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 saison 4Présentation

Angel

Saison 5

Rappel préliminaire :

Les épisodes 5.11 et 5.20 voient l'apparition d'Andrew Wells. Andrew est un jeune homme qui fut un des ennemis de Buffy dans la saison 6 de la série avant de devenir son allié en saison 7. Il est spécialisé dans l'invocation de démons. Ayant survécu à la bataille finale de Sunnydale, il est depuis aux ordres de Buffy. Grâce à l'enseignement de Giles, l'Observateur de Buffy, il est depuis Observateur de plusieurs des Tueuses activées par le sortilège de Willow dans le dernier épisode de la série. Il a une grande affection pour Spike. Toutefois, il demeure un geek intégral, spécialiste de la Pop culture, et souvent un peu idiot. Il n'en est pas moins très loyal et généreux.


1. CONVICTION
(CONVICTION)



Scénario : Joss Whedon

Réalisation : Joss Whedon

Angel Investigations dirige la filiale de Wolfram & Hart à Los Angeles depuis maintenant une semaine. Harmony devient sa secrétaire, et une belle jeune femme, Eve, lui sert d’intermédiaire avec le Bureau Interne. Angel Investigations doit apprendre à composer entre leur croisade de champions et satisfaire les clients de la firme, presque tous serviteurs du mal. Leur première mission : innocenter Corbin Fries, un client dont le procès semble sans espoir. Et Fries a un argument de taille : s’il échoue en prison, il activera magiquement une bombe qui détruira Los Angeles…

La critique de Clément Diaz

Libéré de Buffy et de Firefly qui ont pris fin l’année précédente, Whedon peut reprendre son poste de showrunner d’Angel, et s’y consacrer tout entier. Conviction enveloppe dans une intrigue au suspense minuté les piliers de cette saison : tourbillons éthiques (pacte avec le diable pour faire le bien, le prix à payer), tensions entre Angel Investigations et leur équipe diabolique, apparitions d’Eve et de Knox, retour d’Harmony (mais aussi d’un invité surprise), un retour aux sources avec la rédemption d’Angel, et une atmosphère (relativement) plus lumineuse en comparaison des saisons passées - sans renoncer bien sûr aux catastrophes en série.

On commence par une remarquable double introduction. La séquence pré-générique nous fait mesurer le chemin parcouru depuis le pilote de la série où Whedon répète la première scène mais en l’assortissant d’une fin différente et comique, mesurant le conflit d’Angel entre sa croisade philanthrope et son poste d’entreprise privée. La scène suivante est un étourdissant plan-séquence de quatre minutes et demie (spécialité Whedon), où la caméra parcourt avec virtuosité la fastueuse salle d’entrée de Wolfram & Hart ainsi que les différents postes attribués à nos héros (on se croirait devant le pilote de A la maison blanche), et leurs sentiments face à leur nouvelle situation. Le décor est planté avec vélocité et précision. Knox et son merveilleux interprète, Jonathan M. Woodward, confirment les promesses de Home : d’une sympathie et d’une courtoisie subtilement excessives, il distille déjà un malaise trouble, renforcé par un petit rapport de séduction avec Fred. Sans atteindre le piquant de Lilah, Eve, incarnée par la superbe Sarah Thompson, instaure tout de même une jolie bataille psychologique avec Angel (hilarant gag de la pomme), en le titillant sur le conflit entre sa mission et son nouveau poste. Mais avouons-le, par son brio burlesque, c’est le retour d’Harmony qui ravit le cœur du spectateur. Portée par une Mercedes McNab jouant comme personne la crétinerie gratinée, ses scènes avec un Angel au-delà de la consternation crépitent d’un joyeux délire.

On retrouve nos héros chéris : si Lorne et Wesley sont égaux à eux-mêmes, Fred fait le difficile apprentissage du leadership, se montrant dure à l’occasion (Amy Acker peut étendre son registre), Angel tente de jongler avec son dilemme, qui est de servir le Bien, tout en étant forcé de couvrir les arrières des serviteurs du mal ; et Gunn prolonge le mystère qui l’entoure jusqu’à la révélation finale dans une remarquable scène de tribunal où, suffoqués, nous le voyons en avocat flamboyant. J. August Richards (très beau en smoking) subjugue dans ce rôle inattendu où il rivalise de brillance avec les avocats de Law & Order (dont Whedon avoue l’hommage). Le créateur s’applique à donner des partitions toujours plus diverses à ses acteurs, qui le lui rendent bien. Le show garde ainsi ses qualités d’innovation.

Le scénario est une efficace course contre la bombe, en plus de faire naître un suspense constant (montage rapide, multiplicité des actions et des points de vue, twist final), développe aussi les conflits entre Angel et ses « troupes » pas vraiment ravis d’être aux ordres d’un serviteur du Bien (saignant final dans l’école) qui doit à l’occasion se montrer aussi rude qu’eux. On lève le pouce pour le repoussant méchant du jour, un agité furieux et dangereux incarné avec feu et furie par Rodney Rowland. Cerise sur le gâteau, Whedon termine avec une surprise qui ravira toute l’audience.  Au final, un début en fanfare !

La critique d'Estuaire44


 

- What happened to mercy ?

- You just saw the last of it.   ²

Conviction souffre d’insérer un certain doublon avec le final de la saison précédente, avec une nouvelle visite, heureusement en accéléré, du nouveau décor de la série. Celui-ci (quelque peu différent du précédent) impressionne par ses dimensions et sa finition, mais on avouera demeurer nostalgique de l’atmosphère élégamment surannée de l’Hypérion, tout comme on l’aura jadis été de la Bibliothèque de Giles. L’arrivée de « nouveaux » personnages relativise également cette redite. On retrouve avec plaisir un Harmony égale à elle-même, c’est à fire inégalable (hilarant dialogue avec un Angel sidéré comme jamais) et Eve se montre agréablement incisive et mutine, sans toutefois faire oublier Lilah, loin s’en faut. La survenue inattendue de Spike crée évidemment la sensation pour une série soignant toujours autant ses cliffhangers. Joss Whedon tire le meilleur parti de la mise en scène, avec plusieurs effets tout à fait pertinents, dont un remarquable plan séquence initial.

Parallèlement les figures de l’ex Angel Investigations trouvent leur marques dans ce nouvel univers, avec Wesley récupérant avec naturel sa place de second, mais un Lorne à la partie showbiz toujours sous-exploitée. On apprécie que J. August Richards, très à l’aise,  ait désormais un nouveau potentiel à exprimer, tout un conservant un certain mystère autour ce qui est advenu à Gunn. La série s’oriente vers un fort plaisant Legal Show mâtiné de Fantastique (quoique, dans étrange venu d’ailleurs. Wolfram & Hart ne pourra jamais rivaliser avec Fish & Cage), La parenthèse de l’amateur de fessées se montre irrésistiblement absurde, Californication n’est pas loin. L’histoire du jour résulte relativement minimaliste mais sert de liant utile à la mise en place du décor de la saison, tout en ménageant un nouvel affrontement spectaculaire au Dark Avenger, dont on atteint décidément vite les limites de la miséricorde.

  • Le pilote de saison est écrit et réalisé par Joss Whedon, désormais revenu aux commandes après l’arrêt de Firefly et de Buffy.

  • Angel arbore une nouvelle coiffure. Il s’agit de celle qu’avait Boreanaz pour le tournage, durant l’inter saison,  du film  The Crow: Wicked Prayer. Whedon décida de la conserver  pour le pilote de saison, car donnant une allure plus sophistiquée au personnage.

  • Cordy n’est pas de retour, Whedon a indiqué ne plus avoir désormais de nouvelle histoire à développer autour du personnage, après avoir particulièrement développé celui-ci au cours des saisons précédentes. Angel reste le seul représentant de l’équipe initiale de la série.

  • Le retour d’Harmony fait d’elle le personnage le plus durable du Buffyverse. Elle était présente dès le pilote non diffusé de Buffy, contrairement à Angel.

  • Une paralysie faciale de Denisof fut diagnostiquée peu de temps avant le tournage de l’épisode. Whedon s’attache à filmer le visage de Wesley du côté droit, le gauche étant          alors paralysé, sans que cela n’apparaisse trop à l’écran.

  • L’avocat s adressant à Angel lors de la séquence pré générique est interprété par T.J. Thyne, qui effectuera deux autres apparitions en cours de saison. Il retrouvera par la suite Boreanaz, en devenant le Dr. Jack Hodgins, personnage régulier de Bones (2005-2014).

  • Whedon a indiqué être un grand fan de la série Law & Order, dont il s »est inspiré pour les scènes de tribunal.

  • Le plan séquence de près de cinq minutes montrant Angel et les siens prenant leurs fonctions dut être tourné à 27 reprises pour convenir à Whedon. A l’issue de ce marathon, il tint à remercier comédiens et techniciens pour leur professionnalisme.

  • L’enveloppe adressée à Angel montre que les bureaux de Wolfram & Hart sont situés sur Spring Street. Souvent surnommé « le Wall Street de l’Ouest », il s’agit de l’artère principale du quartier des affaires, située dans le Downton Los Angeles. Le quartier regroupe les sièges des plus grandes institutions financières de Californie, des boutiques et hôtels luxueux, ainsi que l’hôtel de ville de la Cité des Anges. Les façades de style Beaux-arts de ce quartier remontant aux années 1900 lui vaut de figurer dans de nombreuses productions et d’être inscrit comme monument historique.

  • La saison débute immédiatement après les évènements de la précédente, une rareté dans le Buffyverse.

  • Le poster qu’installe Fred dans son bureau représente les Dixie Chicks. Ce trio féminin texan, fondé en 1989, s’est fait connaître dans la Country Music, mais aussi la Pop. En 2003, le groupe avait l’objet d’une forte controverse pour s’être publiquement opposé à l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis.

  • Lorne sonde les employés en leur faisant chanter There Once Was a Man, une chanson extraite de la comédie musicale The Pajama Game (1954). Il y est fait mention de l’Eve biblique, un clin d’œil à la nouvelle émissaire des Associés Principaux.

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2. JUSTES RÉCOMPENSES 
(JUST REWARDS)

Scénario : David Fury et Ben Edlund, d’après une histoire de David Fury

Réalisation : James A. Contner

Libéré de l’amulette de Lilah, Spike apparaît dans le bureau d’Angel, mais il constate qu’il est immatériel et que parfois même il disparaît. Pendant qu’Angel Investigations enquête pour trouver un moyen de lui redonner une apparence physique, Angel entre en conflit ouvert avec un nécromancien après qu’il ait refusé de lui fournir des cadavres. Spike, ravi à l’idée d’embêter Angel, ne cesse de coller à ses basques…

La critique de Clément Diaz

Le retour de Spike exauce tous les souhaits du spectateur. Grâce à lui, les dialoguistes sont les stars de l’épisode, enchaînant les mitraillettes de vannes entre les deux vampires (on se croirait dans une sitcom vraiment barrée). James Marsters avale l’écran, et son duo avec un David Boreanaz furieux et effondré est une tarentelle burlesque non-stop. La seconde moitié de l’épisode vire au suspense et à l’émotion lorsqu’ils font face à des choix moraux qui les impliquent l’un l’autre. Malgré une histoire un peu sacrifiée, le rythme élevé et divers assure une nouvelle réussite.

L’on sait qu’Angel et Spike n’ont jamais pu se supporter. Si en plus Angel n’a aucun moyen de le flanquer à la porte, on ne peut qu’assister à une succession frénétique de dialogues vachards. Angel se défend bien, mais au jeu de la tchatche et aux répliques qui tuent, Spike, plus extraverti que jamais, mène aisément la barque. Pendant près d’une demi-heure, le spectacle ne s’interrompt pas, pimenté par les réflexions d’Harmony, qui nous fait un festival de mimiques irritées à se tuer, ou de quelques autres blagues comme celle bien gore des trois seaux. Mais Fury et Edlund sont habiles à ne pas faire qu’un show purement gratuit. Ainsi, la présence de Spike sert aussi à faire des commentaires ironiques et assez justes sur le dangereux équilibre entre Bien et Mal sur lequel marche le Fang Gang (ici assez invisible), ou à se moquer d’une façon « moderne » de vaincre le mal (grâce au… fisc !).

Surtout, Spike continue sa rédemption à lui, bien qu’il l’ait déjà plus ou moins trouvée grâce à son sacrifice ultime à Sunnydale. Détestant Angel, et ravi à l’idée de lui nuire, il reste cependant conscient qu’ils sont du même côté, et du fait, on ne croit jamais vraiment à sa trahison. L’intérêt est en fait ailleurs : elle est justement dans ce dilemme entre rivalité et devoir, et dans le processus lent et difficile de leur déclaration de paix (armée bien sûr, on est pas fou). Elle se trouve aussi dans la belle coda avec Fred, où Spike le solitaire ravale son ego pour lui demander de l’aide, et demander lui aussi à être un héros, quelqu’en soit le prix. Du coup, on se fiche un peu du méchant du jour, mais on lui sait gré de remplir le reste avec suffisamment de roublardise et d’humour à froid. Il achève complètement cet épisode tonique, exemplaire de la direction un peu plus légère de cette saison.

La critique d'Estuaire44

- Fair ? You asked for a soul. I didn't. It almost killed me. I spent a hundred years trying to come to terms with infinite remorse. You spent three weeks moaning in a basement, and then you were fine. What's fair about that ?

Le grand atout et sujet de Just Rewards consiste bien entendu dans la confrontation entre Spike et Angel, promise par le cliffhanger précédent et à laquelle le récit consacre tout l’espace qu’elle mérite. David Fury maîtrise à l’évidence le sujet et apporte une vis comica irrésistible à cette hilarante scène de ménage non stop, tendance vieux couple. Tous les ressorts de la relation entre les deux Vampires (passé commun, Buffy, âme) se voient passés à la centrifugeuse, grâce à de percutants dialogues. Fort heureusement Boreanaz et Marsters jouent pleinement le jeu et se montrent complices, au lieu de jouer à qui volera la scène. Mais Fury ne limite pas la déflagration au seuil aspect humoristique. Il participe grandement à recentrer la série sur ses fondamentaux, abordant au fil des discussions ses thèmes essentiels : la quête de rédemption et de ce qui élève  un individu au rang de héros. On apprécie également le rappel condensé de l’évolution  historiques du Spike : pur méchant (du moins en apparence), mais aussi diminué et s’en remettant à un humour cynique et enfin loyal serviteur du Bien. Fury sait également équilibrer les positions, Angel n’apparaissant pas exempt de tout reproche ;

Le retour de Sunnydale porte pleinement ses fruits, Harmony participant avec entrain à la bonne humeur générale, prenant la place occupée par Cordy durant les premières saisons. On regrette toutefois que son travail ne soit pas plus clairement défini, le poste de secrétaire personnelle d’un PDG d’une firme come Wolfram & Hart ne saurait s’accompagner d’une présence à l’accueil. /L’histoire du jour, certes avant un tout un prétexte, ne se voit pas sacrifiée pour autant avec un Nécromancien aussi savoureux que machiavélique et un lot substantiel d’action et de rebondissements. Deux réserves sont toutefois à noter. L’irruption d’une figure aussi majeure que Spike au sein de la série pourrait amoindrir l’importance des équipiers d’Angel, effectivement ici réduits à la portion congrue. De plus l’opus apparaît comme un second pilote de saison, partiellement contradictoire avec le précédent. Conviction mêlait le Fantastique à la série judiciaire, tandis qu’ici  le mélange s’effectue plutôt avec la sitcom. Il serait dommageable que la tonalité de la saison s‘éparpillât. Mais, à tout prendre, mieux vaut une excellente sitcom que le mauvais soap opera de la période précédente !

  • Le gag du lancer de cuillère aurait été incorporé par Ben Edlund, auteur sur Firefly, en clin d’œil à son personnage The Tick. En effet le héros de ce Comics de Super héros parodique (1986) se bat avec une cuillère et son cri de guerre est Spoon !.

  • Le diffuseur WB était désireux de capitaliser sur le succès de Buffy et signifia à Whedon qu’Angel aurait davantage de chance d’être renouvelé si cette série intégrait Spike. James Marsters n’accepta qu’après avoir vérifié auprès de Boreanaz que cela ne posait pas problème à ce dernier de désormais presque partager l’’affiche.

  • Comme souvent dans les séries mettant en scène des fantômes, quelques incohérences apparaissent. Ainsi Spike est immatériel, mais parvient à s’asseoir dans le fauteuil d’Angel.

  • Le laboratoire de Fred est désormais situé au niveau du rez-de-chaussée, c’est à dire du décor principal, alors qu’il était à l’étage lors de l’épisode précédent.

  • Marsters interprète Spike pour la centième fois à l’occasion de cet épisode.

  • L’action se déroule 19 jours après celle de Chosen et la destruction de Suunydale (qui ne semble avoir guère suscité d’émoi à Los Angeles).

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3. LA FILLE LOUP-GAROU 
(UNLEASHED)

Scénario : Elizabeth Craft et Sarah Fain

Réalisation : Marita Grabiak

Nina Ash, une jeune femme, est attaquée par un loup-garou. Angel arrive à temps pour la sauver, mais pas suffisamment pour l’empêcher d’être mordue. Nina ayant pris la fuite, Angel Investigations doit tout faire pour la retrouver, car elle ne sait pas qu’elle va devenir un loup-garou. Mais des agents renégats de Wolfram & Hart cherchent également à mettre la main sur elle pour des raisons peu avouables. Pendant ce temps, Spike disparaît de plus en plus…

La critique de Clément Diaz:

Avec cet épisode, on renoue avec la formule primitive de la série : protéger les innocents du monde des ténèbres, avec Angel devant user d’empathie (et de gros poings dans la gueule des méchants) pour mettre en confiance sa protégée du jour. Le scénario du duo Elizabeth Craft-Sarah Fain instaure une intrigue en trois temps, passant de la psychologie à l’action avec efficacité, quoiqu’un peu prévisible.

La recherche de Nina sous l’implacable compte à rebours avant le lever de la lune a un quota correct de frissons et de suspense, mais on est loin du suspense infernal à la 24 heures chrono ou à la Tru Calling. La description de la métamorphose progressive de Nina est toutefois bien rendu, grâce aux effets visuels de Marita Grabiak, montrant un beau sens de l’horreur. Et on adore Spike qui aimerait bien qu’on s’occupe de son problème à lui et qui suit très agacé le déroulement de l’enquête. La deuxième étape est la plus intéressante, où nous adoptons cette fois le point de vue de Nina, qui doit désormais s’accoutumer à sa nouvelle nature, et qui s’effondrerait sans la sympathie encourageante d’Angel et la grande douceur d’une Fred toujours aussi adorable. Ce soutien touche, tout en nous faisant voir le monde d’Angel d’un autre œil ; un exercice de style classique et déjà utilisé tant chez Buffy que chez Angel, mais qui continue de marcher. Jenny Mollen convainc largement dans ce rôle peu aisé.

La troisième partie démarre sur un étonnant twist, caractéristique de l’atmosphère de paranoïa de cette saison. Nos amis dirigent des employés qui n’attendent que le bon moment pour se retourner contre eux, ils sont ainsi très isolés. Un aspect original de cette saison qui lui apporte ce qu’il faut d’intensité. C’est ici très prégnant, avec notamment une scène d’interrogatoire très drôle de Lorne, et une beaucoup plus, huhum, musclée, d’Angel. On admire l’originalité du but des bad guys, inversion hilarante des clichés des films humains vs. loups-garous. Cela permet un final assez stupéfiant, et un twist final bien vachard. Angel est toujours aussi peu prodigue en pitié, la Buff aurait certainement été moins impitoyable. C’est dans ce genre de scènes que l’on voit toute la différence entre ces deux séries si semblables à la forme, mais au fond si différent. Une preuve de la richesse du Buffyverse. On finit sur un épilogue joliment apaisé avec en plus quelques pétillements de séduction entre Angel et Nina assez mignons. Un retour aux sources réussi.

