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 saison 1 saison 3

Columbo

Saison 4


1. EXERCICE FATAL
(AN EXERCISE IN FATALITY)



Critique :

Ahhhh, quel plaisir de revoir ce bonhomme-là ! Robert Conrad représente pour le vieil homme que je suis une icône de ma jeunesse téléphagique. J'ai grandi avec cette image de virilité, de courage, de bogossitude, via Les Mystères de l'Ouest et Les Têtes Brûlées qui coloraient mes après-midi de vacances. Aussi faut-il que je prenne en considération dans mon appréciation générale l'aspect indéniablement "madeleine" de Proust. J'ai donc un énorme a priori positif.

Avouez cependant que le scénario concocté par Larry Cohen et Peter S. Fischer est très bien construit. Cette histoire fait partie des très bons Columbo, peut-être même parmi les meilleurs.

Quoiqu'il en soit, cette saison 4 part sur les chapeaux de roues, sur la même intense et spectaculaire qualité que la fin de saison 3. On sirote une divine continuité et nous retrouvons l'heureux crescendo dans l'irritation du criminel. D'abord conciliant et sympathique, Conrad prend le chemin progressif de l'exaspération face à un Columbo fouineur entêté et se faisant passer pour un imbécile. Cette montée de tension est très bien amenée.

L'enquête est suivie pas à pas sur les lieux du crime et c'est toujours un grand plaisir pour moi de voir sans l'entendre le cheminement, le processus de pensée du lieutenant. J'adore ça. En quelques gestes, deux ou trois regards, on devine qu'il sent l'entourloupe et nous comprenons avec lui.

Cet épisode, encore une fois, n'est pas avare en petites saynètes humoristiques jouant sur les inaptitudes de Columbo. D'abord, le lieutenant ne faisant pas partie de l'humaine engeance friande de joies et dépassements sportifs, lorsqu'il s'agit de faire un footing avec Conrad sur la plage, l'exercice se révèle rapidement périlleux ; et les séances de remise en forme dans la salle de sport n'y feront rien. Il y a également ce gouffre maintes fois utilisé dans la série entre Columbo et la perfide technologie. Ici, qu'il s'agisse de l'enregistreur sur bande magnétique ou plus encore quand sa demande de renseignements se solde par une attente le temps que l'ordinateur traite les informations, Columbo semble abasourdi par les prodiges de la machine. C'est avec cet air presque hébété, entre incompréhension et admiration, que Peter Falk réussit à donner un discret comique à ces séquences. Discret car cela ne prend que quelques secondes, donne un coup de vent au récit sans jamais rompre l'essentiel, le fil de l'intrigue, ni dans le rythme, encore moins dans la cohésion d'ensemble.

Je note au passage qu'on a là encore une fois un très bon épisode réalisé par Bernard L. Kowalski.

Écrit avec jugeote et équilibre, le film est d'une clarté et d'une évidence qui le classent parmi les tout meilleurs. La saison démarre avec un splendide fracas. Oui !

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2. RÉACTION NEGATIVE
(NEGATIVE REACTION)

Critique :

Un Columbo un peu décevant.

D'abord, je m'attendais à un peu plus de la part de Dick Van Dyke. À vrai dire, il ne donne pleine mesure de sa personnalité sur la fin qu'à partir du moment où son personnage atteint le paroxysme de son exaspération devant l'outrecuidance de Columbo.

D'autre part, on aura quelques difficultés à considérer le dénouement comme prestigieux. Encore une fois, Columbo ne parvenant pas à trouver de preuve se livre à une vulgaire manipulation de son suspect, lequel fait preuve d'un manque de réflexion pour le moins impressionnant d'imbécilité tout le long du téléfilm, laissant plusieurs indices compromettants d'une façon si grossière qu'on peine à lui trouver des circonstances atténuantes.

Heureusement que l'épisode contient son lot de petites perles intéressantes à miroiter, à commencer par l'énième participation de Vito Scotti, mais cette fois-ci il ne joue ni un majordome français ni un restaurateur italien - rien de sélect - mais bien une pauvre cloche, mal rasé, saoul, et d'un air philosophe qui se gratte la barbe en répondant un peu endormi aux questions de Falk. N'empêche, ce bonhomme me plaît. Il joue bonardement.

