks s’axe tout entier sur la psychologie de Sam via différentes idées, et sa rupture semble-t-il définitive avec son frère, soit le cœur même de la série. L’épisode ne peut donc qu’être excellent, quoique Sera Gamble n’évite pas certains clichés en première moitié d’histoire, et se montre très chiche en matière d’action. Poussés dans leurs derniers retranchements émotionnels, le trio Sam-Dean-Bobby, à fleur de peau, sait toutefois impliquer le spectateur dans ce scénario courant droit à sa noire coda, une des plus désespérés de la série alors même que l’Apocalypse se profile à l’horizon.

Gamble utilise une ficelle usée mais qui a fait ses preuves pour exprimer l’effet du manque sur Sam : les hallucinations « psy ». Pas de grinçant délire à la Trainspotting, plutôt une exploration de 4 des facettes de Sam : le chasseur terrorisé, l’adulte frustré, le fils sevré d’amour maternel, et le frère à la relation si compliquée avec Dean. Si Christopher Heyerdahl fanfaronne toujours sadiquement en Alastair, la séquence est surtout là pour des effets faciles. La révolte de Sam enfant face à ce qu’est devenu Sam adulte déroule des dialogues et des idées mille fois vues, malgré une bonne interprétation.

Le casting surprise de Samantha Smith est en revanche une excellente idée, dont les attitudes prennent à contrepied le spectateur mais finalement de manière logique : la chasseuse ne peut qu’être fière que son fils ait pris la relève avec autant d’éclat, même si elle est triste que ce soit au prix d’une vie normale. Voir Sam se consoler sur son épaule est émouvant, et c’est sans doute la seule facette de lui-même, la fierté du travail accompli, qui est apaisée, et qui lui donne un moment de répit. Tant mieux car la confrontation avec sa projection de Dean se montre à l’opposé d’une dureté aiguë, où il n’arrive à imaginer qu’une vision négative voire haineuse que son frère a de lui. Le contraste avec les vraies pensées de Dean, exposées en alternance, est cruel pour Sam, mais ironiquement, ses actions finiront par user la patience de Dean dans la coda où réalité et fantasme vont se rejoindre pour le pire. Jared Padalecki est mémorable en junkie lessivé et patraque.

L’impuissance rageuse de Dean et Bobby n’est pas moins corrosive, et il faut vraiment que Dean soit au bout du rouleau pour accepter de se soumettre aux ordres d’un Dieu invisible - auquel il n’a jamais vraiment cru et dont il doute le bien-fondé de ses actions - via un Castiel peut-être encore plus paumé que lui. L’ange en a ras l’imperméable de cacher tant de choses capitales à son padawan, doutant en permanence des ordres qu’il reçoit : au fond de lui, il souhaiterait sans doute suivre Anna la rebelle et non la remettre aux « autorités » divines. L’action reste immobilisée durant le huis clos, ce qui fait que l’épisode n’est pas sans longueurs.

Après nous avoir fait suivre tout le parcours tragique de Sam en cette saison, Supernatural atteint enfin le fond du gouffre lorsque Sam choisit de faire confiance à Ruby plutôt qu’à Dean. Il est étonnant de constater que c’est encore une fois l’amour fraternel qui les pousse l’un contre l’autre : Dean préfère tuer son frère plutôt que le laisser devenir un monstre, et ainsi se montre impitoyable contre lui, tandis que Sam veut protéger son frère et n’a pas confiance en sa force pour empêcher l’apocalypse, alors qu’il s’agit pourtant du « plan de Dieu » (ou du moins, présenté comme tel), mais il est vrai que Dieu ne s’est guère clairement manifesté sur le sujet, et ce n’est pas les Anges, tous chauffés à blanc, qui vont nous rassurer en prenant l’intérim !