La critique d'Estuaire44:

- So, you're like a family?

- Yeah, a demon-hunting, helpless-helping, dysfunctional family.

La première partie d’Unleashed, autour de la transformation mentale, puis physique, de Nina Ash, collectionne les scènes classiques et incontournables des diverses histoires de Lycanthropie, comme d’autres enfilent des perles. Le manque de créativité scénaristique est absolu, mais l’opus parvient à compenser par une mise en scène particulièrement suggestive à propos de ce que ressent Nina Ash. La réalisatrice Marita Grabiak se montre toujours aussi douée, on la créditera même du premier loup garou vraiment réussi du Buffyverse. Tout vient à point (et même à cru) à qui sait attendre.

Après ce premier segment tout de même particulièrement balisé, le scénario a l’heureuse idée d’opérer une bascule et de développer une idée cette fois originale et décapante, en inversant les rôles lors de ce banquet de gourmets humains gourmets es monstres. Cela nous vaut un effet joyeusement Gore (plus en en suggéré qu’à l’écran) assez similaire aux Dieux Païens bien cramés de Supernatural, amateurs de sacrifices humains eux aussi à consommer sur place (plus à l’écran qu’en suggéré). Après le Prétorien et le Nécromancien, la saison a la bonne idée de compenser l’absence de Big Bad par des Joyeux de la Semaine gratinés copieux. Le cruel destin réservé au traître autorise un effet Dark Avenger fort gouleyant. Décidément on touche vite aux limites de la pitié d’Angel et on aime ça.  Au loin on entend Angelus ricaner.

Ceci permet de compenser un Spike décevant en gentil Casper un peu grognon, il est temps que cet arc s’achève et que William entre vraiment  dans la partie. Hélas les ultimes scènes achèvent de faire basculer cet opus inégal dans le décevant, avec ce happy ending sirupeux et hors sujet dans cette série. C’est quoi cette chanson mielleuse ? Avec les petits hauts suggestifs, voire inexistants, on fait fort question joliesse. Pour le coup, quand Sam Winchester tombera amoureux d’une Louve Garou sympathique (Heart, 2-17), Supernatural restera fidèle à son esprit, de manière définitive. La scène finale de la pizza fait trop sitcom, pour le coup. Et puis tout ceci fait malgré tout doublon avec Oz (évidemment jamais évoqué), à force d’incorporer des éléments issus de Sunnydale (tiens, de nouveau une blonde aux alentours d’Angel) pour que le public propre à Buffy ne s’en aille pas, la série risque de perdre son identité.

  • Jenny Mollen (Nina) fut une prétendante au rôle d’Eve. Elle ne fut pas retenue mais sa prestation convainquit Whedon de lui confier le rôle de Nina Ash.

  • Surnommée Werewolf Girl par les fans, Nina va participer à deux autres épisodes, Power Play et Smile Time.

  • John Billingsley (Dr Royce) est une figure régulière des séries SF/Fantastiques. Il est notamment le Dr. Phlox de Star Trek Enterprise. Il devient ici un loup garou (puis un civet) mais sera le vampire Mike Spencer dans True Blood.

  • Angel pénètre dans la résidence de Crane sans y avoir été invité.

  • En fin d’épisode, quand Angel papote avec Nina dans la voiture, on entend la chanson La Cienega Just Smiled, de  Ryan Adams (2001).

  • La chanson qu’interprète Royce devant Lorne est Dr. Royce est Jesse's Girl, de Rick Springfield (1981).

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4. AU BORD DU GOUFFRE
 (HELL BOUND)

 

Scénario : Steven S. DeKnight

Réalisation : Steven S. DeKnight

Pendant que Fred continue de trouver une solution pour Spike, ce dernier passe de plus en plus de temps dans une des faces cachées de Wolfram & Hart : une antichambre de l’Enfer où il croise des esprits tourmentés qui le rapprochent dangereusement de la damnation éternelle. Angel Investigations se demande si toute la situation n’est pas orchestrée par un autre joueur dans la partie…

 

 

La critique de Clément Diaz:

S’il y’a une qualité que l’on ne peut nier à Steven S. DeKnight, c’est l’ambition. Amateur de spectaculaire, efficace dans les grosses vagues de noirceur jetées sans crier gare au spectateur, il arrive cependant qu’il s’enferre dans une idée ingénieuse et profonde à laquelle il ne parvient pas à donner un développement satisfaisant. Hell bound en est un exemple parfait. Le récit, émietté, trop lent, au crescendo d’effroi trop artificiel, peut toutefois se reposer sur l’imposante performance de James Marsters, et un Big Bad bien dingo et grandiloquent comme on l’aime.

Spike étant un des personnages les plus fascinants du Buffyverse (voire le plus fascinant tout court), l’auteur saisit l’occasion d’explorer un Spike que l’on ne connaissait pas : après le Big Bad/Gag Man fanfaron, le tourmenté amoureux cherchant la rédemption, voici l’isolé tenaillé par la peur et le découragement devant la menace des flammes éternelles, qu’il tente de masquer par sa tchatche légendaire (niveau dialogues, DeKnight n’a à peu près rien à envier à Whedon). Sur ce point, pleine réussite : James Marsters brille dans ce registre inédit, marionnette manipulée par « L’Âme Noire » (Simon Templeman, totalement halluciné en gardien sadique) et son diabolique jeu de chat et de la souris dans lequel Spike est pris au piège.

Toutefois, l’horreur est un genre qui demande de l’originalité pour se distinguer sous peine de paraître cliché et mécanique. Et c’est sur ce travers que tombe le scénariste : apparitions au hasard d’une poignée d’apparitions, longues marches solitaires comme autant de temps morts, visions fugitives peu effrayantes, menaces proférées platement… et même plagiat d’une ficelle scénaristique de Ghost ! La longue errance de Spike dans cet Achéron ne distille aucun effroi, malgré le numéro du bad guy. Toutefois le twist final, où Spike fait un bouleversant… sacrifice (oui, tout le monde y passe dans cette série), touche, tout comme sa relation très amicale et souriante avec Fred (Amy Acker, au sommet de son quotient sympathie). Et l’auteur sait habilement dépeindre Angel sous un jour peu flatteur, toujours dans le déni quant au changement de Spike (peur de ne plus être unique, peur qu’il lui pique Buffy une fois de retour…). L’auteur confirme qu’il est aussi un réalisateur très inspiré, par de belles perspectives, mais son talent tourne à vide dans sa propre histoire. On émerge de l’épisode avec le sentiment d’être passé à côté d’un chef-d’œuvre.

La critique d'Estuaire44:

- I never told anybody about this, but I…  I liked your poems.

- You like Barry Manilow.

Tout en confirmant la nature de patchwork d’une saison sans réel conducteur et changeant sans cesse de tonalité, Heel Bound constitue un bel exercice de style, avec une adaptation à la fois fidèles et inventive des divers passages obligés du cinéma d’épouvante. Greenwaltse nous régale en multipliant les marronniers (lumière électrique crépitant avant de s’étreindre, solitude du héros, medium brusquement terrassé, jeune femme sous la douche ou hurlant à la moindre occasion, etc.) tout en les narrant de manière fluide et savamment progressive. La mise en scène, visuelle et musicale joue pleinement son effet : rendre les couloirs impersonnels aussi inquiétants, sinon davantage que le décor plus ad-hoc de l’Hypérion compose un bel exploit. Le plus haut fait d’arme de cet opus réside toutefois dans le fait que cette plongée dans l’angoisse en huis clos dans des couloirs désertés, très à la After Hours,  survient non pas à l’un des quidams proverbiaux de la Twilight Zone, mais bien à un Etre des Ténèbres, et pas n’importe lequel, le Spike en personne.

Le voir perdre progressivement contenance jusqu’à avoisiner l’abîme s’avère ainsi d’autant plus déstabilisante pour le spectateur. L’impeccable prestation de James Marsters assure le succès de l’épisode et illustre à quel point l’acteur maîtrise un personnage endossé de longue date. Les commentaires plaisamment distanciés de Fred et des autres soulignent plaisamment le caractère Geek assumé du récit, avec une certaine saveur à la Scream. On se régale de la scène où Spike cherche à améliorer son moral auprès d’Angel le Facétieux, ce qui s’avère une entreprise au résultat toujours assuré. L’intervention de l’antagoniste du jour, comme souvent parfaitement dessiné cette saison, tombe à pic pour relancer le scénario, d’autant que Simon Templeman impressionne par sa présence sinistre. La chute tombe comme un couperet, décidément la fréquentation de Wolfram & Harm incite Angel à se la jouer plus Dark Avenger que jamais.

On regrettera l’emploi du procédé visant à souligner l’enferment en ramenant toujours Spike au même point (la table et  chaise du sous-sol), car déjà employé avec Alex lors de Sleepless. De même il résulte dommageable que l’affrontement d’esprit entre Spike et Pavayne se résolve par des coups de poings, par ce qu’il est inscrit dans la charte que chaque épisode compte au moins une bagarre.  Les maquillages jurent également quelque peu avec la finesse de la mise en scène. Mais Hell Hound démontre clairement le formidable savoir-faire atteint par la série en tous domaines.

 

  • I'm kind of a dog person déclare Angel quand Gunn évoque le « chat » occupant la Salle Blanche. Boreanaz fut en fait initialement  repéré par un agent d’acteurs  alors qu’il promenait son chien.

  • Simon Templeman (Pavayne) est la voix du Vampire Kain dans la série de jeux vidéo Legacy of Kain.

  • L’épisode fut le seul des séries Buffy et Angel à être déconseillé aux personnes sensibles par son diffuseur.

  • James Marsters incarne ici Spike pour la centième fois.

 

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5. UNE FÊTE À TOUT CASSER 
(LIFE OF THE PARTY)

Scénario : Ben Edlund

Réalisation : Bill Norton

Lorne se dépense tout entier pour préparer la fête d’Halloween de Wolfram & Hart. Au cours de la fête, Lorne exhorte Angel Investigations à se défouler, mais les choses commencent à dérailler quand ses amis suivent son conseil avec un peu trop… d’enthousiasme. De plus, un cadavre est retrouvé dans les toilettes…

La critique de Clément Diaz:

On est reconnaissant à Ben Edlund de centrer un épisode sur Lorne, sous-employé depuis l’affaire de la bouteille magique, et de vouloir faire un remake du Mariage de Buffy. Mais il reste très en-deça de l’ouragan comique de son modèle. Malgré un Lorne magistral, et quelques dérapages croustillants, l’épisode ne nous donne guère de gags à croquer, tout en se lestant d’une métaphore peu subtile.

Après une étourdissante introduction où Lorne se déchaîne en organisateur débordé, le tempo freine des quatre fers. Lorne passe un tiers de l’épisode à convaincre Angel Investigations de participer à la fête, mais ces interventions font plus sourire que vraiment rire. L’énergie d’Andy Hallett ne peut animer à elle seule ce prélude aux dialogues trop abondants. Malgré une visite passablement allumée chez un Seigneur démon (il semble que l’art de la vanne soit plus que jamais un sport national dans le Buffyverse), la fête reste assez sage, l’épisode ne déployant pas l’humour qui aurait pu naître d’Harmony en dancing queen, ou de la personnalité bourrine des invités, simples éléments du décor. Edlund s’enferme dans une quadrature du cercle en voulant injecter de la tension mais sans y introduire de Big Bad (le monstre final n’est qu’une plaisanterie), là où Tracey Forbes avait prudemment opté pour la comédie pure.

Du coup, l’épisode délaye massivement. Il arrache quand même quelques rires, non pas par les mictions répétitives de Gunn, de mauvais goût, mais avec le trip alcoolisé de Fred et de Wesley (Alexis Denisof et Amy Acker élèvent le surjeu au rang d’art) aussi loufoque que douloureux, avec Fred crucifiant une deuxième fois Wesley en le chauffant à mort avant de lui dire qu’elle s’est entichée de Knox (l’occasion d’un dernier plan bien amer). Il y’a aussi Spike en Yes man (aussi terrifiant que Snyder en ado attardé). Mais on avouera un faible pour les scènes de séduction ironiques entre Angel et Eve, grâce bien sûr au toujours excellent David Boreanaz mais aussi à la performance aussi acide qu’hilarante de Sarah Thompson, plus dans la malice que dans la rouerie de Lilah. Lorne assure un show fantastique en roi de la fête qui pousse des gueulantes quand il n’y a pas assez de fun. Par contre, tout le final est grotesque avec l’apparition du « monstre métaphorique » et la résolution bâclée. Un épisode léger mais qui pêche par un mauvais mélange entre humour et tension. Heureusement, Ben Edlund va se ressaisir, et va par la suite tout casser avec Smile time, un épisode totalement hystérique.

La critique d'Estuaire44:

- And Eve, you stay here with me. We'll have more sex.

-  I'm on it!

On apprécie que Life Of The Party se découvre comme un épisode centré sur Lorne, ce personnage original et très attachant - l’une des meilleures idées de la série - n’ayant pas été assez à l’honneur depuis son retour de Las Vegas. La première partie du scénario se montre intéressante de ce point de vue, illustrant de manière adéquate l’adaptation problématique d’une âme d’artiste ayant à assumer pleinement l’aspect professionnel et cynique du show business. La séquence d’introduction se montre remarquable à cet égard, entre ébullition et confrontation des ces deux facettes très à la Twilight Zone, tendance Nervous Man in a Four Dollar Room. Sa partie bohème et musicale entonne Don’t Leave Me This Way à celui qui est désormais devenu un entrepreneur harassé, de plus guère considéré par ses partenaires.

L’épatant et sympathique Andy Hallett confirme ici tout son réel talent d’acteur, supportant aisément la charge principale d’un récit qui sonne juste également grâce à lui. On apprécie cette pertinente appréhension des caractères, que cela soit dans le détail (Harm évidemment première diva du dancefloor de la soirée) ou chez le personnage toujours clef du méchant. L’Archiduc, très fin de race, ses gros bras débiles et son mignon se montrant aussi drôles qu’irrésistiblement décadents.. Décidément la saison opte pour une totalité plus légère et des antagonistes pour le moins pittoresques, sans doute pour accueillir au mieux le public transfuge de Buffy, que l’ambiance sinistre et tourmentée des arcs précédents pourrait rebuter.

Hélas tout se gâte quand survient la fête et se manifeste le pouvoir de Lorne. Angel s’était jusqu’ici fardé à juste titre d’épisodes festifs, exogènes à sa nature profonde. Ici l’évolution devient trop brusque et marquée, menaçant de dénaturer une série devenant un Buffy bis et, qui plus est, inférieur à son modèle. En effet l’idée scénaristique des vœux involontaires avait déjà été employée à Sunnydale (Something Blue), avec autrement plus de talent. A côté de l’humour grinçant d’un Giles devenant aveugle ou de l’absurde relation entre Buffy et Spike, les gags du jour se montrent vraiment éléphantesques : Gunn fait pipi, Wes et Fred sont ivres, Angel et Eve copulent. Belle ambition. Seul le Spike se montre à son avantage en réjoui décalé. De plus la résolution de l’intrigue se voit bien trop accélérée, pour laisser place à la bagarre de service, avec un simili Hulk en invité vedette bien avant la déferlante des Marvel Avengers, ce qui achève de minorer cet opus ne tenant pas ses promesses. 

 

  • L’apparence monstrueuse de l’alter ego de Lorne constitue un clair clin d’œil à L’Incroyable Hulk. Celui-ci sera mis en scène par Whedon dans The Avengers (2012).

  • Andy Hallett a indiqué avoir rencontré Lou Ferigno, l’interprète d’Hulk durant la série de CBS (1977-1982). Les deux acteurs ont sympathisé, à propos notamment des pénibles séances de maquillage en vert.

  • Diffusé un 29 octobre, il s‘agit de l’unique épisode d’Halloween de la série, une tradition plus marquée dans Buffy contre les vampires.

  • Des employés de Wolfram & Hart évoquent la fête d’Halloween de l’année précédente, or la totalité de la branche de Los Angeles a été exterminée par la Bête.

  • Angel est surpris par Lorne en train de regarder un match de Hockey sur glace. David Boreanaz est effectivement un grand fan de ce sport, notamment des Philadelphia Flyers.

  • La chanson entonnée par Lorne durant le prologue, puis entendue durant la fête, est Don’t Leave Me this Way, de Thelma Houston (1976). Ce grand succès de la Motown est devenu un hymne de la communauté gay masculine de Californie, contre le SIDA. La chanson fut reprise par de nombreux artistes, dont les Communards et Cher, pour ses fameux spectacles à Las Vegas.  

 

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6. CŒUR DE HÉROS
 (THE CAUTIONARY TALE OF NUMERO CINCO)

Scénario : Jeffrey Bell

Réalisation : Jeffrey Bell

Angel Investigations est tenu en échec par un démon qui arrache le cœur de personnes ne semblant avoir aucun lien entre elles. Une recherche leur apprend qu’un seul homme a vaincu ce démon par le passé : un ancien catcheur mexicain à leur service, Numéro Cinq. Mais Angel traverse une crise de confiance, se mettant même à douter de la prophétie Shanshu et de la valeur de son combat…



La critique de Clément Diaz:

Jeffrey Bell, passionné de catch, réalise un rêve de jeunesse en écrivant et dirigeant une histoire s’intéressant à ce milieu. Cependant, à l’exception de quelques scènes d’action assez inédites, son histoire échoue sur toute la ligne : Angel Investigations, y compris leur leader, n’influencent aucunement - ou à peine - les événements en cours. Une décision qui aurait pu marcher si toute la place avait été laissée à Numéro Cinq (cela aurait donné un épisode original), ce que rejette l’auteur. Conséquence : aucune action, manque d’intérêt envers l’invité du jour, tempo désespérément lent. Quant aux doutes d’Angel, caution émotion du jour, ils sont vite expédiés.

Numéro Cinq, l’invité du jour, divertit un moment par sa saga familiale (et légèrement parodique) mais il souffre de ne pas être développé. Il n’a rien à exprimer, si ce n’est une honte séculaire et une recherche d’héroïsme. Le parallèle avec Angel sur ce dernier point, grassement surligné, est le seul travail de fond sur cet histoire. Sa très relative mise en avant fait que notre dream team ne décolle pas de leurs bureaux, tandis qu’Angel assiste davantage en spectateur qu’en acteur des événements. Ironiquement, Numéro Cinq ne fait à peu près rien non plus, l’épisode délaie par conséquent sur du vide. Le final est révélateur : Angel lance bien quelques beignes, mais c’est le quintette musclé qui résout l’affaire. Le monstre n’est qu’une silhouette ; tant qu’à arracher des cœurs, on préfère largement les Gentlemen de Hush. On s’ennuie tout le long de cet épisode qui se prend trop au sérieux. Restent toutefois une excellente bande-son « locale » (guitares et castagnettes à gogo) et quelques scènes de catch impressionnantes, mais qui ne font guère illusion.

Les états d’âme du Dark Avenger eussent pu émouvoir, mais le point n’est guère mieux traité ; les dialogues restent d’ailleurs sous-écrits. L’atonie de l’action en cours ne motive guère les comédiens qui ne vont pas au-delà du minimum syndical, malgré un David Boreanaz ne ménageant pas ses efforts. L’attention est quelque peu relevée par l’hypothèse que le champion de la prophétie ne soit pas Angel mais Spike (qui a vraiment l’air de s’ennuyer), mais au final, cet épisode qui n’a pas su trouver une voie à lui s’oublie immédiatement après son visionnage.

La critique d'Estuaire44:

- Notice no matter how uptown we go we always wind up at some stanky hole in the middle of the night ?

On reste pour le moins dubitatif devant The Cautionary Tale of Numero Cinco. Ecrire un épisode aux tonalités hispaniques et mexicaines dans une série se situant en Californie représentait à la base une idée naturelle et prometteuse. Mais le biais choisi pour cela demeurera abscons pour les  non férus de catch mexicain, la haute en couleurs lucha libre, et de l’univers particulier des films d’El Santo. Les références à ces univers occupent une part primordiale du récit et parleront sans doute davantage au public américain qu’européen. Tout cela résulte donc passablement artificiel pour le non averti, ce qui est d’autant plus frustrant qu’il existait des voies plus habiles pour aborder le sujet et davantage insérées dans le Los Angeles réel.

