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PrésentationVolume 2

Maigret (Bruno Cremer)

Volume 1 


PRÉSENTATION VOLUME 1

Le premier coffret est une merveille, huit magnifiques histoires, parfaitement mises en scène pour la majorité d’entre elle, dotées de très belles guest stars, la série débute très fort. Le pari de succéder à Jean Richard dans une adaptation plus fidèle à l’univers de Simenon est réussi. Pour de nombreux amateurs de la série, cette saison fait tout simplement partie des meilleures : sombre, mystérieuse, lugubre voire sordide, je l’avoue, elle fait partie de mes préférées. Certes, le grain de l’image a vieilli, les lumières ou la musique ne sont pas toujours extraordinaires, mais cette ambiance est unique. Bruno Cremer est déjà impérial dans le rôle et c’est un régal de bons épisodes. 

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1. MAIGRET ET LES PLAISIRS DE LA NUIT

Première diffusion : 7 Juin 1992 sur Antenne 2

Tournage : à partir du 28 Janvier 1991

D’après Maigret au Picrats (1950) - Roman

Scénario, adaptation et dialogues : Jacques Cortal, José Pinheiro

Réalisation : José Pinheiro

Interprétation : Jean-Louis Foulquier (Fred), Jacqueline Danno (Rose), Philippe Polet (Lapointe), Serge Beauvois (Torrence), Marina Golovine (Lili), Virginie Robert (Dolly), Valérie Vogt (Tania), Véronique Barrault (Betty), Eric Doye (Philippe)

Résumé : Lili, jeune stripteaseuse au cabaret Plaisir’s à Pigalle, vient faire une déclaration, ivre, à un commissariat de Pigalle. Elle a surpris une conversation entre deux hommes qui projette l’assassinat d’une comtesse. Déchirant finalement sa déclaration, elle est retrouvée assassinée, peu après. Maigret débute son enquête sur ce meurtre, accompagné de son jeune adjoint Lapointe, ancien soupirant. Quelques temps plus tard, une comtesse est retrouvée assassinée. 

Critique :

Premier épisode tourné mais quatrième à avoir été diffusé, ce premier Maigret pour Bruno Cremer est une belle réussite, un bon épisode classique, à même de poser la série. 

Dès le générique, nous sommes happés par la présence de Maigret, sans le voir. Cette introduction, qui ne variera jamais tout au long des quinze années de la série (hormis de mineures modifications dans les polices de caractères des titres), présente tous les éléments qui constituent Maigret : un homme corpulent en imper frôle un bureau ancien, s’y installe pour allumer une pipe rougeoyante, la jette dans un cendrier et s’installe confortablement dans son fauteuil, auréolé de fumée sur une musique envoûtante, intrigante, immédiatement identifiable et bougrement efficace. 

Voici Maigret, celui avec Bruno Cremer. 

L’épisode a clairement été conçu pour servir d’introduction. Le prologue, assez long, prend son temps pour créer l’ambiance.  Maigret ne nous est présenté qu’au bout de dix minutes, d’une façon un peu grandiloquente, masse émergeant d’une voiture entourée de passants. Dès la première seconde, Bruno Cremer EST Maigret. Pas de fausse note dans son jeu, il campe immédiatement le personnage, à sa façon, même s’il la fera par la suite évoluer. Le regard bleu et pénétrant, un corps qui se meut lentement, une pipe éternellement éteinte dans la première partie du film et pratiquement toujours allumée dans la seconde… Oui, il EST Maigret. Définitivement. Il parle peu, pose des questions brèves et directes, ne répond pas à celles des autres et surtout écoute. Il écoute ces suspects déballer leurs histoires, sans intervenir, absorbant l’atmosphère autour de lui. L’interprétation est déjà remarquable, toute en retenue. 

Le reste de la distribution est, dans l’ensemble, de bonne facture. Jean-Louis Foulquier en patron de boîte un peu trop attiré par les filles mais qui se veut ami-ami avec le commissaire, Jacqueline Danno en épouse résignée et entraîneuse, Alexis Nitzer dans son unique apparition de Loignon, Carlos Pavlidi dans le rôle de la Sauterelle, le portier nain du Plaisir’s auquel aucune femme ne résiste, ou Eric Doye en travesti apeuré. Le reste du casting est moins convaincant. Serge Beauvois, après deux apparitions en Torrence, sera remplacé, et c’est tant mieux. Philippe Polet, dans le rôle de Lapointe, ne reviendra que dans Le corps sans tête, où il se montrera un peu plus convaincant. 

L’épisode se laisse donc suivre, tranquillement, à un rythme assez lent, caractéristique de la série. Mais celle-ci se regarde moins pour son histoire que pour son atmosphère, ses personnages, ses tranches de vie, ces instantanés humains si chers à Simenon et remarquablement transposés dans cette série. Mais lenteur ne rime pas toujours avec ennui, ici, c’en est bien la preuve. Le film est ponctué de rencontres, d’interrogatoires et de dialogues savoureux, de face à face intenses, le tout ponctué par les longues marches réflectives d’un Maigret pensif et absorbé.  

Au rang des déceptions, par moment, les décors font un peu trop carton-pâte (la rue, le bureau de Maigret), mais rien de rédhibitoire non plus. L’image est souvent un peu trop sombre, même pour des scènes de nuit, et le jour c’est grisâtre. Cela renforce l’aspect sordide du film, mais ce n’est pas toujours bien éclairé. La caméra est parfois tremblotante, tressautant à l’occasion, et de longs mouvements inutiles de l’image nuisent parfois à une esthétique pas (encore) assez recherchée. Certains effets outrés (gros plans, zooms, recadrages trop rapides) choquent pour un amateur de la série. La musique si caractéristique de Laurent Petit-Gérard est un peu trop omniprésente et les quelques numéros déshabillés agrémentés de jazz ne sont guère enthousiasmants.

A propos de déshabillé, c’est sans aucun doute l’épisode le plus dénudé de toute la série. Le thème s’y prêtait, et les jolies filles s’effeuillent aisément dans une ambiance assez malsaine, dans ce cabaret miteux, poisseux.

L’enchainement final des événements est précipité, pas très bien monté ni joué, faisant dans la surenchère dramatique, l’abus de gros plan, malgré une atmosphère pesante, sous la pluie battante et un agréable suspens. Il manque également quelques éléments de stabilité future dans ce premier épisode, pas de Madame Maigret, pas de Boulevard Richard Lenoir, pas de petit bistrot avec un Maigret attablé salivant déjà sur une fricadelle, pas de collaborateur régulier.

Mais il y a tellement de bonnes choses ici : Maigret, son jeu avec ses inspecteurs déjà installé (à défaut des acteurs), les confrontations avec Philippe/Lola ou la cuisinière du château, le bureau, l’ambiance, jusqu’au jeu de Maigret avec une pelle à poussière jusqu’à la bouleversante révélation finale. 

Bonne adaptation, Maigret et les plaisirs de la nuit, aurait pu servir d’introduction à la série comme il avait été conçu. Peut-être lui a-t-on préféré un épisode moins risqué, relevant plus de l’enquête traditionnelle de Maigret, moins sordide, en la présence de Maigret et la grande perche, avec des acteurs plus connus également. Quelques défauts inhérents à la jeunesse de la série, débutant malgré tout très fort. 3 sur 4 donc, car pour un épisode (presque) pilote la qualité est remarquable.

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Distribution :

  • Bruno Cremer : (1929-2010) Comédien de théâtre, issu du Conservatoire supérieur d’arts dramatique (où il côtoie ses amis Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Michel Bouquet, Annie Girardot ou Claude Rich), Cremer triomphe sur les planches sous la direction de Jean Vilar ou d’Anouilh dans les années 1950 avant que le cinéma ne l’absorbe pratiquement totalement. Epoustouflant dans la 317e section qui le fait connaître du grand public, avant de fréquemment tourner sous la direction d’auteurs engagés (Blier, Schoendorffer, Costa-Gavras, mais également Visconti, Chereau, Boisset, Lelouch, Sautet, il s’impose comme le chef de la Bande à Bonnot en 1969 aux côtés de Jacques Brel, en tueur psychopathe dans L’Alpagueur face à Jean-Paul Belmondo ou l’amant interdit de Vanessa Paradis dans Noce blanche. Bruno Cremer aura tout joué ou presque dans sa carrière, du légionnaire viril au meurtrier implacable, du flic pourri au prisonnier homosexuel d’un camp nazi, il tourne encore de beaux films vers la fin de sa vie pour Ozon (Sous le sable) ou Giovanni (Mon père, il m’a sauvé la vie). Interpréter Maigret est sans conteste le clou de sa carrière populaire, le rôle qui l’a fait reconnaître dans le monde entier, rôle qu’il a aimé, détesté, rejeté, reprit, rôle dont il ne pouvait se passer et qui était pourtant à mille lieues de lui. En 2005, atteint d’un grave cancer de la gorge, du à un excès de cigare, il ne peut assurer la postproduction de Maigret et l’étoile du nord et décide de mettre un terme à sa carrière. Il décède cinq ans plus tard. 

  • José Pihneiro : Réalisateur d’origine portugaise, il a réalisé quelques films dans les années 80 et se consacre principalement à la télévision (Navarro). Maigret et les plaisirs de la nuit est sa seule collaboration à la série. 

  • Jacques Cortal : Scénariste, il n’a écrit qu’un seul Maigret et à surtout œuvré sur Les Cordier.

  • Jean-Louis Foulquier : (1945-2010) Né et mort à La Rochelle, Foulquier débute dans les années 60 comme animateur radio pour France Inter, produisant plusieurs émissions jusqu’à son renvoi de la chaîne en 2008. Acteur occasionnel (on l’a vu au cinéma plusieurs fois sous la direction de Pinheiro, ou à la télévision dans Dolmen et Xanadu), il se passionnait surtout pour la musique et était découvreur de talent. Il fut l’ami et agent de Léo Ferré.

