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 saison 1 saison 3

Columbo

Saison 1

Pilote 1 (1968) : Inculpé de meurtre (Prescription : Murder)
Pilote 2 (1971) : Rançon pour un homme mort (Ransom for a Dead Man)


PILOTE 1 – COLUMBO : INCULPÉ DE MEURTRE
(PRESCRIPTION : MURDER)



Critique :

Excellent premier pilote (la série en compte deux).

Amené sur un étonnant générique jazzy à la Mannix, encore bien ancré dans la culture télévisuelle américaine des années 60, les tonalités pleines de percussion font ensuite penser à la BO de Goldsmith pour La Planète des singes, tandis que les hululements électroniques donnent une teinte bizarrement science-fiction. Autant dire que l'accompagnement musical fait montre d'errements pour le moins perturbants parfois. C'est bien là le seul point un tant soit peu négatif du téléfilm ; et encore, certains y trouveront un certain charme.

Le scénario remplit le cahier des charges qui sera la marque de la série : le duel acharné entre l'inspecteur roublard, néanmoins sous-estimé, et l'ego surdimensionné du meurtrier à l'arrogance aveuglante.

La lente toile que tisse Columbo et qui finit par exaspérer l'assassin est si judicieusement agencée que c'est un plaisir considérable de suivre cette confrontation complexe, avec en point d'orgue un dénouement spectaculaire.

La réalisation, très marquée par son époque – dans la photographie (lumières, couleurs) mais aussi dans l'aspect général (décors, maquillage et costumes) – ne manque pas de style cependant. J'ai apprécié également la justesse des comédiens ; Gene Barry n'atteint pas des sommets mais joue de manière assez juste la fatuité de son personnage.

C'est la performance de Peter Falk et la tonalité particulièrement agressive de ce Columbo qui frappent surtout. Non pas du point de vue de l'acharnement qu'on lui connait tout le long de la série, mais plutôt cette abnégation virant à la violence (la scène où il tente de faire avouer la complice), ce harcèlement policier qui sera moins évident dans les téléfilms suivants.

Quoiqu'il en soit, c'est une entrée en matière punchy à souhait, et maîtrisant déjà les subtilités du personnage et de la confrontation intellectuelle, psychologique, et morale avec le meurtrier.

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PILOTE 2 – COLUMBO : RANÇON POUR UN HOMME MORT
(RANSOM FOR A DEAD MAN)

Critique :

Pour ce second pilote, les créateurs ont privilégié un tout autre type de confrontation entre le criminel et l'enquêteur. Il y a entre Columbo et les femmes criminelles une sorte de relation de séduction. Le scénario permet aux femmes de bien décrypter le jeu de dupes, parfaitement huilé, que met en branle le lieutenant, à savoir sa fausse gaucherie, ses questions à côté de la plaque, etc. Passer pour un imbécile afin de mieux percer le secret de son enquête, en somme. Et sur ce pilote, c'est bien de dévoiler d'entrée de jeu la mécanique Columbo qu'il s'agit de mettre en lumière, grâce à la relation privilégiée, encore dans un jeu du chat et de la souris, entre un Peter Falk bien plus porté à la comédie que dans le premier épisode, et une Lee Grant tout en finauderie.

Ce qui déplaît un peu plus est la relation conflictuelle, annexe, entre la criminelle et la fille de la victime, qui me paraît moins importante et quelque peu mal dégrossie, surtout avec le jeu problématique de Patricia Mattick (ado écervelée).

Si l'on se contente de la relation Falk/Grant, le téléfilm est assez satisfaisant.

Sur le plan cinématographique, si l'on peut dire pour un téléfilm, la mise en scène est assez conventionnelle mais plus alerte. Elle prend plus de risques pourtant que celle du premier pilote ; il y a des zooms, des travellings, un peu plus d'audace, mais c'est très loin d'être bluffant et innovateur comme dans d'autres morceaux de bravoure columbiens.

Et toujours cette base musicale étrange, très seventies, qui fleure bon les séries et téléfilms de cette époque-là.