La série semble ainsi  décidément tourner le dos à ce fut jadis l’un de ses meilleurs éléments constitutifs, au profit d’un univers fantasmagorique plus proche celui de Sunnydale. L’identité de la série se dilue ave ce nouvel opus davantage hors sujet que décalé, après Life of the Party. On perd aussi en qualité, l’espace imparti aux éléments culturels faisant que l’ossature de l’intrigue proprement dite résulte vraiment minimaliste. Le véritable sujet qu’aurait pu constituer la relativisation du statut de Héros d’Angeln’est qu’à peine abordé. Au total on se trouve face à un moyen maladroit de faire revenir la Prophétie au cœur des débats, pour préparer la suite de la saison. 

 

  • L’épisode devait initialement s’intituler Night of the Luchadors.

  • L’épisode s’inspire largement d’El Santo, célèbre catcheur mexicain masqué et héros de plusieurs films et bandes dessinées d’action hauts en couleurs, durant les années 50 et 60. Il reste encore aujourd’hui une icône mexicaine de la défense de la justice et des opprimés.

  • La carte de visite aperçue durant le flashback indique que le Numero Cinco a été embauché par Holland Manners.

  • L’épisode suit une trame très similaire à l’épisode La terreur en héritage de la série Dossiers brûlants (1975), voyant un culte aztèque voulant ressusciter la momie d’un être maléfique en lui offrant en sacrifice le cœur de personnes parfaites.

  • Jeffrey Bell a indiqué avoir souhaité écrire un épisode à propos du catch mexicain dès sa participation aux X-Files, mais l’opportunité ne s’y est jamais présentée.

  • Un Cri de Wilhelm est entendu en début d’épisode.

  • Le thème musical accompagnant les flashbacks est Guero Canelo, de Calexico. Ce groupe entremêle la musique mariachi à des sonorités rock et country.

 

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7. LIGNÉE
 (LINEAGE)

Scénario : Drew Goddard

Réalisation : Jefferson Kibbee

Fred est sévèrement blessée lors d’une mission dirigée par Wesley qui tourne au fiasco. En pleine crise de confiance, Wesley reçoit la visite de Roger, son père, qui lui propose de réintégrer le Conseil des Observateurs. Mais c’est alors que le cabinet est attaqué par une armée de cyborgs…

La critique de Clément Diaz:


Le jeune mais surdoué Drew Goddard débarque juste de Buffy et doit relever le défi de respecter l’univers plus sombre d’Angel. Malicieusement, il joue la sécurité en se concentrant sur Wesley, le personnage le plus complexe de la série (hormis Spike) : l’épisode ne peut donc qu’être excellent… à condition de connaître à fond tout le personnage. Pari gagné par l’auteur qui s’emploie même à creuser davantage sa psyché ténébreuse. Si l’histoire est trop sacrifiée à la psychologie, Alexis Denisof se montre une nouvelle fois étincelant.

Depuis qu’il a intégré Angel Investigations, Wesley n’a cessé de devenir plus sombre et même franchir plusieurs lignes éthiques, au-delà même de ce que s’autorise Angel. Il est donc le plus en proie à la douleur, à la haine de lui-même. Son angoisse pour la santé de Fred qu’il a mis en danger (brutale introduction, remontrances inhabituellement féroces d’Angel, conclusions pertinentes d’Eve sur la peur d’Angel d’être de nouveau trahi) l’affaiblit davantage. C’est à ce moment que son père vient le voir, et sa venue déclenche de nouveaux troubles de confiance : maladresses rappelant l’imbécile de Buffy, connaissances imprécises (grinçante scène de la bombe), rappel de ses échecs passés, et évidemment relation sans chaleur avec son géniteur.

La composition sèche et sobre de Roy Dotrice (encore très vert pour ses 80 ans !) complète à merveille celle très expressioniste de Denisof, en surtension permanente, mais froidement maîtrisée. L’on sent vraiment une communication pourrie de l’intérieur, que rien ne réparera. Cependant, il faut avouer un gros manque de suspense, toute la première partie ne s’appuyant que sur la psychologie. Le climax sur le toit est toutefois riche en suspense, consommant la frustration et la fureur entre les deux Observateurs, avec un acte très symbolique de « tuer le père ». On remarque toutefois que Wesley ne franchit pas l’ordalie de lui-même mais uniquement grâce à son amour non partagé pour Fred. Cela accroît sa fragilité intérieure et donc sa dimension tragique : Comme son employeur le déclare, Wesley est celui qui prend les décisions les plus dures, les plus douloureuses, quelque soit le prix, pour le bien commun. L’amer final où Wesley laisse Fred partir vers Knox, comme un deuxième renoncement (après celui de Couplet en saison 3) tout en subissant une nouvelle humiliation téléphonique ne fait que confirmer l’errance de ce fascinant personnage dans ses abysses d’amertume, sans bonheur personnel possible.

L’attaque de cyborgs (et un fulgurant twist) est certes un prétexte un peu capillotracté pour insérer à tout prix une histoire autre que la pure psychologie, mais cela permet à Whedon de rendre un bel hommage aux films de ninja (geek un jour, geek toujours).

La critique d'Estuaire44:


- Lorne runs our entertainment division.

- Entertainment division? Well, I can see how that would be very useful in the fight against evil.

- You'd be amazed at how many horrible movies we've stopped.

Malgré le thème SF hors sujet des ninjas cyborgs (sérieusement ?), qui aurait beaucoup mieux convenu à une attaque de Buffy par le Trio, Lineage signifie un heureux retour à la tonalité spécifique de la série.  En effet la découverte du père de Wesley, certes reproduit, mais à l’identique aussi bien physiquement que psychologiquement, permet de compléter le puzzle de l’identité de Wesley. Le récit expose avec finesse le carcan patriarcal dont l’un des protagonistes les plus complexes aura su progressivement s’affranchir pour devenir lui-même. La composition particulièrement subtile de Denisof indique d’ailleurs une relative régression de son personnages au contact de la figure paternelle, jusqu’à retrouver des postures de sa période Sunnydale.

La confrontation familiale se déroule sur un mode ne laissant guère d’ouverture à l’espoir d’un renouveau et avec des ruptures humoristiques ponctuel soulignant la caractère sombre de la situation, comme souvent chez Whedon. L’opus bénéficie également d’un puissant moteur avec la confrontation particulièrement porteur entre Denisof et l’excellent Roy Dotrice, particulièrement dans son emploi avec cette figure paternelle anglaise. Le récit ne s’y cantonne toutefois pas s’offrant un twist fort bien amené et quelques scènes succulentes telles la confrontation entre Eve et Spike ou les épanchements d’un Angel ayant toujours sa manière bien à lui de remonter le moral de ses proches. On peut regretter que l’expéditeur des ninjas cyborgs (pourquoi pas des tortues ninjas ?) se maintienne dans un flou tellement pratique.

 

  • Nous découvrons ici, par procuration, le père de Wesley, Roger Wyndam-Pryce, évoqué auparavant à plusieurs reprises.

  • Ni l’instigateur du complot, ni ses motivations, ne seront révélés par la suite.

  • Il est interprété par l’anglais Roy Dotrice, notamment connu pour le rôle de Père dans la série La Belle et la Bête (1987-1990). Ce grand acteur de théâtre fut également élevé au rang d’Officier de l’ordre de l’Empire Britannique, par la Reine Elizabeth II.

  • Having sex with robots isn't as unusual as people may think declare Spike, en allusion au Buffybot.

 

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8. DESTIN 
(DESTINY)

Scénario : David Fury et Steven S. DeKnight

Réalisation : Skip Schoolnik

Spike ouvre un paquet mystérieux qui lui est destiné : un flash se déclenche… et il redevient corporel ! Simultanément, toutes les machines de Wolfram & Hart se dérèglent, et des employés de la firme sombrent dans une folie sanguinaire. Eve et Sirk, un employé de Wesley, expliquent que l’univers entier commence à être perturbé car Spike de nouveau corporel est désormais un second candidat pour être le champion de la Prophétie Shanshu, ce que la « roue du destin » ne supporte pas. Pour les départager, Spike et Angel doivent retrouver la coupe de « L’éternelle souffrance » et y boire. Chacun étant persuadé d’être le champion de la prophétie, les deux vampires font la course l’un contre l’autre…


La critique de Clément Diaz:

Grand moment que cet épisode qui nous offre ce qu’on attendait impatiemment depuis le School Hard de Buffy (6 ans !) : le vidage de querelle entre Angel et Spike. Mais les scénaristes ne s’arrêtent pas au règlement de comptes, aussi divertissant soit-il, mais l’enrichissent d’un débat idéologique sur l’héroïsme (patte de David Fury) inséré dans une bagarre sanglante d’une violence étourdissante (patte de Steven S. DeKnight). Ils explicitent enfin la raison de la haine entre les deux vampires tout en concluant la saga des Fab Four via de somptueux flashbacks (plaisir de revoir Drusilla). L’enquête du jour lorgne plaisamment vers les films de « contagion ». Le twist final est une secousse qui ravira tout le monde. Perfection à tous les étages.

L’on pouvait penser que Spike retrouverait son corps à l’issue d’une quête éprouvante ; les auteurs choisissent de nous surprendre en se défaussant brutalement de cette carte dès l’introduction. Brûler ses vaisseaux est en effet une caractéristique de Whedon. L’épisode est en fait une étude de caractère sur Angel et Spike, qui chacun cherchent une raison de vivre, et la trouvent tous deux dans une destinée de héros. Angel, en expiation perpétuelle, veut devenir un héros racheté pour mettre fin à sa quête douloureuse. La motivation de Spike est l’amour de Buffy, il veut être digne d’elle et de ses croyances. Dans les deux cas, ce n’est pas l’amour de l’humanité qui les pousse. De plus, malgré les arguments qu’ils s’opposent, on peut se demander si ce n’est pas l’orgueil et la rivalité qui les pousse à vouloir prendre le dessus sur l’autre. Tout cela complexifie leurs portraits. La question est de savoir qui « mérite » d’être un héros. Et cela est le sujet d’une des plus époustouflantes bagarres jamais réalisées à la télévision (dix minutes !) : les deux vampires, ivres de sang et de haine, sont pris dans une spirale d’adrénaline sanglante, et de violence réaliste : la scénarisation de Steven S. DeKnight est absolument incroyable. En plus des poings, les mots blessent tout autant : Angel se défend en exposant ses deux siècles d’expiation de ses crimes, et qu’il mérite cette « récompense » d’être un héros. Mais il doit faire face aussi au fait que Spike s’est battu pour avoir son âme, contrairement à lui, et qu’il est dans le déni quant à l’évolution psychologique et physique de son rival. Le résultat du duel se montre au final logique, creusant encore plus les failles d'Angel.

Les flashbacks confirment l’intéressant cas de Spike, « anomalie » dans le monde des vampires selon David Fury : transformé en vampire, William the bloody demeure un poète romantique idéaliste, marqué par les femmes qui jalonnent sa route. Il rêve d’un amour paroxystique avec Drusilla, et, armé d’un semblant de conscience, invente ses propres règles. Lorsque la frivolité de Drusilla et le mépris de toute morale d’Angelus lui explosent à la figure, cela marque une cassure définitive avec son « grand sire ». L’on remarque a posteriori que Spike a continué à vivre selon ses règles, et qu’ainsi, il a refusé de suivre la règle d’or d’Angelus (« pas de règles »). Là où Angelus flamboie en génie du mal grandiloquent, Spike expose sa psyché abyssale, capable de sentiments humains émouvants entre deux atrocités. Drusilla apparaît comme fascinée par Spike, mais ne semble pas s’investir autant que lui dans cette relation (qu’on se rappelle du quasi ménage à trois en saison 2 de Buffy). Trahi par des femmes qui le déçoivent, l’on comprend mieux ses instincts de revanche (Harmony simple objet sexuel) avant sa découverte de la femme idéale, celle qui le changera à tout jamais : Buffy. Cette complétion de son portrait achève de faire de Spike le personnage le plus fascinant du Buffyverse.

La critique d'Estuaire44:

- Probably should have dusted you, but frankly I don't want to hear « her » bitch about it.

Destinity nous permet de retrouver avec plaisir la toujours parfaite Juliet Landau, à l’occasion d’un de ces télescopages entre présent et passé que les deux séries de Whedon ont toujours réussi autour du plus célèbre clan vampirique de la télévision. La première rencontre entre Angelus et Spike constituait d’ailleurs l’un des rares éléments du puzzle à manquer à l’appel. Sans atteindre les cimes virtuoses du Fool For Love de Buffy contre les Vampires, les interactions entre les époques provoquent derechef de jolis effets lors de l’affrontement central entre Spike et Angel. Bien évidemment les talentueux auteurs saisissent l’occasion d’élargir la lutte pour la Coupe à l’ensemble du contentieux existant entre les deux Vampires, un tour d’horizon à la fois complet et apportant une intensité particulière à un combat toujours plus violent et absolu. Leur duel épique et sans pitié aucune est un très grand moment dantesque, on n’en attendait pas moins des deux gaillards.

Toutefois la réussite ne semble pas totale. Présenter Dru comme motif essentiel de la rivalité entre Angel et Spike est tout de même à relativiser depuis que le ce dernier ait proposé à Buffy d’occire son ex en gage d’amour. Parallèlement la part impartie à Buffy dans l’exposé de leurs différents apparaît vraiment réduit à la portion congrue. Evidemment le véritable problème de l’opus réside dans la sensation facile que s’offrent les auteurs avec le triomphe de Spike, ce qui n’aurait jamais du survenir. On ne croit pas vraiment à l’argument selon lequel Spike désirait le plus la Coupe, Angel étant un homme devoir. De fait ici on rebat les cartes de l’univers de la série simplement pour offrir un frisson aux fans de Willie, jusqu’à ce que les auteurs rétropédalent piteusement, par ce que bon, c’est Angel le Héros de sa série, tout de même. Le Destin ne s’est bien entendu pas prononcé, en fin de compte. Ce ne sont pas seulement nos Vampires qui sont escroqués par la perspective de la Coupe, mais aussi le public.

Destiny n’en demeure pas moins un épisode captivant, riche en bagarres et effets horrifiques spectaculaires, se concluant sur un nouveau cliffhanger tonitruant, la charmante Eve nous ayant bien eu. L’entrée à part entière de Spike dans l’action et le retour de Lindsey se montrent tout à fait prometteurs pour une saison se trouvant enfin un fil conducteur.

 

  • Wes est absent du fait des événements précédents. En fait Alexis Denisof et Alyson Hannigan se marièrent durant le tournage.

  • Lindsey McDonald est de retour, un événement soigneusement gardé secret par la production. Sa scène ne fut rajoutée au script qu’au tout dernier moment, par une lettre confidentielle de Joss Whedon parvenant à l’équipe de production juste avant le tournage.

  • Spike retrouve sa forme corporelle, en fait par l’entremise de Lindsey.

  • La musique qu’écoute Spike dans sa voiture est un instrumental extrait de la chanson Too Drunk To Fuck, des Dead Kennedys. (1981). Ce groupe de San Francisco est une figure de proue du Punk hardcore, mouvement s’inspirant de la musique punk anglaise des années 70, en y incorporant des thèmes américains, par  des paroles volontiers choquantes.

 

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9. HARMONY NE COMPTE PAS POUR DU BEURRE
(HARM'S WAY)

Scénario : Elizabeth Craft et Sarah Fain

Réalisation : Vern Gillum

Méprisée par ses collègues et par Angel, Harmony Kendall souffre de son isolement. Alors qu’Angel Investigations doit gérer une réunion de trêve entre deux races de démons ennemis, Harmony se réveille après une gueule de bois avec une très mauvaise surprise sur les bras. A-t-elle commis une erreur, ou quelqu’un cherche-t-il à lui nuire ? Harmony mène l’enquête avec son habileté coutumière…

La critique de Clément Diaz:

Une nouvelle fois après Disharmony, les auteurs s’intéressent à Harmony Kendall et à sa double facette Vampire cherchant sa place/Idiote massive. Si le récit paraît moins burlesque que la précédente fois (Cordélia manque ici), Harm’s way offre une intrigue respectant totalement la dualité du personnage : Harmony lutte pour briser sa solitude pendant qu’elle est plongée dans une histoire complètement crétine, qui évoque en mode mineur les échos iconoclastes de The Zeppo de Buffy. Le récit, parfaitement équilibré entre émotion et délire, souffre d’une mise en place trop longue, mais Mercedes McNab grossit au maximum le cliché de la blonde pulpeuse bêta ; le résultat est à déguster sans modération aucune.

Le récit commence sur un clip publicitaire de W&H joyeusement siphonné, tandis que l’introduction est une ode à la sensualité débordante de l’actrice. Par la suite, le premier acte délaye un peu trop sur la solitude d’Harmony. Elle permet cependant de voir les personnages principaux sous un autre jour : préoccupés à sauver le monde, ils ont autre chose à faire que de s’intéresser au bien-être de leurs employés qui peuvent finir par perdre la tête (et chez Angel, pas toujours au sens métaphorique). Angel, surtout, se montre impitoyable avec sa politique de « tolérance zéro » et martyrise plusieurs fois sa secrétaire, obscurcissant encore son portrait de Dark Avenger. Les pitoyables tentatives d’Harm pour se faire accepter ratent toutes : sa tristesse, sa gentillesse relative, la sympathie qu’elle dégage par sa mignonne frivolité sont encore plus évidentes qu’auparavant, jusqu’à faire disparaître sa nature « mauvaise ». Harmony demeure une adorable superficielle qui voudrait compter pour quelqu’un : être l’amie de Fred, le bras droit de son patron, chercher un homme qui la respecterait (Spike admet à demi-mot son détestable comportement envers elle), sans résultat. Cette face douloureuse et émouvante d’Harm est bien rendue. Pendant que Spike met en balance son désir de revoir Buffy et de continuer à être un héros.

Bon, mais avouons-le, si on aime Harmony, c’est surtout parce qu’elle sait déchaîner les gags. Et entre dialogues débiles - scène assez allumée avec Fred en « best friend forever » - gaffes massives (le gag du chameau est à la hauteur de la réputation de la demoiselle), et maladresses (éblouissant rencard avec l’inconnu du bar, il faut le voir pour le croire), on ne s’ennuie pas, même s’il faut attendre la moitié de l’épisode pour que l’histoire décolle. Cette enquête à la very bad trip accumule les situations délirantes avec notamment le running gag d’un placard à balais de plus en plus rempli par la panique de l’héroïne, ou ses crises de panique/furie tellement outrées que le comique l’emporte. L’enquête elle-même est délibérément stupide, puisque l’intérêt dans l’histoire consiste en les burlesques efforts de la blonde de se dépêtrer de sa situation et ne faisant que s’enfoncer davantage. Le final très musclé permet de voir qu’Harmony a fait de redoutables progrès en baston depuis le choc des Titans avec Xander, quoique la bagarre elle-même n’est pas filmé sans parodie. A côté, les démêlés d’Angel Investigations avec les démons hystériques (quel bestiaire !!) font bonne figure, avec notamment Gunn en traducteur dépassé ou Fred s’interrogeant à propos des hot boys qui lui tournent autour. La résolution des deux affaires est elle-même est une grosse blague de plus. Mercedes McNab a la patate, et a bien mérité ce passage au premier plan. Allez, les enfants, fin de la récréation !

La critique d'Estuaire44:



- Oh, what ? I don't get a goodbye, just because I went crazy and tried to rip your throat out while we were having sex ?