  • Jacqueline Danno : Actrice bretonne (elle y tient !), née en 1931 est une tragédienne et chanteuse. Principalement connue au théâtre, où elle brûle les planches dans de nombreux rôles forts (Les noces de sang, Lucrèce Borgia, Crime et châtiments, Ben Hur), elle est déjà apparue dans l’univers du célèbre Jean Richard, en 1985, dans Le revolver de Maigret.

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Anecdotes :

  • A la douzième minute, Maigret tient sa pipe dans la main gauche et interroge Rose. Celle-ci commence à parler et termine sa phrase dans le plan suivant, plan où la pipe est déjà dans la bouche de Maigret sans qu'aucun geste de sa part n'ait été esquissé.

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2. MAIGRET ET LA GRANDE PERCHE

Première diffusion : 1er Décembre 1991 sur Antenne 2

D’après Maigret et  la Grande Perche (1951) - Roman

Scénario et réalisation : Claude Goretta

Interprétation : Michael Lonsdale (Guillaume Serre), Renée Faure (Mme Serre), Elisabeth Macocco (Ernestine), Serge Beauvois (Torrence), Jean-Claude Frissung (Janvier), Philippe Fretun (Boissier), Pierre Baillot (Moers), Marie Collins (Eugénie), Anne Bellec (Mme Maigret)

Résumé : Dans son bureau, Maigret reçoit une ancienne prostituée, Ernestine, dite la Grande Perche, à laquelle il a eu affaire dix-sept ans auparavant. Elle vient demander l'aide du  commissaire: son mari, Alfred le Triste, cambrioleur malchanceux spécialisé dans les coffres-forts a disparu depuis deux jours après avoir pénétré dans une belle maison de Neuilly. Il prévient son épouse par téléphone qu’il vient de découvrir le corps ensanglanté d'une femme avant de s’enfuir. Maigret, intrigué, se rend à Neuilly jusqu’à la demeure du dentiste Guillaume Serre qui vit seul avec sa mère depuis que son épouse vient de quitter le domicile conjugal… Deux jours plus tôt. Commence alors un face à face tendu entre les deux hommes. 

Critique :

Second épisode tourné mais premier diffusé et servant de « pilote » à la série (oui, les guillemets sont importants, car il n’y a pas vraiment de pilote ni de saison ici), ce film est une vraie réussite, qui marche très fort pour ce début de série. 

Ici, point de scène d’action, pas de vraiment d’enquête, juste l’intuition du commissaire qui se meut peu à peu en certitude. Maigret répond à l’appel de détresse d’une ancienne prostituée, rangée des voitures, pour qui il a gardé une certaine tendresse et nostalgie et se lance à la recherche d’un introuvable cadavre. Dès sa première rencontre avec « Monsieur Serre » comme il ne cessera de l’appeler tout au long de l’épisode, Maigret est certain qu’il tient son homme. Persuadé que le dentiste a tué sa femme pour son argent et l’empêcher de partir, Maigret renifle, cherche mais ne trouve rien. Alors il s’acharne, il s’obstine, jusqu’à emmener son suspect dans son bureau et se livrer à l’un des meilleurs face à face de la série. Ah ! Ce plan sublime où Maigret, dans son bureau, cherche la pipe qu’il a envie de fumer, prend tout son temps, jusqu’à ce que la caméra se déplace pour nous montrer que Guillaume Serre est là, assis, face à lui, et attend.

Inébranlable, Serre, même fatigué, ne craquera pas, mettant les nerfs du commissaire à rude épreuve. Leurs dialogues sont savoureux, magnifiquement écrits et joués à la perfection. Se retournant alors sur sa mère, Maigret comprendra, à temps, la vérité, sale et triste, comme toujours chez Simenon.

Il faut ainsi saluer la performance des comédiens. Bruno Cremer est solide, stature imposante, voix chaude face à Michael Lonsdale, impérial, pas le moins du monde impressionné par le commissaire le plus célèbre de France. A croire qu’il n’a pas lu les livres et qu’il n’est pas au courant que Maigret fait parler tous ses suspects, ou presque ;-). Lonsdale, immense comédien à la voix douce et aux belles manières, se révèle être un adversaire de choix pour Maigret. Aux questions de celui-ci, il ne répond que par des phrases brèves, ne se livre pas, ne donne aucune information.

Lorsque le commissaire tente de le piéger et de l’entraîner dans des méandres soupçonneux, pour l’amener à parler, Serre «serre» les dents ou remet la conversation sur les rails, surpris que Maigret digresse. Ce jeu du chat et de la souris occupe la dernière partie du métrage et c’est la meilleure. De plus, Lonsdale bénéficie des effets d’une entrée retardée, puisque l’on nous présente d’abord la Grande Perche, gouailleuse, attachante et Madame Serre mère, délicieuse vieille dame, avare, mielleuse et hypocrite (magnifique Renée Faure). 

Les autres comédiens s’en tirent très bien (même s’il était temps que Serge Beauvois laisse sa place de Torrence, il joue encore plus mal que dans Les plaisirs de la nuit et sa coupe de cheveu n’arrange rien) et c’est un plaisir de découvrir l’inspecteur Janvier incarné par Jean-Claude Frissung, qui sera un collaborateur régulier et précieux de cette première période des enquêtes de Maigret. Pierre Baillot fait également sa première apparition (trop brève) en Moers tout comme Anne Bellec en Madame Maigret. Avec son jeu un peu à l’ancienne, cette comédienne discrète va néanmoins s’imposer comme LA madame Maigret de Bruno Cremer, même lorsqu’elle ne sera pas là. 

Le décor de la PJ a gagné en épaisseur, et sent beaucoup moins le carton pâte. La musique ponctue le film, avec finesse et discrétion, la lumière est cette fois-ci fort belle et Goretta filme très bien, efficacement, sans chichi ni gros effets. Il sert la sobriété de son propre scénario (très bien adapté du reste) et son efficacité fonctionne à lui seul, soutenu par ses comédiens irréprochables.

A noter également que Bruno Cremer gagne sa coupe de cheveu « fétiche » de la série. Il y aura encore bien quelques tâtonnements, mais c’est bien sa petite mèche ondulée qui apparait ici pour la première fois qui sera retenue pour la suite (même si, dans les dernières années de sa vie, elle sera plus banale). Curieux toutefois d’avoir choisi de l’affubler de lunettes (qui plus est : horribles !) lors des quelques scènes où il lit des documents (et parfois, d’ailleurs, il ne les a pas dans de telles circonstances).

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Distribution :

  • Michael Lonsdale : Né en 1931, Michael Lonsdale est un comédien Français, ayant des origines anglaises et irlandaises. Son père, anglais, est fait prisonnier par le gouvernement de Vichy au Maroc en 1939 où le jeune Michael découvre le cinéma à Casablanca. Il anime dès 1943 des émissions enfantines à la radio avant que la famille ne retourne en France où il commence à prendre des cours de théâtre. Il se fera connaître au cinéma grâce à Truffaut dans La mariée était en noir et Baisers volés. Dès lors sa carrière se fera internationale, à l’affiche de drame aussi bien que de comédies. Jouant aux côtés de Louis de Funès dans Hibernatus, il joue dans Le Procès d’Orson Wells, le méchant Hugo Drax dans James Bond : Moonraker, un inquiétant père abbé dans Le nom de la rose chez Annaud ou encore un parrain de la pègre dans Munich pour Spielberg. Acteur fétiche de Jean-Pierre Mocky, ce dernier lui a offert quelques uns de ses plus beaux rôles tout au long de leurs neuf collaborations. Catholique engagé, il a monté de nombreux spectacles religieux tout au long de sa longue carrière théâtrale. Il reviendra dans Maigret en 2001 dans Maigret et la croqueuse de diamants.

  • Renée Faure : (1918-2005) Grande comédienne de théâtre, sociétaire de la Comédie Française de 1942 à 1965, elle débute au cinéma dans L’assassinat du Père Noël, film réalisé par Christian Jacques, qu’elle épousera en 1947. Elle se consacre à parti des années 1960 au cinéma et à la télévision : LePrésident avec Gabin, Le juge et l’assassin avec Noiret et Galabru, La petite voleuse, avec Charlotte Gainsbourg, jusqu’à L’inconnu dans la maison avec Belmondo.

  • Claude Goretta : Né en Suisse en 1929, Goretta réalise, outre trois Maigret avec Cremer (Maigret et la grande perche, Les caves du Majestic et Maigret a peur), divers téléfilms et quelques films passés relativement inaperçus, principalement dans les années 70 et 80. Il participe à L’heure Simenon, série d’anthologie de treize épisodes tirés de l’œuvre de Simenon (1987-1988).

  • Anne Bellec : Actrice de télévision (vue récemment dans Joséphine, ange gardien), Anne Bellec est surtout connue pour son rôle de Madame Maigret dans la série. Elle paraît indissociable de la série, alors qu’elle n’y fait que sept apparitions au total, de Maigret à la Grande Perche (1991) à Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (1995). Le personnage de Madame Maigret ne sera plus qu’évoqué par Maigret au téléphone lors des épisodes suivants. 

  • Jean-Claude Frissung : Il débute avec Victor Garcia en créant Le Cimetière des voitures de Fernando Arrabal puis travaille durant de nombreuses années au théâtre avec la plupart des centres dramatiques nationaux tout en poursuivant une carrière télévisuelle. Il a participé à huit Maigret, jusqu’à Maigret tend un piège, en 1996. 

  • Pierre Baillot : Acteur de second plan au cinéma comme à la télévision, il ne participe qu’à cinq enquêtes de Maigret dans le rôle de Moers, très épisodiquement, jusqu’à Maigret tend un piège en 1996. 

  • Philippe Fretun : Jouant le rôle de l’inspecteur Boissier (dommage qu’on ne l’ait pas revu par la suite), il était déjà apparu dans un Maigret, aux côtés de Jean Richard dans Maigret et le témoignage de l’enfant de chœur, en 1988, dans le rôle de l’inspecteur Vallin.

