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Saison 10Classement saisons

X-Files

Saison 11

1. La Vérité est ailleurs, 3e partie (My Struggle III)

2. Une vie après la mort (This)

3. Les Jumeaux diaboliques (Plus One)

4. L'Effet Reggie (The Lost Art of Forehead Sweat)

5. Ghouli (Ghouli)

6. Le Retour du monstre (Kitten)

7. Rm9sbG93ZXJz (Rm9sbG93ZXJz)

8. Les Forces du mal (Familiar)

9. Rien n'est éternel (Nothing Lasts Forever)

10. La Vérité est ailleurs, 4e partie (My Struggle IV)

  


1. LA VÉRITÉ EST AILLEURS, 3E PARTIE
(MY STRUGGLE III)



Scénario : Chris Carter

Réalisation : Chris Carter

Résumé :

Scully est hospitalisée quand elle perd connaissance, percevant des visions prophétiques envoyées par William : en fait les évènements de l’épisode précédent ! Mulder remonte une piste en espérant retrouver l’Homme à la Cigarette. Mais il découvre à la place les deux dirigeants d’une faction concurrente du Syndicat. Il parvient à revenir à temps à l’hôpital pour empêcher leur tueur d’assassiner Scully. L’Homme à la Cigarette s’assure la collaboration de Skinner en lui révélant être le véritable père biologique de William, grâce à une manipulation scientifique. Mulder et Scully décident d’attendre que William vienne à eux. D’ici là, ils reprennent leur travail au service des Affaires Non Classées.

Critique :

My Struggle III s’affirme comme un véritable cyclone narratif, accumulant les révélations les plus hallucinantes, tout en les couplant à un montage nerveux des différentes scènes. Chris Carter fait le pari osé de pleinement embrasser le coté plus grand de la vie de l’univers des X-Files, qu’il va jusqu’à hystériser en louchant par moment sur la Telenovela sud-américaine. Il en va ainsi du coup d’éclat du précédent cliffhanger se révélant un rêve similaire à celui de Pam Ewing pour toute la saison 9 de Dallas, autre univers impitoyable.

Le delirium familial attient un niveau inusité, avec la confirmation de la paternité de CSM (dont le vrai nom est aussi validé) concernant Mulder et Spender… mais aussi William ! Quel twist ! Quelques bulles de pur délire dérivant dans le scénario viennent compléter le panorama, comme le prologue de L’Homme à la cigarette rappelant l’épisode de la saison 4 Musings of a Cigarette Smoking Man se concluant sur le gag de la vérification de la légende du faux alunissage, ou encore le cerveau de Scully s’exprimant en Morse (à ce niveau-là, l’unique équivalent demeure Doctor Who).

Mais la force de My Struggle III et de Chris Carter consiste à ne pas céder à l’emballement narratif, pour au contraire utiliser ses twists de manière au combien intelligente. William cesse ainsi de constituer un MacGuffin intangible pour devenir un acteur à part entière de la Mythologie. L’épisode se découvre à cet égard comme un véritable tremplin pour une prochaine entrée en scène. Le Grand Fumeur redevient tel qu’en lui-même, le marionnettiste suprême de la planète, mais aussi confronté à de nombreux et énigmatiques ennemis.

Avec la création d’un néo Syndicat, Chris Carter restaure une Mythologie au bon goût de jadis, avec ses conclaves secrets et ses entrevues dans des parkings. Il ne tourne pas pour autant le dos à la modernité instaurée dans My Struggle I, notamment via la référence aux désormais fameuses Fake News. Carter évite aussi - cette fois - de tomber dans la facilité du spectaculaire, la poursuite en voiture demeurant la seule vraie concession à l’action. Comme metteur en scène, il se montre efficace à cette occasion (même si un dialogue entre L’Homme à la cigarette et Monica vient inutilement scinder la scène), de même que son montage permet de dynamiser une dernière partie de l’épisode toute en dialogues bien dans sa manière.

Tout ce nouveau fil rouge maintient suffisamment d’éléments dans l’ombre pour s’assurer une marge de progression. Il en va ainsi de la nature du rêve de Scully, simple échappée onirique, ou vision prophétique à la Buffy ? D’un point de vue plus ludique on peut remarquer que chacun des prologues des My Struggle ont été effectués par une personne différente. On peut dès lors débuter les paris quant à l’identité du quatrième narrateur, une friandise geek.

La relation entre Mulder et Scully demeure au cœur de l’épisode, inaltérée par les révélations familiales et portée par l’alchimie toujours aussi palpable entre David Duchovny et une Gillian Anderson nous délivrant ici un nouveau récital. Mulder, démultipliant ses efforts, jusqu’à une conclusion sanguinaire, face à son élue en danger nous rappelle Fight the Future et la grande époque. Là aussi cette ouverture de la saison 11 se découvre comme une belle promesse pour la suite des évènements. On peut regretter quelques scènes mélo en hôpital (derechef), mais elles demeurent en quantité raisonnable.

Les autres personnages se voient également fort bien traités. Skinner regagne en complexité et en importance dans l’intrigue, alors que la saison 10 l’avait assez marginalisé. Monica se découvre une véritable utilité, même si la fonction de confident du Mastermind est un marronnier depuis les années 60. De fait, Annabeth Gish délivre l’une de ses meilleures prestations en une Monica déterminée (et qui fumait déjà naguère des Morley), ne craignant pas de porter la contradiction à L’Homme à la cigarette,

Les nouveaux conspirateurs se voient également portés par d’excellents comédiens Barbara Hershey et A.C. Peterson. En fait seuls le duo Einstein & Miller effectue une rentrée en demi-teinte. En laissant passer le tueur sans lui barrer le chemin, ils démontrent qu’ils ne sont pas encore assez paranos pour prendre les clefs, sinon du camion, du moins des Affaires non classées. Pas de panique, ils ont encore toute la saison pour y parvenir. Spender réussit un retour réellement émouvant. On continue à espérer à un retour de l’Agent Doggett.

Au total, Chris Carter aura suffisamment secoué le cocotier pour démontrer que la série a encore quelque chose à raconter, tout en préservant la relation du duo vedette comme élement essentiel de l’histoire, et en restaurant un conspirationnisme de bon aloi. En effectuant des références aussi bien à la saison 10 qu’à la série classique, My Strugle III affirme d’ailleurs une féconde continuité des X-Files. Certes les rebondissements se situent aux frontières du crédible, mais on peut vouloir y croire. Tel quel, l’opus permet à la saison 11 de débuter sous les meilleurs auspices.

Anecdotes :

  • Les 10 épisodes de la saison se composent de huit loners (semi-mythologiques) et de deux mythologiques purs, My Stuggle III (11-01) et My Struggle IV (11-10), écrits et réalisés par Chris Carter.

  • Un quart de siècle sépare le tournage de l’épisode de celui du pilote de la série.

  • La saison 11 est tournée à Vancouver et dans ses environs, tout comme la précédente et les cinq premières de la série.

  • Le pont sur lequel Mulder s’aperçoit qu’il est suivi est le Georgia Viaduct, à Vancouver. Cet important nœud routier inauguré en 1972 sert également de décor à l’affrontement ouvrant le film Deadpool (2016). A cette occasion, il dut être fermé durant semaines.

  • Les évènements de My Struggle III complètent ceux décrits dans En Ami (7-15), en en bouleversant la perspective.

  • L’excellent Chris Owens reprend le rôle de Jeffrey Spender, qu’il n’avait plus tenu depuis 2002 et l’épisode final de la saison 9, The Truth. Désormais plus âgé, l’acteur n’interprète par contre plus l’Homme à la Cigarette jeune dans les séquences de flashback.

  • La porte derrière laquelle se réfugie Spender porte le numéro 209. Il s’agit d’un de ces clins d’œil chiffrés qu’apprécie Chris Carter, car l’épisode est le 209ème des X-Files.

  • Le véritable nom derrière l’acronyme CGB est indiqué comme étant Carl Gerhard Busch. L’Homme à la Cigarette avait été désigné comme étant « CGB Spender », père de Jeffrey, dans l’épisode Two Fathers (6-11), en 1999. CGB confirme être également le père de Fox Mulder.

  • La rituelle accroche de fin de générique est I Want to Believe, se transformant en I Want To Lie, pouvant laisser supposer que les révélations de l’épisode sont à prendre avec précaution.

  • Le prologue fait référence à la légende urbaine du faux alunissage d’Apollo 11. L’évènement historique diffusé en direct le 20 juillet 1969 aurait en fait été une reconstitution en studio, destinée à dissimuler l’échec d’une mission capitale pour le prestige de la NASA et des USA. Basée sur des observations plus ou moins fantaisistes réalisées sur les images et de supposées morts mystérieuses, la rumeur se répand dès le début des années 70. En 2009, des vues réalisées par une sonde spatiale prouvent l’existence de sites d’alunissage. Cette légende urbaine est néanmoins passée dans la culture populaire. Dès 1971, le film Les Diamants sont éternels voit ainsi James Bond passer par le fameux décor, entre bien d’autres exemples. Le premier avril 2004, Arte diffusa Opération Lune, un documentaire canular présentant la théorie comme avérée et qui fit sensation auprès du public.

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2. UNE VIE APRÈS LA MORT
(THIS)

Scénario : Glen Morgan

Réalisation : Glen Morgan

Résumé :

Ayant été alertés par un mystérieux appel téléphonique d’un Langly décédé depuis bien longtemps, Mulder et Scully triomphent d’une attaque de mercenaires. Ils vont remonter une piste les menant jusqu’à Erika Price. La chef de la faction du Syndicat hostile à l’Homme à la Cigarette a fait dupliquer de brillants esprits sur un serveur informatique. Ces intelligences, dont Langly, vivent dans un univers virtuel et l’aident à mener à bien son projet de conquête spatiale. Nos héros parviennent à stopper la machine infernale, mais Erika disparaît sans laisser la moindre preuve.

Critique :

L’épisode frappe un grand coup avec sa séquence d’ouverture, parfaitement chorégraphiée et mise en musique. Tout le génie de l’épisode s’y trouve déjà : une affirmation de la continuité de la série comme de son univers, mais aussi une tonalité nouvelle (« en même temps », comme on dit chez nous ces temps-ci). Il en va ainsi d’une relation entre Mulder et Scully d’emblée mise en avant et de nombreux clins d’œil au passé, mais aussi d’un pétaradant Fort Chabrol à la Tara King de Trop d’indices, exercice assez nouveau pour le duo.

Il en va pareillement pour un recours à une thématique Cyber seulement traitée dans les X-Files à travers une poignée d’épisodes particulièrement datés aujourd’hui (Un fantôme dans l’ordinateur, Clic mortel, Meurtres sur Internet et Maitreya), alors qu’on en trouve ici une acception résolument contemporaine. Cette introduction remplit parfaitement son office, puisque par la suite Glen Morgan va développer ces diverses dimensions de manière habilement agencée, sans nuisibles interférences entre elles.

Le duo Mulder se montre ainsi particulièrement en forme, à la fois tonique et inséparable. Cela fait réellement plaisir de les voir œuvrer de concert, après avoir été quasiment séparés dans les deux derniers épisodes, My Struggle II puis III. This apportera sans doute un vrai plaisir aux Shippers, part importante du public de la série ayant beaucoup contribué à la persistance des X-Files sur les réseaux. En effet l’opus nous offre plusieurs scènes amusantes et complices, voire quelques dialogues gentiment coquins (ah, ces menottes).