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1. LE LIVRE TÉMOIN
(MURDER BY THE BOOK)

Critique :

Un des tous premiers Columbo. Signé par un Steven Spielberg qui réalise la même année son premier grand film, Duel.

Et difficile de retrouver la patte Spielberg : il est bien jeune encore et n'a pas trouvé son style, si ce n'est sur quelques bouts de pellicules : le tout début du film avec le claquement de la machine à écrire couplé à l'arrivée de la voiture de l'assassin, quelques plans encadrant les personnages dans les intérieurs ou qui les insèrent dans de grandioses décors extérieurs (L.A. ou lacs près de San Diego), l'usage de contre-plongées montrant l'arrogance du personnage joué par Jack Cassidy, etc.

Je ne sais si c'est à force de le regarder, mais le scénario de ce téléfilm semble perdre un peu de son éclat. Jack Cassidy est par moments un peu trop présomptueux pour être vrai. Son charisme et la portée de son meurtre (par conséquent de son élucidation par Columbo) s'en voient amoindris. D'une certaine façon, le téléfilm perd de son charme. Et Columbo reste un peu trop en dedans, ne s'affirmant et ne montrant les dents que sur les toutes dernières minutes. Le duel... n'a pas eu lieu ; ou alors de manière beaucoup trop subtile pour atteindre son objectif, celui de pimenter la résolution de l'énigme.

Pour cette raison, je m'abstiendrais de le mettre parmi les grands Columbo, malgré le nom du réalisateur.

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2. FAUX TÉMOIN
(DEATH LENDS A HAND)

Critique :

Un très bon Columbo, très riche, juteux, rassasiant.

Cet épisode n'est pas loin d'être parfait dans son genre. Je ne vois guère de grain de poussière dans la belle machinerie qu'on nous présente là.

L'histoire est très bien menée. Elle fait la part belle à une superbe confrontation. L'adversaire de Columbo est de belle stature. Sur le canevas habituel, il commence à éprouver un profond mépris pour la naïveté apparente de Columbo. Progressivement, la condescendance laisse place à la colère, l'irritation, pour finalement tenter la flagornerie, en vain. D'ailleurs à ce propos, c'est, me semble-t-il, un des rares épisodes où le criminel essaie de corrompre le lieutenant. D'habitude, c'est plutôt à une entreprise de séduction (souvent avec les femmes) ou bien à un duel continu que l'on a droit.

Robert Culp, en héritant d'un personnage aussi fourbe et calculateur, entre dans la série (il y reviendra le bougre !) avec gourmandise, et offre une performance somptueuse. On note également la première apparition de Ray Milland (lui aussi reviendra dans Dites-le avec des fleurs !) en mari de la victime. Décidément, un épisode qui plaît à tout le monde.

La réalisation s'essaie à quelques effets qui donnent une sorte de plus-value au téléfilm. Ça commence d'ailleurs de suite avec une superbe entrée en matière : des coups de feu dans le noir, avec un montage très vif entre la cible, le revolver, les coups de feu, et un personnage dans le noir. Ensuite, l'épisode demeurera très souvent dans une sorte de pénombre, que ce soit les entrevues de Falk et Culp dans son bureau, ou de Falk et le golfeur (Brett Halsey), ou bien encore le dénouement dans le garage. Ce parti pris ténébreux ajoute une esthétique "film noir" à l'intrigue. Et puis, dans les innovations, on pense aussi bien évidemment au meurtre lui-même, avec des ralentis et des inserts intéressants. Bien vu, bien fichu.

Bon scénario, bonne mise en scène, bons comédiens : que demande le peuple ?

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3. POIDS MORT
(DEAD WEIGHT)

Critique :

Un Columbo acceptable pour la prestation d'Eddie Albert. La jolie Suzanne Pleshette a eu droit (et je me demande bien pourquoi) à des plans flous sur la majeure partie du film. Bien étrange. Elle semble jolie. Mais pourquoi un tel acharnement à ne pas montrer ses traits de manière aussi nette que pour Falk et Albert ? Elle avait une peau si sale ? Elle n'a pas voulu coucher avec le chef opérateur ? Bon, passons, mais ce genre de petit trouble dans la manière de filmer, on le retrouve dans bien des plans. La mise en images n'est pas du tout affriolante et le mode "téléfilm" se fait ici assez souvent sentir. Par moments dans la série, cela peut avoir son charme. Ici, ça me perturbe.