Pour finir, l'épisode cultive encore plus la mythologie "anti-Columbo" en insistant sur une trilogie de caractéristiques dépréciatives. On pourrait presque parler de quadrilogie mais il n'est fait qu'allusion au chien. D'abord la voiture fait une entrée en scène des plus comiques. Le meurtre ayant eu lieu dans une casse, le policier qui surveille l'endroit croit dans un premier temps que le lieutenant vient vendre sa vieille Peugeot pourrie. La décrépitude du vestiaire columbien est à l'honneur dans le dispensaire d'un quartier pauvre où il vient interroger Scotti. La bonne sœur, Joyce Van Patten, qui l'accueille croit également avoir affaire à un clochard devant l'aspect peu ragoutant de son imperméable et tente de lui en passer un en meilleur état ainsi qu'une soupe bien chaude. Quand il aura réussi à décliner son identité, elle restera persuadée qu'il est déguisé en clodo pour s'intégrer à la faune locale et mieux mener son enquête. Pour finir de rabaisser le personnage, le scénario va même jusqu'à prévoir un examinateur du permis de conduire qui préfère sans façons sortir du véhicule de Columbo tant le bougre est mauvais conducteur. Sueurs froides pour Larry Storch, sourires pour le spectateur.

En somme, un épisode sympathique dont l'écriture ne frôle malheureusement pas la perfection.

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3. ENTRE LE CRÉPUSCULE ET L'AUBE
(BY DAWN´S EARLY LIGHT)

Critique :

Très bon épisode.

On le constate rapidement, de suite même. Le pré-générique est très particulier. Sans musique aucune, dans un silence seulement déchiré par le froissement d'un papier journal ou le débit de l'eau d'un robinet, on assiste à une drôle de besogne. Un homme transpire à grosses gouttes au-dessus d'un obus qu'il dévisse, dont il sort la poudre et la remplace par quelques barrettes de plastic. Cet homme est le n°6, Patrick McGoohan, les cheveux blancs, quelques rides, mais l'œil toujours aussi vif et perçant, la mine encore plus impressionnante. Cette scène pré-générique est bien faite, percutante.

Son traitement volontiers austère, à la rigueur militaire, est à l'image de tout l'épisode. Prenant place dans une académie militaire, l'enquête est menée par un Peter Falk différent, moins à l'aise devant cette figure de très grand médaillé. Comprenant que s'il veut nouer tous les liens de cette affaire, il doit s'imprégner de l'atmosphère qui règne dans ce lieu clos, Columbo séjourne au milieu des cadets pendant quelques jours et apparaît alors un homme plus qu'un lieutenant. Souvent réveillé en plein milieu de la nuit ou dès potron-minet, c'est en débardeur, le cheveu hirsute et la mine pâteuse, que l'on découvre un type encore moins apprêté qu'à l'habitude, ce qui en soi relève de l'exploit.

Cette académie militaire offre une très belle scène pour un crime. Cet univers sévère et fruste où hiérarchie et autorité sont les clés de voûte d'un quotidien difficile condense à merveille les éléments dramaturgiques et esthétiques. L'architecture originale des lieux, à la fois moderne et classique, avec ces murs de chaux blancs, purs, ces escaliers en colimaçon, avec son dallage en échiquier évocateur, impose un jeu de silences et d'échos bien effrayants, propices à accentuer un lugubre suspense.

La réalisation – si elle n'avait eu la mauvaise idée d'y coller une photographie baveuse sur les extérieurs – s'approprie intelligemment les lieux, leur donne même une place, un rôle à jouer indéniable dans l'écheveau criminel que dépeint l'intrigue. C'est très finement écrit et réalisé.

Vient s'ajouter au joli tableau décrit jusque-là une distribution très efficace. Pas besoin de présenter Patrick McGoohan, qui dans les personnages froids et inquiétants ferait grelotter de jalousie n'importe quel iceberg. Maître redoutable, il dessine un être dont la discipline de vie confine à l'obsession ascétique et lui donne un sens, de manière impertubable et sans la moindre réserve. Personnage ô combien effrayant, ce bougre de McGoohan réussit la gageure de le faire sourire ! J'ai beaucoup d'admiration pour ce comédien irlandais (ne vous fiez pas à son lieu de naissance, New-York). Aficionado de la comédie romantique Quand Harry rencontre Sally, je ne pouvais laisser passer la très bonne prestation de Bruno Kirby qui apparaît au générique sous le nom de Bruce Kirby Junior aux côtés de son père, Bruce Kirby Senior of course.

Pour en finir avec ce très bon épisode, on a droit à un dénouement tout aussi bon : irréfutable, formidablement spectaculaire, et très bien lié au caractère du meurtrier.