Harm’s Way (excellent titre !) continue la succession d’épisodes focalisés à chaque fois sur un membre donné de l’équipe, qui pour l’heure sert encore de quasi unique fil conducteur à la saison. L’élue du jour est la pétulante Harmony, et les auteurs ont la bonne idée de cadrer encore une fois la tonalité de l’opus sur sa personnalité centrale. Alors que l’on avait un drame familial ténébreux/ avec Wes, on trouve ici une comédie volontairement légère et quelque peu fofolle, aussi réjouissante que totalement gratuite. Harm telle qu’en elle même mais on apprécie l’originalité d’une narration développant des aspects du nouveau Wolfram & Hart jamais vus jusqu’ici. De fait le récit s’élargit à une étude caustique et plaisamment affûtée de la vie de bureau, où chacun pourra se retrouver. Le public français aura d’ailleurs parfois quasiment l’impression d’être devant Caméra Café ! Les deux auteures y rajoutent un côté féministe assez prononcé, Fred demeurant à peu près la seule à échapper à une revue au vitriol des anciens membres d’Angel Investigations devenus des cadres supérieurs passablement machistes et désagréables.

Surtout, elles comprennent que ce type de comédie doit être porté par un tempo accéléré tout en multipliant les gags (à commencer par la délirante publicité initiale). Elles y parviennent sans faille, aidées par la caméra très mobile et tonique de Vern Gillum. Mais l’épisode doit en tout premier lieu beaucoup à Mercedes McNab, toujours irrésistible et parfois réellement émouvante. On apprécie que notre Harmonie, à la garde-robe toujours aussi pimpante, ait droit elle aussi à son succès, conquis de haute lutte contre un alter ego elle aussi hilarante (excellente Danielle Nicolet). Au passage ses techniques de combat se sont bien améliorées depuis son mémorable affrontement avec Alex ! Un épisode très réussi, illustrant la formidable richesse des personnages secondaires du Buffyverse et se concluant par une scène touchante avec Spike, fi,lmant plus sympathique d’Angel (Willie traverse décidément une bonne passe). Décidément cette saison, tout de même très patchwork et sans réelle unité, joue pleinement la carte des retrouvailles avec Sunnydale, mais aussi  avec le public de la défunte Buffy contre les Vampires.

 

  • Harmony adorait déjà les licornes dans Buffy contre les Vampires. Elles ornent ici son bureau et son thermos.

  • La chanson entendue durant la toilette d’Harm est Hey Sailor, par The Detroit Cobras. Ce groupe s’est spécialisé dans des adaptations de la Motown ou de Classic Rock des années 50 et 60.

  • La douceTamika indique avoir drogué la boisson d’Harmony avec du Roofie. Il s’agit du nom familier du Rohypnol, également désignée comme « drogue du viol ».

  • Tamika est interprétée par Danielle Nicolet, figure familière des séries SF/Fantastiques. Dans Stargate SG-1, elle incarna Reese, la mère de tous les Réplicateurs.

  • La voix off de la publicité de Wolfram & Hart indique que le cabinet exerce sur influence sur les plus grandes firmes, dont Weyland-Yutani. Il s’agit de la méga corporation ourdissant les complots des différents films de la saga Alien et propriétaire du célèbre Nostromo. Yoyodyne est également citée, il s‘agit de la firme maléfique mise en scène par le film culte Les aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension (1984). Angel, la série où même les films d’entreprise sont Geeks jusqu’au blanc des yeux.

  • News Corp, également évoquée, est en fait le studio produisant la série pour le compte de la 20th Century Fox.

  • Harmony est le seul personnage de la série dont le nom sert deux fois de titre original : (Harm’s Way et Disharmony).

  • La séquence pré générique de l’épisode est la plus longue de la série (6’49’’).

 

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10. CAUCHEMARS 
(SOUL PURPOSE)

 

Scénario : Brent Fletcher

Réalisation : David Boreanaz

Angel se sent de plus en plus faible, tandis qu’il se noie dans des cauchemars où il se voit dépossédé de son rôle de héros au profit de Spike. Lindsey propose à Spike d’être son « indicateur » et de faire ce qu’Angel ne fait plus : sauver les innocents en péril. Mais Lindsey et Eve poursuivent en fait un but tout autre…

La critique de Clément Diaz:

 

L’unique scénario de Brent Fletcher pour la série n’a qu’une raison d’être : donner à David Boreanaz un support solide pour lui permettre de faire ses débuts derrière la caméra : Fletcher remplit le cahier des charges de ce côté-là, et c’est tout à son honneur que de faciliter au plus la tâche de l’aspirant réalisateur. Mais il néglige alors son intrigue, abusant de facilités et de grosses longueurs. De plus, malgré toute l’admiration que l’on a pour l’acteur, il faut bien avouer que sa réalisation demeure très faible, de par l’académisme des scènes « normales » et surtout le frustrant classicisme des scènes de rêves, contresens absolu. Sans vouloir comparer au mythique Restless de Buffy de Whedon, une béotienne comme Jennifer Garner avait montré d’excellents dons de réalisatrice dans le superbe In dreams d’Alias. Ici, l’épisode reste décevant, malgré quelques bouffées de délires comme on les aime.

Présence réduite d’Angel qui reste le plus souvent allongé, intrigue onirique permettant au débutant qu’il est de donner libre cours à son imagination, tempo des scènes relativement lent : Boreanaz hérite d’un script qui ne peut que l’aider, mais est impuissant à semer le trouble lors des cauchemars. Le thème de l’épisode : la peur d’Angel de ne plus être un héros, avec Spike comme « usurpateur » perd ainsi bien de sa force, les scènes n’ayant pas de saveur dérangeante ou déstabilisante. Elles sont toutefois amusantes : le délire gore et énorme de Fred fouillant dans ses entrailles (Amy Acker est vraiment effrayante !) ou la scène sous acides de la « dévampirisation » de Spike sont plutôt pas mal. Par contre, les auteurs sont trop optimistes en voulant faire intervenir Buffy sans la comédienne sous la main : la scène avec la doublure de l’actrice est positivement ridicule. En victime piégée dans une histoire très Twilight Zone, Boreanaz demeure d’une grande justesse, notamment le douloureux moment où il est réduit au rôle de courtier. Eve subit par ailleurs le virage de la saison : convaincante en « intermédiaire » malicieuse, elle est dépourvue de la duperie délicieuse et de l’intelligence aiguë de Lilah. Elle est donc trop légère pour s’imposer en tant que Big Bad de saison : On comprend que Sarah Thompson ne change pas de son registre habituel, là où elle excelle, mais elle plombe du coup le récit.

On est beaucoup plus convaincu par le retour de Lindsey, emmené par un Christian Kane savoureux qui fait ressortir à chaque instant le danger et la perfidie de son personnage. Sa manipulation, qu’on ne perçoit que vaguement, fait progressivement de Spike une marionnette qu’il utilise pour déstabiliser Angel Investigations. Spike parcourt à son tour l’itinéraire d’Angel (l’épisode est comme le pilote de la série transposé sur lui) mais malgré qu’il soit manipulé, accomplit pour la première fois des actes de bonté et d’héroïsme sans calcul et qui n’impliquent pas des personnes qu’il aime. Spike achève définitivement de devenir un héros. On remarquera que ses belles scènes de bagarre sont en revanche très bien filmées par Boreanaz. L’épisode demeure avant tout utilitaire et fonctionnel.

La critique d'Estuaire44:

 

- You can't throw a bloody stone in this town without hitting some bimbo in trouble.

Episode très à la Freddy Krueger, Soul Purpose développe un intéressant regard sur le trouble existentiel d’Angel suite à la crise représentée face à son improbable défaite face à Spike. C’est une louable ambition que d’ainsi apporter une valeur ajoutée à la bizarrerie onirique, même si tout ceci de déroule sans réelle révélation : peur du déclassement, d’être passé à côté de son destin, d’avoir perdu Buffy à jamais. Mine de rien, ces passages expriment sans fard le niveau de confiance respectif qu’Angel accorde à chacun de ses collaborateurs. On peut toutefois regretter que l’inventivité des scènes de rêve se révèle variable et globalement bien inférieure au Selfless de Buffy.  Si la scène d’opération à la Docteur Maboul de Fred (coup de cœur pour l’ours), la fin du monde ou l’apparition de Lorne s’avèrent délirantes comme on aime, l’assassinat par le « traitre » Wesley est davantage prévisible. Surtout la scène de sexe entre Spike et Buffy est amenée de façon vraiment lourde, pour le coup on est content que Sarah Michelle ne soit pas là.

Plus que par la mise en scène, fonctionnelle sans plus, c’est par son interprétation que David Boréanaz impose sa marque à l’épisode. Il illustre avec acuité les tournants d’un Angel immobile et mis à terre comme jamais, faisant magistralement d’une faiblesse une force suite à l’opération qu’il a subi dans la vraie vie. Parallèlement les frasques d’un Spike inénarrable, s’improvisant Héros sous la houlette de Lindsey apportent d’efficaces respirations humoristiques au récit principal, d’autant qu’un parallèle astucieux est établi avec le pilote de la série et les premiers pas d’Angel. Lindsey revêt des allures machiavéliques fort gouteuses en revêtant l’identité du regretté Doyle, évidemment un sacrilège pour le public de la série. Enfin un Big Bad pour cette saison ! Par contre Eve, agréable quand elle demeurait dans l’ambivalence, manque décidément de dimension en revêtant un positionnement clairement  maléfique, on regrette derechef Lilah. 

 

  • David Boreanaz passe ici derrière la caméra, pour l’unique fois de la série. Ravi de l’expérience, il réalisera par la suit huit épisodes de Bones.

  • Angel n’apparaît que rarement debout. Boreanaz venait alors de subir une intervention chirurgicale au genou gauche.

  • Came up the Gulf Stream, huh ? déclare Fred, une citation des Dents de la Mer.

  • Les scènes de rêve furent tournées en accéléré, puis ralenties en post production.

  • Harm confond le Prince de Machiavel (Machiavelli en anglais) avec le parfum Prince Matchabelli. Matchabelli fut un chimiste mateur et prince géorgien réalisant ce parfum imaginé par le roi George V. Matchabelli le vendit avec succès aux Etats-Unis où il se réfugia après la révolution soviétique, puis développa d’autres senteurs sophistiquées. La gamme de luxe Prince Matchabelli existe toujours aujourd’hui.

  • On peut s’étonner de voir Wes et Fred obéir aussi immédiatement à une Eve agissant au nom des Associés Principaux !

  • Les vraies motivations de Lindsey autour de l’amulette seront révélées dans l’épisode You’re Welcome (5.12)

  • Dans le rêve d’Angel, Lorne interprète Oh My Darling Clementine, une chanson folk traditionnelle de l’Ouest sauvage, remontant aux années 1880 et à la Ruée vers l’or. Désormais passée dans la culture populaire américaine, elle sert souvent de berceuse.

  • Pour donner l’illusion de la présence de Buffy, deux enregistrements de la voix de Sarah Michelle Gellar furent utilisés, tirés des épisodes Bad Eggs et The Prom, de Buffy contre les Vampires.

 

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11. FOLLE 
(DAMAGE)

Scénario : Steven S. DeKnight et Drew Goddard

Réalisation : Jefferson Kibbee

Dana, une adolescente internée dans une asile, commet un massacre pour s’en échapper. Angel et Spike enquêtent chacun de leur côté et apprennent qu’il s’agit d’une des Slayers activées par Willow (cf. épisode La fin des temps de Buffy) qui a sombré dans la folie après avoir été violentée et vu ses parents assassinés. Envoyé par Giles, Andrew Wells débarque à Los Angeles prêter main forte à Angel.

La critique de Clément Diaz: 

 

Interminable et fade course-poursuite dans les rues de Los Angeles, Damage peine à convaincre. A force de rester dans leurs bureaux et de n’en sortir qu’à la toute fin, nos héros se voient ainsi bien diminués, n’agissant que très peu. L’invitée du jour, aliénée mutique et enragée, n’a par nature aucune personnalité. L’épisode n’est sauvé que par le retour en force d’Andrew Wells !! Et il a la pêche, balançant frénétiquement ses délires geeks, rappelant combien il nous a fait marrer dans les deux dernières saisons de Buffy. Les deux scènes finales sont par ailleurs aussi inattendues que réussies.

Après une introduction fracassante, le récit s’essouffle immédiatement. La dissociation entre Dana errant dans les rues (et passant au hachoir quiconque l’embête) et Angel Investigations tournant en rond chez Wolfram & Hart pénalise tout l’épisode - même si pour une fois, on apprécie de voir Lorne plus de deux minutes. Spike tente d’assurer, mais à part une bataille énergique, ne fait le plus souvent que marcher dans L.A. Il devient prodigieusement inutile dès lors qu’il est face à Dana : que ce soit par un dialogue à sens unique crispant ou en étant otage impuissant. On adore James Marsters, mais son talent ne trouve guère à s’exprimer. Dana n’étant qu’une machine meurtrière livrée à elle-même répétant sans cesse les mêmes mots, l’implication du public est limitée avec un opposant aussi binaire qu’informe. C’est d’autant plus dommage que Navi Rawat rend particulièrement fort la dérive de son personnage, mais on ne s’intéresse guère à elle tout simplement.

Andrew va heureusement dynamiter tout ça : sur le chemin de la maturité (Observateur de Slayers, rien moins !), et faisant preuve d’initiative, il n’a heureusement pas abandonné sa nature profonde : le geek fini, crétin, efféminé (toutes les scènes avec Spike sont à se tordre !), bref le gros boulet comique qu’on a tant aimé en saison 7 de Buffy, et qu’on retrouve avec joie. Ses références ininterrompues à la pop culture et ses mimiques d’idiot sont le prix de cet épisode. Mais les apparences sont trompeuses, et médusés, nous voyons à la fin Andrew humilier Angel en reprenant le contrôle des opérations (impressionnante arrivée des slayers), tout en lui décochant un venin terrible : Buffy et les slayers n’ont plus confiance en lui par son alliance trouble avec W&H. Un coup dur pour les fans : c’est bien à une rupture cruelle entre Buffy et Angel, même si par procuration, à laquelle nous assistons. L’occasion pour le vampire blessé dans son âme et celui blessé dans sa chair (Spike) de signer l’armistice dans une coda à la fois sombre et apaisée sur le statut de héros, et sur les prix à payer - Angel a certainement payé plus que tout héros d’en être un. Une superbe fin.

La critique d'Estuaire44: 

 

- You're like Gandalf the White resurrected from the Pit of the Balrog. More beautiful than ever. He's alive, Frodo, he's alive !

Damage pousse jusqu’à l’ultime la tendance déjà observée d’une saison destinée à capter autant que possible le public de la défunte Buffy contre les Vampires.Agréger à ce point l’univers de Sunnydale conduit à menacer l’identité de la série et contribue au manque d’unité d’une saison écartelée entre cette entreprise et le maintien malgré tout d’une tonalité propre à Angel. Cette dilution nous vaut toutefois ponctuellement de bons opus, c’est ici le cas ne serait-ce que parce qu’il nous permet de retrouver l’inégalable Andrew tel qu’en lui-même. On l’aime d’amour. Il dynamise par son humour un récit se réduisant finalement à peu de choses (hormis quelques scènes étonnamment gores, c’est toujours ça de pris), avec sa personnalité toujours à part et sa déferlante de références geeks toujours aussi désopilantes. L’épisode a d’ailleurs la bonne idée de célébrer son retour par une évasion d’hôpital psychiatrique clairement inspirée par celle de Sarah Connor dans Terminator 2, en avant pour le Geekland.

La surprise de son apparition dans ce qui constitue un cross over original entre une série encore en activité et un autre s’étant achevé se voit hélas en partie gâché par la citation de Tom Lenk au générique. Et il est bien entendu exact que l’on apprécie de recevoir des informations quant au devenir des Scoobies. Si les péripéties sanglantes de la Tueuse psychotique deviennent répétitives au cours du récit, suscitant un dommageable ralentissement malgré une excellente et inquiétante composition de Navi Rawat, l’apparition finale de ses consœurs produit évidemment son effet. On apprécie également que ce soit Andrew qui finisse par prendre le dessus sur nos héros mais encore davantage  que ceux-ci aient droit à une réconciliation dialoguées avec émotion et justesse. Le scénario réalise l’exploit de resituer Angel dans la position centrale de Héros, tout en accordant une large place à Spike et au ressenti de celui-ci.

 

  • Toujours en grande forme, Andrew place des références au Seigneur des Anneaux, à Star Trek et aux X-Men.

  • Six mois se sont désormais écoulés depuis les événements de Chosen, concluant la série Buffy contre les Vampires.

  • L’épisode apporte quelques nouvelles postérieures des Scoobies : Giles regroupe et supervise l’entraînement des Slayers apparues partout dans le monde, Willow et Kennedy sont toujours ensemble et se trouvent en Amérique du Sud, et Buffy a accompagné Dawn à Rome. Ce dernier événement sera repris dans l’épisode The Girl In Question, mais Dawn y sera remplacée par Andrew, Michelle Trachtenberg étant indisponible.

  • Une faille est désormais installée avec le Scooby Gang, Buffy elle-même se méfiant d’un Angel devenu le dirigeant de Wolfram & Hart Los Angeles.

  • Quand Dana sort du magasin après avoir tué le gardien, on entend la chanson Blood, Milk and Sky, du groupe White Zombie (1995).

 

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12. LE RETOUR DE CORDELIA 
(YOU'RE WELCOME)

Scénario : David Fury

Réalisation : David Fury

Découragé par la tournure des récents événements, Angel décide de quitter Wolfram & Hart. Une vision des Puissances Supérieures montrant Angel en danger tire Cordélia Chase de son coma. Heureux de retrouver leur amie, Angel Investigations enquête pour découvrir quel danger court Angel : Eve et Lindsey ont prévu en fait de déclencher un « plan de sécurité » pensé par les associés principaux du cabinet afin de tuer Angel en cas de besoin. Mais Cordélia avait-elle une autre raison de revenir ?


La critique de Clément Diaz:

Le 100e épisode de la série, inscrit au sein d’une moitié de saison assez décevante en terme de scénarios, ne se démarque pas par une amélioration scénaristique : l’histoire du jour est vraiment minimaliste (à une bagarre finale près) et commet quelques erreurs de parcours. Heureusement, David Fury fait du grand retour de Cordélia Chase non seulement l’occasion de retrouvailles chaleureuses avec Angel et le public, mais aussi d’une poussée psychologique qui réoriente le Dark Avenger vers le droit chemin. L’émotion règne sur cet épisode qui se conclut sur un déchirant twist final.

A force de subir les revers d’une vie de héros, d’être rongé par le doute d’avoir vendu son âme au diable, et de douter de sa propre voie - surtout après le réveil brutal de l’épisode précédent - Angel démissionne. Cela est d’autant plus frappant qu’il n’est pas en proie à la tentation des ténèbres (saison 2) ou à une « trahison » (saison 3) mais qu’il s’agit d’un point de rupture atteint. Aussi nous comprenons rapidement que le retour inespéré de Cordélia est en fait une main tendue par les Puissances Supérieures pour lui faire reprendre le combat. Sur ce point-là, Fury fait des merveilles : Cordélia apparaît plus belle et chaleureuse que jamais, se montrant souvent dure envers les errements de son ancien patron, tout en semant des graines d’encouragement et d’affection qui redonneront à Angel sa foi. Comme au bon vieux temps, elle se met en première ligne dès lors que le danger se profile, on adore. Charisma Carpenter joue une de ses plus lumineuses et mémorables prestations d’actrice. Son duo avec un superbe David Boreanaz n’a rien perdu de son charme. On regrette par contre qu’elle interagisse à peine avec ses autres camarades, rendant ces retrouvailles incomplètes.