En ce qui concerne le personnage Columbo, le scénario me paraît un peu plus grossier dans son approche. J'entends par là que la manière dont le lieutenant attaque bille en tête son suspect n'est pas d'une finesse habituelle. Et paradoxalement, les dialogues sont des plus savoureux. Exemple type de ce paradoxe déconcertant : la scène où le criminel revient au port après avoir foutu son cadavre à la mer, il tombe sur Columbo, en imperméable bien entendu, avec une pauvre canne à pêche à la main. L'astuce de Columbo est d'une lourdeur pitoyable, mais elle permet aux deux protagonistes d'entamer un superbe dialogue sur la pêche plein de sous-entendus sur le crime. Mais à bien y regarder, outre le final, cette scène constitue sans doute le seul élément de pur bonheur.

Une curiosité : un des mystères de la série est le prénom du lieutenant, que l'on n'entend jamais. Ici, un arrêt sur image sur sa carte de police permettra au téléspectateur de le connaître. Cela sera d'ailleurs confirmé lorsque l'on reverra la carte dans Une affaire d'honneur (saison 5). Cela n'explique toutefois pas le "Bob" de Symphonie en noir en saison suivante.

Pas grand-chose d'autre à se mettre sous la dent. Musique, image, et intrigue ordinaires.

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4. PLEIN CADRE
(SUITABLE FOR FRAMING)

Critique :

Il y a quelque chose qui me chiffonne dans ce Columbo. Je crois avoir une ou deux idées là-dessus. D'abord Ross Martin, comédien pour qui j'ai une sorte d'affection que j'ai envie de croire séculaire, de celles qui naissent au cœur de l'enfance quand on apprend à lire et à écrire, mais également à rêver devant ces images qui bougent, devant Les Mystères de l'Ouest par exemple. Ross Martin, pour moi, c'est d'abord Artemius Gordon, un personnage avec son sourire et sa malice, personnage gravé dans ma boîte crânienne aussi bien que dans mon ventricule gauche (le droit à James West). Aussi, quand je le vois dans Allo Brigade spéciale de Blake Edwards ou ici dans ce Columbo, dans lesquels il joue des criminels à la machoire serrée, au visage fermé, il doit se passer une sorte de rupture qui, inconsciemment, me fait rejeter le personnage et l'épisode. C'est totalement injuste car ce téléfilm a de nombreux éléments positifs à faire valoir et que Ross Martin est un très bon comédien, jouant ici un beau salopard manipulateur.

La production a misé sur le prestige de son casting. Outre Ross Martin dans le rôle principal, on retrouve avec délice Miss Brando dans Un tramway nommé Désir ou Zira, Miss Cornélius dans La Planète des singes, à savoir Kim Hunter, en petite écervelée, toute gaie, pimpante et insouciante. Elle et ses grands yeux ébaudis apportent une touche de fraîcheur à un scénario qui en manque par moments. J'aime beaucoup cette paire d'yeux (je l'ai d'abord découverte sous les traits de Zira). J'ai été enthousiaste lors du générique de découvrir Don Ameche, le facétieux et amoureux Henry Van Cleve dans Le Ciel peut attendre de Lubitsch. Malheureusement, son rôle est peu développé. D'ailleurs, le sien et celui de Kim Hunter apparaissent bien tardivement.

Dans cet épisode, j'ai bien aimé l'immersion un brin railleuse du scénario dans le monde des peintres. La scène où Columbo entre dans l'atelier d'un peintre pendant une séance avec une modèle déshabillée est très drôle. Falk joue parfaitement la gêne du lieutenant en constraste avec le naturel des autres personnages présents.