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3. MAIGRET CHEZ LES FLAMANDS

Première diffusion : 5 Janvier 1992

D’après Chez les Flamands (1932) - Roman

Scénario et réalisation : Serge Leroy

Interprétation : Alexandra Vandernoot (Anna Peeters), Sabrina Leurquin (Marguerite Van de Weert), Gérard Darier (Machère), Pierre Dherte (Joseph Peeters), Hilde Uitterlinden (Mme Peeters), Olivier Darimont (Gérard Piedboeuf), Gérald Marti (Père Piedboeuf), Raymond Avenière (Dr Van de Weert), Vincent Grass (marinier de l'Etoile-Polaire)

Résumé : Maigret vient en aide aux Peeters, des commerçants flamands fortunés, à Givet, près de la frontière belge. Le fils aîné, Joseph, est accusé du meurtre de Germaine Piedboeuf, une fille du coin à qui il a fait un enfant. Seul problème : il n’y a aucun cadavre et la vindicte populaire menace de s’abattre sur le jeune homme suite au seul témoignage d’un marinier douteux. Maigret tente de mener son enquête avec l’aide de l’inspecteur Machère, responsable de l’enquête.

Critique :

Adaptation un peu terne d’un assez bon roman des « débuts » de Maigret, Chez les Flamands ne convainc qu’à moitié, faute à une intrigue assez inconsistante et à une réalisation sans punch. Dès le début, on sent que l’on va passer un loooooooooong moment devant sa télévision, pour pas grand-chose. Maigret parle peu, comme à son habitude, et lorsqu’il le fait, il bougonne, râle ou est même franchement désagréable. Il ne sourit quasiment jamais et aucune once d’humour ne vient renforcer un propos déprimant. Non pas que cela soit un souci dans l’œuvre de Simenon : une atmosphère pesante, grise, malsaine ou sordide, typique de certains Maigret, ont fourni de très bons épisodes. Mais ici, la sauce ne prend pas. On s’étend trop longuement sur les promenades du commissaire le long du canal (qu’il est long ce canal), dans une lumière grise et peu flatteuse, où rien ne se passe. Les digressions apportées par le marinier rallongent inutilement des séquences déjà pénibles. L’enquête piétine et ne progressera qu’au petit bonheur la chance, au fil de rencontres hasardeuses et improbables.

Certes, les comédiens sont plutôt bons dans l’ensemble, mais leurs personnages ne sont pas forcément consistants, voire ne servent à rien. L’accusé par exemple, dont on se moque très vite du sort ; le frère de la victime, lâche et crétin ou la sœur invisible, qui s’est faite prisonnière d’un couvent toute seule et dont on ne comprend pour laquelle Maigret s'obstine à vouloir rencontrer. 

Autres détails agaçants : Maigret abandonne ici son pardessus et son chapeau, il a bien du mal à allumer sa pipe et maugrée (il ne paraît pas très doué à ce sujet), engueule un inspecteur de police sur lequel il n’a aucune autorité parce qu’il n’a pas d’allumettes (il est simplement odieux dans cette scène), et reste majoritairement désagréable envers tout le monde dans l’épisode, hormis pour Anna Peter. Cette femme le fascine, pour une raison inexplicable. Froide, implacable, on voit mal ce qui peut attirer le commissaire dans ce personnage glacial. Et pourtant, dès le départ, dès les premières scènes du film, à la gare, il fixe son attention sur elle et ne la quitte plus, revenant toujours vers elle. C’est aussi ce qui pêche dans cet épisode, cette certitude d’aller dans une direction toute tracée, bourrée de digression alors que l’évidence était pourtant flagrante. 

La fin de l’épisode est révélatrice à plus d’un titre : montée en dytiques avec la première scène, à la gare, la dernière séquence est un exemple parfait d’ambiguïté. Que devient le personnage d’Ana ? Elle ne prend pas le train avec Maigret pour aller vers Paris, mais paraît en attendre un pour la Belgique. Que devient-elle ? Se livre-t-elle ? Fuit-elle ? Alors que son destin est clairement établi dans le livre, ici, la fin est ouverte et le spectateur est amené à se faire sa propre idée sur elle, ce qui lui a été impossible tout le reste du film car le personnage ne se livre jamais. Même dans sa confession, provoquée pour on ne sait quelle raison (car elle a conservé son sang-froid auparavant), Ana ne se livre pas. Elle avoue un crime, dont on ne comprend guère la motivation (là encore, le roman est plus clair) et finalement, se retire… Ou pas.

Des points positifs cependant, qui justifient ce 2 sur 4 : la très belle séquence du bar où Maigret, menacé d’une arme fait face au frère de la victime et ponctue d’un magistral : « va te coucher ! », le coup de téléphone à Madame Maigret, plein de douceur dans cette histoire dure, l’attendrissement de Maigret devant le bébé de Germaine, sa pudeur et sa détermination face à la mère supérieure du couvent, quelques beaux dialogues et une belle photo pour les scènes d’intérieur, forts réussies. Notons également la musique de Laurent Petit-Gérard, plus fluide, plus mélodieuse que dans le premier épisode et plus discrète aussi. 

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Distribution :

  • Alexandra Vandernoot : née en 1963, Vandernoot est une actrice Belge, issue d’une longue lignée d’artistes. Issue du Conservatoire d’arts dramatiques de Bruxelles, elle est surtout connue pour son rôle dans la série Highlander, qui ne lui offrira pourtant pas de carrière internationale. Elle a surtout tournée pour la télévision (Camping Paradis), jouée au théâtre et au cinéma, s’est fait remarquée plusieurs fois sous la direction de Francis Veber. 

  • Gérard Darier : Auteur dramatique, comédien et metteur en scène, ce touche à tout s’est illustré dans de petits rôles au cinéma, écrit, monté et interprété des spectacles dans le cadre du Festival d’Avignon, s’est fait remarqué dans de nombreuses séries TV (jusqu’à Hero Corp) mais c’est surtout un comédien de doublage renommé (il est en autres la voix française de Paul Giamatti, Steve Buscemi et Stanley Tucci, entre autres).

  • Olivier Darimont : Il a très peu tourné. Il reviendra en 2004 dans Les scrupules de Maigret, du côté de la loi cette fois, dans le rôle de l’inspecteur Lambert. 

  • Vincent Grass : Acteur Belge, issu du Conservatoire, il a surtout œuvré, avec succès, sur les planches. Plus connu pour sa voix, il double par exemple Hugo Weaving dans la trilogie Matrix et il est également la voix off des publicités Meetic

  • Serge Leroy : (1937-1993) Réalisateur français ayant œuvré aussi bien à la télévision qu'au cinéma, on lui doit Attention les enfants regardent avec Delon, Le quatrième pouvoir avec Noiret ou Taxi de nuit avec un certain... Bruno Cremer... On le retrouve également, d'ici deux épisodes, à l'oeuvre sur le, magnifiquement réussi cette fois Maigret et le corps sans tête.

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Anecdotes :

  • Le film a été tourné à Bléharies (Belgique).

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4. MAIGRET ET LA MAISON DU JUGE

Première diffusion : 15 Mars 1992

D’après La maison du juge (1942) – Roman

Scénario : Santiago Amigorena

Réalisation : Bertrand Van Effenterre

Interprétation : Michel Bouquet (le juge Forlacroix), Bruno Wolkowitch (Albert Forlacroix), Karin Viard (Thérèse), Julien Maurel (Marcel Airaud), Eric Thomas (Méjat), Josiane Lévêque (Didine Hulot), Marcel Champel (Justin Hulot), Jean-Claude Bolle-Reddat (le maire), Sandrine Manciet (Lise), Jean-Marie Frin (le juge d'instruction), Fernand Gaillot (le procureur).

Résumé : Maigret, en disgrâce, est nommé commissaire à Luçon où il s’ennuie ferme et passe ses journées à jouer au billard. Une petite vieille, Didine, l’interpelle car son mari aurait vu un cadavre dans la maison du juge Forlacroix, au petit port de l’Aiguillon. Dubitatif, Maigret va tout de même retrouver le mari de Didine, toujours en observation. A la nuit tombée, le Juge Forlacroix traîne un cadavre dans un sac hors de son domicile et Maigret le surprend. Résigné et manifestement soulagé, Forlacroix invite Maigret chez lui pour s’expliquer. En effet, il prétend ne pas connaître l’identité du corps…

Critique :

Un bon cru que cet épisode vendéen (mais tourné en Charente-Maritime), qui profite de décors somptueux, d’une réalisation inspirée et surtout de la présence de Michel Bouquet, onctueux, retors et désarmant à la fois. 

L’épisode débute par un très beau plan, Maigret derrière une fenêtre couverte du ruissellement de la pluie, contemple son propre ennui, les yeux dans le vague, yeux qu’on croirait embués de larmes. Le commissaire est plus que jamais monolithique, inébranlable, impénétrable même, bien déterminé à découvrir la vérité et, dans un premier temps, à mettre en cause le juge que tout accable, en dépit d’une apparente sincérité. Leurs échanges, comme souvent dans le cas de confrontation entre deux personnages forts, sont savoureux et les dialogues un pur régal. C’est d’autant plus vrai lorsque ceux-ci sont servis par des comédiens de ce niveau, des amis de longue date, camarades de conservatoire, qui jouent réellement ensemble. Michel Bouquet, impérial, offre un numéro en retenu, et nous rend sympathique un personnage hautain et guindé qui n’a rien de bien reluisant plus on le découvre. 

Cependant, et c’est là que Simenon sait habilement nous induire en erreur, nous focalisons notre attention sur lui alors qu’il n’est pas le cœur du sujet. Tout est dans le titre : La maison du juge… Ainsi, vers la moitié du métrage, le juge Forlacroix est escamoté (je vous laisse en découvrir la raison, parfaitement écrite et mise en scène), Maigret comprend qu’il s’est trompé et est parti sur une fausse piste et l’enquête reprend, autour de cette maison, de ses occupants et de ses nombreux visiteurs nocturnes, la maison du crime, où tout s’est produit et nous nous dirigeons donc vers la seconde intrigue. 