Pas grand-chose à ronger niveau intrigues. Ève est excellente dans l’espièglerie, mais n’a pas les épaules pour supporter un rôle de Big Bad ; Sarah Thompson est bien trop lisse pour convaincre sur ce registre. Cela pénalise aussi sa relation avec Lindsey, bien trop déséquilibrée en faveur du flamboyant ex-avocat. Si leur plan (faire douter Angel) est machiavélique à souhait, il souffre de plusieurs âneries : Lindsey se fait appeler Doyle - une gaffe stratégique - il en révèle un peu trop sur lui-même (la main coupée), ou encore cette manipulation imbécile de Spike - il doit d’ailleurs reconnaître que ce n’était pas la meilleure idée qu’il ait eue. Ce faisant, il facilite trop la tâche du Fang Gang. Heureusement, Christian Kane nous ravit d’une composition plein de morgue, d’énergie, de perfidie, et d’intelligence, rappelant combien son personnage est un des plus jouissifs de la série (il est un peu à Angel ce que Spike est à Buffy). Leur combat trépidant - écrit par Steven S. DeKnight, le roi des scènes d’action - couronne en majesté leur affrontement. L’épisode peut alors s’achever sur une magnifique coda (écrite par le boss) où Angel retrouve le courage de se battre sous les yeux plein d’amour de Cordélia. Une grande victoire morale que même le terrible twist final, tout droit sorti du Ring-a-ding girl de La Quatrième Dimension, ne peut annuler, tout en finissant l’épisode dans un grand silence bouleversant.

La critique d'Estuaire44:

- Spike's a hero and you're CEO of Hell, Incorporated. What frickin' bizarro world did I wake up in ?

You’re Welcome permet à la série de célébrer le franchissement du cap du centième épisode en multipliant comme il se soit les scènes fortes. Le retour de Cordy provoque bien entendu l’émotion, on se rend immédiatement compte, dans une effet totalement vertigineux, d’à quel point son absence a signifié une amputation pour la série. David Fury, ici particulièrement en verve, dose parfaitement l’apport du personnage, en conscience morale d’Angel, mais aussi participant activement à l’action. l’épisode rendu un bel hommage à Cordy en permettant à une époustouflante Charisma Carpenter d’incarner les différentes facettes d’un personnage particulièrement évolutif, de Queen C à la Puissance Supérieure. La relation avec Angel est bien évidemment privilégiée, mais chacun de ses compagnons de route à droit à sa scène bien ajustée. On se réjouit de voir Wes retrouver temporairement le sourire et s’affranchir de son caractère assombri (dont on se demande bien pourquoi il est demeuré après que le souvenir de Connor se soit effacé, mais, bon, glissons). Le twist final résulte déchirant, même si pas tout à fait imprévisible, La Quatrième Dimension avait déjà procédé de manière très similaire dans Ring-a-Ding Girl.

L’opus ne se limite pas à ces retrouvailles aussi éphémères que réussies et se dote d’une intensité supplémentaire en accueillant la conclusion (provisoire) du seul arc réellement édifié jusqu’ici par la saison. L’affrontement entre Lindsey et Angel, outre un somptueux duel, nous vaut quelques scènes savoureuses (mention spéciale à Harm en Jack Bauer en jupons), mais ne résulte pas totalement satisfaisant. Jadis un personnage complexe au fascinant profil psychologique, Lindsey s’est hélas mué en caricature du poncif de l’antagoniste de retour pour exercer sa terrible vengeaaaaance, ce qui, limite malgré tout son intérêt. Quelques aspects demeurent dans un flou bien pratique : main réapparue de Lindsey (aux dernières nouvelles il n’est pas un Seigneur du Temps n’ayant pas encore achevé sa Régénération) et origine d’une passion assez forte pour pousser Eve à trahir les Associés Principaux. Son ultime réplique nous le fait néanmoins retrouver. Surtout les péripéties accumulées jusqu’ici à plaisir ne servent finalement à quasiment rien, puisque tout se détermine par un mano à mano qui aurait pu tout aussi bien en faire l’économie (on se retrouve devant un syndrome à la Jasmine, en abrégé).

Au-revoir à Miss Cordelia Chase, l’un des meilleurs de ces si attachants et évolutifs personnages constituant l’ossature unique du Buffyverse. Drôle, posh en diable, acérée, énergique et décidée, présente dès les premiers pas de la Tueuse à Sunnydale et ayant si souvent apporté un précieux soutien à Angel, elle laisse un grand vide derrière elle.

 

  • La série atteint ici son centième épisode.

  • Sarah Thompson a indiqué que, durant le tournage de l’interrogatoire d’Eve par Harm, Mecedes McNab l’a par erreur réellement giflée (on entend un petit cri à l’écran). Mercedes McNad, très gênée,  s’est confondue en excuses.

  • A cette occasion, Charisma Carpenter interprète Cordy pour la toute dernière fois. Joss Whadon a indiqué qu’il avait fait le tour de ce qu’il avait à dire à propos du personnage : It came about pretty much the same way the decision to stop the Buffy run came about, we'd sort of run through our course of the character and didn't want to start just doing hollow riffs on what we'd done. Plusieurs commentateurs ont également estimé que le budget de la saison étant limité, l’arrivée de Marsters avait contraint la production à réaliser des économies sur le cachet des acteurs.

  • Charisma Carpenter a indiqué qu’elle et Boreanaz ont éclaté en sanglots à l’issue du tournage de leur ultime scène en commun. Celle-ci fut écrite spécialement par Joss Whedon lui-même.

  • Cordelia commente que les chaussures d’Eve sont des Manolo Blahniks, une marque de luxe particulièrement populaire chez les vedettes d’Hollywood. So long, Queen C.

  • Cordy visionne la vidéo publicitaire qu’elle avait filmé avec Doyle, peu de temps avant  la mort de ce dernier (Hero).

  • Le titre original correspond en fait aux dernières paroles prononcées par Cordy.

  • Kane venait de longuement s’entraîner au combat à l’épée pour le film Secondhand Lions et suggéra aux auteurs de mettre à profit cet acquis. Il assura lui-même ses cascades durant l’affrontement entre Angel et Lindsey.

  • Cordy, devenue une Puissance Supérieure, interviendra au cours de la saison 6 Comics After The Fall. Les Puissances Supérieures ne peuvent agir directement dans la dimension infernale des Associés Principaux, mais Cordy saura insuffler le courage nécessaire à Angel pour renoncer à la mort et poursuivre le combat. Après le retour sur Terre de Los Angeles, Angel sentira l’esprit de Cordy dans l’atmosphère, comme une présence veillant sur la ville.

 

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13. LE SOUS-MARIN 
(WHY WE FIGHT)

Scénario : Drew Goddard et Steven S. DeKnight

Réalisation : Terrence O’Hara

2004 : Sam Lawson, une vieille connaissance d’Angel, piège Gunn, Fred, et Wesley et leur fixe un dispositif qui les décapiteront s’il le veut ! Il ordonne à Angel une « explication ». 1943 : Un consortium américain force Angel à entrer dans un sous-marin allemand récupéré par les USA, et de secourir leurs hommes coincés à 120 m de profond… et traqués par des monstres. Rapidement, la mission s’est compliquée…

La critique de Clément Diaz:

Les épisodes passent, et la saison n’arrive pas à décoller de son marasme. Les auteurs semblent en panne d’inspiration. S’ils trouvent toujours d’excellentes idées comme ce nouveau flash-back dans la vie d’Angel, cet épisode de sous-marin demeure faiblement écrit, malgré quelques scènes intéressantes.

Un film d’horreur dans un sous-marin, pourquoi pas ? Ajouter au visuel l’atmosphère claustrophobe est une bonne idée… que le scénario envoie prestement valser pour virer dans le film de « survivor » (réparer le sous-marin avant que tout le monde clamse) mais sans opposition (contrairement au Ice des X-Files par exemple). Du coup, malgré le décor bien flippant du sous-marin qui grince bien, remarquablement filmé par Terrence O’Hara, l’intrigue se résume à des conversations sans fin, accumulées, en lieu et place d’action (il ne se passe strictement rien de tout l’épisode). Le centre du récit : la relation entre Angel et Lawson, ne mène à rien tant elle reste glacée, distante, sans âme ; Eyal Podell n’est d’ailleurs guère convaincant. Les scènes du présent s’en ressentent, à peu près toutes inutiles.

C’est surtout Spike qui empêche le récit de se transformer en somnifère, grâce à ses digressions comiques, ainsi que ses deux amis bien cramés dans leur genre (Spike a un don pour s’entourer des acolytes les plus hallucinés). On cite également les clins d’œil des auteurs à la future Initiative ou aux mésaventures futures des vampires. La fin est un peu plus relevée, lorsque Lawson dévoile tout le néant de sa vie depuis qu’Angel l’a transformé, donnant au duel final une valeur dérangeante et désespérée. Angel cite la morale de fin, très juste et simple, mais on attend impatiemment que la saison sorte enfin de son marasme. Alleluia, nous allons être entendus, et ça va dépoter dès l’épisode suivant !

La critique d'Estuaire44:

- Aren't ya gonna ask me how I got in here ?

- No. You'd be amazed at how many people break into this building on a regular basis.

On pourra reprocher à Why We Fight de ne pas assez s’affranchir des divers clichés inhérents aux films de sous-marins (le sonar, le huis clos oppressant, les grenades sous-marines, les fuites d’eau…), d’où un manque relatif de valeur ajoutée de ces scènes, une fois dissipée la surprise initiale. Eleven et Clara connaîtront d’ailleurs une déconvenue similaire lors de l’épisode Cold War du nouveau Doctor Who. Même si, en matière de mélange d’horrifique et de récit sous-marinier, on ne fera jamais aussi bien que la nouvelle Le Temple, de Lovecraft (1920), on reconnaîtra que les premiers moments de cette histoire produisent malgré tout leur effet, Par la suite les évènements deviennent trop prévisibles et les pittoresques Vampires locaux sont insuffisamment exploités. En particulier Spike demeure à peu près inerte durant toute l’intrigue, se contentant d’aligner quelques vannes alors qu’il se situe tout de même dans sa période Big Bad. On attend en vain une vraie confrontation avec Angel, qui ne viendra jamais.

L’épisode demeure un bel exemple de la captation d’un scénario par un décor onéreux qu’il faut à tout prix rentabiliser. En effet la multiplication superfétatoire des scènes de sous-marin prive le récit  de développer plus en avant son véritable sujet : la confrontation entre Angel et Sam Lawson devenu Vampire. Sans atteindre les cimes existentielles de Somnanbulist, ce versant de l’opus se montre néanmoins captivant, avec la figure déstabilisante d’un monstre en quête d’une raison à son existence. Le nihilisme de Sam, plus proche du Néant que du Mal, présente un abîme moral tout à fait vertigineux et fascinant, on n’est pas loin du bel Armand d’Anne Rice. Entre Drusilla, Penn et Sam, on remarque qu’Angel/Angelus a décidemment le chic pour engendrer des psychopathes divers et variés, c’est un don. La conclusion tragique voyant un Sam tout faire pour que son Sire le délivre de sa non-existence s’avère étonnamment tragique et amère. L’excellent Eyal Podell délivre une composition judicieusement minimaliste pour un personnage au vide intérieur absolu.

 

  • Le titre original est celui d’une série de films de propagande réalisés par l’armée américaine durant la Seconde Guerre Mondiale.

  • En 1943, Angel est capturé par la Demon Research Initiative, sans doute l’ancêtre de celle de la saison 4 de Buffy.

  • Steve Rodgers, Captain America, est cité dans l’épisode. Il sera mis en scène par Whedon dans le film The Avengers (2012).

  • Le Prince des Mensonges est incarné par Camden Toy, spécialiste des rôles grimés. Chez Buffy, il joua le chef des Gentlemen (Hush) et l’abominable Gnarl dans in Same Time, Same Place.

  • Angel s’exclame I am not getting trapped at the bottom of the sea ! et Spike réplique  I am not getting experimented on by his government ! Or ces deux événements vont respectivement leur arriver, du fait de Connor et de l’Initiative. Le document allemand évoque le contrôle des démons par des implants cérébraux, ce qui va aussi advenir à Spike.

  • Denisof interprète ici Wesley pour la centième fois.

  • Les événements décrits représentent la dernière rencontre de Spike et Angel avant School Hard.

 

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14. LES MARIONNETTES MALÉFIQUES 
(SMILE TIME)

Scénario : Ben Edlund, d’après une histoire de Joss Whedon et Bed Edlund

Réalisation : Ben Edlund

Plusieurs enfants ont été retrouvés vidés de toute énergie vitale après avoir regardé une populaire émission de marionnettes à la télévision : Smile time ! Alors que Nina (épisode : La fille loup-garou) et Fred tentent respectivement de faire comprendre à Angel et Wesley qu’elles sont attirées par eux, Angel enquête dans les coulisses de l’émission. Problème : il active là-bas un artefact maléfique et se retrouve transformé en marionnette !!!…

La critique de Clément Diaz:

Cet épisode complètement délirant et décalé est celui qu’il fallait pour relancer l’inspiration des scénaristes. Les marionnettes sont une figure régulière de la SF/Fantasy mais on ne pensait pas que dans l’halluciné, on pourrait faire mieux que le Glass eye d’Alfred Hitchcock présente. Joss Whedon nous prouve le contraire en transformant carrément son héros en marionnette vivante ! Ben Edlund en tire une histoire qui ne se refuse rien en matière de comédie déjantée, réalisant plusieurs scènes hystériques tout en peignant des marionnettes maléfiques assez ultimes dans leur genre. Les auteurs s’autorisent d’irrésistibles scènes secondaires avec un beau duo de dames en faisant des tonnes pour attirer l’attention de leurs coups de cœur.

Cela fait du bien de voir des épisodes qui cette fois n’attendent pas le 2e acte pour nous intéresser. Dès le début, la comédie est reine lorsque Fred et Nina font la danse de la séduction autour d’Angel et Wesley. L’explication de la situation à Angel est une des scènes les plus drôles de la série, avec un Wesley en très grande forme. Pareil pour la drague franco de Fred à un Wesley s’obstinant à ne rien remarquer. Même si on aimait le ship Gunn-Fred, les fans attendaient ce moment depuis le début de la saison 3, tellement ce couple semblait aller de soi (sauf pour Fred), du coup l’on reste scotché devant cette histoire. Quand Angel se retrouve transformé en marionnette, les scènes vraiment énormes se succèdent, comme la bagarre d’anthologie avec un Spike hilare, les conversations au-delà du réel avec Nina (excellente chute), et les multiples crises de dépit d’Angel. Edlund connaît manifestement son 1 rue Sésame, faisant des marionnettes une version maléfique (mais quand même sacrément drôles) de ce fameux show américain : ce sont des méchants bien mégalomaniaques - mention à leur réunion de crise, un grand moment de burlesque un poil gore - bien dignes de leur créateur assez allumé (incarné par le scénariste David Fury, à la bonne humeur communicative), et ils auront droit à une sortie de scène impériale avec cette bagarre hilarante sur le plateau de l’émission.

La réalisation très inspirée d’Edlund, et l’excellent travail de production de l’équipe technique et des marionnettistes, achève de rendre le résultat follement jouissif. Le final permet non seulement de contempler la superbe beauté de Jenny Mollen, mais aussi de pousser un cri de joie en voyant Fred prendre les devants et embrasser Wesley, commençant ENFIN la relation que l’on attendait tous… hélas, Whedon va rester fidèle à sa réputation de surprendre le spectateur, et il va dès l’épisode suivant fracasser la félicité de cet instant, en le préparant déjà par l’intermède Gunn…

Un épisode vraiment drôle et touchant. Edlund va confirmer d’ailleurs ses talents comiques en écrivant The French Mistake, épisode de Supernatural qui ira encore plus loin dans la loufoquerie absurde.

La critique d'Estuaire44:

- Oh, my God ! Angel, you're... cute.

- Fred, don't.

-  Oh, but the little hands ! And the hair.

-  You're fired.

Fruit de l’amour de Joss Whedon pour le monde merveilleux (et parfois si inquiétant) des marionnettes, de l’humour caustique d’Endlund et du talent fou de l’équipe de Jim Hanson, Smile Time compose un épisode décalé magnifique de drôlerie, d’audace et de dinguerie. Le clin d’œil au Joker apporte une nouvelle référence Batman aux aventures du Dark Avenger. Le twist de la transformation d’Angel demeure l’un des plus tonitruants et originaux de la série. Whedon a de plus l’excellente de ne pas écrire un scénario en l’espèce inutilement complexe, pour au contraire se centrer sur deux irrésistibles moteurs  comiques : les réactions d’Angel et de son entourage (à commencer par un Spike hilare), et les démons marionnettes totalement hallucinés.

Leur alliage d’expressions enfantines et d’esprit diabolique produit un effet détonnant, relayé par une mise en scène particulièrement inventive et quelques effets hilarants (transformation vampirique d’Angel la marionnette, combat final très drôle, mais en fait totalement gore rapporté à la vraie vie, gag horrifique du marionnettiste/marionnette…). Que Angel la marionnette devienne aussi hyper sensible et démonstratif que les héros de Sésame Street est une grande idée de scénariste, démultipliant les gags. L’expressivité et la fluidité des marionnettes animées par l’équipe de Jim Hanson autorisent un réalisme sans lequel l’opus n’aurait jamais aussi bien fonctionné.

Les deux récits autour de la peur masculine du sentiment amoureux apportent un autre aspect plaisant. Mais la Werewolf Girl apparaît décidément dépourvue de vraie personnalité, tandis que l’installation de la relation entre Wes et Fred résulte bien vite expédiée pour un évènement aussi important de la vie du groupe. Mais il s’agit surtout de mettre el place le décor du drame prochain.

Angel 5 14 4

 

  • L’épisode représente clairement une parodie de Sesame Street, institution de la télévision américaine depuis 1969.

  • David Fury réalise un nouveau caméo, en interprétant le marionnettiste/marionnette Gregor Framkin.

  • L’épisode fut le premier diffusé après l’annonce du non renouvellement de la série, qui stupéfia Joss Whedon.

  • Fury a indiqué que l’idée d’un épisode de marionnettes était dans l’air durant la saison précédente, mais qu’il fut décidé d’attendre que Joss Whedon puisse complètement s’impliquer, avant de lancer le projet. En effet Ce dernier connaît particulièrement bien ce milieu, son père Tom Whedon ayant été un important auteur pour ce type d’émissions, collaborant notamment avec Jim Hanson (The Muppet Show) et Sesame Workshop. Les marionnettes de l’épisode sont d’ailleurs animées par l’équipe de Jim Hanson, qui travailla aussi pour Sesame Street.

  • Toutes les chansons de l’émission de marionnettes sont l’œuvre de Joss Whedon.

  • L’épisode fut proposé aux Hugo Awards de 2005, comme meilleur épisode de l’année d’une série fantastique ou de Science-fiction, mais fut battu par le double opus The Empty Child/the Doctor Dances, du nouveau Doctor Who. Une bonne année.

 

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15. UN TROU DANS LE MONDE
 (A HOLE IN THE WORLD)

Scénario : Joss Whedon

Réalisation : Joss Whedon

Un sarcophage arrive dans le laboratoire de Fred. En l’analysant, elle inspire des miasmes empoisonnés et tombe gravement malade : un ancien démon, Illyria, est en train de prendre possession d’elle !! Pendant que Wesley veille sur Fred, Angel et Spike partent en Angleterre trouver le moyen de guérir leur amie. Gunn découvre une atroce vérité…

La critique de Clément Diaz:


Spectaculaire renversement de la série, A hole in the world est un épisode terriblement douloureux à regarder. Passé un premier acte aussi léger que de l’opérette, la foudroyante attaque d’Illyria plonge l’épisode dans le suspense et le mélodrame. Le créateur de la série passe derrière la caméra pour la dernière fois du Buffyverse pour nous assommer d’un énorme crescendo aboutissant à la catastrophe finale. Malheureusement, l’épisode demeure inévitablement prévisible, et Whedon se complaît plus qu’il n’est nécessaire dans le mélodrame et dans un suspense imparfait.