J'ai longtemps dédaigné ce téléfilm en raison de son dénouement que je trouvais tiré par les cheveux et peu astucieux. Or, la dernière "revoyure" m'a fait complètement changer d'opinion. Je l'ai trouvé percutant. Un joli uppercut à la face du criminel, imparable. Connaissant le final, j'ai savouré avec avidité la méthode Columbo, comment le lieutenant amène son coup de théâtre. Hé bien oui, habilement.

Un épisode habile malgré un crime initial au montage un peu trop grossier je trouve.

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5. ATTENTE
(LADY IN WAITING)

Critique :

Pépère. Sans grande aspérité sur laquelle accrocher son enthousiasme. Sauf peut-être la bonne mine sympathique de Leslie Nielsen qui fait montre là de sérieux et s'en tire élégamment.

Le personnage joué par Susan Clark ne renvoie pas très bien la balle. Elle est immature, fait preuve d'une intempérance qui prête un peu trop le flanc aux coups et à la sagacité de Columbo. Le match n'est pas équitable.

D'autre part, le dénouement n'a rien d'extraordinaire, il est connu dès le départ. Le crime est mal organisé. Peu de classe. Pas très bien écrit somme toute.

Amusants les petits rôles : comme Richard Anderson en victime, ou bien Jessie Royce Landis (la maman de Cary Grant dans La Mort aux trousses) dans son dernier rôle, elle mourra un an après.

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6. ACCIDENT
(SHORT FUSE)

Critique :

Très joli final. Bien orchestrée, cette grimpette dans les cîmes a même quelques airs hitchcockiens par instants.

J'ai beaucoup aimé l'accompagnement musical, osé, marqué par son époque, jazzy-pop-disco.

J'ai beaucoup aimé également le cabotinage de Roddy McDowall. Un rôle clé en main qui lui colle parfaitement à la peau.

J'ai aimé les rôles secondaires des miss Lupino et Francis, en nostalgique du noir pour l'une, de Forbidden planet pour l'autre.

Je n'ai pas aimé certains plans techniquement ridicules : au début, l'arrivée de McDowall est d'une laideur ! Mais Abroms se rattrape lors du meurtre et sur l'ensemble de l'enquête, fort heureusement.

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7. UNE VILLE FATALE
(BLUEPRINT FOR MURDER)

Critique :

Joli bonbon.

Sur un scénario original pour un Columbo – on ne suit pas le criminel dans l'intégralité de son action, et donc, on ne découvre la solution qu'à la toute fin – le téléfilm s'approche de la perfection sur les éléments fondateurs de la série.

D'abord, sa force provient bien souvent de la confrontation du criminel et du lieutenant. Ici encore les dialogues, pleins de sous-entendus, sont d'une ironie mordante. Le duel O'Neal/Falk est bien souvent savoureux, à fleurets non mouchetés pour le coup : les saillies sont indirectes mais non moins violentes. Pour que cet élément soit totalement efficace, il est évident que le casting est primordial. Et Patrick O'Neal, l'ersatz de Jimmy Stewart, donne une face aiguisée sous un regard bleu glace, dont l'arrogance réhausse la savante mécanique d'investigation du chasseur Columbo. À ce titre, le dénouement est prodigieusement spectaculaire, tellement bien pensé et tellement bien mis en scène.

Je note encore la très agréable musique d'Henry Mancini, la belle plastique d'une actrice peu connue, Pamela Austin. Et je me demande, à voir ce superbe bureau d'architecte et l'agencement des décors, si le succès de cette série de téléfilms n'est pas dû en grande partie à la présentation – propice au fantasme pour le public – de décors somptueux, d'environnements riches. Quoiqu'il en soit, je veux ce bureau !

Pour finir, Falk, ici aussi à la caméra, donne plus d'ampleur à son personnage en le mettant dans des situations comiques, non dépourvues d'incisives pointes à l'encontre de l'administration entre autres.

Un excellent Columbo.

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Crédits photo : Universal Pictures.

Images capturées par Sébastien Raymond.