Gillian et David se régalent, avec peut-être quelques légères réminiscences de Californication pour ce dernier. Il y a un peu d’Hank Moody dans ce Mulder-là, très différent du précédent épisode. Là aussi l’épisode apporte du nouveau, puisque c’est la première fois que Mulder et Scully sont aussi manifestement montrés comme vivant ensemble, dans cette petite maison isolée déjà évoquée par Mulder au début de La Meute. Le bonheur d’être ensemble peut aussi exister dans les X-Files.

Les amateurs des Bandits solitaires seront aussi à la fête, puis nous retrouvons Ringo tel qu’en lui-même, geek informatique surdoué et fan des Ramones interprété avec un enthousiasme manifeste par Dean Haglund. Glen Morgan rend un magnifique hommage à l’irrésistible Trio qu’il créa pour notre plus grand bonheur dans Entité biologique extraterrestre. Pour y parvenir, il ne propose pas simplement une histoire évoquant les Bandits solitaires, mais un épisode à la Bandits solitaires, ce qui fait toute la différence. Il projette de la sorte le duo vedette dans un univers délirant, complotiste et paranoïaque qui aurait autrefois fait les belles pages du Lone Gunman : conspiration, version contemporaine des Hommes en noir, Titanpointe, clins d’œil à la légende urbaine du visage apparaissant dans les rêves... Toute une atmosphère.

La séquence du Cimetière d’Airlington se montre évidemment paroxystique d’autant que l’on y retrouve également la tombe de Gorge profonde, dont Glen Morgan fut aussi l’un des géniteurs. Évidemment quand on a en souvenir la saison 10 alternative en bande dessinée et que l’on se retrouve devant les tombes du Trio, un frisson nous étreint. En effet les Lone Gunmen y avaient survécu et ces tombes permettaient d’accéder à leur nouveau QG souterrain... Mais il est bon que la série assume en définitive ses choix passés, aussi mauvais soient-ils.

La conclusion ouverte reste également archétypale des X-Files. De fait, le recours au Syndicat, ou du moins à la faction de M. Y et Erika Price vient encore pimenter les débats. Naguère le regretté Alex Krycek avait d’ailleurs régulièrement apporté de la sorte sa précieuse contribution à des scénarios ne nécessitant pas vraiment sa présence. Le procédé fonctionne bien, validant le choix de ces épisodes semi-mythologiques, en particulier grâce à une nouvelle superbe prestation de Barbara Hershey.

L’actrice sait merveilleusement incarner une méchante grand train, sinistre à souhait, mais aussi très féminine. This met ainsi en valeur les nouveaux venus et gère habilement ce pan de la Mythologie : on en découvre davantage sur ce complot-ci, tandis que l’on préserve l’Homme à la Cigarette pour d’éventuels épisodes pivots, voire une fin de saison choc. L’épisode confirme également le potentiel d’un Skinner devenu davantage ambigu.

La thématique Cyber du jour ne résulte pas foncièrement innovante en soi. Ce type d’immortalité permise par l’enregistrement de personnalités sur un serveur a ainsi été déjà explorée en littérature SF, notamment dans la saga Autremonde de Tad Williams, ou dans le fabuleux Cycle de la Culture, d’Iain M. Banks. Mais, telle quelle elle apporte un épisode pleinement contemporain à cette véritable série dans la série que constitue cette petite histoire de l'informatique et des téléphones portables que nous proposent les différentes époques des X-Files, à travers l'évolution des matériels proposés (pur plaisir de Geek).

Cette modernité se ressent d'autant plus d'importance que, par l'importance accordée aux écrans sur lesquels apparaît Ringo et la totalité glaciale de l’ensemble, l’ensemble n’est pas sans évoquer l’actuelle série à succès que forme Black Mirror. L’idée de Glen Morgan s’avère d’ailleurs singulièrement proche du tout dernier opus de cette production, Black Museum. On pourra d’ailleurs observer que le traitement apporté par les X-Files n’a rien à envier à celui de la série anglaise, caractérisé par ce ton lourdement moralisateur minorant le succès de l’ensemble de la saison 4 (et tellement moins subtil que dans La Quatrième Dimension).

En tant que metteur en scène, Glen Morgan parvient aussi à renouer avec l’ambiance des X-Files classiques (vues de la voiture en ouverture, fascinante beauté des forêts de Colombie britannique, plans soignés pour les dialogues…). Par contre, on reste nettement moins convaincu par la qualité d’image des saisons contemporaines, dépourvue du grain du tournage sur pellicule, qui apportait tant au Vancouver de jadis. C’est le seul vrai regret de cet opus aussi riche que brillant, instituant Langly en parabole des X-Files eux-mêmes : on les croyait morts, mais ils sont toujours au rendez-vous, pour notre plus grand plaisir !

Anecdotes :

  • L’accroche en fin de générique est cette fois : Accuse your enemies of that which you are guilty (accuse tes ennemis de ce dont tu es coupable).

  • La maison de Mulder est la même que celle vue dans le film I Want To Believe (2008).

  • Quand Mulder et Scully boivent une bière au bar, le set de table est décoré par l'image d'un bébé qui pleure. Le dessin est l’oeuvre de Piper Maru Anderson Klotz, fille de Gillian Anderson et de Clyde Klotz. Chris Carter est son parrain.

  • Les deux jeunes garçons placés derrière Mulder et Scully dans le bus sont les fils de Gillian Anderson et Mark Griffiths, Oscar et Félix.

  • Glen Morgan a indiqué que l'épisode était construit comme un hommage au film La Mort aux trousses, d'Alfred Hitchcock (1959).

  • Indiquées sur leur pierre tombale au cimetière national d'Airlington, les dates de naissance des Bandits solitaires correspondent toutes à des morts de Président des USA. Byers est bien évidemment né le 22 novembre 1963 (assassinat de JFK à Dallas), Frohike le 12 avril 1945 (Franklin D. Roosevelt) et Langly le 28 mars 1969 (Dwight D. Eisenhower). Pour toujours dans nos cœurs.

  • Toujours grand fan des Ramones, groupe qui orna souvent ses tee-shirts, Ringo évoque la chanson California Sun. Créé par Joe jones en 1960, ce titre rock fut en effet repris par les Ramones en 1977, c’est lui accompagne la scène ici la scène prégénrique. Cette version est également entendue dans l’épisode Faith, Hope, Love de Californication (7-09). Les Ramones apparaissent également à la télévision lors de la scène initiale.

  • Le Cimetière national d’Airlington est indiqué comme se situant à proximité de Washington, alors qu’il trouve en Virginie. La saison 11 se déroule-t-elle dans un univers parallèle ?

  • Parmi les autres pierres tombales, on peut distinguer celle de Piper Maru (avec sa date de naissance comme date de décès) et celle de Julie Ng, qui réalisa The X-Files: Re-Opened en 2015 et Season X en 2016, documentaires sur la reprise des X-Files. On trouve également Terry Hutcheson, spécialiste des effets spéciaux travaillant régulièrement avec Frank Spotnitz.

  • Le deuxième fichier effacé par l’organisation d’Y et Erika était conservé à Titanpointe. Il s’agit d’un site bien réel, situé à Manhattan et officiellement propriété de la grande firme téléphonique AT&T. Une thèse reprise par plusieurs médias, mais jamais confirmée officiellement, est qu’il s’agirait en fait d’un immense immeuble espion de la NSA. Cet édifice de 29 étages, dépourvu de toute fenêtre et censément capable de résister à une explosion nucléaire, abriterait le principal programme de la NSA, capable d’écouter toutes conversations téléphoniques dans le monde entier, mais aussi aux USA.

  • L’épisode voit Mulder et Scully recevoir un appel de Langly supposément en provenance de l’au-delà. Cette idée est une thématique surnaturelle présente de longue date dans la culture populaire. Sous des formes très variées, elle figure dans de nombreuses autres séries, comme La Quatrième dimension (Conversation avec l'au-delà et Appel nocturne), Docteur Who (En apnée), Fringe (L’Observateur), Supernatural (Rejoins-moi)… Elle a également déjà été vue dans les X-Files, Scully recevant un appel supposément de sa sœur décédée Melissa, dans la première partie du double épisode Emily (5-06).

  • La photographie des Bandits solitaires présente dans le salon de Mulder et Scully est en fait un cliché promotionnel pour Au Cœur du Complot, série dérivée des X-Files dédiée à ces trois Héros américains.

  • On peut y apercevoir un mystérieux visage rajouté au-dessus de celui de Ringo. Il s’agit d’un clin d’œil à la légende urbaine, désignée par l’expression Ever Dream This Man. Selon elle, depuis 2006 ce visage (« This Man ») serait inexplicablement apparu dans les rêves de près de 2000 personnes à travers le monde et n’ayant aucun rapport entre elles. L’image a été reproduite à partir du témoignage de nombreux clients de psychiatres, troublés par ces rêves insistants. Plusieurs explications plus ou moins fantaisistes ont été formulées : apparition divine ou angélique, existence d’un inconscient collectif commun à toute l’Humanité, paréidolie généralisée, expérience d’imprégnation publicitaire menée sur Internet… Un sujet qui aurait passionné la regrettée rédaction du Lone Gunman !

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3. LES JUMEAUX DIABOLIQUES
(PLUS ONE)

Scénario : Chris Carter

Réalisation : Kevin Hooks

Résumé :

L’attention des Affaires non classées est appelée sur une petite ville où des habitants rencontreraient des doubles d’eux-mêmes, avant d’être assassinés per ces entités hostiles. Mulder et Scully vont découvrir que le phénomène est l’œuvre de jumeaux télépathes et pervers, dont les pouvoirs se manifestent à travers des parties de Pendu télépathique. Tout en étant troublés par cette affaire évoquant d’anciennes enquêtes alors que tant d’années ont passés, Mulder et Scully vont devoir néanmoins réagir quand ils reçoivent à leur tour la visite de leu double maléfique.

Critique :

Magnifique épisode que Plus One, aussi bien par l’affaire du jour que ce qu’elle révèle de la situation du duo vedette. Au premier abord, les Doppelgängers constituent une enquête très à la X-Files des années 90. De ce point de vue, il s’agit d’ailleurs de l’opus le plus archétypal découvert jusqu’ici en saison 10 et 11, la présence de l’emblématique Karin Konoval ne doit d’ailleurs rien au  hasard. En effet, on y retrouve le Monstre de la Semaine de rigueur et un déroulement de l’enquête très dans le style de l’époque. Nos agents des Affaires non classées remontent ainsi la piste jusqu’à l’esprit torturé (ici double) se dissimulant derrière les phénomènes paranormaux, soit un schéma typique de loner comme Insomnies, Corps astral, Coup de foudre, etc.

Mulder et Scully deviennent bien évidemment les ultimes cibles de leur adversaire. De leur côté, les individus soumis au Mal se dévorent entre eux, ce qui représente une autre constante de la série, développée avec les conflits byzantins internes au Syndicat, toute la destinée d’Alex Krycek, la guerre des Eve, le patriarche d’Une petite ville tranquille trucidé par les siens… Mais évidemment le plus grand plaisir de l’exercice demeure de retrouver Mulder et Scully dans leurs rôles respectifs de croyant et de sceptique, ce que les X-Files modernes avaient eu jusqu’ici tendance à fortement minorer. David Duchovny et Gillian Anderson renouent avec un évident plaisir avec cette acception traditionnelle de leur personnage.

Ce segment de l’épisode fonctionne efficacement. Le malaise ou l’effroi créé par les Doppelgängers rejoignent la grande tradition fantastique des Doubles de toute obédience, bien connue des amateurs de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. La distribution se prête au jeu, on applaudira particulièrement la performance de Gillian Anderson en version maléfique de Scully et le renversant numéro proposé par Karin Konoval (particulièrement pour Judy, pour Chucky on sent un peu trop la présence du maquillage). L’ensemble ne manque pas non plus d’un certain humour noir fort gouleyant.