Début gai et ensoleillé où nous voyons Fred se prenant pour Ellen Ripley (voire même Alice Prospero), et être en totale harmonie avec Wesley que Gunn s’amuse à taquiner. Bonne humeur y compris au sein d’une dispute totalement idiote entre Angel et Spike en forme olympique. La bascule voyant Fred tomber malade s’effectue avec d’autant plus d’impact. Grand moment d’émotion où chacun des membres de l’équipe se mobilise pour sauver leur amie (mention à Wesley qui vaut mieux pas énerver quand sa nana est en danger). On est ravi aussi que Lorne ait droit à son heure de gloire en nous révélant son don caché pour faire parler les suspects (quel plaisir de voir Eve subir ses foudres !) : Andy Hallett y est régalant. Spike émeut par sa détermination et son affection pour cette femme qui a tant fait pour lui. Angel dans son mélange de rudesse, d’angoisse, et de douleur, est particulièrement mémorable. Dans un effet similaire mais encore plus saisissant dans le killer in me de Buffy, un masque tombe dans un effet maximal : l’épouvante de Gunn, la nôtre, est une réponse juste à la folie froide du tireur de ficelles quand il se dévoile au grand jour. Nuançons toutefois la réussite de l’épisode : on avouera subjectivement qu’en dehors de ce twist, il est facile de voir où on se dirige : le scénario de Whedon suit un chemin droit et sans détour (ce qui n’empêche pas que le cliffhanger soit très efficace !).

Les scènes Fred-Wesley bénéficient de l’incandescente interprétation d’Amy Acker et d’Alexis Denisof : tels des tragédiens de théâtre classique, ils soulignent avec beaucoup d’expressivité les tourbillons émotionnels, entre lutte, abandon, désespoir, et chagrin, de leurs personnages. Mais trop d’effet tue l’effet, et l’agonie de Fred, certes, très dure, se prolonge au-delà du nécessaire, rendant répétitives leurs scènes. Mais le final demeure un des moments les plus tristes de la série. Après ces événements, la série va parcourir sa dernière ligne droite, et ça va être d’enfer ! So long, Fred !

La critique d'Estuaire44:

- I'm not scared. I'm not scared. I'm not scared. Please, Wesley. Why can't I stay ?

A Hole In The World, marqué par l’éprouvante agonie de Fred, constitue bien évidemment une tragédie marquante pour l’amateur de la série. Mais  son atout maître réside dans la grande idée de Whedon de ne pas jouer cette unique carte, ce qui aurait conduit le récit à tomber dans  le piège du mélodrame. L’humour hilarant de la controverse absurde et ultra geek des hommes des cavernes contre les cosmonautes apporte une force supplémentaire, par contraste, au terrible moment où le drame se fait jour. La quête très Donjons et Dragons de la prison d’Illyria et du gouffre sans fond relaie le récit principal par de l’action et quelques scènes aussi inventives que spectaculaires. Pour le coup on tient un excellent sujet d’aventures pour un partie de Jeu de Rôles, y compris avec cet intéressant Gardien ne pouvant mentir (il existe tant de manières détournées d’exprimer la vérité). Dans l’absolu on peut préférer la parabole de l’abîme moral lors de la discussion dans l’ascenseur entre Holland Manners et Angel, mais, telle quelle, on discerne ici une vraie valeur ajoutée pour l’opus.

Ainsi aéré, le récit principal peut se focaliser sans remords sur un drame bouleversant, savamment incrémenté et porté par l’extraordinaire composition de deux grands comédiens particulièrement en phase. Tout comme ultérieurement dans Much Ado About Nothing (2012), Alexis Denisof et Amy Acker s’entendent à merveille tout au long de cette inexorable marche vers la mort de Fred, dont la réalité teint progressivement le spectateur. On louera particulièrement la composition unique d’Amy Acker au moment fatal, l’une des scènes les plus émotionnellement fortes de la série. La relation de Fred et de Wesley n’aura guère duré, mais elle atteint des sommets d’intensité. Outre un tour particulièrement cruel joué à Gunn, on apprécie également que le récit consacre un grand soin aux personnages secondaires, dont un Knox à l’abominable folie (un félon grand train) et une Eve défaite étonnamment émouvante. Mais comme on le sait, la pitié ressent souvent une grande solitude aux côtés d’Angel.

 

  • Gunn interprète la chanson Three Little Maids From School Are We, issue de l’opérette The Mikado (1885), par Gilbert et Sullivan.

  • Ultime épisode réalisé par Joss Whedon.

  • Lorne se compare à Jack Lamotta, célèbre boxeur ayant inspiré le film Raging Bull.

  • Whedon a indiqué avoir décidé de substituer Illyria à Fred après une lecture de Shakespeare en commun avec Alexis Denisof et Amy Acker. Il décida que cette dernière devait jouer un personnage un personnage shakespearien et davantage grandiose que Fred.

  • La chanson qu’entonne Eve devant Lorne est The L.A. Song, crée par Peter Greenwalt. Il s’agit de celle interprétée par son cher Lindsey au Caritas (Dead End, 2.18).

  • L’histoire que lit Wes à Fred est  A Little Princess, de Frances Hodgson Burnett (1891).

  • Décès de Fred, désormais substituée par la grande démone Illyria.

  • Joss Whedon a indiqué avoir éclaté en sanglots lors de l’écriture puis du tournage de la scène de la mort de  Fred.  Il considère qu’il s’agit de l’une des plus fortes  qu’il n’ait jamais créées. 

 

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16. COQUILLES 
(SHELLS)

Scénario : Steven S. DeKnight

Réalisation : Steven S. DeKnight

Abattus par la mort de Fred, Angel Investigations doit toutefois se mobiliser pour empêcher Illyria et Knox d’ouvrir le portail dimensionnel accédant au monde du démon qui veut y libérer son armée et se débarrasser des humains. Angel cherche également un moyen de ressusciter Fred, tandis que Wesley commence à perdre son sang-froid…

La critique de Clément Diaz:

A hole in the world reposait tout entier sur la surprise de la disparition de Fred/apparition d’Illyria, quitte à avoir un récit un peu mécanique. Après la cause, Shells s’intéresse aux conséquences de l’événement sur nos héros tout en s’inscrivant dans une course-poursuite frénétique et musclée. Steven S. DeKnight est réellement au sommet de son art avec ce scénario courant à un rythme de Walkyrie affolée, à l’émotion omniprésente, et aux intentions philosophiques et sociologiques ambitieuses et convaincantes, et confirme tous ses talents de metteur en scène.

Contrairement à Charisma Carpenter, la douce Amy Acker se révèle surprenante et effrayante dans un rôle de vilain, mais habilement nuancé par DeKnight : Illyria n’est pas qu’un monstre maniaque, au look démentiel, aux superpouvoirs cosmiques (quel adversaire !), et au mépris haineux très acide ; c’est aussi un être perdu dans un monde qu’il ne reconnaît pas, et qui voit tous ses repères s’effondrer devant la complexité de l’entendement humain ; l’épisode prend d’ailleurs des allures d’étude de l’humanité entière. Il en est ainsi du déchirement de Gunn entre sa volonté d’être « supérieur » à ce qu’il était auparavant, et de jouer un rôle qu’il sait non assorti à lui. Sa culpabilité d’être part du tragique destin de Fred est prenante (scène très dure avec Harmony). J. August Richards est très à l’aise dans cet approfondissement psychologique de Gunn.

Spike admet implicitement l’amour platonique qu’il ressentait pour Fred. Durant l’épisode, il cherche à honorer sa mémoire (comme celle de Buffy en début de saison 6) en gommant son aversion pour Angel, et en choisissant désormais de s’unir définitivement au Fang Gang. Cet épisode scelle définitivement sa destinée où son héroïsme triomphe de ses rancoeurs passées, ainsi qu’une relation avec Angel désormais plus apaisée. Une évolution fort bien marquée par James Marsters.

Angel est égal à lui-même en espérant jusqu’au bout un miracle, puis une fois son espoir brisé, de rendre hommage à Fred en réaffirmant son credo de protéger l’humanité aussi détestable soit-elle (superbe réplique à l’adresse de Knox). Surtout, l’on voit Angel prêt à se battre pour une lutte qu’il sait qu’il ne pourra jamais gagner, anticipant ainsi sur le finale de la série. Après ses multiples errements, la mort de Fred, loin de l’abattre, ne fait que fixer sa détermination à poursuivre sa quête sans fin, même s’il doit ne jamais gagner. Angel atteint ainsi un aboutissement, ce que la performance puissante de David Boreanaz donne à comprendre.

Wesley trouve une semblable épiphanie, mais alors qu’ironiquement Angel se montrait d’abord incapable de lui pardonner lors de l’affaire Connor (Forgiving, saison 3), Wesley n’arrive pas à pardonner à Gunn et encore moins à Knox - dont Jonathan M. Woodward en a fort bien interprété le délire fou. Alexis Denisof replonge avec force dans les eaux noires de la psyché de Wes entre faux calme et accès de fureur. La scène finale, une des plus étranges de la série, et une des plus douloureuses à regarder, nous fait voir la peine de Wesley, déchiré, alors qu’il choisit d’aider l’assassin de la femme qu’il aimait parce qu’elle a désormais ses traits (Denisof est d’une émotion sidérante).

Au niveau histoire, DeKnight nous fait sentir l’urgence diabolique de la situation, qu’il pimente par de sensationnelles scènes d’action. Un épisode tout simplement parfait.

La critique d'Estuaire44:

- It can't be. It's gone. My world is gone.

- Now you know how I feel.

Cette seconde partie du double épisode Illyria que représente Shells confirme qu’après une longue partie de saison trop hybride pour son bien, nous renouons désormais avec le véritable Angel, ce qui ouvre déjà la voie à un grand final. Certes le récit s’accorde de beaux moments d’action, mais la noirceur déferle comme aux plus grandes heures de la série tandis qu’une très riche dimension psychologique des personnages se développe. Tandis que Knox prend une porte de sortie logique et que Gunn connaît une épiphanie dramatiquement tardive, Whedon a l’excellente idée de totalement réussir la caractérisation d’Illyria, car tout autre résultat aurait rendu scandaleux la disparition de Fred. La puissance et la dimension d’Illyria s’imposent d’emblée (à côté Glory est une Barbie), mais sa nature s’enrichit progressivement, en faisant définitivement d’elle autre chose qu’un Big Bad de plus.

La connexion s’établissant entre elle et Wesley, entre êtres ayant tout perdu le même jour, se montre à la fois astucieuse et convaincante. On y voit les prémices d’une relation originale et plaisamment trouble, tout en permettant à Alexis Denisof et à Amy Acker de poursuivre leur admirable travail en concert. L’épisode se montre  plus subtilement dosé que le précédent, avec un Wesley avoisinant l’abîme mais sachant reconnaître ses torts.  Le beau portrait d’Illyria doit d’ailleurs également beaucoup à la une nouvelle fois grande prestation de celle-ci. Amy Acker parvient à se glisser avec aisance dans un personnage aux antipodes de Fred et avec suffisamment de présence pour que l’on soit sensible à son jeu au-delà du stupéfiant maquillage, une superbe double performance (le look Dark Metal d’ Illyria est une tuerie). La fragilité, mais aussi la persistance, de l’espoir, évoquée lors de leur bouleversante discussion, se situe au cœur d’Angel, série ayant retrouvé ici ses racines. 

 

  • Knox est surnommé Pointdexter par Harm, un personnage de Félix le Chat connu pour son jargon scientifique.

  • Gunn compare la vitesse d’Illyria à celle de Barry Allen, Jay Garrick et Wally West, soient les individus s’étant succédés sous le masque du Flash.

  • Joss Whedon a indiqué qu’il souhaitait que Giles intervienne en personne, au lieu d’une simple conversation téléphonique avec Angel. Mais le budget de la production était très serré et faire revenir Anthony Head d’Angleterre aurait coûté trop cher.

 

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17. SOUS LA SURFACE
(UNDERNEATH)

Scénario : Elizabeth Craft et Sarah Fain

Réalisation : Skip Schoolnik

Après les morts de Cordélia et de Fred, Angel décide de réagir et de savoir quel plan les Associés Principaux de Wolfram & Hart ont prévu pour lui. Ève, traquée par un homme à la force surhumaine, révèle à Angel contre sa protection que s’il retrouve Lindsey et l’extirpe de sa dimension infernale, il lui révélera tout ce qu’il veut savoir. Pendant ce temps, Wesley tente de faire comprendre à Illyria le monde terrestre…

La critique de Clément Diaz:

Commençant dans le calme, cet épisode magistralement scénarisé devient de plus en plus délirant et surprenant au fur et à mesure que l’histoire suit son cours. La recherche de Lindsey déchaîne l’exaltation créative d’Elizabeth Craft et de Sarah Fain. Underneath est orienté efficacement vers l’action, ce qui le distingue du reste de la saison qui n’a que peu joué cette carte. En contrepoint, Ève en danger et les discussions philosophiques entre Illyria et Wesley enrichissent cette nouvelle réussite.

On assiste à un réveil d’Angel, qui commence à remettre en cause son propre engagement envers Wolfram & Hart, le thème de la saison. La mort de Fred a dispersé ses amis (tragicomique introduction avec Spike toujours grand amateur de bière). On le voit avec Lorne picolant lamentablement, Wesley se réfugiant dans ses rêves détruits, ou Gunn verrouillé dans sa culpabilité : on admire la dureté de la scène où Angel se montre sans compassion mais sincère envers lui et sa « faute » qu’il n’expiera jamais. J. August Richards imprime excellemment ce remords qui est la source de son sacrifice imminent. Après avoir été si malmené au cours de cette saison, Angel doit contre-attaquer et contrebalancer le rapport de force avec W&H. Ève étant plus dans son emploi en baddie victime, Sarah Thompson apporte beaucoup au récit, faisant ressortir sa passion sincère pour Lindsey et sa peur d’être dépendante de l’humeur d’Angel, moins que jamais enclin à la pitié. La fuite désespérée d’Eve, Lorne, et Harmony (toujours très en verve, et enfin au générique comme elle le méritait) a son lot de tension, et sa résolution est par contre un énorme éclat de rire ; quels farceurs ces auteurs !

L’entrée en scène d’Hamilton est certes tonitruante, mais ravira encore plus les amateurs d’X-Files car son talentueux interprète, Adam Baldwin, se met en mode Super Soldat, avec sa manière bien bourrin de défoncer les portes comme les personnes ! Les X-Philes se régaleront également de la version d’Angel d’un enfer similaire à l’Arcadie fréquenté par Mulder et Scully ! L’histoire de l’épisode est franchement jouissive, avec une succession frénétique de moments bien absurdes comme la voiture automatique, « l’enfer » vécu par Lindsey, la chambre de torture et son monstre bien craignos, ou les fusillades totalement hallucinatoires. Les scénaristes se lâchent totalement tout en nous choquant par le choix de Gunn qui suit sa propre voie expiatoire. Un moment vraiment terrible. Quant au final avec le dévoilement de la diabolique stratégie de W&H (Christian Kane ne cesse de forcer notre admiration), il change du tout au tout l’orientation de la saison, un nouveau coup d’audace, qui préfigure une fin épique.

Illyria continue de nous fasciner par son incompréhension de ce monde humain. Qu’elle reste prisonnière du corps de Fred maintient un effet perturbant et dérangeant, en premier lieu sur un Wesley qui projette sur elle son souvenir de Fred et un sentiment indéfinissable, assemblage composite de haine, de compassion, de chagrin, de volonté d’oubli, d’amour (Illyria ressemble tellement à Fred !). Cette orage psychologique, cette confusion, Alexis Denisof le fait ressentir avec une puissance rare, tandis qu’Amy Acker a le bon sens de conserver dans ses intonations des fragments de Fred dans l’acidité désespérée d’Illyria, rendant la situation encore plus complexe. La maîtrise de ce pan virtuosissime de l’histoire est démente.

La critique d'Estuaire44:

- I lived seven lives at once. I was power in the ecstasy of Death. I was God to a God. Now... I'm trapped on a roof... just one roof, in this time and this place with an unstable human who drinks too much whiskey and called me a Smurf.

Underneath présente l’aspect d’un épisode utilitaire, ouvrant la voie vers le grand final, avec un bel effet de convergence. L’arrivée spectaculaire, très à la Terminator, du classieux et mortel Marcus Hamilton indique une montée en puissance des Associés Principaux, confirmant l’approche du grand combat pressenti par Spike lors de l’opus précédent et confirmé ici par Lindsey. Adam Baldwin se montre remarquable de violence impitoyable mais aussi d’humour madré, aux antipodes de son personnage de mercenaire frustre de Firefly. Les toujours aussi passionnants et profonds dialogues entre Wes et Illyria, si révélateurs de l’esprit de la série, confirment l’ancrage progressif de la démone dans le amp d’Angel.

Le sujet principal demeure néanmoins cette vision à la fois mystique et énigmatique du Village dans lequel se trouve enfermé Lindsey. L’effet fonctionne à plein tant que l’on se situe dans l’étrange et l’inexpliqué, mais se dégonfle quelque peu lors d’une résolution accélérée à coups de bagarres et de fusillades diverses. L’effet horrifique perdure malgré tout, grâce à l’effet psychologique de Rocher de Sisyphe du supplice enduré par Lindsey, mais aussi par la dimension gore de la salle de tortures (monstre et cœurs arrachés). On sera rarement allé aussi loin dans ce domaine dans les séries du Buffyverse.

Illyria indique avoir visité un monde uniquement peuplé de crevettes, une plaisanterie récurrente du Buffyverse (tout comme le monde sans crevettes).

 

  • Eve est désormais remplacée par Marcus Hamilton comme émissaire des Associés Principaux. Celui-ci est incarné par Adam Baldwin, nouveau comédien issu de Firefly à figurer dans le Buffyverse, après Gina Torres et Nathan Fillion. Summer Glau avait participé à Angel avant de jouer dans cette autre série de Whedon.

  • Mercedes McNab apparaît désormais au générique, une attention de Joss Whedon avant que la série ne s’achève.

  • Les dialogues entre Illyria et Wesley furent écrits directement par Joss Whedon.

  • La scène entre Lorne et le barman fut rajoutée après coup, car l’épisode s’était avéré trop court. 

 

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18. UNE AUTRE RÉALITÉ 
(ORIGIN)

Scénario : Drew Goddard

Réalisation : Terrence O’Hara

Angel Investigations reçoit la visite de… Connor ! Lui et ses nouveaux parents ont été « conseillés » par un inconnu de s’adresser au cabinet. Comprenant qu’on veut lui faire transmettre un message en jouant ainsi avec son fils, Angel retrouve le tireur de ficelles : Cyvus Vail, le démon qui a modifié la mémoire de ses amis, de Connor, et de sa famille d’adoption. Vail fait chanter Angel : s’il ne parvient pas à convaincre Connor de tuer le Sahjhan (cf. saison 3) qui menace de sortir de son urne, il rétablira les souvenirs de tout le monde…

La critique de Clément Diaz:

On peut tiquer que l’idée de Drew Goddard soit quasi identique à un épisode de Dark Angel, rivale jusque dans son nom de la série de Whedon et Greenwalt. Mais le scénariste donne une vraie saveur au retour de Connor (et du Sahjhan !) qui Dieu soit loué a laissé entretemps au vestiaire tous ses tics tête-à-claques. Vincent Kartheiser compose un enthousiasmant portrait d’adolescent innocent qui se réadapte le temps d’un épisode au monde auquel il appartenait. Malgré un scénario paresseux, Goddard soigne ses dialogues, et les bons mots comme les gags claquent avec rythme.

Le retour de Connor semble très forcé : on n’avale pas vraiment la menace du Sahjhan, et Connor se jette dans la bataille si rapidement qu’on se demande si on a pas envoyé deux ou trois scènes indispensables par erreur sur le plancher de la table de montage. La lenteur de l’intrigue (début à rallonge, longuettes scènes chez Vail, tempo au ralenti), ainsi qu’une mise en scène manquant de souffle, font piétiner l’impetus général. Fort heureusement, le scénariste s’en sort par le suspense et surtout l’humour. Après nous avoir étourdis de drame, d’amertume, et de philosophie sombre, on goûte d’autant plus les grands moments d’humour que nous offre Illyria avec une belle livraison d’horions (Spike retrouve son emploi de punching-ball) et de réflexions plus caustiques que pessimistes. La rencontre avec Connor est un grand moment de drôlerie (toute la visite de W&H est à craquer les zygomatiques).