Si ce basculement est ingénieux, habile, et fidèle au roman, il affaiblit cependant légèrement l’intrigue (là aussi, comme dans l’œuvre originale), car l’éclipse de Michel Bouquet rend le film beaucoup plus fade, tout comme l’absence du juge est préjudiciable au livre. Quel que soit leur talent, les autres comédiens (et leurs personnages) n’ont pas l’envergure d’un Michel Bouquet. Eric Thomas en inspecteur benêt de Maigret en fait trop, Bruno Wolkowitch ne joue pas juste, Daniel Girard n’est pas crédible en Mme Forlacroix et Julien Maurel en fugitif surjoue également. Seules Karin Viard transmet une belle émotion à une Thérèse tiraillée entre son amour pour un homme qui ne la mérite pas et son désir d’aider Maigret ainsi que Josiane Lévêque en petite commère sans qui l’enquête n’aurait eu ni début ni conclusion se détachent du lot. 

La dernière partie, extrêmement fidèle au livre (parfois au mot près), est trop longue, voyant un Maigret user de toutes les ficelles possibles pour faire craquer l’assassin. D’abord plaisant, sympathique, blagueur même, il se fait insidieux, malin, puis furibond, presque violent. Il s’emporte et tout cela ne donne guère de résultats. Ce ne sera qu’avec la confrontation de témoignages accablants et une ultime provocation qu’il parviendra à arrêter son meurtrier. Beau plan à ce moment : fou de rage, le meurtrier se jette sur Maigret qui, nullement impressionné, le rejette d’un gros « coup de patte » avant qu’il ne soit maîtrisé. Une très jolie séquence. 

Dans l’ensemble, l’épisode est donc réussi, certaines séquences sont parmi les plus belles tournées dans un Maigret : la confession de Forlacroix dans son château, parfaitement éclairé ; la confrontation finale ; la dégustation de la mouclade ; les petites touches de tendresse de Maigret vers Thérèse… Mais les quarante dernières minutes trainent un peu en longueur et, une fois de plus, les raisons ayant poussé le meurtrier à agir ne sont pas forcément des plus claires (au contraire du roman) et tout cela agace un peu.

Une parenthèse maritime pour Maigret donc, qui, comme le montre le plan final du film, soulagé, va pouvoir reprendre le chemin du 36 Quai des orfèvres pour un des tous meilleurs épisodes de la série Le corps sans tête.

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Distribution :

  • Michel Bouquet : Né en 1925 à Paris, il suit les cours de Maurice Escande avant d’intégrer le Conservatoire aux côtés de Gérard Philippe. Il débute chez Anouilh avec qui il collaborera de nombreuses années, ainsi qu’avec Jean Vilar puis, plus tard, Eugène Ionesco. Michel Bouquet a grandement marqué le théâtre français, en faisant connaître Pinter, Beckett ou Strindberg. Homme également de cinéma, où il magnifie les rôles de méchants et de salauds magnifiques, il marque dans Monsieur Vincent et dans le rôle de Javert dans Les misérables de Robert Hossein. Il travaille avec les plus grands cinéastes français, de Chabrol à Truffaut. Lauréat de deux Molière et de deux César du meilleur acteur, il a longuement travaillé pour la télévision, aussi bien dans des séries comme Maigret que dans des téléfilms et de nombreuses adaptations télévisuelles de pièces de théâtre. Professeur d’arts dramatiques dès 1977 au Conservatoire, il a marqué toute une génération de comédiens, par sa capacité d’improvisation et sa capacité d’adaptation à n’importe quel rôle, comme le prouvent ses cours enregistrés et sortis sur support CD en 2006. Il n’a, contrairement à une croyance populaire, aucun lien de parenté avec Carole Bouquet. 

  • Karine Viard : Née en 1966 à Rouen, elle fait ses premières armes au théâtre, au cinéma et à la télévision à la fin des années 80 et se fait remarquée dans Tatie Danielle, Délicatessen, la Haine, les Randonneurs ou France Boutique. Elle obtient le César de la meilleure actrice en 2000 pour son rôle dans Hauts les cœurs ! et celui du second rôle en 2003 dans Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc. En 2014, elle incarne une femme sourde dans La famille Bélier, qui rencontre un très grand succès public. 

  • Bruno Wolkowitch : Né en 1961 à Paris, il est principalement connu pour ses rôles réguliers à la télévision dans PJ, Les toqués ou Les hommes de l’ombre. Homme de théâtre également il joue et met en scène de nombreuses pièces, notamment pour Jean-Luc Lagarce. Notons qu’il a fait ses premières armes au cours du Conservatoire national des arts dramatiques de Paris dans la classe d’un certain… Michel Bouquet !

  • Josiane Lévêque : Née en 1943, elle actrice et auteur dramatique, et a travaillé aussi bien pour le cinéma, la télévision que le théâtre. Elle est surtout connue du grand public pour son rôle récurrent de professeur de mathématiques dans la série Madame le Proviseur (2000-2006). Elle est l’une des comédiennes fétiches du cinéaste Jean Marboeuf. 

  • Eric Thomas : Comédien et humoriste, né en 1957, il se fait connaître dans l’émission de FR3 La classe de Guy Lux, et par l’émission Belge Bon Week-end sur RTBF. Il est également auteur et metteur en scène de sketchs et de pièces de théâtre. 

  • Santiago Amigorena : Né en 1962 à Buenos-Aires, c’est un scénariste et réalisateur Argentin ayant surtout travaillé en France, principalement comme scénariste (pour Klapisch ou Loizillon). Il signe en 1993 un autre épisode de Maigret : Les caves du Majestic.

  • Bertrand Van Effenterre : Né en 1946, c’est un cinéaste ayant œuvré principalement à la télévision. En plus d’un autre Maigret : La nuit du carrefour, il a travaillé sur Les Cordier, Sauveur Giordano, Paris enquêtes criminelles et Sœur Thérèse.com

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Anecdotes : 

  • A 1 heure et 29 minutes, Maigret frappe un bureau et sa fameuse mèche de cheveu s’envole un peu, le décoiffant franchement. Au plan suivant, il a clairement été recoiffé. 

  • Ce n’est pas la première fois que Karine Viard et Bruno Wolkowitch se croisent dans l’univers de Maigret. Ils étaient déjà présents, ensemble, dans la série avec Jean Richard, dans L’auberge aux noyés, en 1989.

  • Lorsque le commissaire demande à Didine comment elle connaît son nom, elle lui répond que c’est son mari qui a connu le commissaire, à Concarneau. Référence faite, peut-on supposer, au Chien jaune, un des plus célèbres romans de Maigret se déroulant dans la ville bretonne, mais malheureusement jamais adaptée avec Cremer. Dans les années 2003-2004, le projet était manifestement à l’étude comme le révèle deux interviews révélatrices :

    • Quel est le Maigret que vous rêvez de faire?

    • Sans hésiter: Le chien jaune qui se passe à Concarneau mais cela demande des moyens importants. En France, c'est inimaginable parce que rhabiller un port façon années 50, c'est impayable. On pensait le faire à Cuba. On avait trouvé le port, les paquebots mais, même en hiver, il y fait trop beau. Donc, on cherche un pays froid. On y tournera avec nos acteurs comme si cela se passait en France." (interview d'Eve Vercel en février 2003)

    • "En septembre, je réaliserai aussi mon troisième Maigret Le Chien jaune". (interview de Charles Nemes en mars 2004).

  • Il est vraisemblable que la maladie de l’acteur ait empêché ce beau projet de voir le jour. 

  • Le film se déroule en Vendée mais a été tourné dans plusieurs communes de la Charente-Maritime (Chaillevette, L'Eguille-sur-Seudre, Montagne-sur-Gironde et Saujon).

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5. MAIGRET ET LE CORPS SANS TÊTE

Première diffusion : 11 Septembre 1992

D’après Maigret et le corps sans tête (1955) – Roman

Scénario et réalisation : Serge Leroy

Interprétation : Aurore Clément (Aline Calas), Patrick Floersheim (Dieudonné Pape), Philippe Polet (Lapointe), Gérard Darier (Machère), François-Régis Marchasson (juge Coméliau), Nicolas Tronc (Antoine), Pierre Octave Arrighi (Marboeuf), Pierre Baillot (Moers), Anna Gaylor (la mère d'Antoine), Pierre Maguelon (Bastien Petit Beurre), Eric Métayer (l'employé des chemins de fer), Michel Dussin (le docteur Paul).

Résumé : Canal Saint-Martin, Paris. Les restes dépecés d’un corps sont repêchés. Mais la tête et les mains manquent. Par hasard, Maigret se rend au café du coin pour téléphoner et fait la connaissance de Madame Callas, qui l’intrigue. Apprenant que son mari est absent depuis plusieurs jours pour ses affaires, Maigret, commence à suspecter que le « corps sans tête » comme l’appellent les journaux, ne soit celui de Callas…

Critique :

Attention : Chef d’œuvre !

Et pourtant… Pourtant, comme j’ai détesté cet épisode à ma première vision. J’étais jeune à l’époque, environ dix ans, et je ne connaissais que Sherlock Holmes (avec Jeremy Brett) et Hercule Poirot (avec David Suchet). Des séries à « énigme », et elles étaient ma seule référence. Tout le long du métrage, j’étais fasciné par ce Maigret qui plaisait tant à mon père et ma déception à l’énoncé de la solution (sans démonstration) fut telle devant sa banalité, que je rejetais en bloc cette série et retournais auprès des séries britanniques que je chérissais tant. Le temps passa, je vis d’autres Maigret, que j’appréciais, mais il me fallut de nombreuses années avant de me replonger dans ce mystère du « corps sans tête » et me trouvais très bête devant cette merveille et ne comprenais pas comment j’avais pu passer à côté. A présent, bien sûr, je le sais. Cet épisode reflète à merveille l’ambiance de la série : absence de sensationnel, rigueur psychologique au service d’une intrigue à l’arroche originale mais dont le déroulé n’a rien d’exceptionnel en soit, tellement révélatrice des faiblesses humaines que Simenon aimait explorer. Et à ma première vision, je ne n’étais tout simplement pas prêt. 

Ce film est donc la somptueuse adaptation d’un des tous meilleurs romans de la série des Maigret, sans aucun doute le meilleur épisode de la saison et probablement l’un des tous meilleurs de la série. Une perle, typique des débuts, qui obtenu en son temps un prix au Festival du film policier de Cognac, preuve, s’il en est, de sa réussite. 