Chapeau ! Képi, bérêt, casque, calot, etc.

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4. EAUX TROUBLES
(TROUBLED WATERS)

Critique :

Evidemment, le fan des Avengers ne peut manquer cet épisode voyant la participation de Patrick Macnee. Mais Troubled waters est aussi en lui-même un des plus célèbres Columbo, notamment en raison de son unité de lieu, schéma si classique de la littérature policière : l'enquête lors d'une croisière. À la Agatha Christie en somme.

L'influence anglaise de cet épisode ne se limite pas à cela. Bernard Fox et Patrick Macnee donnent une heureuse touche britannique. Même s'il est plaisant de retrouver la bouille de John Steed, on regrettera cependant qu'elle soit si peu souriante. Dans le rôle du capitaine, il maintient une stature grave qui ne rappelle en rien la malice et l'humour du chapeau melon. Fox est beaucoup moins présent que lors de sa première participation à la série (S.O.S. Scotland Yard) où il figurait un inspecteur-chef de Scotland Yard.

Le scénario et la mise en scène mettent par contre parfaitement en valeur un Robert Vaughn royal. Ce type m'épate, il est en tout point élégant, classieux, et d'une froideur effarante. Son assurance et la sourde violence qui sommeillent dans son regard sont très impressionnantes. Impeccable du début à la fin, j'applaudis et fais une standing ovation à moi tout seul. Sans doute livre-t-il là l'une des (si ce n'est "la") meilleures prestations d'assassin de toute la série ! Ébouriffant. D'ailleurs le téléfilm n'est-il pas décoiffant au sens capillaire du terme ?

Difficile au milieu de l'océan d'échapper aux facéties d'Éole. On notera également que les conditions de tournage ont été encore plus difficiles pour le chef-opérateur William Cronjager : de nombreuses séquences sont floues. Sans doute n'y avait-il pas toujours la possibilité technique de s'assurer de la netteté des plans ? Ou bien l'alcool coulait-il tant à flots que le directeur de la photographie a sombré dans l'ivresse des profondeurs de champ ? Car s'il est un aspect formel qui a joliment retenu mon attention, ce sont bien tous les plans filmés de loin mettant en exergue deux opposés : soit la foule et le confinement de ces petits espaces, soit la solitude des personnages dans ces grandes salles vides.

Les effets de contraste avec un même procédé m'ont bien plu. Cela change évidemment des gros plans qui garnissent les épisodes d'habitude. Bon point donc pour l'audace de Ben Gazzara requise à l'heure d'investir pleinement le cadre inhabituel de cette intrigue.

À noter la présence d'une grande actrice, Jane Greer, la Kathie Moffat de La Griffe du passé de Tourneur, la Joan Chiquita de Ça commence à Vera Cruz ou encore l'Antoinette de Mauban du Prisonnier de Zenda (version 1952).

La plupart du temps, un très bon épisode et pourvu d'un très bon dénouement. Celui-ci est inattendu et imparable pourtant, d'une savoureuse intelligence, comme souvent dans la série.

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5. PLAY BACK
(PLAYBACK)

Critique :

Épisode sympathique, mais qui pour une raison que j'ai quelque difficulté à distinguer ne me porte pas sur une vague d'enthousiasme béat.

Pourtant le casting est des plus somptueux. Oskar Werner d'abord, qui a un peu vieilli depuis Jules et Jim bien sûr, et dont la coupe au bol Mireille mathioïde fait jaillir une explosion de doutes sur la santé capillaire du bonhomme. Cette allure étrange alliée à des postures enfantines, comme par exemple la tête qui penche souvent, habille le personnage d'un voile troublant qui accentue sa part de mystère. On ne sait trop jusqu'où il va aller. Les sentiments qu'il nourrit à l'égard de sa femme deviennent sujets à caution. Il y a une sorte d'ambiguïté mêlée d'effroi qui embellit le personnage. Il est vrai qu'à la fin il s'emporte un peu trop vivement à mon goût, une exagération hors de propos. Piètre bémol de messire Tatillon, je le concède.

Et puis surtout, il y a Gena Rowlands. Après la prestation de John Cassavetes dont la collaboration et l'amitié avec Peter Falk sont primordiales pour les deux acteurs, c'est au tour de sa femme et muse de venir renvoyer la balle à Falk dans sa série. Dans un rôle un peu effacé, très féminin et fragile, très éloigné de ce qu'elle a joué chez Cassavetes justement, elle parvient à trouver une tonalité juste. Les échanges entre Falk et elle procurent une douce émotion cinéphile.