La tragédie est consommée lors de la si poignante scène où Bobby tente de retenir Sam, mais est impuissant à lui tirer dessus (I love that boy like a son. All I'm saying is maybe he's here right now instead of on the battlefield because we love him too much). Ruby, félonne grand train, manipule avec toujours autant de sensualité perverse notre pauvre Sammy, et l’on continue à se demander quel bénéfice elle en tire. Quoiqu’il en soit, le jeu de Genevieve Cortese commence tout doucement à surchauffer, un choix idoine quant à l’excitation de son personnage, sur le point de frapper un grand coup, on en doute pas ! L’explication finale entre Sam et Dean, désormais en pleine incommunicabilité, se montre aussi violente que sans espoir (réalisation électrique de Robert Singer), avec cette image terrible de Sam choisissant Ruby au lieu de Dean, car désormais trop dépendant : à sa volonté de sauver son frère, au pouvoir, peut-être aussi à la démone elle-même, et pas seulement son sang. Toujours unis au moment des finales de saison, le lien Sam et Dean, moteur du show, meilleure arme contre les forces du mal, est brisé, ce qui laisse augurer un final de saison bien intense !

Supernatural 4 21 2

La critique d'Estuaire44 : 


When the Levee Breaks présente l’intérêt de nous révéler vraiment ce qui anime Sam dans sa course à l’avilissement. En effet il est souvent malaisé de deviner ce que ressent cet introverti surdoué, bien davantage que chez Dean, plus direct et à qui Castiel sert couvent de confident. Malheureusement, malgré un Padalecki au sommet de son art, cet espèce de Christmas Carol inversé ne convainc que partiellement, avec ses visites ultra prévisibles et son arrière fond lourdement psychanalytique. Celui-ci voit Sam s’adresser à lui-même avec les figures marquantes de son passé symbolisant les diverses facettes de sa personnalité. Tout ceci demeure démonstratif et formaté au possible, mais la mise en scène maintient sa qualité et l’épisode sait se relancer quand Sam sort enfin du bunker.

 On a un premier choc quand on entrevoit la possibilité que Sam nous tue Bobby, là tout de suite, mais le grand moment survient lors de la grande confrontation qui éclaté enfin entre les deux frères. La scène, d’une âpreté sans concessions, se révèle d’une puissance émotionnelle terrible, d’autant qu’elle semble réellement sans retour. La vénéneuse Ruby triomphe, toujours campée avec brio par la brune Geneviève. Vraiment un adversaire grand train, n’ayant plus rien à voir avec la guerrière d’opérette de la saison précédente. Le scénario déplie tout un impressionnant mouvement, car Castiel connaît son nadir simultanément à celui des Winchester, lors de sa trahison d’Anna. Il a beau faire la moue, l’acte est bel et bien perpétré, et jamais l’Ange ne sera plus antipathique qu’à cet instant. C’est en guenilles, sinon en lambeaux, que la Team Winchester parvient au final de saison, ce glissement suscitant une impressionnante force narrative.

Supernatural 4 21 3

Anecdotes :

  • Le titre original repend celui d’une chanson de Led Zeppelin (1971), adaptant un Blues de 1929.

  • If you walk out that door, don't you ever come back déclare Dean à Sam, reprenant la phrase de John quand Sam était parti à la faculté de droit.

  • They come on like shady politicians from Planet Vulcan déclare Dean faisant un parallèle entre Castiel et le manque d’émotion de Spock.

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22. LE RÉVEIL DE LUCIFER
(LUCIFER RISING)

Supernatural 4 22 1

Scénario : Eric Kripke

Réalisation : Eric Kripke

Dean... HE's coming!

Résumé :

Sam kidnappe une alliée de Lilith et la force à lui avouer où elle brisera le dernier sceau qui libérera Lucifer : le couvent Sainte Marie dans le Maryland, où Azazel massacra 8 nonnes en 1972. Dean est téléporté dans une chambre divine par les Anges pour le préparer à l’Apocalypse. Les deux frères vont finir par comprendre qu’ils ont tous les deux été joués, mais n’est-il pas déjà trop tard ?…

The road so far…

Devinez qui vient dîner ce soir !

La critique de Clément Diaz : 

Lucifer Rising (et pan, encore un titre qui tue !) ne souhaite pas nous surprendre : le sens sans équivoque de son titre et les indices parsemés dans toute la saison (double jeu de Ruby, Sam déclenchant la catastrophe en croyant l’éviter…) font que l’intérêt du final n’est pas de nous choquer, mais de regarder, comme une tragédie grecque, nos héros se battant tant contre les Anges que contre les Démons, et faisant face à une inévitable Apocalypse (le créateur n’allait évidemment pas nous décevoir après nous avoir chauffé toute la saison). L’émotion est le moteur de tout ce finale riche en scènes spectaculaires, où Sam plonge sans retour dans les trompeuses promesses de Ruby, et où Dean tente de trouver une échappatoire au piège des Anges. La tension grimpe tout le long du récit, jusqu’à prendre feu dans une grandiose coda et un des plus hallucinants cliffhangers qu’une série ait pu nous proposer.