Le scénario subit davantage de modifications que dans les épisodes précédents, mais ces changements servent parfaitement l’épisode. Dans le roman, Maigret raconte plusieurs passages qu’il a vécus, sans nous les montrer ou bien nous en offre de brefs compte rendus. Ce procédé, qui peut s’avérer payant en littérature quand il est écrit par un auteur de l’envergure de Simenon, peut en revanche s’avérer particulièrement fatal au cinéma ou à la télévision. Le «show, don’t tell» cher à Hitchcock a été parfaitement compris par Serge Leroy qui met donc en scène ces passages manquants du livre, ce qui agrandit l’intrigue, lui donne de l’ampleur, et met davantage Maigret dans la lumière.

Bruno Cremer justement, plus à l’aise que jamais avec le rôle, se révèle tout en belles nuances, subtil, déployant un jeu sans faille, avec des jeux de regards éloquents, des intonations de voix extraordinaires dans ses interrogatoires serrés, servis par des dialogues aux petits oignons. La réalisation efficace accompagne Maigret au fil de son enquête, plus rigoureuse que d’ordinaire, dans ce « presque » huis-clos où le nombre de suspects est plus que réduit. 

L’histoire pourrait tenir sur un timbre poste, mais le mystère s’épaissit au fur et à mesure que le film progresse. Maigret, tout en force tranquille, tente de comprendre comment un tel crime a pu se commettre, conduisant au dépeçage d’un corps. Peu à peu, le commissaire comprendra les motivations « particulières » derrière ce meurtre, en effeuillant, une à une, les personnalités fortes qui lui font face. D’abord Antoine, l’amant occasionnel, petit gars au fond sympathique, têtu comme une bourrique, décidé à faire face à Maigret, mais peureux et finalement pas bien malin. Dieudonné Pape ensuite, l’amant de cœur, nuancé, mélancolique, qui ne cesse d’intriguer le commissaire. Enfin, Aline Callas, la femme qui ne sourit jamais, aux gestes lents et posés, alcoolique mais qui joue de son vice contre Maigret, pour mieux tenter de le perdre. Dans une économie de mots, comme si parler allait la fatiguer, elle ne fléchit jamais, ne se confiant sur son passé qu’à la toute fin du film. 

Ce trio de personnages louches tourne autour d'un Maigret qui s’obstine à chercher une vérité qui semble toute trouvée aux yeux du juge Coméliau, faisant ici sa première (et unique) apparition. A son propos, j’étais persuadé de l’avoir revu de nombreuses fois dans la série (c’est le cas, mais dans un rôle différent), s’opposant systématiquement à Maigret, borné dans son rôle de « l’ennemi intime » du commissaire comme l’écrivait Simenon. Personnage important de son œuvre (avec ou sans Maigret, il lui est même antérieur en terme d’écriture), il ne reviendra donc pas dans la série mais son fantôme ne cessera de hanter le Parquet. En effet, tous les juges qui lui succéderont (à une seule exception, dans La patience de Maigret), seront fabriqués dans son moule. Coméliau est donc pour la série l’archétype du juge que sa haute fonction inspire, sans imagination, qui saute trop vite aux conclusions, a une certaine tendance à expédier les affaires et écoute Maigret d’une oreille distraite. Et encore, ici, nous pouvons qualifier leurs relations de cordiales ! Les comédiens qui succéderont à F.-R. Marchasson ne lui arriveront cependant jamais à la hauteur – peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’ils auront des personnages avec des noms différents…

Citer les scènes réussies de cet épisode est une gageure, car aucune n’est ratée. Lumière, musique, réalisation, montage, interprétation : il n’y a rien à redire. Alors cherchons d’abord des séquences plus savoureuses que d’autres. L’échange entre Maigret et le scaphandrier, plein d’humour, alors que ce dernier vient de remonter un cadavre dépecé du canal est délicieux. Le jeu de Maigret avec le chat des Callas, s’il apparaît comme une digression, apporte une légèreté dans une histoire assez lourde. Le grand « Jules », discutant avec la petite Myriam, se révèle tendre et attachant ce qui l’humanise un peu plus. Ce ne sont là que des exemples de scènes apportant leur petit plus à une enquête rigoureuse, à l’histoire implacable et parfaitement huilée.

Que peut-on reprocher à cet épisode alors ? Éventuellement, l’incongruité de la présence de l’inspecteur Machère qui, dans un épisode précédent Maigret chez les Flamands était en poste à la frontière belge et se retrouve ici aux côtés de Maigret et de Lapointe, comme si de rien n’était. Certes, au moment de la diffusion de l'épisode, Maigret et les plaisirs de la nuit et La maison du juge s’étaient intercalés entre les deux, mais ce ne sont pas des raisons suffisantes. Attention, je ne reproche rien à son interprète, Gérard Darier, au contraire, il fait parti des collaborateurs sympathiques de Maigret. Mais qu’il travaille à ses côtés, ici, est parfaitement incohérent.

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Distribution :

  • Aurore Clément : Née en 1945, elle débute comme mannequin (refusant tout maquillage) en 1974, où elle fait la couverture de Elle, la faisant remarquer de Louis Malle qui la fait débuter dans Lacombe Lucien. Travaillant principalement pour le cinéma (où elle devient l’actrice fétiche de Chantal Akerman), elle apparaît aussi bien dans la version longue d’Apocalypse Now (Coppola), Paris, Texas (Wenders) que dans Jet Set. A la télévision, on la remarque dans Zodiaque  et sa suite avec Francis Huster, et monte parfois sur les planches (elle fut nommée aux Molières pour l’adaptation théâtrale de la Dame aux Camélias.

  • Patrick Floersheim : Né en 1944, a œuvré au cinéma, à la télévision et sur les planches, comme comédien et metteur en scène mais il est avant tout comédien de doublage, voix française régulière de Michael Douglas, Jeff Bridges, Ed Harris, Christopher Walken, Geoffrey Rush et Robin Williams (première période) ainsi que de nombreux autres. 

  • François-Régis Marchasson : Né en 1952, ce comédien n’a pratiquement joué qu’à la télévision, dans nombre de séries, policières ou, coïncidence amusante, dans le milieu judiciaire (Navarro, Tribunal, Cas de divorce, Commissaire Moulin, Julie Lescaut, Nestor Burma, etc.) Déjà familier de l’univers de Maigret, pour avoir croisé la route de Jean Richard dans Tempête sur la Manche, il reviendra dans le rôle d’Arnaud dans un autre épisode de la série : Un meurtre de première classe

  • Pierre Maguelon : (1933-2010) Figure fort connu du petit écran, célèbre pour son accent occitan délicieux, il débute en 1954 au cabaret comme auteur et interprète de contes comiques semi improvisés, en particulier au Cheval d’or. A cette occasion, il fait également la première partie de Georges Brassens et devient célèbre et populaire à la télévision dans les Brigades du tigre, dans le rôle de l’inspecteur Marcel Terrasson, rôle pour lequel le public lui gardera une sympathie toute particulière. Alternant les rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision, il intervient dans des films aussi célèbres que le Président et le Tatoué (avec Gabin), les Assassins de l’ordre (avec Jacques Brel), Vincent, François, Paul et les autres (avec Montand), Cyrano de Bergerac (avec Depardieu) ou la Gloire de mon père et le Château de ma mère (avec Philippe Caubère).

  • Eric Métayer : Né en 1958, l’humoriste joue ici un petit rôle sympathique, l’employé des chemins de fer. Ancien du cours Florent, il triomphe à de nombreuses reprises sur les planches, dans des registres variés (comédie, policier, drames, etc.) et met en scène de nombreux spectacles. Il est connu pour ses grands talents d’improvisateur. 

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Anecdotes : 

  • Retour de Moers, Lapointe et Machère, mais aucune mention à Madame Maigret.

  • Maigret n’œuvre pas dans son bureau habituel, mais dans un qui semble prêté par le juge.

  • Michel Dussin, intérpétant le Docteur Paul (personnage récurrent des Maigret, mais qui ne reviendra plus dans la série), jouait le rôle de Robert Naud avec Jean Richard, en 1974 dans un certain… Maigret et le corps sans tête…

  • L’épisode a reçu la Mention spéciale du télépolar en 1992.

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6. MAIGRET ET LA NUIT DU CARREFOUR

Première diffusion : 22 Janvier 1993

D’après La nuit du carrefour (1931) – Roman

Scénario : Gildas Bourdet, Alain Tasma

Réalisation : Alain Tasma (et Bertrand Van Effentere)

Interprétation : Sunnyi Melles (Else), Roland Blanche (Victor Kowalski), Johan Leysen (Karl), Solen Jarniou (Gilberte Kowalski), Myriam Boyer (Elyane Michonnet), Henri Courseaux (Roger Michonnet), Philippe Dormoy (inspecteur Colin), Hubert Deschamps (Edmond Kowalski), Jacques Deglas (Mario), Bernard Lincot (inspecteur Dupré), Marc Olinger (le patron de l'auberge), Marie-Anne Lorge (la patronne de l'auberge), Franck Sasonoff (inspecteur Gaubert), Xavier Maly (le docteur), Philippe Noesen (le chirurgien).

Résumé : Maigret interroge sans relâche Karl Von Ritter, un Allemand artiste peintre. Celui-ci a découvert la voiture de son voisin Michonnet au lieu et place de sa propre automobile. En plus, sur la banquette arrière, se trouvait un cadavre, celui d’un certain Van Der Meulen, bijoutier. Au lieu de prévenir la police, il prend la fuite et est arrêté à Pairs. Pour tirer l’affaire au clair, le commissaire se rend sur les lieux de l’affaire : au milieu de nulle part se tient le Carrefour des Veuves, avec le garage et station service des Kowalski, en face de la maison des Michonnet. Cachée dans les bois, le château de Van Ritter où il vit en reclus avec sa sœur. Maigret s’installe dans un hôtel local pour résoudre l’enquête. 