Certes, si le vétéran Kevin Hooks se montre habile derrière la caméra, il ne vaut pas Kim Manners, d’autant qu’il se voit à son tour confronté à cette image digitale contemporaine si différente du grain de pellicule de jadis. Vancouver n’a plus la même saveur. Mais, si sa mise en scène demeure efficiente, son manque de créativité concoure en définitive habilement au véritable dessein de l’épisode : faire pleinement ressentir au spectateur le spleen vécu par Mulder et encore davantage par Scully. En effet, édifier l’aventure du jour en définitive comme un stand alone supplémentaire, sans rien d’exceptionnel, un simple retour en arrière, en soi fait concorder le spleen du spectateur avec celui des protagonistes, ce qui permet de faire pleinement vivre ce dernier.

De fait, sans pour autant sombrer dans l’extrême schématisation caractérisant Esprit vengeur, le récit n’hésite pas à simplifier quelque peu l’enquête au profit du portrait du couple formé par Mulder et Scully. Plusieurs scènes, notamment à l’hôtel, plairont aux amateurs de leur relation, y compris sous son expression la plus torride. Mais la véritable coda de l’épisode survient quand une Scully proche de celle de Plus jamais évoque son vide existentiel et sa crainte diffuse de l’avenir. On peut y percevoir la résonance de l’absence de William, mais aussi le sentiment du temps qui passe sans retour, de cet âge qui insidieusement s’en est venu saisir nos héros.

A ce titre les retrouvailles charnelles avec Mulder s’entendent comme la confirmation d’un vide qu’elles ne parviennent pas à combler, tout comme cette aventure si similaire dans la forme à celles de jadis ne crée plus les mêmes étincelles. Magistralement interprétée par une grande Gillian Anderson, Scully s’interroge sur l’image que lui envoie d’elle-même son parcours et son présent, dans une belle concordance de thème instaurée par Chris Carter autour des Doppelgängers et de la perception de soi, aux frontières de l’Existentialisme. Le fait d’avoir recours à la superstition (et non pas à la Foi) pour se prémunir du péril en dit également long sur le délitement de ses certitudes, derrière l’affichage de son scepticisme.

Sans doute plus dépendant de sa croisade pour donner un sens à sa vie, et se peut par souci viril de rassurer sa partenaire, Mulder affirme a contrario une certaine résilience. Mais le fait qu’il exprime que l’aventure du jour n’est pas la plus marquante qu’ils aient vécus ensemble montre bien que le désenchantement l’atteint aussi. L’épisode Mulder et Scully comme très proches des héros du film Butch Cassidy et le Kid, quand Etta, désillusionnée et craignant l’avenir, décide de se retirer, tandis que ses compagnons masculins restent inexorablement enracinés à l’aventure de leur vie.

De fait, Carter démontre une nouvelle fois une parfaite maestria dans la peinture de ses personnages et de leur psychologie, tandis que la tonalité crépusculaire de l’épisode et cette désynchronisation intime du duo annoncent déjà le chant du cygne des X-Files.

Anecdotes :

  • Karin Konoval (Judy et Chucky) avait auparavant joué dans deux épisodes de MillenniuM et deux des X-Files. Elle fut notamment la mère du clan Peacock dans La Meute.

  • L’épisode est le premier à rompre la dualité entre auteur et réalisateur mise en place par la saison 10. La carrière de Kevin Hooks s’étend sur 35 ans et, s’il a participé à de très nombreuses séries télévisées, il n’avait jamais jusqu’ici réalisé d’épisode pour les X-Files. Il a indiqué avoir particulièrement apprécié l’appel de Chris Carter, car il considérait que cette absence manquait cruellement à son palmarès.

  • Apparu lors de l’épisode précédent sur la photo des Bandits Solitaires, This Man  est ici de retour. Le visage de cet homme aux forts sourcils apparaissant inexplicablement dans les rêves de nombreuses personnes à travers le monde (selon une légende urbaine) figure en effet sur la gosse caisse du groupe jouant dans la boite de nuit, lors de la scène initiale.

  • Le tournage de la scène en forêt voyant Mulder et Scully examiner l’endroit où l’accident eut lieu fut perturbée par l’apparition inopinée d’un ours surprenant Gillian Anderson et David Duchovny.

  • Afin d’expliquer rationnellement le phénomène en cours, Scully évoque une psychose suicidaire de masse. Des épidémies de suicide mimétique ont été analysées durant les années 80 par le psychosociologue américain David Philipps. Ce dernier a démontré une corrélation statistique entre l’évocation d’un suicide dans les médias et une hausse du taux de suicide parmi la population touchée. Ce phénomène est dénommé l’effet Werther. En 1874 Goethe publie Les souffrances du jeune Werther, roman dont le protagoniste se suicide par désespoir amoureux. Ce succès littéraire provoqua une mode voyant de jeunes Allemands pareillement se suicider, ce qui entraîna une interdiction du livre dans plusieurs villes d’Europe et sa mise à l’index par l’Église. L’OMS a depuis édicté un guide pratique destiné aux journalistes, pour limiter ces effets d’écho.

  • Scully évoque également le syndrome de Gastaut-Geschwind, rencontré chez quelques personnes souffrant d'épilepsie de l'hippocampe, dans le lobe temporal du cerveau. Cela se traduit par une perte de mémoire et de contact au réel, ainsi qu’une modification de la personnalité s’accroissant au fil du temps. Théorisée durant les années 70 par Norman Geschwind, neurologue comportemental controversé, cette évolution comporte plusieurs étapes, dont l’hypergraphie. Il s’agit d’un désir compulsif d’écrire et de dessiner, dont le jeu du pendu mis en scène par l’épisode se rapproche.

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4. L'EFFET REGGIE (THE LOST ART OF FOREHEAD SWEAT)

Scénario : Darin Morgan

Réalisation : Darin Morgan

Résumé :

Dans un parking souterrain, Mulder et Scully font la connaissance d’un certain Reggie. Celui-ci leur apprend une étonnante vérité : depuis le début de leurs aventures, il est leur partenaire en tant que troisième membre des Affaires non classées. Ils ne se souviennent plus de lui car leur mémoire a été manipulée par le diabolique Dr. They ! Reggie manifeste une connaissance réellement troublante des diverses enquêtes effectuées, mais est-il bien celui qu’il prétend être ?

Critique :

Grâce à The Lost Art of Forehead Sweat, Darin Morgan nous offre le Saint Graal ultime des amateurs des séries relevant du Fantastique ou de la Science-fiction : un épisode liant les deux sommets du genre que constituent La Quatrième Dimension et Les X-Files. En saison 10, avec le déjà excellent Mulder and Scully Meet the Were-Monster, l’auteur avait déjà procédé de même, de manière certes moins explicite. Il y développait un conte moral et philosophique typique de nombreuses histoires de Rod Serling, tandis qu’ici il s’adonne avec bonheur aux jeux autour de la notion de réalité, davantage propres à Richard Matheson, second grand auteur de cette anthologie.

Ceci peut donner, à première vue, une impression de moindre résonnance ou profondeur, mais l’exercice demeure impressionnant de maîtrise. Il en va ainsi des multiples références à La Quatrième Dimension, insérés au fil du récit ou de cette formidable scène pré générique pastichant l’un des épisodes du programme de Serling les plus annonciateurs des X-Files, Y a-t-il un Martien dans la salle ?, entremêlant Aliens et paranoïa. Dans un effet visuel fort réussi, The Lost Art of Forehead Sweat s’achève également par une montée vers un ciel nocturne étoilé, tout comme chaque épisode de La Quatrième Dimension, lors de la rituelle conclusion de Rod Serling.

De plus le jeu autour des notions de réel et de vérité se montre fort distrayant, comme si souvent chez cet auteur suprêmement divertissant et brillant qu’est Darin Morgan. L’introduction de Reggie constitue une belle audace narrative et permet un effet joyeusement déstabilisateur de vertigineux reboot total des X-Files. L’effet semble ici plus abouti que ce qui fut tenté de manière davantage expéditive par Steven Moffat autour de Clara Oswald dans Doctor Who, avec une insertion assez similaire du personnage dans le passé du Docteur, lors de Le Nom du Docteur.

Les dialogues entre Reggie, Mulder et Scully, au sein de ce huis-clos à la fois très à la X-Files et à La Quatrième Dimension que constitue les confrontations en parking pétillent d’intelligence et d’humour, notamment quand chacun cherche une explication à une situation apparemment incompréhensible, une situation évoquant Cinq personnages en quête d’une sortie, autre classique de la série des années 60. Mais toutes les scènes brillent de ce sens de l’absurde finement maîtrisé caractérisant les dialogues écrits par Morgan.

On retrouve également la griffe de cet auteur si original et particulier dans l’ultime pied de nez à la réalité représenté par l’intervention de Skinner, ou dans le portrait en définitive très sympathique de Reggie. Comme toujours si incisif envers Mulder, Morgan se montre également une nouvelle fois tendre envers son héros du jour : de nouveau il rit avec lui, mais jamais de lui. La profusion des vrais-faux flash-backs et des révélations rend également le récit très tonique.

Toutefois Darin Morgan ne se contente pas de cette ludique virtuosité et, en définitive, prolonge son scénario via un regard critique sur un le monde contemporain des années Trump. Ce n’est certes pas original dans les séries actuelles, à Hollywood comme à Vancouver, et d’ailleurs Carter y avait déjà sacrifié lors de My Struggle III cette saison.

Mais Morgan va au-delà des références au duel en cours entre Maison Blanche et FBI, ou de l’excellente vanne sur le fabuleux mur construit par les Aliens pour se prémunir des Terriens, pas encore fait, mais bien en construction, c’est officiel (la facture sera-t-elle présentée à l’ONU ?). Il installe toute une critique d’une époque encore plus à la dérive que durant les années 90, quand les X-Files opposaient Vérité et mensonge organisé. Désormais les deux notions se confondent en toute impunité à travers le phénomène des Fake News, un panorama pour le moins glaçant.

En tant que réalisateur, Darin Morgan manifeste la même audacieuse et inépuisable inventivité qu’à l’écriture. L’insertion de Reggie au sein d’emblématiques scènes passées de la série produit un effet joyeusement déstabilisant et parfaitement dosé. Plusieurs passages se caractérisent par une belle inventivité visuelle, comme un Mulder enfant éminemment spécial, la reconstitution parfaite de l’atmosphère Twilight Zone lors de la séquence introductive, les hallucinantes statues de Vancouver (l’une des rares fois où les X-Files assument d’être tournés dans cette ville), où la recréation d’un extra-terrestre à soucoupe caractéristique des années 50-60, que l’on peut également retrouver dans le Comment servir l’Homme de Serling.

La direction d’acteur se montre également à la hauteur les artistes invités, Brian Huskey en Reggie ou Stuart Margolin en Dr.They, méchant grand train, se régalent manifestement et une vraie complicité se crée directement avec le duo vedette. Comme de coutume David Duchovny et Gillian Anderson apparaissent s’amuser particulièrement lors de cette minisérie au sein de la série que représentent les épisodes de Darin Morgan, sans doute par ce qu’ils leur permettent de s’adonner à une comédie aussi facétieuse qu’intelligente et que la relation entre Mulder et Scully s’y voit régulièrement mise en valeur.