On aime bien aussi l’humour très noir apporté par Hamilton qui en fait un max en gardien du temple rigide, notamment dans la scène avec Gunn qui le rembarre entre deux arrachements de cœur. Quant au démon Vail (après Illyria, les maquilleurs sont en vrai état de grâce !), son aspect homme de fer est compensé par une force tranquille dans la psychologie, faisant plier Angel calmement et sans s’inquiéter. Wesley, emprisonné dans ses émotions contradictoires face à la démone assure l’émotion, en se montrant déterminé à transformer Illyria en clone de Fred. Mais aussi en s’accrochant à l’espoir de tout changer s’il perce le secret d’Angel, espérant dans son délire paranoïaque qu’il l’ait trahi… avant de recevoir l’ironique vérité en pleine figure - stupéfiante scène de suspense avec le cube magique. Mais Wesley demeure digne, et décide de vivre avec cette révélation, nous donnant une belle leçon de vie.

Vincent Kartheiser campe un Connor très différent du casse-pieds de la saison 4. Il renoue avec son aspect combatif sans la prétention insupportable. David Boreanaz joue judicieusement la sobriété aux nuances calculées, faisant bien ressentir l’émotion de revoir la chair de sa chair transfigurée. Le duo fonctionne plus qu’il ne l’a jamais été. Connor découvre aussi l’humour, accueillant avec un stoïcisme digne d’Oz la découverte du monde Fantastique d’Angel, ou avec sa discussion hilarante avec le Sahjhan juste avant qu’ils en viennent aux mains. Le combat final est d’ailleurs filmé avec suspense et énergie. La coda finale, superbement ambiguë, permet une très belle fin ouverte, émouvante, en suspens. Un come-back réussi.

La critique d'Estuaire44:

- Let's be clear about this. Things run differently now. I'm not a little girl. You and I won't be making love on this couch any time soon. Now, with that in mind, how can I help you?

Avec Origin, Joss Whedon s’attache à conclure les intrigues laissées en suspens, avant que ne s’achève la série. Le secret de la transformation des souvenirs est enfin levé, ce que tout l’ensemble des spectateurs s’attendait à voir survenir, un jour ou l’autre (jurisprudence Dawn, comme dirait Gunn). Les auteurs parviennent à rendre moins mécanique ce passage obligé en l’accompagnant d’une histoire riche en suspense, autour de l’hypothèque Connor. Jusqu’au bout on se demande de quelle manière Angel va effectivement être pris en défaut et cela survient de la manière la plus tragique qui soit : par une nouvelle trahison (ou du moins un refus de lui accorder sa confiance) de la part de Wesley, ce qui représente un élégante manière de boucler la boucle. L’épisode bénéficie également d’une étonnamment convaincante prestation de Vincent Kartheiser, bien meilleur et davantage expressif qu’il ne l’avait été jusqu’à présent. Le métier rentre et on voit ici se profiler l’acteur de Mad Men. L’ultime scène apporte un rebondissement inattendu, aussi émouvant que cruel.

L’épisode ne borne pas son intérêt à ces retrouvailles avec Connor, car il règle aussi avec soin le cas de Sahjhan, un antagoniste que l’on regrettera, tant il manifeste son humour cynique jusqu’au dernier moment. Mais la relève répond à l’appel, car Cyvus Vail lui succède aisément sur ce registre, les deux démons se ressemblant d’ailleurs comme deux frères ennemis. Son arrivée résulte toutefois passablement soudaine et quasi inespérée pour permettre de dénouer une situation tout de même encalminée depuis la saison 3. Surpris par l’annonce de l’annulation de la série, Whedon doit manifestement régler à marche forcée les affaires pendantes. Le duo Wesley/Illyria captive toujours autant et débouche ici sur crise poignante avec un Angel déstabilisé comme jamais. La tragédie se referme aussi bien sur lui que sur Wesley. Marcus imprime décidément  bien plus l’écran qu’Eve 

 

  • L’épisode marque le retour de Connor, le fils plus prodigue que prodige d’Angel. Il accomplit enfin la prophétie en tuant le démon Sahjhan.

  • Wes a dégusté un Lagavulin de 12 ans d’âge, soit l’un des scotchs les plus prisés d’Ecosse, produit sur l’île d’Islay.

  • Connor cite Anne Rice, auteure des célèbres Chroniques des Vampires, clairement l’une des inspirations de la série.

  • Amy Acker figure désormais au générique pour le seul rôle d’Illyria. So long, Fred.

  • Selon Andy Hallett, c’est durant le tournage de cet épisode que les acteurs ont appris le non renouvellement de la série.

 

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19. BOMBE À RETARDEMENT 
(TIME BOMB)

Scénario : Ben Edlund

Réalisation : Vern Gillum

Illyria fait évader Gunn de sa prison alterdimensionnelle. Mais elle reste incontrôlable, et Angel Investigations cherche un plan pour se débarrasser d’elle. Cependant, le corps de Fred n’arrive plus à contenir le pouvoir d’Illyria, entraînant une faille temporelle. Pendant ce temps, Gunn et Angel tentent de convaincre une jeune femme de ne pas céder son futur enfant à un clan de démons…

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La critique de Clément Diaz:

Ben Edlund a bien du mérite de s’aventurer sur le terrain ambitieux des paradoxes temporels, et particulièrement la cohabitation de plusieurs temps différents. Cependant, il traite avec bien trop de légèreté cette histoire, ne la faisant débuter qu’au troisième tiers, sacrifiant toutes les intéressantes pistes narratives qu’il aurait pu prendre. De plus, Illyria devient quelque peu casse-pieds par ses attitudes incantatoires et répétitives (point heureusement réglé dès la fin de cet épisode). L’étude des personnages reste toutefois intéressante, le final se montre endiablé, et la coda est sèche et inattendue. L’épisode reste ainsi très regardable.

Mis à part l’évasion musclée de Gunn, il ne se passe rien pendant presque 25 minutes, les personnages se contentant de se promener dans Wolfram & Hart dans des saynètes quasi indépendantes les unes des autres. Cet immobilisme scénaristique ne manque toutefois pas d’intérêt, surtout dans la toujours fascinante relation tordue et obscure entre Wesley et Illyria. Wesley erre dans une sorte de folie douce (Denisof se joue des scènes les plus difficiles avec aisance), les derniers événements et les violences émotionnelles qu’il a subis l’ont terriblement secoué, pendant qu’Illyria peste avec rage contre sa situation tout en se montrant d’une confiance inespérée en son « guide ». Comprenant sa « trahison » dans l’épisode précédent, elle déclare n’en avoir rien à faire, mais même sous trois tonnes de maquillage et une voix froide, Amy Acker fait ressentir toute la douleur d’Illyria, sa contradiction entre sa haine de l’humanité, et son lien certes sans chaleur mais bien réel avec Wesley. On apprécie que Gunn ne laisse pas sa culpabilité le ronger davantage et revenir au travail. Lorne et Harmony assurent quelques moments comiques (on retient le gag du coca-cola naturel). Le résultat se laisse voir sans déplaisir, mais reste anecdotique, l’affaire de la femme enceinte se révèle dépourvue d’intérêt sauf à la toute fin.

Lorsque l’auteur décide enfin de sortir une histoire de son chapeau, force est de dire qu’on est pas convaincus. Traiter une histoire de paradoxe temporel sur sept minutes est une quasi absurdité, et la simplification qui en est faite est très frustrante. Surtout que cela nous vaut des commentaires d’Illyria franchement gonflants, et on applaudit Angel quand il lui demande de la fermer. A part la scène choc voyant tous nos héros se faire tuer en vingt secondes, ou le duel final, lui bien électrique, on reste déçus par si peu d’ambition. On sauve cependant la coda voyant Illyria désormais privée d’une grande partie de ses pouvoirs, et l’incroyable retournement de veste d’Angel qui décide de servir brutalement les ténèbres. Un épisode correct mais très décevant. Sur le thème de la déstructuration temporelle, on préférera largement le glaçant Redrum des X-Files.

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La critique d'Estuaire44:

- She still thinks she's the God-king of the universe.

- So she's like a TV star.

- No. Nothing that bad.

Time Bomb permet à la sa série de s’adonner aux plaisirs des récits de déplacement temporel, une audacieuse nouveauté pour le Buffyverse. Les quelques éléments avoisinants aperçus jusqu’ici (verrou temporel ou stase) n’y demeuraient que périphériques. Les scénaristes vont ici jusqu’au bout du concept, avec un récit déstructuré rendant la narration tout à fait stimulante et spectaculaire, sans tout à fait se risquer à l’expérimental. Pour une saison jonglant en permanence avec son budget, le procédé permet aussi de recycler les décors usuels, ce qui n’est jamais à dédaigner. L’intrigue évite également le piège de l’inutilement complexe, mais aussi de centrer son propos sur ce seul exercice de style. L’histoire secondaire relaie ainsi la principale avec humour, jusqu’à une chute glaçante ouvrant directement la voie au final de la série.

En effet l’opus offre un magnifique hommage aux potentialités narratives d’Illyria, absolument épique quand elle sauve Gunn (hilarante ruse de l’amulette !) ou quand elle massacre en moins d’une minute tous nos héros, à l’occasion de l’un des twists les plus sensationnels d’une série en comptant de nombreux forts efficaces. La voir rosser Spike reste également un plaisir dont on ne se lasse pas. Elle émeut également par la perte de sa quasi divinité et sa restriction à une dimension humaine (une dimension certes encore relative dans le temps et l’espace). Cette chute avait déjà été exposée autour de Glory/Glorificus, mais la caractérisation shakespearienne du personnage atteint un nouveau palier grâce au  talent d’une grandiose Amy Acker, totalement déchainée. La relation avec Wes s’avère toujours aussi captivante et complexe. Il est vraiment frustrant que l’actrice n’ait pas disposé d’une saison supplémentaire pour développer son personnage.

 

  • Illyria se voit surnommée de plusieurs noms de déesses à la peau bleue, dont Shiva. Spike l’appelle Babe the Blue Ox, un bœuf bleu, figure du folklore américain.

  • Amanda, la femme enceinte, est interprétée par Jaime Bergman, l’épouse de David Boreanaz.

 

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20. LA FILLE EN QUESTION 
(THE GIRL IN QUESTION)

Scénario : Steven S. DeKnight et Drew Goddard

Réalisation : David Greenwalt

Le capo d’un clan démoniaque de Los Angeles a été tué à Rome, et sa disparition plongerait L.A dans le chaos si son corps n’était pas rapatrié dans les 26 heures où il pourra ressusciter. Angel et Spike partent en Italie pour retrouver le corps mais aussi parce qu’ils ont appris que Buffy se trouve là-bas, et que son chemin croise celui de l’Immortel, un puissant vampire qui par le passé a humilié Angel et Spike. Ces derniers comptent bien profiter du voyage pour avertir Buffy, et avoir leur revanche. Pendant ce temps, Wesley a un problème : les parents de Fred viennent d’arriver à Wolfram & Hart pour voir leur fille…

La critique de Clément Diaz:

Avant le grand grand finale, les scénaristes s’octroient une pause burlesque, et optent pour un épisode ultra décalé qui est une parodie de leur propre série : Angel et Spike deviennent de joyeux crétins en surchauffe, tandis que leur aventure n’est qu’un carnaval clownesque où les événements les plus débiles se bousculent dans une frénésie foldingue. Cet épisode est un hommage à tout le Buffyverse dont les codes sont à la fois respectés, mais en même temps se voient copieusement passés à la moulinette. Seule l’intrigue Wesley apporte une dramatisation, une touche sombre bienvenue à l’ensemble, rendant encore plus trouble sa relation avec Illyria.

Vu le ton agité et gesticulatoire des premières minutes, on comprend qu’on va s’embarquer dans un joyeux délire (félicitations à Rob Kral, dont la musique part dans tous les sens, surtout les plus improbables). L’animosité entre Spike et Angel ressurgit du fait de Buffy. Mais là où un tel sujet avait produit des étincelles violentes entre eux (Destiny), ici, nos amis réagissent comme des adolescents criards, chacun essayant de pisser plus loin que l’autre. Leurs dialogues sont autant de championnats de vannes (on retient le comptage de points sur le nombre de fois où chacun a sauvé le monde, un sommet de mauvaise foi). Le tout est pimenté par les interventions légères d’Andrew qui délivre les lignes les plus drôles en restant d’un stoïcisme inénarrable. Il dit d’ailleurs la morale de l’histoire, jolie pointe contre le paternalisme un poil macho des deux compères que la série aime à dézinguer de temps à autre. Cette « dévirilisation » en règle de nos deux amis s’effectue via des gags craquants comme cette poursuite en moto, leur refus de croire que Buffy puisse avoir d’autres aventures après eux, jusqu’à ce qu’ils soient acculés à l’évidence, et surtout les flashbacks avec Darla et Drusilla (une scène d’anthologie !).

Il est rare de voir Angelus se faire totalement ridiculiser (pour Spike, c’est une habitude), un plaisir que l’on goûte. Justement, parlons-en de l’Immortel : un puissant vampire qu’on ne verra pas de l’épisode, mais on s’en moque tellement ses actes parlent pour lui : ce n’est pas tous les jours que quelqu’un réussit à humilier Angel et Spike (deux fois !!) et pouvoir s’en vanter. Anticipant chaque pitoyable effort de nos héros, il les fait tourner en bourrique dans toute la ville éternelle, dans une succession d’effets aussi chocs que loufoques (mention à la scène de la rançon, un pur délire). Son serviteur obséquieux est en plein trip acide à chaque apparition, ce qui ne gâte rien. On aborde les contrées les plus reculées de l’Absurdeland avec la présidente de Wolfram & Hart à Rome ; en italienne sexy et chaleureuse, Carole Davis explose la définition même du concept de caricature. On comprend aisément que Spike et Angel restent muets devant un tel prodige. La résolution finale, malgré un dernier éclat de rire, est émouvante avec un nouveau cap franchi dans la relation entre Angel et Spike que cette pochade italienne a rapprochés nonobstant leurs rancunes.

On est frappé par le contraste avec le terrible dilemme de Wesley qui apprend qu'Illyria pourrait avoir l'apparence, les intonations, l'attitude de Fred en permanence… mais ce serait toujours Illyria. Dans son exploration de l’humanité, Illyria apprend également la solitude, et comprend confusément que l’amour est le meilleur antidote que les humains y connaissent… et veut l’expérimenter ! Déchirement pour Wesley, toujours brûlant de désir envers Fred, d’autant plus que A hole in the world avait sous-entendu que la barrière sexuelle n’a pas été franchie entre eux. Le finale est un des plus intenses de la série, où la douleur de Wesley et l’incompréhension d’Illyria atteignent des sommets. Alexis Denisof est toujours géant, et la triple performance de la décidément surdouée Amy Acker (Fred, Illyria, Illyria jouant Fred) qui passe d’un registre à l’autre avec une facilité déconcertante est une master class d’interprétation à elle toute seule.

La critique d'Estuaire44:

- Ours is a forever love.

- I had a relationship with her, too.

- Okay, sleeping together is not a relationship.

- It is, if you do it enough times.

On comprend qu’avec The Girl In Question les auteurs aient voulu marquer une respiration avant le grand final et offrir un ultime épisode décalé au public, voire qu’ils aient désiré que, ne serait-ce que par procuration, Buffy figurât dans l’ultime ligne droite d’Angel. Malheureusement ‘épisode présente  de nombreuses faiblesses grevant son succès. Son minutage tombe  fort mal à propos après l’affaire du bébé abandonné à son sort, une décision d’Angel dramatisant l’ambiance et nécessitant un développement rapide. En fait la pause avant le final survient alors que celui-ci a déjà été lancé par cet évènement, ce qui est contreproductif, l’évocation du drame en ouverture de l’action n’y change rien. Alors qu’ne bonne partie de la saison s’est bâtie sur la rivalité entre Spike et Angel (certes atténuée au fil du temps) les voir devenir copains comme cochons résulte trop soudain. Par ailleurs l’humour ne participe pas toujours de la finesse la plus exquise et il s’avère dommage de présenter Buffy comme une fille facile et bambochant à la veille d’une Apocalypse (ce n’est que dans les Comics que l’on saura qu’il ne s’agit pas de la Tueuse, en fait).

L’épisode vaut toutefois par les ultimes flashbacks réussis autour des Fanged Four, d’autant qu’ils nous valent la bonne surprise de retrouver une ultime fois Dru et Darla, visiblement très copines (leur relation aura finalement été moins développée que d’autres au sein de cette famille où le végétalien n’est guère populaire), une jolie opportunité de faire ses adieux. Retrouver Andrew est également sympathique. La relation entre Wesley et Illyria, exposée sous un jour toujours plus cruel mais étrangement partiellement empathique, apporte ici un précieux contrepoint. On prend progressivement conscience d’un intérêt supplémentaire, dont on se demande sincèrement ‘il est voulu ou non par les auteurs. Avec ces poncifs exacerbés autour d’un pays étranger, jusqu’à fantasmer celui-ci (cela aurait pu tout aussi bien être la France que l’Italie) et ses décors en carton pate, une étrange sensation de déjà-vu nous saisit : nous sommes en fait face à ce que les séries d’aventures des années 60, type Le Saint ou davantage encore The Girl From Uncle produisaient à l’époque. On incline à croire qu’il pourrait s’agir d’un hommage subtilement inséré.

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  • Ilona est  interprétée par Carole Raphaelle Davis, actrice non pas italienne mais anglaise. Ayant été partiellement élevée en Italie, elle a souvent joué ce type de rôle. De mère française, elle réside régulièrement à Nice.

  • Il sera révélé dans la saison 8 Comics de Buffy contre les Vampires que ce n’est en fait pas du tout Buffy que nos deux héros voient danser. Il s‘agit d’une des Slayers nouvellement apparues, qu’Andrew a placé là par ruse, afin de permettre à Buffy d’entraîner ses troupes en Écosse sans être dérangée par ses soupirants.  Buffy n’a jamais eu de relation avec l’Immortel mais reste ulcérée qu’Angel ait accepté la direction de Wolfram & Hart Los Angeles.

  • La mythique veste de cuir de Spike, conquise sur une Slayer, est ici détruite.

  • Angel décrit Buffy comme une blonde aux yeux bleus, alors qu’elle les a verts.

  • Initialement Michelle Trachtenberg devait apparaître dans l’épisode, mais elle fut prise par le tournage du film Europa Trip, en Europe. Dawn devait tenir le rôle finalement imparti à Andrew.

  • Le script de Joss Whedon prévoyait qu’Andrew sorte accompagné d’un homme et d’une femme, afin de préserver jusqu’au bout l’ambiguïté quant à sa sexualité. Mais, durant le tournage, Greenwalt opta pour qu’il soit accompagné de deux femmes.

  • Julie Benz s’est déclarée ravie d’avoir eu l’occasion de dire adieu à Darla. De plus l’atmosphère joyeuse de la scène lui a permis de contrebalancer la peine qu’elle éprouvait.

  • Durant la bagarre à la boite de nuit, on entend la chanson Take Me In Your Arms, de Dean Martin (1961), d’inspiration italienne.

 

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21. JEU DE POUVOIR
 (POWER PLAY)

Scénario : David Fury

Réalisation : James A. Contner

Angel se range du côté de Wolfram & Hart : il ne parle plus à ses amis et accepte de commettre les actes les plus vils pour satisfaire les Associés Principaux. Angel Investigations comprend que leur leader s’est laissé corrompre par le pouvoir. Ils doivent maintenant réagir avant qu’il ne soit trop tard…

La critique de Clément Diaz:


Power play est l’épisode concentrant le plus les obsessions de Joss Whedon : le pouvoir, la rédemption, le sacrifice, l’amour. Occupé à écrire le finale de la série, Whedon délègue cette tâche au scénariste qui comprend peut-être le mieux sa pensée : David Fury, compagnon de longue route, et aujourd’hui un des meilleurs auteurs de série télé. Heureux choix, Fury nous parle longuement de ces thèmes fondamentaux en les inscrivant dans une intrigue au suspense implacable, s’achevant sur une des scènes les plus grandioses de la série, qui s’enchaîne au dernier épisode.