Critique :

Encore un excellent épisode, parfaitement adapté, baignant dans une luminosité crépusculaire et inspirée. Maigret évolue ici au milieu d’une sombre histoire de crapules et de gangsters, où s’entrecroisent des personnages sordides dans un décor hallucinant et authentique. 

Déjà magnifiquement adapté par Jean Renoir en 1932 (un an peine après la sortie du livre !), cet excellent roman trouve une place de choix dans la première « saison » des Maigret de Bruno Cremer. Il s’agit sans aucun doute de l’épisode le plus « policier », avec de véritables scènes d’action pour l’occasion. Attention, cela dit : lorsque j’écris « scènes d’action », rappelons-nous que nous sommes dans un Maigret, pas dans Mission casse-cou ni dans un épisode des Avengers. Pas de cascades endiablées dans des combats au corps à corps. Pas de dérapages en voiture avec crissement de pneus. Non. Mais tout de même, dans une série policière qui est capable dans certains épisodes de pas même montrer une arme, nous assistons ici à de nombreux échanges de coups de feu, à plusieurs reprises dans l’épisode, à des course-poursuites, à des morts en direct et même, plaisir rare, Maigret/Cremer dégaine son arme (prouvant bien qu’il en porte une sur lui) et tire même à l’occasion. 

En effet, l’intrigue bénéficie de nombreux rebondissements, jusqu’à une scène finale haute en couleur, rare chez Maigret, où il réunie tous ses suspects pour l’ultime confrontation. Mais, plus que jamais, nous ne sommes pas dans Hercule Poirot. Il ne s’agit pas de reconstituer un crime ingénieux pour désigner le coupable le plus improbable, mais uniquement de recoller les faits ensemble autour de personnages qui sont tous coupables ! 

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La vérité, ce sombre trafic qui tourne mal, est donc parfaitement démêlée, tournant autour de ce carrefour, personnage à part entière du film, car plaque tournante de l’affaire. Maigret y déambule une carcasse inquiète, d’autant plus que les cadavres pleuvent autour de lui ! Il ne s’évade de ce lieu étrange que lorsqu’il se réfugie dans l’inquiétante demeure des Van Ritter. Savoir que l’endroit utilisé pour le tournage était autrefois une prison, conservant des squelettes d’anciens prisonniers, explique sans doute le sentiment d’oppression qu’il procure. Lugubre, délabrée, cette maison fait froid dans le dos. Pourtant, Maigret y paraît plus à son aise qu’au carrefour.

Est-ce du à la présence d’Else Van Ritter, qui ne le laisse clairement pas indifférent. Ce personnage, tantôt femme-enfant tantôt femme fatale, troublante, joue de ses charmes sans vergogne pour séduire le commissaire, se livrant avec lui à des jeux presque sensuels. Ah ! Cette scène où elle se change derrière un paravent demandant à Maigret de se retourner pour qu’il ne la regarde pas se déshabiller mais se débrouille pour que son reflet soit pile dans l’axe du commissaire… Oui, cette scène est magique. L’officier de police, tout stoïque qu’il est, se laisse aller à la contemplation d’un corps aguichant, de cette femme aux seins lourds, pour laquelle brille dans ses yeux une lueur presque de convoitise…

Quelques petites touches d’humour viennent ponctuer l’intrigue : Maigret et Colin face à un repas douteux au restaurant (le regard dubitatif de Cremer est impayable), la fausse crevaison de Maigret, bien amenée, ainsi que les passages très amusants où l’adjoint de Maigret le surprend en « flagrant délit » pratiquement dans les bras d’Else. 

Côté interprétation, ici encore, du lourd, de l’efficace, pour les rôles principaux. De Roland Blanche en garagiste collant, trop sympathique, ancien boxeur méprisant sa femme à Hubert Deschamps, toujours aussi génial, en passant par Henri Courseaux, parfait en mari lâche et veule, Johan Leysen inquiétant en peintre allemand vicieux et Sunnyi Melles, troublante femme fatale… Tout le monde joue juste, chacun est à la hauteur de son personnage et offre une composition impeccable. 

Côté manques, les faiblesses sont rares : on pourra noter le rôle pas forcément très inspiré de l’inspecteur Colin, celui du médecin appelé à la rescousse de Van Ritter, blessé, un peu en deçà (le rôle est surtout mal écrit), celui du gangster italien assez plat, mais ce ne sont que de petits détails assez mineurs. 

Pour résumer, un grand épisode, brillant quoi que nocturne, une belle réussite avant les décevantes Caves du Majestic

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Informations supplémentaires

  • Roland Blanche : (1943-1999) Spécialiste des rôles de Français moyens, lâches, méprisants, Roland Blanche marque de son jeu inimitable nombre de films, de pièces de théâtre et de téléfilms. Comédien fétiche de Jean-Michel Ribes, qui lui fait jouer ses propres œuvres, Shepard ou Pinter, il reçoit le Molière du meilleur comédien dans un second rôle pour la résistible ascension d’Arturo Ui de Brecht (mise en scène Savary). Bouleversant à la télévision dans Entre terre et mer, on le retrouve deux fois aux côtés de Depardieu et José Dayan dans Balzac et surtout dans le Comte de Monte Christo où il fait montre de tout son talent. Au cinéma, on l’a vu à plusieurs reprises chez Francis Veber, Claude Berri, Yves Boisset, Henri Verneuil ou Jean-Pierre Mocky (qui l’a fait tourner pas moins de sept fois). Comédien capable d’exprimer toutes les émotions, Blanche était capable de passer avec une facilité étonnante du registre comique au dramatique, de la tendresse à l’agressivité et fut l’un des meilleurs comédiens de sa génération, bien trop tôt emporté par une crise cardiaque à l’âge de 55 ans. 

  • Hubert Deschamps : (1923-1998) Acteur français, il débute aux Beaux-arts en 1943 avant de s’engager dans la 2e DB. Après guerre, il s’essaie au cabaret et joue de nombreuses fois sur les planches. Son premier rôle important lui est offert par Louis Malle dans Zazie dans le métro avant de connaître son unique premier rôle dans La gueule ouverte en 1973 (Pialat). Acteur de cinéma et de théâtre jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque, il restera un éternel second rôle marquant, en policier professeur de Coluche dans InspecteurLabavure ou assassin torturé de Tendre Poulet.

  • Myriam Boyer : Née en 1948 à Lyon, cette comédienne devienne comédienne par « accident », en se rendant au théâtre suite à une convalescence. Elle débute sous la direction d’Agnès Varda et a joué depuis dans un grand nombre de pièces et de spectacles, alternant les créations tout comme les classiques et obtient par deux fois le Molière de la meilleure comédienne : en 1997 pour Qui a peur de Virginia Wolf (Albee) et en 2008 pour La vie devant soit (Gary). On la voit au cinéma chez Blier, Demy, Mocky, Corneau, Lelouch ou Berri. Elle est la mère de Clovis Cornillac et du metteur en scène Arny Berry.

  • Henri Courseaux : Acteur et chanteur, Henri Courseaux prête également sa voix à nombre de doublages (South Park, Hé Arnold, Bob l’éponge), il œuvre principalement sur les planches : il a fait les beaux jours d’Au théâtre ce soir dans les années 80, alterne les classiques (Shaw, Shakespeare, Feydeau, Labiche, Molière…) et les vaudevilles (il campe un personnage odieux mais savoureux dans Le diamant rose aux côtés de Jacques Balutin, mise en scène de Michel Roux) et apparaît occasionnellement au cinéma et à la télévision. Il crée, irrégulièrement, des shows musicaux et a sorti deux albums. 

  • Philippe Dormoy : Né en 1953, il débute au théâtre amateur avant de passer professionnel dans les années 70 et alterne depuis théâtre, cinéma et télévision (on l’a vu deux fois chez Patrice Leconte, dans Tandem et Monsieur Hire (d’après Simenon !), chez Yves Boisset dans Jean Moulin ou l’Affaire Dominici de Pierre Boutron). Il reviendra dans la série en 2002, plus gradé cette fois, dans le rôle du commissaire Leduc dans Maigret et le fou de Sainte Clotilde.

  • Sunnyi Melles : Actrice allemande née en 1958, on a pu la voir dans Derrick, Tattort et Rex chien flic ou dans le téléfilm Balzac avec Gérard Depardieu. 

  • Johan Leysen : Comédien allemand né en 1950, il tourne aussi bien dans son pays natal qu’en France, à la télévision et au cinéma. On l’a ainsi vu dans Le roi danse, le Pacte des loups, Tykho Moon aussi bien que dans Boulevard du palais, ou Engrenages

  • Gildas Bourdet : Né en 1947, Bourdet est à la fois scénariste, comédien, metteur en scène, dramaturge et directeur de théâtre. Il travaille d’abord dans le nord de la France, puis s’offre un climat plus clément à Marseille puis remonte sur Paris. Auteur d’une dizaine de pièce, il a mis en scène près d’une centaine de pièces et d’opéras. Il est également un artiste peintre. 

  • Alain Tasma : Il débute comme assistant réalisateur pour Truffaut, Godard, Schroeder et Arthur Penn. Il réalise son premier film en 1988 : Jour de vagues avec François Berléand mais ne tournera plus que pour la télévision par la suite (à l’exception d’Ultimatum), principalement sur des téléfilms. 

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Anecdotes : 

  • Maigret appelle pour lui signaler la perte d’un de ses mouchoirs, offert par sa mère, alors qu’il l'a confié à Else Van Ritter !

  • L’épisode fut tourné en mars 1992 au Grand-Duché du Luxembourg.