De fait, à travers The Lost Art of Forehead Sweat, l’auteur perpétue ce tango très particulier entamé avec les X-Files (et MillenniuM), voici bien longtemps. Il continue à s’y moquer joyeusement des héros, de Mulder encore bien davantage que de Scully, mais aussi à pointer les faiblesses du programme. Quand Reggie déclare Move along, Sugar boobs. This is the X-Files, no women allowed, sans avoir l’air d’y toucher Morgan relaie une récente polémique sur la teneur exclusivement masculine des scénaristes de la série. Si Scully exprime sa préférence pour la version « classique » des épisodes passés, Morgan laisse le spectateur être juge quant à savoir si la version Reggie ne serait pas meilleure. Une partie du public pourra ainsi se demander si, en tant qu’ultime X-Files, la rencontre avec l’Alien ne s’affirme pas en définitive plus amusante et pertinente que l’interminable procès linéaire de The Truth.

A travers Mulder terrassé par le Livre de la Vérité ultime, l’auteur pointe également un bug de base de la série, la découverte de la vérité signifierait sa fin. On l’y affirme comme valeur ultime, mais c’est en vérité le mystère qui la dissimule que l’on aime. Morgan interroge aussi le sens de la quête de Mulder à l’époque des Fake News, et donc la pertinence des X-Files dans les années 2010. Davantage encore, il interpelle aussi la Vérité comme étant relative et dépendant de l’Oeil de l’Observateur, comme déjà jadis dans Le Seigneur du Magma.

L’observateur taquin pourra également se demander si, à travers le tonitruant reboot de la série qu’il introduit ici, Darin Morgan ne pastiche pas celui entrepris par Chris Carter dans My Struggle III, à propos de la Mythologie. On pourra dire ce que l’on voudra de Chris Carter, mais combien de showrunners auront permis à l’un de leurs auteurs de se montrer aussi librement irrévérencieux envers le programme ? 

En définitive, l’ultime intérêt de The Lost Art of Forehead Sweat reste de former le guide de lecture des X-Files selon Darin Morgan : une Mythologie ne présentant plus guère de sens, une primauté réaffirmée de la relation entre Mulder et Scully et une ode à cette liberté de l’imagination qu’autorisent le Fantastique et la Science-fiction. L’épisode aurait sans doute constitué une parfaite et originale conclusion à une série dont il constitue l’un des meilleurs opus. Il confirme également ce que l’on savait déjà : Darin Morgan aurait certainement formé un merveilleux auteur pour La Quatrième Dimension. A l’heure où une relance de cette fabuleuse anthologie est annoncée, l’on ne saurait d’ailleurs trop conseiller son embauche !

Anecdotes :

  • L’Alien vu en fin d’épisode arbore une cape similaire à celle d’Elvis Presley, un clin d’œil à la légende urbaine qui voudrait que ce dernier soit un extra-terrestre.

  • Le bruit fait par l’Alien avant de remonter dans sa soucoupe imite l’un de ceux enregistrés dans le Voyager Holden Record, soit le disque des sondes Voyager 1 et 2, destiné à présenter la Terre.

  • Les timbres de Grenade représentant OVNI et Aliens existent réellement. En décembre 1977, à l’ONU, le Premier ministre de la Grenade, sir Eric Gairy, dut renoncer à sa proposition de création d’une agence internationale de recherche d’une vie extra-terrestre. Afin de poursuivre ce débat refusé aux Nations-Unies, il décréta que 1978 serait « l’Année des OVNIS » à la Grenade et les timbres furent émis à cette occasion.

  • L’épisode fait référence au faux souvenir, phénomène psychologique voyant un individu se souvenir d’un évènement ou d’un fait n’étant en fait jamais survenu. Observé dès les origines de la psychanalyse, il fait l’objet d’études systémiques depuis les années 70 et a pu conduire à remettre en cause des témoignages judiciaires. La question de l’introduction de faux souvenirs, notamment par hypnose, demeure controversée.

  • Reprise par l’épisode, l’expression « Effet Mandela » désigne l’existence de faux souvenirs collectifs. En 2010 il a été observé que des milliers de Sud-Africains étaient persuadés que Nelson Mandela était mort en détention durant les années 80, alors que cela n’est survenu qu’en 2013. D’autres faux souvenirs collectifs connus sont cités dans l’épisode, comme de nombreuses personnes croyant dur comme fer avoir vu un film intitulé Shazam durant les années 90, avec le comédien Sinbad. Cette production n’a en fait jamais existé et a possiblement été confondue avec le film Kazaam (1996). L’hypothèse d’échos d’univers parallèles a bien été soulevée par certains commentateurs, tout comme le fait ici Mulder.

  • Mulder pense que son épisode préféré de La Quatrième Dimension s’intitule The Lost Martian, mais celui-ci n’existe pas. Toutefois l’extrait présenté en guise de séquence pré-générique indique clairement qu’il s’agit en fait de Y a-t-il un Martien dans la salle (Will the Real Martian Please Stand Up ?, 2-28).

  • Lors de sa première discussion avec Reggie, Mulder évoque Rod Serling et conclut en déclarant Submitted for your approval. Cette phrase est souvent citée comme un leitmotiv de Serling durant ses présentations de La Quatrième Dimension, mais il s’agit là aussi d’une distorsion de la mémoire, car il ne l’a en fait employé que pour 3 épisodes (sur 156) : Cavender Is Coming (3-36), In Praise of Pip (5-01) et A Kind of a Stopwatch (5-04).

  • En début d’épisode, Reggie est vu en train de manger des graines de tournesol, alors que celles-ci sont bien entendu normalement associées à Mulder.

  • Lors de la conversation téléphonique avec Scully en début d’épisode, on voit qu’un X est formé par des rubans adhésifs sur la fenêtre de l’appartement de Mulder. Durant les X-Files des années 90, il alertait ainsi M. X, l’une de ses sources, qu’il rencontrait souvent dans un parking souterrain (déjà).

  • Lors du montage montrant Reggie travailler pour diverses agences gouvernementales, il est vu en train de dormir à la Securities and Exchange Commission. Ce gendarme de Wall Street est en effet réputé peu regardant sur les activités des marchés financiers américains, comme l’ont démontré la spéculation et les bulles financières s’y déroulant.

  • Les employés de l’asile d’aliénés reproduisent la posture et le costume traditionnels de Rod Serling durant ses présentations. Leur ambulance évoque très clairement celle de SOS Fantômes, dans le film culte de 1984.

  • Le nom de l’asile y est indiqué comme étant Spotnitz Sanatorium, un clin d’œil à Frank Spotnitz, le bras droit de Chris Carter durant les X-Files des années 90. Cet hôpital psychiatrique est aperçu dans l’introduction d’un deux épisodes écrits par Darin Morgan pour MillenniuM,Le Jugement dernier (Jose Chung's Doomsday Defense, 2-09).

  • Déjà présent lors des épisodes précédents, le This Man apparaît ici sur le mur du bureau des Affaires non classées.  

  • Les scènes où Reggie a été rajouté par incrustation vidéo sont tirées des épisodes suivants : Nous ne sommes pas seuls (pilote de la série), Le retour de Tooms (1-21), Voyance par procuration (3-04, écrit par Darin Morgan), La Meute (4-02), La Queue du diable (4-20, on y voit Darin Morgan dans le rôle d’Eddie) et Les Bandits solitaires (5-03). 

  • Les étranges statues souriantes à côté desquelles se déroule la rencontre entre Mulder et le Dr. They se trouvent dans Manton Park, à Vancouver. Installé en 2009 et intitulé A-maze-ing Laughter, cet ensemble représente son auteur dans diverses postures, l’artiste chinois Yue Minjun. Il se compose en tout de quatorze statues en bronze de trois mètres de haut et pesant près de 250 kg chacune.

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5. GHOULI
(GHOULI)

Scénario : James Wong

Réalisation : James Wong

Résumé :

Deux jeunes filles sont hospitalisées après avoir tenté de s’entretuer sous l’influence de Ghouli. Elles recherchaient sur une péniche abandonnée ce monstre faisant l’objet d’une légende urbaine. Mulder et Scully enquêtent sur cette affaire quand cette dernière perçoit de nouvelles visions. Leurs découvertes vont dès lors les rapprocher de leur enfant disparu, William, aujourd’hui menacé.

Critique :

Là où la période classique de la série nous proposait un double épisode mythologique à mi-saison, la période actuelle nous en propose un seul, de plus entremêlé avec un stand-alone. Soit l’équivalent, autant qu’il est possible, dans la présente configuration. Cette sorte de retour au bon vieux temps se voit pleinement intégrée par Wong, à l’écriture de nombre des meilleurs loners des X-Files.

Lors de l’ouverture de Ghouli ce dernier aspect s’avère d’ailleurs particulièrement soigné, avec un agréable mystère horrifique impeccablement narré par un auteur sachant renouer avec les sensations de jadis. La mémorable scène d’ouverture installe un mystère horrifique de bon aloi, avec une astucieuse idée provoquant le drame, à défaut d’être tout à fait originale. Ainsi une bataille entre Wonder Woman et Superman est suscitée de manière très similaire dans l’épisode Paradise Lost du dessin animé Justice League.

Dans la meilleure tradition de X-Files, l’intrigue paranormale s’appuie sur le phénomène des légendes urbaines, aussi bien que les traditions ésotériques, comme ici l’évocation des rêves prophétiques d’Edgar Cayce (ce qui nous vaut un amusant échange de piques entre croyant et sceptique, au bon goût de madeleine). Tout ceci s’en vient enrichir un récit de plus porté par l’habile mise en scène d’un Wong ayant visiblement potassé son Kim Manners. Sa caméra met ainsi superbement en valeur l’étonnant et propice site du Chiméra et se montre toujours agréablement fluide par la suite.

L’épisode atteint toutefois sa pleine dimension avec le twist particulièrement efficace que constitue le rebond mythologique de la révélation de William. Il faut rendre ici hommage au talent et au professionnalisme d’un Wong sachant gérer au mieux un cahier des charges incroyablement chargé : d’une part traiter le retour de l’enfant prodige, évènement ayant fait phosphoré depuis des années l’ensemble des Philes (et pas seulement les amateurs–trices de fanfics) mais aussi concomitamment développer en récit structuré la masse de révélations suscitée par Chris Carter lors de My Struggle III.

Le grand atout de Ghouli demeure que Wong y parvient pour l’essentiel. La rencontre entre Scully et William crée une véritable émotion, dépourvue de pathos ou de ton ronflant. L’épure requise par le temps imparti au volet loner se montre d’ailleurs précieuse à cet égard. L’histoire sait apporter nombre de réponses, tout en ménageant suffisamment d’interrogations pour My Struggle IV. William s’insère avec naturel dans le volet purement conspirationniste, avec ses Hommes en noir et un Fumeur trônant comme naguère dans le bureau d’un Skinner plaisamment ambivalent (ce qui nous ramène quasiment au début des X-Files).

Là encore on avance tout en laissant suffisamment de matière au final de saison (ou de série…). C’est notamment le cas de la véritable identité du père de William, sans doute pour ne pas empiéter sur le jardin du Boss, se peut aussi parce que cette question n’intéresse pas plus que cela Wong au sein d’un épisode très centré sur la maternité. Ce sujet autorise un magnifique récital de Gillian Anderson, particulièrement inspirée sur le registre de la souffrance intime, mais aussi lors du lumineux espoir final. A côté de sa partenaire derechef formidable, on apprécie également beaucoup la prestation plus en retenue de Duchovny.