Il faut avouer qu’on ne croit guère à cette corruption d’Angel. Tant les événements passés, la soudaineté de la situation (issues de l’accélération du récit imposée par l’annulation imprévue de la série) parlent contre ce sens. Mais malgré cela, l’épisode parvient à distiller des scènes vraiment dérangeantes car Angel commet des actions horribles en toute connaissance de cause : sacrifier un bébé, tuer un innocent, être complice d’une campagne de calomnie (avec une sénatrice beaucoup plus House of cards que West Wing). Autant de sacrifices que commet Angel pour poursuivre un but plus large (24 heures chrono n’est pas loin, et Fury saura s’en souvenir). De plus, il faut avouer que Fury parvient à plusieurs reprises à douter de notre confiance envers le Dark Avenger, notamment avec l’hypothèse insoutenable d’Angel ayant planifié la mort de Fred, ici rendue crédible par les révélations de Drogyn et de Lindsey qu’on aime toujours en fanfaron, même menottes aux mains.

L’épisode peut aussi se reposer sur David Boreanaz, qui a l’occasion d’étrenner une nouvelle forme de noirceur : celle du businessman sans émotion. L’épisode entier est une attaque en règle contre le libéralisme et la déshumanisation qui va avec, et par conséquent la source de ces maux : le pouvoir. Voir Angel professer la négation du bien et du mal et ériger le pouvoir comme l’aboutissement de tout (exactement comme la Force dans le Lessons de Buffy) est diablement effrayant. La mise en scène de James A.Contner, décidément un des réalisateurs les plus doués de série télé, intensifie au maximum cette histoire anxiogène où le héros semble vaciller, se couper du monde et de ses amis. Nous sommes tout à fait immergés dans l’angoisse d’Angel Investigations, et leurs luttes pour repousser l’horrible hypothèse sont poignantes. On apprécie aussi la résolution si « Angel » de sa relation avec Nina, passant de la malaisée scène de lit à la séparation brute sur un banc. Belle prestation de Jenny Mollen pour un personnage qui aurait mérité plus d’espace. Quant à l’amour, Spike apprend à une Illyria étonnée qu’il peut agir comme le pouvoir le plus destructeur qui soit (Whedon a toujours été fasciné par la face enténébrée de l’amour) : sa ressemblance non seulement physique mais aussi dans certaines attitudes de Fred, perturberont et feront mal pour toujours à ceux qui l’aimaient. Décontenancée par l’attitude de Wesley (qui la fuit), on sent qu’Illyria éprouve pour Wesley un sentiment positif, chaleureux, qu’elle ne peut que nier. Illyria est une mine inépuisable de richesse psychologique et éthique, et parfois comique, comme avec la scène totalement déjantée du jeu vidéo.

Vient ce final, où Angel abat toutes ses cartes. Sa longue tirade finale a la puissance des grands leaders au combat universel. Il n’a rien d’autre à offrir que la mort et la violence à ses amis, résultats d’un combat qu’ils ne pourront jamais gagner. Mais c’est le fait même de se battre qui fait de l’existence humaine son but : la gloire, l’argent, le pouvoir… ne sont que des « joujoux » qui nous seront enlevés quand la mort viendra nous prendre : il n’y a pas de « récompense ultime » ici-bas, seule l’humanité, l’amour, est ce qui compte dans cette vie. Sommes-nous prêts à mourir, à nous sacrifier au nom de cette valeur, à accepter qu’on ne peut pas gagner le combat contre le mal et mourir en le combattant ? Bref, sommes-nous prêts à vivre dans le sens le plus élevé du terme ? Tel est en fait la question fondatrice de la série qu’Angel entrevoyait dans Epiphany et qu’il révèle ici à la onzième heure. Il est maintenant temps de tirer le rideau de la série sur un ultime feu d’artifice.

La critique d'Estuaire44:


- That Angel talking ? 'Cause it sounds a lot more like Angelus.

- If I was Angelus, half of you would already be dead, just for the fun of it.

On reconnaîtra à Power Play le mérite de camper le décor pour le grand final, qu’il propulse avec l’ultime scène, particulièrement intense, du serment de mort prêté entre Angel et les siens. Mais il aura par ailleurs accumulé les faiblesses. L’introduction consistant à présenter une scène incongrue à laquelle succède un retour arrière explicatif constitue un procédé très daté et rebattu, manquant singulièrement d’originalité. Cela aurait sans doute pu convenir pour un épisode lambda, mais pour l’accroche de la conclusion de la série, on espérait davantage d’innovation. Le manque d’ambition se retrouve, de manière plus grave encore, dans le scénario lui même, qui se contente de dérouler sur un autre poncif, le travail d’entrisme réalisé par un protagoniste conservant le secret par souci d’efficacité, jusqu’à faire douter des partenaires incrédules.

Le procédé figure déjà depuis des décennies au programme de séries américaines, là aussi on était en droit d’attendre une ambition supplémentaire, d’autant plus que l’intrigue se contente d’empiler les scènes de ce type. Or, évidemment, on ne doute jamais d’Angel et chaque spectateur comprend de quoi il en retourne contrairement à ses alliés frappés de cécité. L’irruption de ce Cercle surgi de nulle part tombe par ailleurs à point nommé pour permettre le déroulement d‘une bataille définitive, alors que la saison avait au contraire parié sur une évolution lente des personnages soumis à l’environnement corrupteur du seul Wolfram & Hart. Mais là il s’agit sans doute de la décision d’annulation de la série prenant Whedon à contrepied et le forçant à accélérer le rythme. Demeurent néanmoins de ci de là quelques jolies scènes, telles Illyria adorant Tomb Raider ou les membres du cercle se révélant être les  antagonistes croquignolets croisés en cours de saison. Power Play apparaît comme un simple prologue, mais promet de chaudes explications de gravure !

 

  • Illyria est surnommée Blue Meanie par Spike, terme représentant les adversaires des Beatles dans le dessin animé psychédélique Yellow Submarine (1968).

  • Quand les amis d’Angel lèvent la main pour signifier qu’ils le rejoignent dans son combat, on entend la musique accompagnant la mort de Doyle dans Hero.

  • Le démon Boretz est ainsi nommé en clin d’œil à Michael Boretz, assistant de Joss Whedon.

  • Fury a indiqué que la production espérait que Sarah Michelle Gellar puisse intervenir dans l’épisode, tout comme Boreanaz lors de l’avant dernier épisode de Buffy. Mais l’actrice fut retenue par le tournage du film The Grudge, au Japon.

  • Dernière apparition de Nina Ash, mais celle-ci participera à al saison 6 Comics After The Fall. Aux côtés de Connor et de Gwen Raiden, elle assurera la défense de l’Hypérion, devenu un sanctuaire pour la population. 

 

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22. L'ULTIME COMBAT
 (NOT FADE AWAY)

Scénario : Jeffrey Bell et Joss Whedon

Réalisation : Jeffrey Bell

Angel, Gunn, Illyria, Lindsey (qui se rallie à leur cause), Lorne, Spike, et Wesley se préparent pour le combat final qui va les opposer au Cercle de l’Aiguille Noire. Ils savent cependant qu’ensuite, ils devront subir la fureur des Associés Principaux. Ils passent un dernier jour de répit avant d’affronter leur héroïque destin…

La critique de Clément Diaz:

Le héros est celui qui va en même temps au-devant de sa plus grande douleur et de son plus grand espoir. (Friedrich Nietzsche)

Le finale d’Angel est souvent cité comme étant rien de moins qu’un des plus aboutis de la télévision. Not fade away (quel merveilleux titre !) se révèle être une réflexion étonnement complète sur le thème de l’héroïsme, ici vu sous sa face la plus ténébreuse. La série a souvent décrit la personne du héros comme extrêmement sombre. La réflexion de Joss Whedon et Jeffrey Bell atteint ici un formidable sommet, car ils dépouillent l’héroïsme de toute lumière, de toute pompe, de toute gloire ou de bonheur. L’héroïsme, comme Angel le prophétisait dans Destiny, est un fardeau inhumain où il y a tout à perdre et rien à gagner. Une vision beaucoup plus réaliste que les fantasmes d’héros présents depuis la nuit des temps (et même dans le Chosen de Buffy qui toutefois marquait déjà des inflexions novatrices). Mais passée le filtre de la métaphore, omniprésente dans le Buffyverse, l’on voit que cette désacralisation extrême du statut d’héros autorise le spectateur à se rendre compte qu’il est lui aussi appelé à être un héros, ou de n’être qu’une victime consentante d’un monde tentaculaire et inégal. Cette réflexion se coule dans le moule populaire du dernier acte à grand spectacle, enchaînant les moments forts, les discours poignants, les batailles les plus épiques, jusqu’à la flamboyante coda, conclusion logique et on ne peut plus parfaite à cette forte et singulière série.

Selon la bonne vieille recette Whedonienne, ce finale se scinde en deux parties. Dans la première partie, nos héros respirent une dernière fois l’air d’une ère ancienne, avant que les ténèbres la détruisent. La question étant de savoir ce qui émergera de cette destruction, métaphore évidente de l’histoire des civilisations. La seconde moitié est le combat proprement dit, où les foudres du ciel et de l’enfer se déchaînent. Nous voyons donc nos amis accepter le « congé » qu’Angel le leur accorde, et dire adieu à leur monde en rendant hommage à ce qu’ils y aiment le plus. Lorne demeure un musicien, et à ce titre, vient retrouver son public pour chanter, fusionnant dans cet acte son art et l’amour qu’il éprouve pour les habitants de la Terre (Barbara ne disait-elle pas que la plus belle histoire d’amour d’un artiste était son public ?). Spike opère une émouvante volte-face : lui qui a toujours aimé le « fun » (les bagarres, le désordre), réprime ses volontés belliqueuses et choisit au contraire de défendre sa poésie lors d’une mémorable session devant une bande de motards qui le vengent à la toute fin de son rejet par ses pairs (et Cécily) quand il était encore humain.

Bon, il s’enfile quand même une impressionnante cargaison d’alcool, le Spike doit quand même être à la hauteur de sa réputation ! Gunn retourne aux sources lorsqu’il défendait les humains de la rue, mais au lieu de se perdre dans une lutte anecdotique où il perdait son âme, choisit de se montrer utile en aidant son amie Anne (la petite apparition de Julia Lee est un joli clin d’œil adressé aux fans). Angel vient voir Connor, et pour la première fois parlent comme père et fils. Établissement d’un lien d’amour paternel et filial qu’ils n’avaient jamais pu construire avant (Quels progrès de Vincent Kartheiser !). Lindsey, embauché par Angel après un superbe débat idéologique - et pas dénué d’humour - passe sa journée avec Eve, son bel amour. Que des scènes merveilleuses, mais on atteint le paroxysme avec une bouleversante scène entre Wesley et Illyria : à la différence d’Angel, Lindsey, et Gunn, qui ont des personnes qui les aiment, et de Lorne et de Spike qui ont leur art, Wesley a tout perdu depuis la mort de Fred, et n’a donc rien à faire. C’est pourquoi il reste avec Illyria, qui est ce qui est le plus proche de Fred, son grand amour, tout en refusant de renier sa soif de vérité en interdisant à Illyria de se transformer en Fred. La férocité d’Illyria se brise petit à petit alors qu’elle est frappée par la grandeur d’âme déchirante de son « guide », unique chose qui l’attache à notre monde. Deux solitudes, au cœur en hiver, dont la présence de l’autre seule donne du sens à leurs vies en ce moment.

La seconde moitié n’est pas formellement aussi réussie que le finale de Buffy : l’on comprend que Whedon et Bell aient refusé la facilité de copier qui aurait consisté en une grande bataille finale, mais cela a pour conséquence de transformer ce final en six combats indépendants ; l’effet apparaît bien moins fort, mais tel qu’elle est, cette confrontation ne manque en rien de spectaculaire et d’épique. Toutefois, on se permettra de trouver superfétatoire la glaciale exécution de Lindsey, pas clairement justifiée. Qu’importe, niveau combats, on est servi, notamment dans le fantastique duel Hamilton/Connor et Angel (qui nous la joue Keyser Soze en expédiant avec ruse l’affaire de l’archiduc). En nadir, la terrible mort de Wesley, mais qui trouve un aboutissement dans le sublime adieu qu’il adresse à Fred/Illyria, où l’émotion semble s’être cristallisée dans le cœur de chaque spectateur (quelle interprétation !). Harmony nous fait des adieux à sa mesure : légers et hilarants ; on sait gré à Angel de jeter l’éponge à son sujet.

La coda est la digne apothéose de la série : le combat d’un héros est sans fin. La guerre contre le mal ne peut être gagnée ; on ne peut que vivre et mourir lâchement, dans une vie illusoire, ou bien vivre et mourir courageusement, et être ainsi héros à part entière. Alors, il est normal que le combat d’Angel ne connaisse finalement pas de fin, et que le quatuor qui reste est prêt à vendre chèrement sa peau, d’où ce faux cliffhanger, purement symbolique : à la fois non-fin et fin achevée. C’est d’une adresse sans pareil, et toute l’équipe technique se donne à fond. Aux commandes, Jeffrey Bell contrôle absolument le moindre détail, le rendu visuel est fastueux.

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Ainsi se « terminent » les aventures d’Angel et de son équipe. Merci à Joss Whedon, David Greenwalt, Jeffrey Bell, et à tous les artisans de la série, de nous avoir transporté au plus profond de la nature humaine à travers des aventures initiatiques, magnifiques, et terrifiantes, de haute volée. Merci de nous avoir tant diverti et tant poussé à réfléchir sur nous-mêmes, et sur le sens que nous accordons à la vie. Mais le privilège des héros est qu’ils ne meurent jamais, et nous retrouverons Angel, escorté de temps à autre par ses anciens partenaires, toujours dans sa quête de rédemption et d’héroïsme dans les comics Angel : after the fall et Angel & Faith avec encore plus d’aventures spectaculaires et plus grands que la vie. Stay tuned !

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La critique d'Estuaire44:

- You cannot beat me. I am a part of them. The Wolf, Ram, and Hart. Their strength flows through my veins. My blood is filled with their ancient power.

- Can you pick out the one word there you probably shouldn't have said ?

Avoir mis le décor en place lors de l’opus précédent, permet à Not fade Away de se jeter à corps perdu dans l’action avec une tonalité épique absolument extraordinaire. Chacun des affrontements présentés lors des différentes étapes du pari désespéré d’Angel constitue un superbe fait d’armes, Whedon insufflant par ailleurs une grande variété dans les péripéties proposées. Acteurs et mise en scène apportent une remarquable intensité à l’ensemble, de même que le montage, passant de l’un à l’autre des fronts avec un effet d’accélération réussi, sans que la compréhension de l’action n’en pâtisse jamais. Comme le veut la tradition du Buffyverse, la fin d’une période voit la destruction de son décor central. Celle des bureaux de Wolfram & Hart s’avère particulièrement bien rendue, rejoignant la hantise la hantise californienne des tremblements de terre et s’élargissant au propre Los Angeles. Sans qu’elle soit spécifiquement explicitée, la chute aux Enfers de la Cité des Anges nous une sensationnelle et horrifique scène finale. Qu’Angel s’achève de manière autrement plus sombre que Buffy demeure parfaitement logique.

De même que pour le Chosen de Buffy contre les Vampires, l’action tonitruante n’empêche pas Whedon d’accorder une grande part à la psychologie des personnages, au moment où bon nombre de cheminements personnels arrivent à leur terme. La veillée d’armes permet à chacun d’exprimer sa vérité, on avouera avoir été particulièrement sensible à un Spike trouvant enfin un public pour ses poèmes. On apprécie qu’Angel épargne la félonne Harmony, se rattrapant de son comportement souvent imbuvable comme patron, mais plus encore qu’il n’oublie pas d’expédier as patres Lindsey. Jusqu’au bout la série aura su rester fidèle sur l’un de ses atouts maîtres,, la personnalité sombre et impitoyable, jusqu’à rendre questionnable sa morale. Le voir transformer le charmant Lorne en assassin ajoute une cruauté supplémentaire à l’ensemble (imagine-t-on Buffy demander à Alex de commettre ce qui est une exécution ?). Le départ désenchanté de Lorne est à briser le cour, tout comme la mort de Weslet et son ultime scène avec Illyria/Fred. Le duo Denisof/Acker aura vraiment immensément apporté à la série. Si Gunn et, davantage encore, Spike ont aussi droit à son heure de gloire, le combat principal demeure le mano a mano sanguinaire entre Marcus et Angel lui-même. L’occasion de retrouvailles avec un Connor apaisé et un Vincent Kartheiser  décidément en progrès) et d’un ultime triomphe pour le féroce Dark Avenger, insurpassable prédateur. 

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  • Tout comme Les marionnettes maléfiques, l’épisode fut proposé aux Hugo Awards de 2005, comme meilleur épisode de l’année d’une série fantastique ou de Science-fiction, mais fut battu par le double opus The Empty Child/the Doctor Dances, du tout nouveau Doctor Who.

  •  Au bar, Spike récite l’Ode à Cecily, son poème découvert dans l’épisode Fool For Love, de Buffy :

My soul is wrapped in harsh repose,

 Midnight descends in raven-colored clothes,

 But soft... behold!

 A sunlight beam

 Butting a swath of glimmering gleam.

 My heart expands,

 'tis grown a bulge in it,

 Inspired by your beauty...

 Effulgent.

  • Après sa brouille avec Angel, Lorne demeurera un temps neutre dans le combat entre son ancien ami et les démons ayant plongé Los Angeles en Enfer (Saison 6 Comics After The Fall). Il établira toutefois un sanctuaire pour la population, à Silver Lake, quartier de Los Angeles aux nombreuses boites de nuit. Il finira toutefois par se réconcilier avec Angel et par l’assister dans sa lutte.

  • Illyria est surnommée Blue Thunder par Gunn. Il s’agit d’une série d’hélicoptères de 1988, ayant connu un flop du fait de la concurrence de Supercopter.

  • La série s’achève sans que la fameuse Prophétie de Shanshu soit vérifiée ou explicitée.

  • Les scènes de Kane furent réalisées un mois à l’avance, l’acteur n’étant pas disponible lors du tournage de l’épisode.

  • Anne/Chanterelle est de retour pour le grand final.

  • Lors de sa diffusion, le final d’Angel fut encore plus suivi que celui de Buffy, preuve que la série avait encore du potentiel.

  • David Boreanaz aura été l’unique acteur à apparaître dans tous les épisodes de la série.

  • Malgré l’écrasante dernière image de la série, les différents personnages vont tous participer à la saison 6 Comics, After The Fall, qui va narrer comment Angel et les siens vont parvenir à extirper Los Angeles des Enfers. Gunn sera toutefois devenu un Vampire et Wesley un Fantôme.

  • Les pieux rétractables utilisés par Gunn sont ceux d’Angel lors du pilote de la série.

  • L’ultime scène de la série est bien la dernière à avoir été filmée.

  • Le titre original fait référence à un grand succès  de Buddy Holly (1957), l’un des toutes dernières qu’il composa avant son accident d’avion. La chanson fut reprise par de nombreux artistes, notamment les Rolling Stones.

  • L’ultime chanson de Lorne est If I Ruled The World, crée en 1963 pour une comédie musicale du West End, adaptant le roman de Dickens The Pickwick Papers. Elle a été depuis reprise par de nombreux interprètes, dont Stevie Wonder, The Supremes ou Tom Jones. Andy Hallett a indiqué s’être inspiré de la version de James Brown

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