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7. MAIGRET ET LES CAVES DU MAJESTIC

Première diffusion : 22/01/1993

D’après Les caves du Majestic (1939) – Roman

Scénario : Santiago Amigorena, Claude Goretta

Réalisation : Claude Goretta

Interprétation : Jérôme Deschamps (Prosper Donge), Michel Caccia (Ramuel), Maryvonne Schiltz (Charlotte Donge), Marilù Marini (Gigi), Eric Desmarestz (juge Benneau), Jean-Pierre Gos (Lucas), Jean-Claude Frissung (Janvier), Veronike Ryke (Ellen Darroman), Terence Ford (Michael Clark), Charlotte Maury (Marie Deligeard), Jacques Ciron (directeur du Majestic), Pierre Julien (Monsieur Jean), Pablo Veron (Eusebio), Roger Burckhardt (Jolivet), Michel Cassagne (Gardel), Francis Coffinet (Désiré), Pierre Banderet (patron brasserie), Nicolas Bridel (médecin), Judith Burnett (Mlle Borms), Brian Richards (avocat), Nader Farman (M. Charles), Patten Nigel (interprète), Jean-Marie Daunas (patron du Pélican), Arthur Deschamps (le fils de Prosper)

Résumé : Dans les caves du palace parisien, le Majestic, le responsable de la cafèterie, Prosper Donge, découvre le cadavre d’une femme dans les vestiaires de l’hôtel. Epouse d’un industriel américain en vacances sur Paris, Maigret découvre rapidement que la défunte était Française et avait autrefois été l’amie de Prosper Donge…

Critique :

Une baisse de régime flagrante dans cet épisode, un peu différent des autres. Précisons d’avance, pour écarter toute ambigüité, qu’un Maigret « moyen » de la première période de la série est largement supérieur en qualité à un épisode « moyen » de la troisième et quatrième période (années 2000). Néanmoins, après des réussites comme Le corps sans tête et La nuit du carrefour, force est de constater à quel point l’épisode paraît assez fade en comparaison.

L’intrigue est honnête mais manque de piquant. Elle se déroule sans peine, avec un Maigret très tranquille, qui peine à démêler le vrai du faux et surtout, s’obstine à trouver le petit détail qui, il en est certain, lui manque. Rien ne pousse véritablement Maigret vers la vérité, hormis un certain sens de l’observation, un peu de déduction et beaucoup, beaucoup de chance. Son hypothèse se vérifiera bien, mais qu’elle semble hasardeuse et curieusement amenée. Un simple voyage à Aix-les-Bains et une après-midi passée dans la cuisine du Majestic lui suffisent pour trouver son coupable. Certes, il en parle tout le film, il l’évoque, il s’interroge à son sujet, comme on ressasse une idée, sans mettre le doigt sur ce qui nous gène. 

Et on dirait bien que ce qui gène Maigret, c’est le coupable lui-même. Il ne cessera d’y revenir par de toutes petites touches, sans l’apprécier, en s’en moquant presque, en opposition avec la personnalité de celui que tout accuse, Donge, que Maigret apprécie visiblement beaucoup, lui. C’est avec une opinion presque forgée dirait-on, un parti pris, que Maigret poursuit ses investigations, vers son coupable, jusqu’à l’humiliante confrontation au restaurant. Il piège son coupable, l’accuse, sans aucune preuve. L’homme se tait, baisse la tête, évite les regards : il est donc bien le meurtrier. Le personnage n’avouera d’ailleurs rien, il se contentera d’arborer un petit sourire suffisant, comme s’il savait que Maigret n’a rien contre lui.

Maigret le gifle, pour se soulager l’avoue-t-il lui-même, rare mouvement d’humeur de sa part, exaspéré par ce personnage pourtant insignifiant qu’on nous présente comme un petit génie. Et puis, Maigret, démonstratif, suffisant lui-même, devant l’assemblée de tous les protagonistes de l’affaire (on se demande bien pourquoi tout le monde est là, d’ailleurs), se lance dans une explication générale de toute l’histoire, certain de son fait, sans aucune preuve toujours (oui, j’insiste) et retrace, comme un magicien, l’intégralité du meurtre, de ses motivations à son déroulé et même, à ses ratés. Si une séquence similaire passe dans la Nuit du carrefour, c’est parce qu’il manque des éléments à Maigret, qui émet des hypothèses, pose des questions et se fait confirmer les réponses. Ici, rien de tel : c’est la grande démonstration, pleine d’éloquence mais qui sied fort mal à Maigret. Mais peu importe : il a raison, il arrête donc le coupable, congédie tout le monde et referma la porte de son bureau derrière lui. Fin. Vraiment curieux…

La réalisation, un peu paresseuse, n’aide pas à la manœuvre : trop lente, pas assez rythmée, digressive et au montage trop sage. On alterne de banals champs et contrechamps et ce ne sont pas les alléchants plans sur la cuisine du Majestic qui sauvent l’ensemble : ils ne servent pas à grand-chose, car on ne sent pas réellement Maigret s’imprégner des lieux, comme il le fait d’ordinaire. D’ailleurs, Maigret n’est pas comme d’habitude. Certes, il fait preuve d’une belle empathie pour le suspect et son entourage, mais dès le départ du film, on sent bien qu’il ne sera pas dans son assiette. Bousculé par un client trop pressé de l’hôtel, il laisse tomber sa pipe qui se brise au sol. Dès lors, il arbore un visage particulièrement fatigué, et se traîne dans les décors, sans chapeau ni manteau. Bien sûr, il fait beau, il n’en a donc pas besoin. Mais cette petite trahison au personnage qu’il construit depuis quelques épisodes n’en est pas moins gênante. 

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans l’épisode, loin de là. La luminosité est très belle, des clairs obscurs embrumés du petit matin baignant dans un soleil doux à Paris ou dans le train pour Aix aux belles vues du Lac Léman faites de bleu et d’or. Les éclairages intérieurs, tamisés, mettent en valeur les personnages, faits de pleins et de creux, évoquant à l’occasion les tableaux classiques des maîtres flamands. Les scènes se déroulant dans le bureau du juge Benneau par exemples, sont magnifiques, de même que celles du cabaret (tiens, encore des stripteaseuses… Décidément…). 

Quelques séquences savoureuses, brèves, mais véritablement plaisantes : Maigret face à l’odieux responsable de la poste privée, Maigret dormant dans le train, contre une vitre les cheveux aux vents, Maigret forçant une femme à pénétrer dans son compartiment sous l’œil médusé des autres passagers…

La force de l’épisode réside dans son interprétation, comme toujours excellente à cette époque de la série, servie par de très bons dialogues. Jacques Ciron, incarnant le directeur de l’hôtel très embêté mais véritablement serviable, est délicieux. La confrontation entre Maigret/Cremer et Donge/Deschamp dégage une très belle émotion, faite de compréhension, de fraternité et d’amitié. Jérôme Deschamps, dans le drame, est remarquable. L’interrogatoire de Gigi, droguée, perdue, désespérée, où Maigret fait montre d’un véritable abus de faiblesse, est troublante et apporte une autre dimension au personnage, un peu désagréable mais c’est plutôt une bonne idée. La meilleure scène du film est probablement celle où l’Américain Clark, dans le bureau du juge, est furieux contre Maigret qui vient de l’arrêter. D’abord arrogant, pédant, son attitude change peu à peu, et sa physionomie est extraordinaire. Mis devant le fait accompli (sa femme l’a trompé, lui a menti), menottes aux poignets, il sort une cigarette qu’un Maigret, bonhomme, vient lui allumer. La scène, cocasse, offre une belle prestation de comédiens et humanise quelque peu ce personnage froid. La scène finale lui offre d’ailleurs une nouvelle occasion d’étoffer son personnage, belle surprise dans le film. 

Seul notre coupable manque d’envergure, mais ce n’est pas la faute de son interprète : si seulement on lui avait fourni des dialogues un peu consistants, voire des dialogues tout court ! 

Il fait plaisir de retrouver Janvier, mais on ne le voit pas assez, comme toujours. C’est également la première des deux apparitions de Jean-Pierre Gos dans le rôle de l’inspecteur Lucas. Il n’aura guère eu le temps de se distinguer, malheureusement. Ni bon, ni mauvais, il est là. Il ne le serait pas, ce serait un peu pareil.

Au total, il s’agit de l’épisode le plus faible du premier coffret des Maigret/Cremer. Cela dit, Les caves du Majestic n’est pas non plus désagréable à regarder, il procure un petit sentiment de mollesse et de facilité, mais par bien des aspects, il est dans la lignée de la « saison ». 

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Informations supplémentaires :

  • Jérôme Deschamps : Né en 1947, Dechamps est acteur, metteur en scène, auteur dramatique, réalisateur de directeur de théâtre. Neveu d’Hubert Dechamps (vu dans l’épisode précédent) et petit cousin de Jacques Tati (avec qui il collaborera). Avec sa compagne et partenaire Macha Makeieff, il crée en 1993 la compagnie des Deschiens, qui se rendra célèbre sur Canal +. Il interprète et met en scène de nombreuses pièces depuis les années 70, aussi bien des classiques que des créations. 

  • Jacques Ciron : Né en 1927, il devient une figure très populaire du théâtre de boulevard (L'amour foot) et comme second rôle au cinéma (Les Ripoux) grâce à sa voix et à son allure particulière. Grande figure du doublage, il prête sa voix à nombre de dessins animés et comédiens américains tout en continuant d’apparaître régulièrement au cinéma et sur les planches. 

  • Michel Caccia : Acteur français issu du conservatoire et de l’Ecole Robert Hossein de Reims, il joue les classiques au théâtre, des rôles secondaires au cinéma et multiplie les petites apparitions à la télévision. 

  • Marilù Marini : née en 1945, c’est une actrice argentine, ayant principalement travaillée en France. Alternant drame et franche comédie, elle joue principalement pour Alfredo Arias, dans des rôles particulièrement déjantés. Œuvrant quasiment exclusivement sur les planches, elle apparaît à l’occasion dans quelques films indépendants. 

  • Erick Desmarestz : Quelques films au profit de ce comédien prolifique et éclectique (La Zizanie, la Carapate, Rive droite, rive gauche, La 7e cible, Les choristes…) il fréquente deux fois l’univers de Maigret avec Jean Richard (L’amie de Madame Maigret en 1977 et L’affaire Saint Fiacre en 1980) et reviendra, toujours dans le rôle marquant du juge Benneau en 1996 pour Maigret et la tête d’un homme. Notons qu’un de ses tous premiers rôles à la télévision fut en Grande-Bretagne, en 1977, dans le rôle d’Ivan, dans Le Long sommeil : le réveil de l’ours, dans… la deuxième saison des New Avengers

  • Jean-Pierre Gos : Né en 1949 en Suisse, il débute comme dessinateur de presse, et se fait comédien en 1979. On l’a vu au cinéma chez Altman, Besson, Sfar ou Costa Gavras. Chanteur lyrique, il exerce également à l’opéra, dans des mises en scènes de Savary par exemple, et il a également écrit ou adapté plusieurs spectacles. 