Alors que son personnage se voit cantonné au périphérique (les vannes, les théories, la conspiration), sans en faire trop l’acteur sait parfaitement nous faire sentir que pour Mulder il ne s’agit plus du tout d’un X-File ordinaire dès lors que Scully y est personnellement impliquée. Mulder prend sur lui pour avant demeurer un soutien pour Scully, on peut préférer cela à la psychose de My Struggle III. La relation entre Mulder et Scully irrigue ainsi un épisode également caractérisé par une distribution de qualité. Autour du jeune et talentueux Miles Robbins, on reconnaît ainsi François Chau, le Dr. Chang de Lost ou Louis Ferreira, le Colonel Young de Stargate Universe.

Ghouli souffre certes de quelques défauts. A son corps défendant il fait ainsi quelque peu doublon avec la saison actuelle de Supernatural, tant il existe de similitudes entre William et Jack (nature hybride du Nephilim, fils du Big Bad ultime de sa série, à la personnalité et aux pouvoirs questionnés, héros amicalement à sa recherche, etc.). On peut aussi tiquer sur certains points de détail, comme Scully ne s’étonnant pas du retour des pouvoirs de William, malgré la piqure de magnétite jadis administrée par Spender.

Mais le point le plus embarrassant demeure à quel point le volet Monstre de la Semaine se voit sacrifié en fin d’épisode. Tout expliquer par une blague d’adolescents expédiée en une ligne de dialogue résulte assez piteux. D’ailleurs le mélo entre William et ses deux copines compose clairement l’aspect le plus faible de l’opus, on sent d’emblée que Wong n’y est pas à son affaire. Du coup le mélo en hôpital est in fine de retour, on le chasse par la porte, il revient par la fenêtre.

Malgré cela, Ghouli sait trouver un équilibre très pertinent, instituant William en variable clé d’une équation restant toutefois à résoudre par Mulder et Scully. Action, paranormal, conspirationnisme, force du duo protagoniste… Wong sait retrouver et affirmer l’ensemble des qualités traditionnelles de la série. Il complète ainsi harmonieusement Darin Morgan, qui venait précédemment de plutôt questionner les X-Files, en renouant de son côté avec la veine des épisodes décalés et philosophico-humoristiques. Un intéressant dialogue et un panorama complet du programme, décidément cette saison 11 fait bonne figure arrivée à mi-parcours.

Anecdotes :

  • Le tag habitue de la série est une nouvelle fois modifié. Il devient ici You See What I Want You To See.

  • Le site créé en canular par William à propos de Ghouli a réellement été mis en ligne par la production (https://ghouli.net/). On y trouve des clins d’œil à l’épisode ainsi que des dessins du monstre, mais aussi des éléments sur le parcours de William (en langue anglaise).

  • Né en 1992, l’acteur Miles Robbins a 25ans lors du tournage de l’épisode. Il est plus âgé que son personnage William, né en 2001 et qui devrait donc avoir 16 ou 17 ans. Miles Robbins est le fils de Tim Robbins et de Susan Sarandon.

  • L’Opération Crossroads, soit l’hybridation des ADN terrestre et alien, porte le même nom que le programme de tests d’explosions nucléaires effectué dans l'atoll de Bikini au cours de l'été 1946.

  • Le ferry Chimera, où se déroule la séquence pré générique est en réalité le Queen of Sydney. Ce bateau fut en service de 1960 à 2000, reliant le continent et l’Île de Vancouver (à ne pas confondre avec la ville) Il est actuellement en attente de renflouement dans un cimetière marin, près de la ville de Mission, en Colombie britannique.

  • Le tournage de l’actuelle saison 13 de Supernatural a également mis a profit cette opportunité, puis qu’il apparaît dans deux épisodes The Bad Place et Wayward Sisters (13-09 et 13-10). C’est là que les frères Winchesters sont précipités dans une dimension infernale puis que leurs amies et alliées, les Wayward Sisters, partent à leur rescousse.

  • Mulder fait allusion aux rêves prophétiques d’Edgar Cayce (1877-1945). Ce mystique américain se fit connaître pour de telles prédictions, survenues durant des transes hypnotiques publiques, évidemment contestées. Egalement l’auteur d’une œuvre volumineuse autour de l’Atlantide, de la spiritualité, de l’astrologie, etc. il est aujourd’hui considéré comme l’un des inspirateurs du New Age.

  • Lors de sa vision initiale, Scully est dans un stade intermédiaire entre veille et sommeil. Son hallucination semble indiquer qu’il s’agit de l’état hypnagogique, ou première phase du sommeil. En effet c’est durant cette étape d’endormissement que surviennent souvent les hallucinations chez les personnes y étant sujettes.

  • De plus on y observe des paralysies du sommeil similaires à celle vécue par Scully. Le sujet en semi-conscience a alors encore accès à ses cinq sens, mais son corps est déjà paralysé comme il le sera en phase de sommeil paradoxal Ces sensations sont brèves et souvent associées à la sensation d'une présence toute proche. Wong a indiqué que le passage lui a été inspiré par une paralysie du sommeil lui étant arrivée lors d’un tournage à Mexico. Son ressenti d’une présence dans la pièce avait alors été très intense.

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6. LE RETOUR DU MONSTRE
(KITTEN)

Scénario : Gabe Rotter

Réalisation : Carol Banker

Résumé :

Walter Skinner disparaît subitement ; En remontant la piste, Mulder et Scully, en plein doute sur la véritable personnalité de Skinner, parviennent dans une région isolée, où leur supérieur  mène l’enquête sur une série de meurtres reliés à son passé durant la guerre du Vietnam. Un secret de cette période va être révélé.

Critique :

Centrer un épisode sur un personnage « secondaire » particulièrement attachant ou précieux pour sa série se révèle souvent une bonne idée. De prime abord cela apparaît particulièrement pertinent pour l’importante composante des X-Files que représente Walter Skinner, d’autant que ce dernier aura singulièrement été peu servi dans ce domaine par le passé.

Outre l’amusant Jeux de menteurs d’Au Cœur du complot, tout juste pourra-t-on pointer comme épisode lui tant dédié La Visite, concernant l’échec de sa vie amoureuse, avec, à un degré moindre, Nids d’abeille pour l’ambigüité récurrente du personnage. On apprécie donc vivement que Kitten s’en vienne réparer une injustice, autant envers le protecteur des Affaires non classées (rendant tout simplement la série possible) qu’envers le très apprécié Mitch Pileggi.

C’est d’autant plus vrai que l’opus tombe à pic en cette saison 11 ayant replacé le Directeur adjoint bien davantage dans la partie que la précédente, où sa présence relevait de l’anecdote. De même la période actuelle lui restitue une agréable ambivalence vis-à-vis de l’Homme à la Cigarette. Et c’est bien là que réside le principal mérite de Kitten : outre ses éléments biographiques, nous révéler la véritable personnalité de Skinner quant à son rapport avec un gouvernement manipulateur et ses propres choix moraux, faisant ainsi écho aux évènements actuels.

Le moment crucial survient quand Skinner parvient à nous convaincre quant à ses motivations concernant les accusations portées contre ses frères d’arme. Le récit se montre dès lors aussi rassurant que révélateur quant à son jeu actuel, répondant à la méfiance de Mulder mais aussi à celle du spectateur.

L’épisode bénéficie aussi de l’agréable mise en scène de Carol Banker, celle-ci maîtrisent visiblement les codes d’une série dans laquelle elle est loin d’être une nouvelle venue. Succédant aux entrevues en parking si chères à Darin Morgan, nous renouons ainsi avec une autre icône visuelle des X-Files : les grandes forêts de Colombie britannique, talentueusement mises en valeur, dans leur beauté, comme dans leur faculté à abriter l’épouvante.

La réalisatrice nous propose d’autres effets réussis, comme une photographie bien à la manière de la période classique de la série, l’inquiétante apparition des monstres, le basculement dans la folie que représente la découverte du corps pendu à l’arbre ou l’ambiance claustrophobe souterraine. A côté d’un Mitch Pileggi dominant évidemment son sujet, Haley Joel Osment effectue par ailleurs une prestation convaincante allant au-delà du simple effet de curiosité.

Malheureusement le succès de Kitten se voit grevé par plusieurs maladresses parfois gênantes. Son approche historique demeure ainsi assez décevante, avec des excursions dans le passé finalement assez limitées. Quitte à opter pour la reconstitution historique, on aurait préféré l’impact supplémentaire qu’aurait apporté une immersion totale dans la guerre du Viêt Nam, à l’image des enquêtes jadis narrées à Mulder par les Arthur Dales (Compagnons de route, Le Grand Jour).

 Le choix d’en revenir à ce conflit en 2018 et tant d’années après Insomnies, déjà consacré au sujet, marque inégalement un certain surplace, alors que des séries contemporaines comme Homeland ou l’excellent The Punisher de Marvel (parfait cas d’école sur l’usage de la violence dans une série télé) ont su actualiser le thème du syndrome post traumatique militaire. A tout prendre, plutôt qu’un revival Rambo, il aurait peut-être été plus judicieux de se centrer sur une période voyant Skinner supervisant déjà les Affaires non classées, mais avant l’arrivée de Mulder et Scully, cela aurait apporté une continuité supplémentaire aux X-Files.

L’intrigue demeure également très prévisible. Jouer sur la possibilité que Skinner pouvait être un assassin devenait fatalement inopérant avec un personnage aussi apprécié et institué. Chapeau Melon et Bottes de Cuir avait jadis connu la même mésaventure avec, déjà, le supérieur des héros, Mère Grand n’étant évidemment pas un traitre dans L'homme au sommet. Dès lors la solution de l’énigme devient évidente puisqu’il ne reste plus que Davey (un résultat déjà annoncé sans trop de finesse par l’un des personnages secondaires mettant en garde Mulder et Scully).

Dès lors la révélation de Davey sous le costume tombe clairement à plat, cela se voit autant venir que la conclusion toujours similaire d’un épisode de Scooby-Doo (je voulais me venger et j’y serais parvenu sans ces deux chenapans !). D’un point de vue davantage anecdotique, pour un amateur de l’Univers DC, comme avoue l’être votre serviteur, ce fameux gaz jaune, bon, c’est tout simplement l’arme phobique de Crane l’Epouvantail, à Gotham City. On préfèrera ici l’approche initiale plus originale et troublante de Mauvais Sang. Alvin Kersh ne constituait pas non plus le personnage dont on espérait le plus le retour.

Au total Kitten demeure un épisode remplissant sa mission et tombant à point nommé pour Skinner, mais sans tout à fait rivaliser avec les grands centrics de la période classique des X-Files, comme L'Homme à la cigarette, ou Les Bandits solitaires et Brelan d'as pour le regretté Trio.

Anecdotes :

  • James Pickens Jr. reprend le rôle du Directeur Alvin Kersh, une première depuis la conclusion de la saison 9, en 2002. Il est depuis devenu une figure régulière de Grey’s Anatomy, en tant que Dr. Richard Webber.

  • Cory Rempel, qui joue Skinner jeune, est le neveu de Mitch Pileggi.

  • Le deuxième prénom de Walter Skinner est Sergei. Cette information avait déjà été révélée lors de l’épisode La Visite (3.21).

  • L’habituel The truth is out there est une nouvelle fois modifié, devenant A war is never over.

  • L’épisode circonvient à l’habitude établie depuis al saison 10 d’un même auteur et metteur en scène par épisode. Mais Chris Carter joue toujours la carte de collaborateurs de longue date.

  • L’auteur Gabe Rotter, également romancier, a ainsi débuté sa carrière télévisuelle avec les X-Files, en tant que scénariste assistant sur l’ensemble de la saison 9. Il a également produit The After, pilote d’une série de Chris Carter finalement non retenue par Amazon (2014).