Dans un autre type de charisme, la distribution donnera la possibilité à celles et à ceux que cela interpelle d'être particulièrement sensibles à la plastique pulmonaire d'une actrice charmante, Trisha Noble.

Mais plus sérieusement, évidemment, c'est l'intrigue qui tient lieu d'axe majeur, vers lequel toutes les attentions se tournent. Et le mode opératoire du crime paraît tout de suite bien compliqué, un des plus complexes de la série. Son aspect technologique a certainement amplifié cette impression. En dépit de cela, peut-être même grâce à cela, il se dégage de cette enquête un grand intérêt, une curiosité importante. Bien difficile de déceler l'issue à venir.

À ce propos, la révélation de la solution est plutôt bien pensée et mise en scène. Il n'empêche, si l'on veut bien être honnête deux secondes, il est évident qu'il était techniquement impossible à l'époque de faire ce qu'a fait Columbo avec les techniques "VHS" : un dénouement presque parfait en somme.

À noter le rôle plus important du chien. Dans cet épisode, il permet à Columbo d'aborder Werner et surtout Rowlands d'une manière peut-être un peu plus détournée et sur un mode affectif qu'il ne peut pas maîtriser habituellement. Ici et là, on perçoit dans cet épisode des prises de vues plus originales, une mise en scène léchée, surtout un travail sur les lumières intérieures qui fait plaisir à voir. Et quand le nom du metteur en scène apparaît au générique de fin, on comprend mieux : encore une réalisation signée Kowalski !

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6. ÉTAT D'ESPRIT
(A DEADLY STATE OF MIND)

Critique :

Pour clore cette saison 4, j'espérais un peu plus.

L'épisode ne manque pas d'attraits, cependant il ne remportera sans doute pas tous les suffrages. La faute en grande partie à un dénouement ordinaire, voire tarabiscoté si l'on se pique d'être méticuleux. J'ai bien du mal à le trouver imparable. Encore un piège de Columbo (je ne suis pas fanatique de ce genre de résolution), mais celui-là est loin d'être diabolique. Tiré par les cheveux, faiblard, ridicule même, pourraient être les qualificatifs les plus proches de la réalité.

Non, définitivement, c'est ailleurs qu'on va trouver de quoi se frotter les mains. La distribution n'est pas mauvaise. Les grandes stars ne sont pas au rendez-vous mais on a un duo d'acteurs plutôt intéressant pour des raisons différentes. George Hamilton a un physique : indéniablement une tête à prendre des baffes, un bellâtre au regard condescendant, à l'arrogance chevillée au faciès ; mi-playboy mi-précieux, Hamilton est de ces personnages qu'on situe difficilement et qui s'en trouvent plus fascinants encore. On ne peut pas dire qu'il tutoie les anges quand il joue, ses expressions se comptent sur les doigts d'une main, mais avec le peu qu'il a, il réussit à faire un boulot honorable.

Nous pourrions à peu de choses près tenir le même discours pour Lesley Ann Warren. Dire qu'elle est belle serait un peu exagéré, mais elle a du chien. Elle déborde de sensualité : ses regards, sa bouche, ses seins condamneraient à la damnation n'importe quel moine. Son jeu est tout aussi limité que celui de son acolyte ; cependant, même en incarnant les greluches un peu idiotes, il émane d'elle une sûreté, certes pas très sobre, mais somme toute d'une redoutable efficacité.

On retrouve dans cette enquête un élément des Columbo dont je raffole par-dessus tout : une superbe confrontation. Cet épisode-là est avant tout une magnifique passe d'armes à fleurets non mouchetés. En effet, le lieutenant affiche très vite son hostilité et ses réflexions sans fard à l'encontre de l'assassin joué par Hamilton. Cela débouche sur une excellente séquence sur le port où les deux protagonistes jouent cartes sur table et se mettent au défi. Somptueux, les dialogues se révèlent d'une puissance rare. Punchy !

Le ton de Peter Falk se fait de plus en plus agressif. C'est assez rare pour être signalé : le lieutenant se laisse un peu déborder, son humanité prend le dessus sur le professionnel, l'empathie l'emporte et il se montre exceptionnellement vindicatif.

Aussi est-il aisé de nourrir quelques regrets quand se déroule cette opération alambiquée dans le final : c'eut pu être un très grand épisode.

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Crédits photo : Universal Pictures.

Images capturées par Sébastien Raymond.