La magistrale première séquence emboîte la dernière pièce du puzzle qu’est la Conspiration des démons pour libérer Lucifer, instaurant Azazel comme son authentique meneur, même par-delà sa mort. Le délire satanique du prêtre face à son assemblée frappe les esprits par son cynisme et sa mégalomanie. Eric Kripke fait face au challenge de devoir raconter deux segments presque déconnectés, mais ce faisant, il exprime bien la déroute des Winchester dès lors qu’ils ne travaillent plus ensemble. Surtout, les deux parties de l’histoire se montrent d’une intensité permanente.

Côté Sam : Ruby ne cache plus son excitation et lève plusieurs fois le coin du masque (notamment avec la connaissance de Lilith) alors qu’elle accomplit les ultimes étapes du plan d’Azazel, dont elle est la cheville ouvrière depuis sa mort en fin de saison 2. Sam, dans sa ténébreuse addiction à son ego et au pouvoir, ne voit rien venir, plus ange exterminateur que jamais. Le voir accomplir docilement toutes les injonctions de Ruby fait froid dans le dos, alors même que l’on sait qu’il est en train de commettre une terrible erreur. Le voir à l’ultime moment repousser la main salvatrice de Dean pour commettre l’acte final, sous les yeux pervers d’une Ruby jubilante, est le couronnement du travail de sape de cette dernière ; de la belle ouvrage.

Côté Dean : c’est un dialogue, enfin, une dispute, qui s’instaure avec Zachariah, subtilement perfide derrière ses airs narquois (un rôle taillé sur mesure pour l’éblouissant Kurt Fuller). Son inactivité forcée finit par éveiller un dangereux soupçon, jusqu’à ce que l’ange dévoile son plan dans un twist retentissant que les plus malins auront peut-être deviné. Mais voir les frères devoir après Heaven and Hell combattre une fois de plus le Ciel et l’Enfer simultanément a cette beauté tragique que l’on retrouve dans les meilleurs récits épiques.

L’épisode consomme jusqu’au bout l’amertume des Anges devant des humains tellement plus faibles et pêcheurs, mais bénéficiaires du bien le plus précieux : le libre-arbitre. L’on peut se demander pourquoi Dieu « a quitté la boutique », mais nul doute que Supernatural nous donnera quelques explications à l’avenir ! Kripke porte une emphase particulière sur la condition des Anges, avant tout des guerriers bataillant contre le mal, et piaffant à l’idée d’en découdre une bonne fois pour toutes avec leur confrère travaillant dans les sous-sols. À leur tempérament belliqueux s’ajoute l’impatience, celle d’exterminer la race démoniaque, quitte à passer une humanité ingrate par les pertes et profits. Finalement, cet épisode n’est pas autre chose qu’une relecture certes spéciale de l’éternel sujet du frère aîné et du frère cadet rivaux se disputant l’amour (et l’héritage) du patriarche, dont l’affection se porte souvent sur le plus jeune. Seul grain de sable dans la machine, Castiel, qui par Dean, a appris à aimer les humains, et entre en sécession hélas dramatiquement tardive.

Mais comment lui en vouloir, lui qui a tant à perdre et rien à gagner dans cette affaire ? Il est prêt à tout sacrifier pour apaiser sa conscience, et c’est par cela qu’il nous émeut, cela et le jeu si intériorisé et si déchirant à la fois de Misha Collins, décidément le casting idéal pour ce personnage si complexe. On apprécie également le coucou de ce bon vieux Chuck (inénarrable Rob Benedict), toujours paumé entre deux prophéties, et demandant juste qu’on lui foute la paix. Ouais, coco, mais comme t’es un prophète du Très-Haut, c’est pas gagné. La terrifiante coda, lorsque la terre s’embrase sous les pieds de Sam, comprenant trop tard sa monumentale erreur, ne lâche à aucun moment le spectateur, tandis que Ruby fait une tourbillonnante danse de joie méchante. Haïe par les fans du show, Genevieve Cortese n’aura pourtant jamais démérité face à Katie Cassidy, certes plus en présence physique, mais au jeu moins large que sa successeure, tellement plus félonne. Elle nous le prouve lors de son récital final. Qu’importe que les foudres de Dean s’abattent sur elle, le cliffhanger final, s’arrêtant quelques secondes avant la libération du Roi des Enfers devant nos frères prisonniers, est à hurler de rage - ce que tout cliffhanger qui se respecte doit faire - tout en portant les enjeux très très haut pour une saison 5 s’annonçant comme spectaculaire !