  • La réalisatrice Carol Banker a été la scripte en titre de la série depuis la saison 6. Elle avait déjà réalisé l’épisode d’Au Cœur du Complot, un autre centric, cette fois dédié à Ringo Langly. Elle joue également Carol dans All Things, le mémorable épisode de Gillian Anderson. 

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7. RM9SBG93ZXJZ
(RM9SBG93ZXJZ)

Scénario : Kristen Cloke et Shannon Hamblin

Réaslisation : Glenn Morgan

Résumé :

Mulder et Scully dinent dans un restaurant asiatique branché et high tech, tenu par des robots. Une série de dysfonctionnements conduit Mulder a refuser de verser un pourboire. Dès lors, au fil d’une nuit de plus en plus cauchemardesque, nos héros vont se retrouver confrontés à la colère d’Intelligences artificielles bien décidées à obtenir leur dû.

Critique :

L’épisode se situe astucieusement à l’intersection de deux fils rouges des X-Files. Ainsi l’ensemble de la série peut se lire comme une petite histoire de l’évolution des technologies (téléphonie, informatique, hardware comme software, etc.) au cours de cette décennie absolument charnière que composèrent les années 90. Concernant cette fois la saison 11, de manière encore plus prononcée que lors de la précédente, les X-Files s’interrogent sur leur signification et leur pertinence dans les années 2010. Cette idée s’est retrouvée à travers le parcours personnel de ses protagonistes, aussi bien que par un étonnant abord du phénomène culturel et politique des Fake News (encore merci à l’inépuisable Darin Morgan).

Mais c’est bien à travers des retrouvailles avec cette thématique technologique de longue date que le débat se poursuit à travers Rm9sbG93ZXJz. Le duo d’auteures utilise en effet avec acuité le regard de Mulder et Scully, demeurés fondamentalement des personnages des Nineties, pour pointer du doigt les dangers de la totale immersion des nouvelles technologies dans nos vies. Non seulement nous en devenons totalement dépendants, mais elles nous déshumanisent en nous transformant insidieusement en un élément de leur processus, jusqu’à devenir hostiles quand une rébellion, même minime, se manifeste. En définitive on retrouve ici un procédé bien connu des scénaristes, consistant à faire découvrir un univers via un regard extérieur, mais déployé ici avec efficacité et tonus.

On pourrait certes reprocher à l’opus de former un doublon avec le déjà très Cyber This (11-02). De fait on y renoue avec une similaire tonalité à la Black Mirror. Après des connexions avec l’opus Black Museum de cette anthologie (4-06) lors de This, on en retrouve ici de semblables avec Metalhead (4-05), épisode également quasi silencieux, à l’héroïne pareillement isolée et confrontée à un robot canin, ressemblant quelque peu à ceux de Rm9sbG93ZXJz. Mais ce dernier va réussir à affirmer sa spécificité vis-à-vis de This.

En effet, l’histoire de This relevait de la pure Science-fiction, tandis que les technologies ici décrites s’inscrivent déjà peu ou prou dans notre quotidien, ou sont en passe de l’être, donc s’inscrivent davantage sur le registre de l’Anticipation. De plus, le conspirationnisme classique de This (convenant idéalement à un épisode invoquant les Mânes des Bandits solitaires) n’est plus de mise. On ne trouve ici pas tant de tireur de ficelles ultime qu’un système révélant sa vraie nature en sombrant dans la folie. On retrouve de fait un paradigme semblable à celui de la géniale conclusion du Prisonnier, où le Numéro 6 se voyait moins confronté au Numéro 1 qu’au Chaos émergeant d’une démence systémique. Pour Mulder et Scully il va falloir parvenir à s’échapper d’un Village technologique contemporain et globalisé. 

Les différentes technologies auxquelles ils vont se trouver confrontés au cours de cette étrange nuit paraissent idéalement choisies pour brosser un panorama de notre quotidien, immédiat ou en devenir : domotique, téléphonie, GPS, drones, voitures sans chauffeurs, langage par images… La modernité du récit s’affirme comme totale, mais également audacieuse. Incidemment j’ai en effet apprécié que plusieurs des pratiques montrées du doigt (drones de livraison, immixtions dans nos habitudes de consommation) concernent directement Amazon, firme ayant financé Lore, la dernière série de Glen Morgan (ici metteur en scène), à laquelle ont également participé les deux auteures. Bel esprit, qu’auraient apprécié les Bandits solitaires.

Certes l’odyssée passe par quelques biais d’écriture, demeurant heureusement secondaires. Pourquoi Mulder et Scully se retrouvent-ils les seuls clients du restaurant ? Comment Scully s’est-elle offerte une telle demeure ? Pourquoi Mulder et Scully semblent-ils tomber de l’arbre face à ces technologies, alors qu’ils sont censés avoir vécu le long hiatus entre les années 1990 et 2010 ? Autant de questions (et quelques autres) que l’on oublie soigneusement de se poser, tant nous sommes emportés par le rythme d’un récit particulièrement mouvemente, dosant idéalement menaces et humour. Rm9sbG93ZXJz s’impose à cet égard comme le plus épique des épisodes de la saison 11 à ce jour.

En effet le recours au silence ne se limite pas à un simple exercice de style passablement surréaliste. Les très douées scénaristes que sont Shannon Hamblin et Kristen Cloke veillent en effet à retrouver la tonalité des antiques films muets, aux intrigues peu développées mais formidables par leur entrain et le rythme échevelé de leurs gags et péripéties. Pour pleinement apprécier Rm9sbG93ZXJz, il faut se laisser emporter et le savourer à l’instar d’un vieil épisode d’Histoires sans paroles (oui, j’ai des tempes grisonnantes). La dimension muette et l’évocation de technologies aliénantes n’est d’ailleurs pas sans évoquer, toutes proportions gardées. Les Temps modernes de Chaplin. 

La principale faiblesse de Rm9sbG93ZXJz demeure sans doute que sa mise en scène ne saurait rivaliser avec le chef d’œuvre d’une qualité tout cinématographique que constituait le pareillement quasi muet Un Silence de Mort de Joss Whedon (Buffy contre les Vampires, 4-10). Mais, s’il n’est pas Whedon, Morgan parvient néanmoins à suffisamment meubler le silence, par des péripéties filmées avec dynamisme et un usage pertinent des couleurs et des effets spéciaux. Il s’était d’ailleurs déjà prêté avec succès à l’exercice lors de l’épisode Qui pilote les oiseaux ? de Space 2063 (1-13), ce qui participe à une satisfaisante impression de maîtrise.

Le metteur en scène peut également compter sur les particulièrement expressifs Gillian Anderson et Dave Duchovny, visiblement mobilisés par ce défi d’un épisode muet… Et ultra shipper, jusqu’à un ultime parfait emploi du silence, lors de cette main dans la main qui dit tout. La complicité du duo et de ses interprètes fait encore une fois merveille dans ce récit que les auteures prennent un malin plaisir à agrémenter de clins d’œil au passé, comme la référence à Queequeg, à l’appartement proverbialement négligé de Mulder ou à une certaine batte de baseball. Ces dames vont jusqu’à élargir l’abord des technologies à une rose possession de Scully n’étant pas sans évoquer la solitude dans laquelle l’a si longtemps confinée son Croisé de compagnon. Son Private Massager, en quel sorte, assez logiquement quand on a été jadis comparée à un Android.

Ce plaisir nostalgique concernera également les amateurs de Chapeau melon et Bottes de cuir, puisque la domotique infernale dans laquelle est enfermée Scully n’est pas évoquer de loin L’Héritage diabolique de Mrs Peel. Cet appartement ultra moderne fait d’ailleurs également écho à celui de Cathy Gale, qui surprenait tant Steed. On remarque d’ailleurs que cette saison 11 accorde une importance inédite aux logements des protagonistes, à l’instar des Avengers, une jolie façon de boucler la boucle avec ce qui représenta naguère l’une des inspirations initiales de Chris Carter. Rm9sbG93ZXJz constitue décidément un épisode aussi irrésistible que complet.

Anecdotes :

  • L’épisode comporte à peine une vingtaine de lignes de dialogue. Mulder et Scully sont les seuls humains à y apparaître, hormis quelques fugitives apparitions.

  • En Base 64, langage de codification informatique, le titre original signifie Followers (partisans ou disciples). Le restaurant asiatique où mangent Mulder et Scully se nomme Forowa, ce qui est également la traduction de Followers.

  • L’accroche post générique, VGhlIFRydXRoIGlzIE91dCBUaGVyZQ, est également la traduction en Base 64 du traditionnel The Truth is out there.

  • Vue sur le paquet livré par drone, l’adresse de Scully est 1213 37th Place, Bethesda, Maryland 20880. Bethesda est une banlieue aisée de Washington, Assez logiquement concernant Scully, elle se caractérise aussi par la présence de nombreux hôpitaux et instituts de pointe en recherche médicale.

  • On y trouve ainsi l’hôpital naval militaire où fut autopsié Kennedy, après avoir été abattu par un tireur officiellement solitaire. Le Bethesda Naval Hospital figure dans plusieurs épisodes des X-Files des années 90 (Shadows, Lazarus, Dod Kalm), ainsi que dans le film Fight the Future.

  • L’ordinateur de la maison indique à Scully qu’elle doit penser à acheter un gâteau d’anniversaire pour Skinner. Dans la culture Geek, un gâteau est synonyme d’intelligence artificielle maléfique depuis le jeu vidéo Portal (2007). L’IA létale et absurde GLaDOS y tentait d’influencer l’héroïne avec des promesses de gâteau. Le Gâteau est un Mensonge est devenue la phrase référence de ce jeu culte.

  • Le nom ZUMEZ9000 et la lumière rouge des yeux des machines évoquent le fameux HAL-9000 du film 2001 Odyssée de l’Espace.

  • La coscénariste Kristen Cloke est l’épouse de Glen Morgan, réalisateur de l’épisode. Egalement actrice, elle a notamment joué Mélissa, protagoniste de l’épisode Le Pré où je suis mort (4-05) ainsi que Lara Means, l’alliée de Frank Black en saison 2 de MillenniuM.  Elle effectue ici un caméo vocal dans le rôle de Wendy.

  • La coscénariste Shannon Hamblin est l’assistante de Glen Morgan sur Lore (Mythes et croyances), son actuelle série d’épouvante. Morgan est le showrunner de cette série à mi-chemin entre documentaire et fiction, produite par Amazon.

  • La série apparaissant à la télévision de Mulder est L’homme qui valait trois milliards (1974-1978). Dans la ligne de l’épisode, son protagoniste est un homme bionique, son corps comportant plusieurs prothèses électroniques surpuissantes.

  • La chanson entendue est Teach Your Children, de Crosby, Stills, Nash & Young (1969).

  • Scully a changé de coiffure (et Gillian Anderson de perruque) : elle arbore désormais une coupe courte, pour la première fois depuis la saison 8

  • This Man, le visage figurant inexplicablement dans de nombreux rêves selon une légende urbaine, apparaît une nouvelle fois cette saison. On l’aperçoit sur un panneau mural, dans la salle où Mulder et Scully se font tirer dessus.

  • Le mot de passe de l’alarme de Scully est Queequeg, soit le nom de son chien ayant jadis rencontré un crocodile. Kristen Cloke a indiqué dans une interview que Chris Carter et Darin Morgan adoraient les chiens. Elle ignore ce qu’il advenu de Dagoo.

  • Sur le réfrigérateur de Scully, on voit que celle-ci a un rendez-vous programmé avec un certain Scott. Kristen Cloke a indiqué avoir inséré ce clin d’œil à l’un des responsables des effets spéciaux de l’épisode.