  • Terence Ford : Né en 1945, petit frère d’un certain Harrison Ford, il n’a que peu joué la comédie, métier qu’il n’appréciait pas particulièrement et n’a jamais accédé à la même notoriété que son illustre aîné. Cet épisode est d’ailleurs l’un de ses derniers rôles : il s’est en effet retiré du métier en 1997 pour se consacrer avec succès à la photographie.

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Anecdotes : 

  • L’épisode fut tourné en partie à l'Institut Beau-Cèdre de Clarens ainsi qu'au Montreux-Palace, sur les bords du Lac Léman, en Suisse.

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8. MAIGRET SE DÉFEND

Première diffusion : 7 Mai 1993

D’après Maigret se défend (1964) – Roman

Scénario : Gildas Bourdet, Andrzej Kostenko

Réalisation : Andrzej Kostenko

Interprétation : Agnès Soral (Aline), Claude Faraldo (Palmari), Anne Bellec (Mme Maigret), Eric Prat (Torrence), Raoul Delfosse (le directeur de la PJ), Philippe Dujanerand (Dr Mélan), Vincent Martin (Lourtie), Jean-Paul Solal (le préfet de police), Sylvie Laguna (assistante dentiste), Antoine Marin (inspecteur Barnacle), Jean Saudray (le lad), Catherine Hosmalin (la prostituée), Raphaëline Goupillaud (la femme de ménage), Alain Sachs (le prêtre), Sylvie Herbert (la concierge)

Résumé : En pleine nuit, Maigret reçoit à son domicile le coup de téléphone affolée d’une jeune fille, Nicole Prieur. Il la rejoint dans un café où elle lui raconte qu’on a tenté d’abuser d’elle et qu’on lui a volé son sac. Paternaliste, Maigret l’amène dans un hôtel. Le lendemain, Maigret, qui enquête sur une affaire de vols de bijoux, est convoqué dans le bureau du Préfet de police. Nicole Prieur, fille d’un haut fonctionnaire de l’Etat, accuse en effet Maigret d’avoir tenté d’abuser d’elle. Maigret est persuadé que Palmari, l’homme qu’il soupçonne d’être à la tête des vols de bijoux, tente de le mettre en cause. Il poursuit son enquête sur Palmari, tout en essayant de démêler la vérité…

Cet épisode forme un diptyque, à mettre en lien avec La patience de Maigret (épisode 11), auquel il sert de prélude (et bénéficiant de la même équipe technique). Simenon les a écrit coup sur coup et ils forment une belle entité, qu’on aurait aimé voir retranscrite à l’écran telle quelle. Intercaler entre les deux films deux autres épisodes est une curieuse idée, qui n’apporte rien à l’histoire, et au contraire, brouille les pistes. 

Bénéficiant d’une intrigue originale et efficace, Maigret se défend voit un Maigret accusé, mis en cause par sa hiérarchie pour une sombre histoire de mœurs, histoire qui, on s’en doute, ne tient pas debout, mais se trouve bien amenée. En effet, gêné que le commissaire principal de la PJ soit mis en cause, le préfet ne peut suspendre Maigret (il ne dispose d’aucune preuve, ni même d’acte d’accusation) qui se trouve contraint malgré tout de poursuivre ses investigations, dans l’ombre, flanqué de son fidèle Torrence. Le soutien sans faille de Madame Maigret (quel plaisir de retrouver Anne Bellec !) ne sera pas de trop pour aider le commissaire à y voir clair et à ne pas lâcher prise. La scène de sa « mise au vert » est éloquente à bien des propos. 

L’épisode pourrait s’intituler Maigret se trompe s’il n’y en avait pas déjà un. En effet, rarement Maigret aura autant baigné dans l’erreur, comme il le reconnaît lui-même à la fin du film. Persuadé que Palmari, qu’il serre de très près, est derrière ce coup monté, il s’obstine longtemps à ne pas tenir compte des indices qui percent dans le brouillard, lui indiquant une autre direction. Pourtant, il remarque bien des détails curieux chez le dentiste Melland exerçant en face de chez Palmari. Mais comme un chien ne voulant pas lâcher son os, il refuse de voir la vérité jusqu’à ce qu’une opportune lettre anonyme le mette sur la voix. L’effet est un peu facile et on peut regretter ce rebondissement banal mais il fallait bien que Maigret progresse. Enfin intéressé par la personnalité peu banale du dentiste, il va pouvoir découvrir l’origine du coup monté, particulièrement bien troussé. 

Notons beaucoup d’humour dans cet épisode, bien plus que dans les précédents, dans les échanges savoureux entre Torrence (enfin incarné par le trop rare Eric Prat) et Maigret, lorsque Maigret « se heurte » avec un chauffeur mécontent (à noter le gamin qui en profite pour chiper des pommes à l’arrière plan avant de retourner voir ses parents !) ou lorsque ce dernier s’entretient avec le directeur de la PJ (premier de la série, il est magnifiquement interprété par Raoul Delfosse qui ne reviendra qu’une seule fois, dans La patience de Maigret, justement).

Alors, pourquoi refuser au film la note ultime ? Pourquoi l’adhésion n’est-elle pas totale ? La faute en revient à la délocalisation de la série. La 5 ayant fait faillite, Maigret cherche de nouveaux financements et souhaite baisser ses coûts de production. La solution viendra de Prague, en République Tchèque. La ville présente l’avantage de ressembler « à peu près » au Paris des années 50 et tourner en extérieur est beaucoup moins cher. Alors : va pour Prague, où seront par la suite, pratiquement tournés tous les Maigret, y compris les scènes en studio. S’en ressent un décor nouveau, auquel on a parfois du mal à s’habituer, la magnifique capitale tchèque n’étant tout de même pas Paris. Certes, la réalisation gomme les imperfections ; les accessoires, enseignes, plaques de rue évoquent les arrondissements parisiens ;  les très belles lumières embellissent l’image, mais il y a quelque chose de changé à l’écran et cela se voit.

Cela s’entend aussi. En effet, plusieurs comédiens pragois évoluent dans le métrage et ce n’est pas toujours heureux. Ils sont en effet post-synchronisés par des comédiens français et le décalage est flagrant. Ils doublent parfois même plusieurs personnages (à l’instar de Jean-Pierre Moulin, voix «régulière» d'Anthony Hopkins, qui double à la fois le docteur Pardon et un chauffeur de taxi !). Le doublage des acteurs pragois se fera un peu plus heureux par la suite (et encore, pas toujours…) mais ici, le résultat est assez catastrophique. La direction d’acteurs semble également approximative par moment les concernant. 

Si Maigret se défend conclut un peu abruptement ce premier coffret des Maigret, nous terminons par un épisode cependant très honnête, totalement centré sur Maigret, offrant à Bruno Cremer davantage de nuances, face au doute, face à l’incertitude. Un bon cru à voir, et à revoir avec plaisir. 

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Informations supplémentaires

  • Agnès Soral : Actrice franco-suisse, Agnès Soral est née en 1960. Elle débute en remplaçant au pied levé une comédienne dans Voyage avec la drogueet la mort au théâtre en 1976. Ses premiers pas au cinéma sont fort dénudés aux côtés de Jean-Pierre Marielle dans Un moment d’égarement de Claude Berri. Ce rôle d’adolescente topless séduisant le meilleur ami de son père marque le public. Elle retrouve Berri six ans plus tard aux côtés de Coluche dans Tchao Pantin. Elle œuvre ensuite chez Boisset, Poiré, Mocky ou Lelouch sans dédaigner la télévision et retourne à l’occasion sur les planches. Elle est la sœur cadette de l’écrivain polémique et controversé Alain Soral. On la retrouvera avec plaisir dans La patience de Maigret dans le deuxième coffret des Maigret

  • Claude Faraldo : (1936-2008) Acteur, scénariste et réalisateur français d’origine italienne, Faraldo suit le cours Simon avant de fonder la société ArtMédia. Autodidacte, contestataire, libertaire, il met en scène des films très personnels, anarchistes, révolutionnaires. Soutenu par Prévert, ami des acteurs du Café de la Gare, sa carrière aussi atypique que riche est à découvrir. L'histoire avec Palmari, et donc avec Faraldo, trouvera sa conclusion dans La patience de Maigret 

  • Eric Prat : Né en 1956 à Tokyo, Prat est surtout connu pour son rôle dans Maigret. Au cinéma, on l’a vu dans Tatie Danielle, Scout toujours, le Pacte des Loups et il est le savoureux patron de Dujardin dans OSS 117 : Le Caire, nid d’espions. Homme de théâtre, il est l’époux d’Arielle Boulin-Prat, la consultante Des chiffres et des lettres

  • Philippe du Janerand : Né en 1959, il est le fils du peinte Daniel du Jannerand. Outre le rôle du huileux dentiste de cet épisode, on l’a remarqué dans un grand nombre de seconds rôles au cinéma (le premier client, dans Taxi : c’est lui !) ainsi qu’à la télévision.

  • Raoul Delfosse : (1924-2009) Grand comédien de cinéma, il a travaillé pour les plus grands (Welles, Verneuil, Oury, Frankenheimer, Christian Jacques, Bunuel) et joué beaucoup de classiques au théâtre (Shakespeare, Vian, Musset, Shaw). 

  • Andrzej Kostenko : Né en 1936 à Lódz en Pologne, il débute comme directeur de la photographie, où il fait ses premières armes. Il sera tour à tour chef opérateur, scénariste, acteur et réalisateur. Outre un épisode de Novaceck, il a surtout tourné des épisodes de séries télévisées polonaises.  

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Anecdotes :

  • Après Maigret et la grande perche, nous retrouvons ici encore un dentiste en meurtrier. Simenon avait-il une « dent » contre cette branche du corps médical ?

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