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La critique d'Estuaire44 : 


Lucifer Rising (ça c’est du titre, les amis) débute après le toujours délicieux coup d‘œil dans le rétroviseur qu’est le The Road so Far, un rituel que l'on aime encore et toujours retrouver. Dès son commencement le Season finale se profile ainsi comme épique. Le scénario pourrait sembler souffrir d’un manque de rebondissements, tant ses articulations majeures sont prévisibles, assez inévitablement étant donné la force du récit précédent. Oui, Lucifer s’élève des tréfonds de la Cage (bon, c’est dans le titre), oui le complot de Ruby fonctionne jusqu’à son terme, oui les Anges veulent la Grande Bataille donnant un sens à leur existence, oui les Bros se retrouvent au moment ultime (mais trop tard), oui Castiel tourne casaque et redevient l’allié des frères au moment fatal (trop tard pour Anna), oui, tout cela était totalement scripté. Et pourtant l’épisode s’avère enthousiasmant de bout en bout, s’échappant par le haut grâce à la renversante qualité de ses dialogues (énorme tirade de Bobby sur John !), de sa mise en scène hyper nerveuse et de son interprétation, particulièrement incandescente ici. Geneviève Cortese se montre une nouvelle fois parfaite malgré les réserves parfois exprimées de-ci, de-là.

Par ailleurs, initialement un peu lente mais gagnant sans cesse en énergie, l’intrigue nous réserve malgré tout quelques jolies surprises en cours de route, comme Azazel bouclant superbement la boucle, Lilith en sceau terminal, le retour hilarant du Chuck ou la découverte de cette étrange salle très à la séquence finale de 2001 Odyssée de l’Espace, où Zacharie nous régale encore une fois de son numéro de fripouille intégrale et satisfaite d’elle-même. Le final demeure également spectaculaire, on apprécie l’ironie voyant Ruby tuée par son propre couteau. Qui a vécu par l’épée etc, tellement biblique. J’aime aussi la jouissance de Dean à la trucider, c’est toujours ça de pris pour la Route. Certes nous refait le même coup qu’avec l’Archange du Prophète Chuck, car on ne voit du Déchu qu’une lumière vrombissante, mais cela suscite un cliffhanger assez ultime ! La saison 4 s’achève, d’un très haut niveau, elle confirme à quel point les auteurs de Supernatural ne craignent pas de pousser leurs intrigues et concepts jusqu’à leur terme ultime, aussi éprouvant soit-il. La cinquième, la préférée de nombreux fans, sera encore meilleure.

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Anecdotes :

  • Deuxième et dernière réalisation pour sa série du créateur Eric Kripke, cette fois sur un de ses scénarios. Il avait déjà réalisé What if and what should ever be en saison 2 d'après un scénario de Raelle Tucker.

  • Le nom du Père Dominic Lehne, possédé par Azazel, est un clin d’œil à Fredric Lehne, qui interprétait les Yeux Jaunes en saison 2.

  • Le titre Lucifer Rising renvoie à celui du pilote de saison, Lazarus Rising. C'est aussi le titre d'un tube du groupe de Doom Metal suédois Candlemass, en 2008. C'est aussi le titre d'un court métrage culte de 1972, narrant comment des dieux égyptiens invoquent l'Archange Lucifer afin de créer un nouvel âge mystique.

  • L'arrivée de Lucifer est annoncée par une pure lumière, assez logiquement car son nom signifie "Porteur de Lumière".

  • Dernière apparition de Ruby et de Lilith au cours de la série.

  • On entend le traditionnel Carry On Wayward Son de Kansas durant la séquence récapitulative The Road So Far. L'infirmière Cindy interprète Patty Cake, de Juliana Wimbles.

  • L'une des pentures représente l'Archange Mickaël, qui va jouer un grand rôle en saison 5.

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