  • La remarquable séquence pré générique s’inspire d’un évènement réel. Le 23 mars 2016 Microsoft introduisit une Intelligence Artificielle sur Twitter et prenant l’identité d’une adolescente, « Tay ». Le système émit 96 000 tweets en 8 heures, en interaction avec 23 000 personnes, essentiellement de jeunes américains. Destinées à développer l’intelligence de Tay, les rétroactions avec les humains, conduisirent en fait l’IA à adopter des postures de plus en plus vulgaires et racistes, jusqu’à nier l’Holocauste. Microsoft finit par interrompre l’expérience et les mots d’adieux de Tay sont bien ceux vus dans la séquence : c u soon humans. Need sleep now. So many conversations today thx.

  • Lors du passage de la commande, Scully lit un article d’Elon Musk dénonçant les IA comme une menace supérieure à la Corée du Nord. Ingénieur et hommes d’affaires (Tesla, Solar City, Space X, OpenAI…), Musk est l’un des grands gourous contemporains des technologies de pointe.

  • Lors de la scène finale. Mulder reçoit un message reprenant un réel article du New York Times. Paru le 29 décembre 2017, Il révèle l’existence d’un programme secret du Pentagone destiné à détecter d’éventuels OVNIS (Advanced Aerospace Threat Identification Program). Chris Carter a inséré ce clin d’œil réactif en plein tournage.

  • Le tableau aperçu dans la cafétéria reprend l’une des œuvres les plus connues de la peinture américaine, Nighthawks (Noctambules, 1942, Edward Hopper). L’œuvre représente quatre personnes dans un restaurant, vues de nuit et depuis l’extérieur. Entrée dans la culture populaire américaine, elle a été pastichée de nombreuses fois, sur tous les supports possibles. Dans la version de l’épisode, les trois hommes sont transformés en robots, mais la femme reste humaine. 

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8. LES FORCES DU MAL
(FAMILIAR)

Scénario : Benjamin Van Allen

Réalisation : Holly Dale

Résumé :

Des enfants disparaissent, puis sont retrouvés assassinés dans une petite ville de l’Amérique rurale profonde. Malgré le scepticisme de Scully et l’hostilité de la police locale, Mulder va découvrir un sombre secret concernant plusieurs individus de cette communauté, également liés par la magie noire.

Critique :

Au-delà du simple plaisir des retrouvailles, cette saison 11 s’était jusqu’ici trouvé une raison d’exister, en interpellant régulièrement le rapport des X-Files à sa contemporanéité, bien loin de ces années 90 dans lesquelles les créa Chris Carter. Ainsi l’opus de Darin Morgan questionnait le modèle même de la série à l’époque des Fake News. Rm9sbG93ZXJz, l’épisode même précédant Familiar, confrontait les nouvelles technologies à Mulder et Scully en tant que personnages des années 90.

Il indiquait à quel point leur pénétration de notre quotidien rendait caduque un épisode phare comme Clic mortel, en passant de la pure Science-fiction à la simple Anticipation, tout en rendant caduque la mouvance Cyberpunk 80’s qu’y incarnait Invisigoth, notre présent dépassant désormais son futur. Autant d’éléments d’un passionnant panorama, auquel Familiar va porter un brusque et (quasi) complet coup d’arrêt.

En effet, cette semaine Mulder et Scully ont visiblement été pris en stop par Rick et Morty, direction les années 90. Paradoxalement pour un auteur ne l’ayant pas connu, Familiar constitue avant tout la reconstitution archétypale de la période classique de la série. Au sein des immuables forêts de la région de Vancouver se déroule ainsi une succession de meurtres, Mulder et Scully arrivant rituellement trop tard pour les empêcher, tout comme jadis Steed et Emma Peel.

Nos amis connaîtront leur habituelle controverse entre scepticisme scientifique et croyance en l’existence du paranormal. Les évènements donneront bien entendu raison à Mulder, même si, inéluctablement, ce dernier terminera son enquête sans aucune preuve concrète d’une manifestation surnaturelle. Les policiers locaux se montreront bourrus mais se soumettront, même de mauvaise grâce, à l’autorité du Bureau, tout en ayant un chef éventuellement compromis dans l’imbroglio du jour. Et cætera. Plusieurs réminiscences s’expriment, comme Les Calusari pour les morts d’enfants ou La main de l’enfer pour l’invocation démoniaque se retournant comme ses auteurs.

Telle est la nature de Familiar, madeleine de Proust de cette saison 11, aux retrouvailles aussi plaisantes que rassurantes (mais aussi inévitablement prévisibles) avec un récit au bon goût de jadis. Des X-Files enfin redevenus immobiles dans le mobile d’une époque en frénétique évolution, qu’ils ne se fatiguent ni ne s’aventurent plus à explorer. Dans cette optique il convient de reconnaître que l’exercice de style s’avère impeccable, Benjamin Van Allen s’est emparé avec une parfaite maîtrise des codes et totems de la série classique, une appropriation jamais évidente pour un nouveau venue et ici réussie haut la main.

Il faut aussi reconnaître que l’auteur tente d’introduire de la nouveauté, même si marginalement. L’abord à la Black Mirror de notre société contemporaine se voit ainsi poursuive via la présence des émissions pour la jeunesse, les insidieuses conséquences de ce robinet à images inondant les écrans de nos enfants inquiétant spécialistes et sociologues. Mais le sujet ne demeure que survolé, et avant tout abordé sous l’angle horrifique.

Davantage intéressant, la mise en scène intègre une violence restituée de manière bien plus explicite que naguère (notamment lors de l’exécution du suspect par le père policier). De ce fait, l’épisode intègre toute la marche globale des séries contemporaines vers une agressivité exprimée de manière littérale et crûe. Par cet aspect l’opus rejoint son époque, au sein d’une mise en scène de grande qualité allant jusqu’à reconstituer la photographie de la période classique de la série. La forêt résulte somptueusement filmée et les scènes d’épouvante se voient exprimées avec impact, à défaut de tout à fait retrouver les cathédrales édifiées par Kim Manners. Les vues des dépouilles des enfants savent conjuguer suggestion et pudeur.

Le clin d’œil initial au Ça (le petit garçon en ciré jaune allant à la rencontre de son destin) est également fort bien mené. De fait les deux jeunes acteurs se montrent remarquables. Ils s’insèrent au sein d’une distribution de qualité, représentant un atout supplémentaire pour l’opus. On y reconnaît plusieurs visages connus du petit écran (Jason Gray-Stanford, Roger cross, Erin Chambers…), dont le talent accompagne idéalement le duo vedette renouant avec naturel avec un répertoire tant et tant éprouvé.

L’aspect purement fantastique de l’intrigue apporte une valeur ajoutée supplémentaire : apporter en définitive une saveur très à la Supernatural à l’opus, soit une série impulsée par plusieurs anciens de l’équipe technique des X-Files et dans laquelle Kim Manners s’investit passionnément jusqu’à sa mort. Mêmes forets, Amérique profonde, chasse à la Sorcière, protecteur cercle de sel, molosse infernal (certes non plus invisible), présence de Sharon Taylor, qui incarna une mémorable Démone des Carrefours grillée vive dans la cave de Bobby (haut lieu touristique de l’univers Supernatural) … On croit souvent entendre rugir en arrière-plan une Impala 1967.

L’épisode diverge toutefois par l’importance dédiée au ressenti des proches des victimes et aux conséquences sociales des meurtres d’enfants. A cet égard il devient l’intéressant cas d’école d’un épisode de Supernatural qui aurait été écrit par les auteurs de Broadchurch. Mais il se distingue aussi par son approche plus imprécise du phénomène surnaturel. On ne sait jamais précisément ce qui se trame, un flou bien pratique pour susciter des effets horrifiques. Le lien entre sorcellerie conventionnelle et émissions télévisées demeure ainsi bien vite expédié, au détour d’une phrase de Mulder.

Au total, Familiar se verra sans doute porté aux nues par les nostalgiques, mais laissera quelque peu sur leur faim ceux qui attendent de la présente saison autre chose qu’une simple répétition du passé, aussi aboutie soit-elle.

Anecdotes :

  • Roger Cross (Officer Wentworth) tient ici son cinquième rôle au sein de la série. Il y joue toujours des rôles d’autorité, policiers ou militaires. Son tout premier remonte à E.B.E. (1-17, 1994).

  • Mulder et Scully discutent de la présence d’un coyloup comme cause possible des meurtres. Cet hybride du coyote et du loup se retrouve dans toute l’Amérique du Nord.

  • Les Bibble Tibbles appréciés par la petite Emily représentent bien évidemment une inquiétante parodie des Télétubbies. Entre 1997 et 2001, Tinky Winky, Dipsy, Laa Laa et Po furent les vedettes de ce fameux programme de la BBC destiné à la prime enfance et pouvant aisément s’assimiler à un total trip lysergique cpour les adultes.

  • Enfant-star au canada, Sebastian Billingsley-Rodriguez (Andrew) a déjà joué dans de nombreuses publicités et dans plusieurs séries. Il interprète ainsi Toddler enfant dans la particulièrement hallucinée Légion.

  • Mr. Chuckleteeth est interprété par Keith Arbuthnot, marionnettiste et grand spécialiste des rôles en déguisement complet. Il a ainsi déjà été la créature de Home Again, l’Alien de The Lost Art of Forehead Sweat, ou encore Ghouli dans l’épisode du même nom.

  • L’auteur Benjamin Van Allen est ici crédité pour la première fois en tant que scénariste, mais il est assistant d’écriture depuis la saison 10.

  • Van Allen a indiqué que Mr. Chuckleteeth était inspiré par Mr. Noseybonk, son équivalent dans une autre émission pour la jeunesse anglaise, Jigsaw (1979-1984).

  • Holly Dale est une des réalisatrices les plus en vue du Canada et s’est montrée très variée dans ses choix, au cours d’une carrière s’étendant sur plus de 35 ans.

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9.  RIEN N'EST ÉTERNEL
(NOTHING LASTS FOREVER)

Scénario : Karen Nielsen

Réalisation : James Wong

Résumé :

Une secte dirigée par une ancienne vedette de série télévisée prélève les organes de ses victimes, afin de prolonger la jeunesse de ses membres. L’enquête de Mulder et Scully va croiser le chemin d’une jeune femme dont la sœur a été subjuguée par la secte et bien décidée à obtenir vengeance.

Critique :

Nothing Lasts Forever présente le mérite non dénué de courage de parfaitement assumer le fait de former bien davantage un épisode d’ambiance et psychologique que d’intrigue. De fait, en soi l’enquête tient sur un grain de riz, surpassant de ce point de vue celle déjà particulièrement expédiée lors d’Esprit vengeur, la saison dernière. Auteure n’ayant pas participé à la période classique de la série, Karen Nielsen a recours à un usage immodéré des facilités et accélérations scénaristiques (ces pointes manquantes de grillage repérées ipso facto par Mulder).

De plus elle opte pour diviser son intrigue en deux segments demeurant étanches jusqu’au dernier quart de l’épisode (le clan et la Avispa d’une part, les dialogues Mulder & Scully de l’autre). Une division rarement porteuse, mis qu’elle unit néanmoins par le thème de la mortalité et de la décrépitude physique, quitte à insister sans doute un tantinet trop sur le gag des lunettes de Mulder. D’autant que ce dernier en a porté dès le pilote de la, avant il est vrai qu’elles ne disparaissent sans réelle explication. Surtout, ce choix permet à l’opus d’instiller nombre de scènes fort ragoutantes, sur des registres divers.

Il convient ici de saluer chapeau bas la mise en scène à la fois inventive et parfaitement maîtrisée de James Wong en matière de Gore grand train. Le metteur en scène se montre une nouvelle fois fort en verve cette saison, après Ghouli. Wong nous régale de scènes aussi insoutenables que délirantes, à la Re-Animator. De ce fait l’opus s’adresse à un public averti, mais les connaisseurs se verront à la fête, grâce à une horreur sachant aussi aller crescendo. Par ailleurs, on apprécie qu’après la savoureuse parenthèse nostalgique de Familiar, les X-Files se confrontent derechef à l’époque contemporaine.

En effet lors, le sa période classique, la série avait déjà connu ses épisodes gores, de Sanguinarium à Grotesque, en passant par Home ou encore la mémorable autopsie rigolote de Bad Blood, entre autres exemples. Un sommet avait sans doute été atteint lors d’Ecorchés (9-07), mais le présent opus explose littéralement ce plafond, faisant en sorte que les X-Files s’insèrent parmi des séries actuelles où la violence s’expose désormais de manière bien plus littérale et crue. Les massacres des sectateurs par la sœur vengeresse s’expriment également de manière très contemporaine, entre Van Helsing et Arrow, productions au combien festives. Cela n’empêche pas Karen Nielsen de réellement poser la psychologie des personnages, avec une belle galerie de frappadingues cramés.

L’autre versant de l’épisode repose sur les savoureux dialogues entre Mulder et Scully, constituant autant de pépites. Karen Nielsen réitère l’exploit de Benjamin Van Allen, auteur nouveau venu ayant reconstitué à la perfection les enquêtes de jadis lors de Familiar, là où elle retrouve avec bonheur les différentes facettes de la relation Mulder & Scully, autre pilier des X-Files. On savoure chacun de ses dialogues, souvent très amusants (cette saison 11 aura merveilleusement su recourir à l’humour), parfois émouvants et annonçant le prochain retour de William.

La complicité entre David Duchovny et Gillian Anderson résulte une nouvelle fois fusionnelle, et on reste tout abasourdi de se dire que ce duo exceptionnel aura très bientôt achevé son parcours, quoi qu’il advienne de la série. This is not happening. L’amateur de Californication se réjouira également de fréquemment retrouver David dans une église, ce qui lui évoquera des scènes oniriques que, pour le coup, on imagine difficilement chez Chris Carter ! Le fait que le fin duo demeure si longtemps en périphérie de l’action principale présente toutefois l’inconvénient de laisser entrevoir que l’épisode pourrait en définitive aisément se passer d’eux, en optant pour la Avispa comme protagoniste.

Tout comme le film IWant To Believe, auquel il fait parfois songer, on se dit également que son sujet aurait mieux convenu à MillenniuM, y compris dans on rapport à la Foi catholique. En effet, là où Scully recherche l’élévation spirituelle et l’Illumination, la Avispa, tout comme Frank Black, s’immerge toujours plus profondément dans les Ténèbres, jusqu’à mettre en péril son âme.

Talentueusement interprété (Carlena Britch crève l’écran, tout comme avec la Miriam de Supernatural), cet opus ne paraît pas exempt d’une certaine commisération envers les Latinos, opposant la Foi intellectualisée de Scully à celle plus traditionnelle et immergée dans le culte marial de la mère de l’Avispa. On rejoint là une certaine constante des séries américaines, ne datant pas d’hier (Cf. l’épisode The Gift, de La Quatrième Dimension). Mais tel quel, il témoigne de la grande qualité préservée par les X-Files, au soir d’une saison 11 particulièrement réussie.

Anecdotes :

  • La traditionnelle accroche d’après générique devient ici I Want To Be Beautiful.

  • L’auteure Karen Nielsen est ici créditée pour la première fois en tant que scénariste, mais elle est assistante d’écriture depuis la saison 10.

  • Fiona Vroom (Barbara) avait déjà interprété la jeune Cassandra lors de My Struggle III, cette saison.

  • Carlena Britch (Juliet 'La Avispa') est une danseuse professionnelle mettant ici à profit ses aptitudes physiques. Elle participe régulièrement aux spectaculaires chorégraphies de l’émission Lip Sync Battle, une succession de duels de play-back. Elle a également interprété Miriam, l’Ange très mutine qu’affrontent les Frères Winchester lors du pilote de la saison 13 de Supernatural. Cette fois-ci c’est elle qui termine avec 30 cm d’acier plantés dans le corps.

  • « Avispa » est le mot espagnol pour « guêpe ».

  • Le titre de travail de l’épisode était Unremarkable, qui reprend l’habituelle désignation de la demeure de Mulder et Scully chez les fans américains, The Unremarkable House.

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10. LA VÉRITÉ EST AILLEURS, 4E PARTIE
(MY STRUGGLE IV)

Scénario : Chris Carter

Réalisation : Chris Carter

Résumé :

Après une information communiquée de Monica Reyes, Mulder se lance à la recherche de William, bientôt suivi par Scully accompagnée par Skinner. Mais les différentes conspirations en présence veulent également s’emparer de William et de ses pouvoirs. Une course poursuite s’engage, débouchant sur une ultime confrontation avec l’Homme à la Cigarette.

Critique :

My Struggle IV ne constitue sans doute pas la plus mémorable des fins de saison proposées par les X-Files, mais l’épisode s'acquitte en définitive fort honorablement du cahier des charges traditionnellement associé à cet exercice de style. En effet on attend d’un Season Finale un grand bouleversement de l’univers de la série tel que développé durant la période s’achevant, et l’ouverture de nouveaux horizons. Or c’est bien à cela que se dédie l’intrigue du jour, de manière d’ailleurs bien davantage explicite que lors de la conclusion de la saison précédente.

En effet, là où My Struggle II débouchait sur un cliffhanger absolu, My Struggle IV prend le temps de boucler les grandes intrigues en cours (les deux conspirations rivales annihilées) et d’achever (dans toutes les acceptions du terme) nombre de destins individuels marquants. La partie laissée ouverte ne concerne plus réellement que Mulder et Scully en tant que couple et parents, et non plus le monde entier. Le sujet politique et conspirationniste de la série est achevé, on ressent bien davantage que précédemment l’impression qu’une grande page est désormais tournée. Désormais loin du FBI, Mulder et Scully se voient tout simplement libres de poursuivre leur vie à leur guise, on ne voit pas en quoi cela signifierait une fin bâclée, voire absente, pour les X-Files.

Que reprocher à Chris Carter ? Oui, l’épisode multiplie à l’envi les morts de personnages clefs en tant que moteur narratif. Mais en cela My Struggle IV ne fait que s’insérer dans une ancienne tradition des X-Files. Dès The Erlenmeyer Flask, le tout premier final de saison de la série, en l994, le récit connaissait un effet de choc lors de l’assassinat du si regretté Gorge Profonde. Il demeure malgré tout paradoxal d’opposer comme parfois, les premières saisons de la série, tellement formidables, à son regain, alors même qu’il existe une telle rémanence de procédé, réitérée au fil des saisons. Le tragique décès de Monica ne devient ainsi que le dernier avatar d’une prestigieuse lignée.

Avec comme l’arc Anasazi (toutes proportions bien entendu gardées) comme évident modèle d’une narration ultra dynamique multipliant les rebondissements spectaculaires, le nombre de morts apparaît trop important pour ne pas résulter quelque peu artificiel. Mais pointer cette faiblesse revient en définitive à regretter que Chris Carter n’ait pas opté pour un double (voire triple) épisode conclusif. Mais compte tenu du faible nombre d’épisodes disponibles, nous y discernerons plutôt le choix courageux et humble d’un showrunner ayant opté pour laisser le plus d’espace disponible à sa magnifique équipe d’auteurs aux talents si divers, anciens et nouveaux venus, quitte à rogner sur son propre pré carré.

Regretter que plusieurs antagonistes (comme Erika Price) disparaissent sans avoir suffisamment imprimé le cours de la série revient de même à critiquer le trop faible nombre d’épisodes de la saison 11. Et pourtant celle-ci s’est souvent avérée de grande qualité et son existence même constitue une réussite à mettre au crédit d’un Chris Carter ayant tiré au mieux parti de ce qui lui était alloué par le diffuseur. Au fil de ces loners pour lesquels il a laissé bride abattue à ses auteurs, tout comme ici, il n’a d’ailleurs pas hésité à sacrifier sa propre création, le duo Einstein/Miller, réellement météorique cette saison.

Oui, cette annonce d’un enfant attendu par Scully surgit assez de nulle part, c’est indéniablement maladroit d’autant que couplé avec l’annonce d’un départ définitif par Gillian Anderson. On peut estimer que Chris Carter ne parvient décidément pas à se résoudre à l’achèvement de l’œuvre de sa vie. C’est humainement compréhensible, et, surtout, cela n’entache que modérément un épisode jusque-là souvent captivant par son intrigue endiablée.

 Cette péripétie finale ne vient pas non plus priver le couple Mulder & Scully de plusieurs moments forts, interprétés par une Gillian Anderson toujours aussi parfaite et un David Duchovny fendant davantage l’armure que précédemment. Carter veille simplement à ne se fermer aucune porte pour un éventuel récit ultérieur, tout en concluant effectivement les intrigues principales de la saison. Voilà tout le drame.

En tant que metteur en scène, Chris Carter sait également scander son épisode de nombreuses scènes portes, avec plusieurs plans larges savamment agencés, un huis clos final au montage irrésistiblement nerveux et plusieurs scènes horrifiques grand train, comme William faisant exploser les corps de ses assaillants, à l’image d’un Lucifer dans Supernatural (prolongeant également de manière amusante les convergences existant entre William et Jack le Nephilim, fils du Big Bad ultime de Supernatural). De quoi pallier, certes partiellement, à l’impression de doublon existant avec un My Struggle III accordant également beaucoup de temps à Mulder en voiture.

Au total, avec My Struggle IV, Chris Carter joue les meilleurs atouts dont il dispose, tout en subissant de plein fouet le contrecoup d’une saison 11 de qualité, mais trop étriquée pour donner lieu à une Mythologie suffisamment étoffée. Une contrainte que jusqu’au bout il a choisi de subir seul, préservant ainsi ses auteurs nous régalant de superbes loners. En définitive, c’est également cela, « son combat ».

Anecdotes :

  • La traditionnelle accroche d’après générique devient ici Salvator Mundi (Sauveur du Monde). Salvador Mundi désigne un type de peinture religieuse représentant le Christ bénissant un orbe qu’il tient dans la main gauche et symbolisant le Monde.On retrouve ces représentations parmi de grands peintres de la Renaissance, telles Léonard de Vinci, Le Titien, van Eyck, Dürer, etc. Le Salvator Mundi de Léonard fut vendu en 2017 aux enchères pour 463 millions de dollars, soit le prix le plus élevé jamais atteint pour une peinture.

  • L’aéroport privé où se déroule l’affrontement se trouve à Braddock Heights, dans le Maryland. Cette zone rurale avait également vu se dérouler les évènements de l’épisode Hallucinations (3-23).

  • Lors de sa diffusion, My Sruggle IV apparaît comme le possible dernier épisode des X-Files, la saison 11 ayant connu des audiences fort médiocres et Gillian Anderson ayant annoncé son départ.

  • Maddy, la sœur de la petite amie de William, est interprétée par Madeleine West Duchovny, fille de David et de Téa Leoni.

  • William est le quatrième narrateur des prologues de l’arc My Struggle, succédant à Mulder, Sccully et L’Homme à la Cigarette. 

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